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Histoire Recensions

La dynastie rouge

Broché: 446 pages
Editeur : PERRIN (16 octobre 2014)
Langue : Français
ISBN-10 : 2262040435
ISBN-13 : 978-2262040437
Dimensions : 21 x 3 x 14,1 cm

 La dynastie rouge

De 1945 à 2014, la Corée du Nord a offert le visage d’une dictature impitoyable, d’un pays fermé vivant dans le plus âpre totalitarisme. Avec la Corée de la dynastie Kim, nous ne sommes pas loin du 1984 d’Orwell : surveillance généralisée, déportation et exécutions des récalcitrants, culte de la personnalité, etc. Dans ce récit très documenté et bien enlevé, Pascal Dayez-Burgeon raconte autant l’histoire d’une dynastie que celle d’un pays. Il est vrai que les deux se confondent. Depuis l’avènement de Kim-il Sung – « le Glorieux Général descendu du ciel » (un des nombreux titres donnés à ce monarque rouge) -, la Corée du Nord se trouve corps et âme sous la coupe de la dynastie des Kim. Car c’est bien d’une dynastie qu’il s’agit, voire une monarchie. D’ailleurs, Kim-il Sung n’a jamais fait mystère de l’admiration qu’il éprouvait pour la monarchie britannique, gage de pérennité. Les oripeaux communistes ne cachent plus cette volonté d’un pouvoir désireux de se perpétuer. « Régie par une dynastie, explique l’auteur (p. 22), la République démocratique populaire de Corée est dorénavant une monarchie. » Dynastie ubuesque, pourrait-on ajouter, tant le culte de la personnalité, poussé au paroxysme, donne l’impression d’une grandiloquente guignolade. Guignolade hélas sanglante, n’ayant le plus souvent à offrir à ses compatriotes que répression et pénurie.

            La dynastie rouge relate d’abord la vie des personnages qui en tiennent les rênes. Corrompus et cruels, intelligents et cyniques, leur ressort ultime est de durer. C’est la raison pour laquelle, isolée sur la scène internationale, la Corée du Nord souffle alternativement le chaud et le froid, les Kim jouant habilement du chantage nucléaire. Si la dynastie tient, malgré les humiliations infligées au peuple et malgré une situation économique malheureuse, c’est aussi parce qu’elle a bénéficié d’une chance sans égale. Tout l’art des Kim a été et sera de jouer avec cette chance. A l’heure d’internet et du téléphone portable, il sera probablement de plus en plus difficile à cette « monarchie spectacle » de durer. Pour les dictateurs, il ne fait pas de doute que le meilleur moyen de conserver le pouvoir, c’est de demeurer implacable.

Un livre passionnant !

 

Pascal Dayez-Burgeon, La dynastie rouge, Perrin, 2014, 446 pages, 24 €

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Recensions

Dictionnaire Victor Hugo

Broché : 483 pages
Editeur : PERRIN (4 septembre 2014)
Langue : Français
ISBN-10 : 2262040923
ISBN-13 : 978-2262040925
Dimensions : 21 x 3,1 x 14 cm

 Dictionnaire Victor Hugo

Si Victor Hugo est certainement moins connu et célébré qu’il l’était il y a quelques décennies, il demeure un monument de la littérature française. Jean-Pierre Langellier a réalisé un travail de bénédictin qui consistait à lire ou à relire toute l’œuvre de l’immense poète et romancier qu’était Hugo et d’en tirer le meilleur. Bien sûr, tout Hugo est destiné à rester à la postérité ; il n’empêche que ce même tout ne se vaut pas. C’est donc des milliers de pages qu’a dû lire Jean-Pierre Langellier pour constituer ce dictionnaire. Quand on connaît la prolixité d’Hugo, on imagine sans peine le travail : lire, relire, annoter pour ne conserver que le meilleur. Hugo était un titan, un géant de l’écriture, le père prolifique qui a donné naissance à des dizaines de milliers de pages. Son ambition, sous ce rapport, était haute : « Voltaire, écrit Hugo à un ami, a résumé dans son œuvre le XVIII° siècle, je résumerai le XIX° . » Il ne faut pas s’étonner, dans ces conditions, de le voir traiter les sujets les plus divers. S’intéressant à tout, au passé comme au présent, se démenant contre un Second Empire qu’il ne peut supporter, il apparaît ici dans toute sa démesure. Cette boulimie qui lui joue des tours et lui fait commettre des impairs, le rendant insupportable à certains, mais faisant d’Hugo l’un des grands hommes du XIX° siècle. Plus qu’écrivain, il est compositeur, disloquant ici l’alexandrin, dynamitant là les règles de la strophe.

