Une histoire du III° Reich
Il existe déjà tellement d’ouvrages consacrés au nazisme et au III° Reich que l’on se demande bien ce que peut apporter de nouveau le livre de François Delpla.
Une histoire du III° Reich et non L’histoire du III° Reich… Beaucoup est dit dans le choix de ce titre. Le but de l’auteur n’était pas d’écrire l’histoire exhaustive du III° Reich mais d’en donner une perspective différence de ce qui s’écrit généralement sur le sujet. L’arrivée d’Hitler au pouvoir, la constitution de l’Etat totalitaire, les luttes d’influence au sein de l’appareil nazi, l’administration des territoires occupés constituent les chapitres les plus marquants de l’ouvrage. Si l’on suit bien l’auteur, sa thèse est que le rôle d’Adolf Hitler apparaît absolument central. Il n’est pas le personnage médiocre dont une certaine historiographie a consacré l’image. Parti de rien, ce peintre amateur, lecteur boulimique et inachevé, politicien sans scrupules ayant forgé la plus implacable des idéologies, a réussi à mettre dans sa poche et à écraser sous sa botte des millions d’Européens. Si l’on considère ce seul résultat, l’ « exploit » n’est pas mince. Cette simple constatation ne doit en rien cacher le côté diabolique et impitoyable du régime. Comment le peuple allemand, sans doute le plus éduqué d’Europe à l’époque, s’est livré corps et âme à un tel dictateur demeure pour partie une énigme que l’ouvrage de F. Delpla s’emploie à éclairer ? Avec l’auteur, sans doute faut-il croire que « les Allemands ordinaires, dans leur majorité, s’étaient laissés prendre à la mise en scène hitlérienne, d’autant plus efficace qu’elle tirait parti d’une forme de sincérité et même d’ingénuité. » (p. 508) N’est-ce pas Rivarol qui disait que les peuples changeaient volontiers de maîtres, pensant trouver mieux ? Avec Hitler, le peuple allemand avait trouvé son mauvais génie.
Le livre de François Delpla n’est pas un livre facile. Il est davantage une analyse s’inscrivant dans la chronologie qu’une histoire classique ; il suppose donc une connaissance assez fine de la période. Cela dit, et en dépit de quelques maladresses au sujet des opérations militaires qui signent l’apogée de la chute du « Reich millénaire » voulu par Hitler, cette Histoire du III° Reich tient toutes ses promesses.
François Delpla, Une histoire du III° Reich, Perrin, 2014, 527 pages, 24.90 €
7 réponses sur « Une histoire du III° Reich »
en dépit de quelques maladresses au sujet des opérations militaires
pourriez-vous développer ce point ?
j’adore m’instruire !
fd
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On ne saurait parler d’interactivité .
Permettez un conseil : si vous n’avez pas le temps