Les entrées choisies par Jean-Pierre Langellier sont classées en deux parts égales : les noms communs suivis des noms propres, le tout par ordre alphabétique. Dans la multitude des sujets qui l’ont passionnée, la religion revient souvent. Si Hugo est anticlérical, il déclare croire en Dieu à de nombreuses reprises. Sa foi n’est pas toujours orthodoxe et pauvre demeure sa théologie de l’incarnation. Reste quand même l’essentiel : « Une foi, écrit-il dans Les Misérables, c’est là pour l’homme le nécessaire. Malheur à qui ne croit rien ! »

 

Jean-Pierre Langellier, Dictionnaire Victor Hugo, Perrin, 2014, 496 pages, 24 €

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Histoire Recensions

1916

Broché : 376 pages
Editeur : PERRIN (23 octobre 2014)
Langue : Français
ISBN-10 : 2262030367
ISBN-13 : 978-2262030360
Dimensions : 21 x 2,9 x 14 cm

 1916

La plume vive et aiguisée de Jean-Yves Le Naour donne l’occasion de revisiter la Première Guerre Mondiale année par année. Ce 1916 est bien sûr le troisième volume d’une série qui, d’évidence, devrait en comporter cinq, à moins que l’historien ne décide de porter plus loin son regard, c’est-à-dire sur l’année 1919, celle des traités de paix, époque d’une importance capitale pour la compréhension du XX° siècle.

Facile et plaisant à lire, 1916 – L’enfer relate l’essentiel d’une année qui marque un certain statu quo, tant à l’Est qu’à l’Ouest. Jean-Yves Le Naour s’intéresse peu à la périphérie ; tout juste a-t-il quelques mots un peu dédaigneux à l’égard de l’épopée de Lawrence d’Arabie, lequel commence alors à rassembler une partie des tribus arabes pour chasser l’envahisseur turc. L’essentiel se passe à l’Ouest, l’année 1916 étant celle de Verdun et de la Somme, deux batailles gigantesques, une attaque allemande et la seconde alliée, qui n’auront d’autre résultat que de faire tuer un nombre considérable de soldats. En effet, malgré les pilonnages d’artillerie, il suffit de quelques hommes autour d’une mitrailleuse pour stopper les offensives les mieux préparées. Comme le rappellent les militaires les plus lucides : le feu tue. C’est la raison pour laquelle un Pétain se refuse à ces offensives aussi coûteuses qu’inutiles. Seule l’arrivée des Américains et des chars permettra d’opérer la guerre de mouvement, seule possibilité d’en finir avec l’enfer des tranchées.

Je l’ai dit, cette synthèse se lit plaisamment. Pourtant, elle ne réussit pas à éviter certains écueils. Pourquoi, par exemple, aussi peu de place à la bataille du Jutland, de loin la plus grande confrontation navale de la guerre ? Pourquoi peu de choses sur l’enfer, dans ce qu’il y a de plus concret, de plus terre à terre, vécu par le simple soldat, dans l’univers sordide et impitoyable des tranchées ? Il nous semble que l’auteur accorde trop d’importance aux manœuvres des coulisses, celles qui opposent entre eux des généraux jaloux et divisent les politiciens. S’il est vrai que l’Union Sacrée ne fut pas un long fleuve tranquille, il n’en reste pas moins qu’elle réussit à cimenter une nation qui, peu de temps avant 1914, ressemblait plus à un agrégat qu’à un corps uni.


Jean-Yves Le Naour, 1916. L’enfer, Perrin, 2014, 374 pages, 23 €

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Considérations sur Hitler

Broché: 214 pages
Editeur : PERRIN (2 octobre 2014)
Langue : Français
ISBN-10: 2262043817
ISBN-13: 978-2262043810
Dimensions : 21 x 1,8 x 14 cm

 Considérations sur Hitler

Les Editions Perrin ont eu l’excellente idée de publier ces Considérations sur Hitler, éditées la première fois en Allemagne en 1978. Militant antinazi, Sebastian Haffner a quitté le III° Reich pour se réfugier en Grande-Bretagne. C’est bien plus tard qu’il s’est décidé à écrire ces Considérations, un livre assez étrange en vérité car très éloigné des codes de la biographie classique. C’est un peu comme si l’auteur réfléchissait devant le lecteur à voix haute. Cela suppose de sa part une mise à distance appropriée ; par exemple, aucun désir de dresser un portrait psychologique du dictateur, labeur que l’auteur laisse aux historiens.

En sept chapitres (Vie – Réalisations – Succès – Erreurs – Fautes – Crimes – Trahison) écrits avec une grande liberté de ton, S. Haffner évoque les hauts et les bas, les réussites, les forfaits et les horreurs du régime enfanté par celui qui, au sortir de l’adolescence, était davantage promis à la carrière d’un médiocre peintre qu’à celle de dictateur. Haffner montre avec conviction les talents d’Hitler. On aurait tort de faire de ce dernier un médiocre si l’on considère que, parti de rien, il devient en quelques années le maître omnipotent du plus puissant pays d’Europe. Beaucoup ont sous-estimé Hitler et s’en sont mordus les doigts. Une fois au pouvoir, tout a semblé lui réussir. Comment ne pas être impressionné par le redressement économique qui, grâce à ses intuitions, parce qu’il savait s’entourer de gens compétents, a fait du III° Reich le géant de l’Europe ? Le problème, insiste Haffner, c’est qu’Hitler ne pouvait rester dans ce statu quo. Deux questions hantaient le personnage, deux questions qui devenaient chez lui de véritables obsessions : l’extermination des juifs et la domination de l’Est de l’Europe, la Russie en particulier. Ces points de fixation ont entraîné la chute de l’Allemagne. Pire, soutient Haffner, voyant lui échapper la domination sur l’Europe dès la fin 1942, Hitler se concentra sur le second but : la liquidation du peuple juif.

Au fond, insiste l’auteur dans sa conclusion – tel est l’objet du chapitre intitulé « Trahison » -, Hitler a eu du mépris pour le peuple allemand qu’il a tiré vers le gouffre. Il a été déçu par un peuple qui, à ses yeux, n’était pas prêt aux sacrifices colossaux que sa pensée mégalomaniaque imposait. Au cours des dix dernières années de sa vie, Hitler a méprisé ses compatriotes, « n’en recherchant plus le contact, devenant de plus en plus indifférent à leur sort et finalement retournant même contre eux sa volonté destructrice » (p.187). Une étude originale et éclairante.

 

Sebastian Haffner, Considérations sur Hitler, Perrin, 2014, 214 pages, 17.90 €

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Les batailles qui ont changé l’histoire

Broché: 395 pages
Editeur : PERRIN (11 septembre 2014)
Langue : Français
ISBN-10: 2262037582
ISBN-13: 978-2262037581
Dimensions : 24 x 3,2 x 15,5 cm

 Les batailles qui ont changé l’histoire

A la suite d’un John F. Charles Fuller (Les batailles décisives du monde occidental) ou d’un John Keegan (Anatomie de la bataille), Arnaud Blin a choisi de décortiquer onze batailles qui, à ses yeux, ont bouleversé le sens de l’histoire. Contrairement à ses illustres devanciers qui ont opéré un choix suivant une certaine logique, Arnaud Blin pense au contraire que la part du hasard est essentielle, qu’il n’y a pas lieu à chercher du sens là où il n’y en pas. Tout au plus peut-on dire qu’il a retenu des batailles revêtant un caractère incertain et aléatoire : il n’était en effet pas certain que l’Armée Rouge l’emporte sur l’Armée allemande à Stalingrad (1943) ni que les mamelouks battent les mongols à Ain-Jalut (1260). Les batailles exposées ici revêtent-elles toutes le caractère décisif que leur attribue l’auteur ? Oui et non. Pour importantes qu’ont été leurs conséquences, une bataille demeure, le plus souvent, l’affaire d’une journée. Le résultat d’un tel affrontement est généralement plus la conséquence que la cause d’une crise plus large. « Demain, dans la bataille, le roi portera la péché de son armée », fait dire Shakespeare à l’un des protagonistes de sa pièce Henri V. Ce que le dramaturge veut dire c’est qu’il y avait, bien avant l’affrontement, des causes générales qui faisaient que la bataille ne pouvait qu’être perdue. La défaite de la France en mai-juin 1940 se joue dès 1919. En ce sens, je ne crois guère qu’une bataille puisse, à elle seule, changer l’histoire. Quant au choix des batailles – j’y reviens ! -, il paraît plutôt judicieux. On aurait pu toutefois compléter la liste : Leipzig (1813) ou Waterloo (1815) se parent d’une dimension historique tout aussi importante que Borodino, seule bataille du Premier Empire à figurer ici. Plus près de nous, la bataille de Moscou (1941), au plan psychologique et symbolique, apparaît comme un tournant décisif de la Seconde Guerre mondiale, d’importance égale à celui de Stalingrad, la seule à être retenue dans le présent ouvrage.

Pour plaisant à lire qu’il soit, Les batailles… ont un côté un peu vain ; l’impression de la même histoire, racontée certes différemment, mais tous les ressorts semblent usés jusqu’à la corde.

Arnaud Blin, Les batailles qui ont changé l’histoire, Perrin, 2014, 395 pages, 23.90 €

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Les derniers jours de Louis XIV

Broché : 308 pages
Editeur : PERRIN (18 septembre 2014)
Collection : Pour l’histoire
Langue : Français
ISBN-10 : 2262043353
ISBN-13 : 978-2262043353
Dimensions : 20,9 x 2,7 x 14 cm

 Les derniers jours de Louis XIV

Grand roi, le Roi-Soleil fut à l’approche de la mort tel qu’il a été dans la vie : soucieux de sa dignité, s’élevant au-dessus des mesquineries du quotidien pour donner à sa fin toute la majesté souhaitée. Les derniers jours de Louis XIV sont ceux d’un grand chrétien. Certes, le roi avait la foi du charbonnier mais, après tout, cette foi, dont certains se gaussent, a ceci de particulier qu’elle est aussi bien l’apanage des puissants que des humbles. Louis XIV n’était pas un métaphysicien : il croyait comme beaucoup croyaient au XVII° siècle. Dieu était, voilà tout Humain, on se devait de l’honorer et de lui rendre grâce.

En de courts chapitres, Alexandre Maral raconte le dernier conseil, la dernière promenade, la dernière messe, le dernier adieu du roi… jusqu’aux funérailles. Chaque chapitre est l’occasion d’admirer la constance et le courage de Louis XIV face à la mort. Accablé par de nombreux deuils dans les dernières années de sa vie, le roi puise sa force dans sa foi. Devant le spectacle de son corps en putréfaction (la gangrène), c’est lui qui console familiers et courtisans. Alors, oui, même si l’on peut en vouloir au Roi-Soleil d’avoir trop aimé les bâtiments et la guerre, reproches que lui-même s’adressa, comment ne pas être admiratif devant une mort aussi digne ? Un roi aussi grand devait être grand dans la mort. Il laissait un pays fatigué, mais sublimé par une geste glorieuse, pour une part fondatrice de l’Etat moderne : « Je m’en vais, mais l’Etat demeurera toujours », éclatante et élégante manière de quitter le monde : le roi est mort mais l’Etat lui survit – « Le roi est mort. Vive le roi ! » Frappante également est cette sorte de publicité qui est donnée à ces derniers jours. Alors qu’aujourd’hui tout est fait pour dissimuler la maladie grave d’un chef de l’Etat, il s’agit ici, avec les moyens dont on dispose, de ne rien cacher. Le roi doit être dans ses derniers jours tel qu’il a été dans la vie : on ne cache rien de celui qui, par la naissance, s’élevait au-dessus du commun des mortels.

Si l’on peut regretter un certain manque de souffle dans le récit, il faut savoir gré à l’auteur de s’emparer d’un sujet plus actuel qu’il n’y paraît.

 

Alexandre Maral, Les derniers jours de Louis XIV, Perrin, 2014, 308 pages, 22.50 €

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Histoire de la guerre

Broché : 628 pages
Editeur : PERRIN (28 août 2014)
Langue : Français
ISBN-10 : 226203544X
ISBN-13 : 978-2262035440
Dimensions : 21,1 x 4 x 14,3 cm

 Histoire de la guerre

Décédé il y a deux ans, l’historien britannique John Keegan s’est illustré à la fin du siècle dernier comme l’un des meilleurs spécialistes mondiaux d’histoire militaire. On se souvient de son Anatomie de la bataille et de sa façon très originale de considérer l’affrontement d’une journée entre deux armées : une vue au raz du sol, celle du combattant noyé dans la masse, aveuglé par la fumée, assommé par un bruit assourdissant. Avec John Keegan, la narration des batailles d’Azincourt (1415), de Waterloo (1815) et de la Somme (1916) prend un aspect saisissant et particulièrement concret. Avec l’Histoire de la guerre, Keegan répète en grand la leçon tirée de l’Anatomie de la bataille. Une bataille, ce sont des hommes qui souffrent, éprouvent des sentiments confus et parfois contradictoires dans un climat de violence poussé au paroxysme. Si une certaine historiographie – par exemple celle liée à l’Ecole des Annales – a eu tendance à minimiser le rôle de la guerre dans l’histoire, Keegan replace cette dernière au centre. Comme le pensait Clauzewitz et d’autres après lui (Raymond Aron), la guerre accouche de l’histoire ; la meilleure preuve en est que la plupart des grandes civilisations sont nées de la guerre. Mais plutôt que de se livrer à une histoire chronologique, Keegan a choisi de faire reposer son récit sur les principales forces sur lesquelles repose l’art de la guerre : les fortifications, la logistique, l’invention du fer, l’utilisation de la poudre… Une connaissance encyclopédique du sujet était nécessaire pour aboutir à une pareille maîtrise. Une telle histoire ne donne lieu à aucune généralisation, la guerre s’inscrivant dans l’histoire humaine au même titre que l’économie ou les arts. Une conclusion s’impose : la guerre est liée à la culture, elle révèle les grandes tendances culturelles d’un peuple ou d’une civilisation, ce qu’a par exemple bien montré Victor D. Hanson avec son remarquable Carnage et culture. A noter que, contrairement à beaucoup d’historiens militaires anglais, John Keegan propose une histoire très universelle, pas du tout « britanno-centrée ». Preuve en sont les exemples qu’il tire de l’histoire des Hittites ou des Maoris… Rien n’est plus universel que la guerre.

John Keegan, Histoire de la guerre, Perrin, 2014, 628 pages, 26 €

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Histoire Recensions

Lettres de la Wehrmacht

Broché: 340 pages
Editeur : PERRIN (18 septembre 2014)
Langue : Français
ISBN-10: 2262043396
ISBN-13: 978-2262043391
Dimensions : 21,1 x 2,7 x 14 cm

 Lettres de la Wehrmacht

Le soldat en guerre écrit beaucoup. Ce fut le cas des soldats allemands durant la Seconde Guerre Mondiale. Il n’est pas inutile ici de rappeler que, dans ce domaine, les Allemands en ont remontré aux autres nations belligérantes. En effet, malgré les défaites et la débâcle des derniers mois de la guerre, le service postal s’est toujours poursuivi : il en allait du maintien moral du soldat, élément capital dans tout conflit.

C’est à Berlin qu’une jeune chercheuse française, Marie Moutier, a exhumé, parmi 16 000 lettres, la centaine de lettres présentée dans ce volume.

Contrairement aux Lettres de Stalingrad écrites par les condamnés à mort qu’étaient les landser pris au piège par l’Armée Rouge – et qui ne peuvent se lire sans une certaine émotion -, celles qui nous sont données à lire ici reflètent les situations les plus diverses. Beaucoup, par exemple, sont écrites par des soldats heureux d’être, dans les premières années du conflit, membres d’une armée ayant acquis une telle puissance. Présentées chronologiquement, des années heureuses (1939-1942) à l’effondrement final (1943-1945), ces lettres racontent la plupart des situations dans lesquelles se trouvait le soldat allemand : au repos à Paris, dans l’attente d’une offensive russe, à l’arrivée en Cyrénaïque avec Rommel, etc. Une fois l’ouvrage refermé, deux impressions dominent. D’une part, comme l’écrit l’historien britannique Timothy Snyder en préface, « ce recueil nous incite à penser cette guerre en des termes plus universels qu’il ne nous plairait ». De fait, le soldat allemand, qu’il soit vainqueur ou défait, ressemble à la plupart des soldats des autres nations engagées dans ce titanesque conflit. Mais, sans fard, cet ouvrage montre également la morgue et l’orgueil de soldats plus souvent contaminés qu’on ne le pense par le virus nazi. Les lettres écrites dans la France de juin et juillet 1940 sont l’occasion pour le feldgrau de traiter les Français de pleutres, membres d’une nation dégénérée. Polonais et Soviétiques sont traités de sous-hommes, peuples bons pour l’esclavage. Beaucoup de lettres donnent à penser que, loin de se désolidariser des crimes commis par la SS ou la Gestapo, beaucoup d’anonymes ne voyaient aucun mal à traiter les peuples conquis de l’Est par le fer et le feu. Ces Lettres de la Wehrmacht éclairent le conflit sous un angle original.

 

Présentées par Marie Moutier, Lettres de la Wehrmacht, Perrin, 2014, 338 pages, 22 €

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Biographies Recensions

Lawrence d’Arabie

Broché: 492 pages
Editeur : PERRIN (27 mars 2014)
Collection : Biographies
Langue : Français
ISBN-10: 2262040486
ISBN-13: 978-2262040482
Dimensions : 23,8 x 15,4 x 3,8 cm

 Lawrence d’Arabie

Il est assez normal qu’un personnage de légende comme Thomas Lawrence – alias Lawrence d’Arabie – soit régulièrement un objet d’étude. Celle que lui consacre Christian Destremau vaut la peine qu’on s’y arrête car elle constitue, à coup sûr, une référence en matière de biographie.

Ce qui frappe à travers la vie de ce paladin des temps modernes, c’est moins ses hauts faits d’armes sur un front somme toute secondaire qu’une vie pleine et vite consumée. Ce qui surprend, c’est moins l’aide qu’apporte Lawrence aux tribus arabes désireuses de s’affranchir de l’occupation turque que sa personnalité hors normes. Voyageur impénitent attiré par l’Orient et la civilisation arabe, c’est presque par hasard que Lawrence se retrouve à la tête de la rébellion arabe. Alors qu’il n’a pas encore trente ans, il se lance à corps perdu dans cette lutte colossale. Guerre aux effectifs modestes et qui n’aura qu’un impact limité sur le cours général du conflit, mais conflit titanesque pour ce jeune Irlandais devant, au milieu de guerriers arabes tantôt inconstants tantôt irascibles, faire preuve d’un réel talent de diplomate. C’est là, au milieu de guerriers pour qui il éprouve de l’admiration mais vis-à-vis desquels il conserve une certaine distance, que se forge la légende du grand Lawrence d’Arabie. Christian Destremau ne cache pas les coups de blues de Lawrence, la besogne à toujours recommencer, la difficulté d’entretenir des relations avec des bédouins jaloux et rancuniers, la chaleur accablante du désert, les voyages à dos de dromadaire… Et puis, comme tous les grands hommes, Lawrence a ses faiblesses et ses petitesses, mais elles n’affectent en rien l’admiration que le lecteur peut avoir à l’égard du météore qu’il fut.

Lawrence a mal vécu la fin de la guerre, estimant les Arabes trahis par les traités de paix des années 1919 et 1920. Il tente de sauver les meubles, de sauvegarder la libre fierté de ceux qui ont répondu à son appel. Après l’écriture de ses monumentales mémoires, Les sept piliers de la sagesse, un des sommets de la littérature mondiale, Lawrence s’engage dans la RAF. Souvent déprimé, il voulait vivre dans l’anonymat et échapper aux feux de la rampe.

L’auteur de ce beau Lawrence ne cache rien de la part d’ombre qui habite la vie d’un homme qui n’a pas eu toujours les mains propres. Ce souci d’honnêteté n’entrave en rien le sentiment d’admiration que l’on éprouve à l’égard d’une trajectoire aussi brillante que fulgurante.

 

Christian Destremau, Lawrence d’Arabie, Perrin, 2014, 492 pages, 24.50 €

 

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Biographies Recensions

Montgomery, l’artiste des batailles

Broché: 395 pages
Editeur : PERRIN (7 mai 2014)
Collection : Maîtres de Guerre
Langue : Français
ISBN-10: 2262040842
ISBN-13: 978-2262040840
Dimensions du produit: 21 x 15,8 x 3,4 cm

 Montgomery, l’artiste des batailles

Une très belle collection vient de voir le jour chez Perrin. Evidemment, pour l’apprécier à sa juste valeur, mieux vaut être entiché de l’histoire militaire. Après des volumes consacrés à Hitler, Staline, Patton et Von Manstein, la collection « Les maîtres de guerre » a confié à Antoine Capet, professeur de civilisation britannique à l’université de Rouen, la tâche de rédiger un ouvrage sur Montgomery, le célèbre maréchal britannique qui battit Rommel en Afrique du Nord et contribua à délivrer l’Europe de l’Ouest des griffes nazies. Autant dire que l’auteur réussit pleinement son pari. Il y est aidé par une superbe mise en page accompagnée de photos souvent inédites. Le texte d’Antoine Capet, toujours très vivant, introduit le lecteur au cœur de la stratégie mise en place pour mettre l’armée allemande à genou. L’auteur réussit à éviter l’écueil de la technicité pour mieux mettre en avant le talent et les fautes du maréchal britannique. Au rang de ses talents, la maîtrise de l’événement, la minutie, le souci des pertes humaines et la patience : « Il prépare minutieusement ses batailles, ne connaît pas la panique et ne perd jamais de vue sa stratégie d’ensemble […] ; il s’adapte facilement aux initiatives de l’ennemi et peut changer de tactique avec une rapidité déconcertante… » (p.271) Le talent de Monty ne l’empêche pas de connaître déconvenues et échecs, le plus notoire étant Arnhem, « le pont trop loin », en septembre 1944. Emporté par les succès précédents, Montgomery avait mal apprécié la surprenante capacité de l’armée allemande à se remettre de la défaite de Normandie. Comme beaucoup de grands hommes de cette époque, les défauts de Monty sont au moins aussi égaux que ses capacités : beaucoup d’orgueil, le sentiment d’avoir raison contre tout le monde, la difficulté à reconnaître ses torts… Les grands hommes ont souvent un caractère malcommode : Montgomery ne fait pas exception.

Ce Montgomery est donc un livre passionnant, un petit joyau au sein d’une collection prometteuse.

 

Antoine Capet, Montgomery, l’artiste des batailles, Perrin, 2014, 395 pages, 23 €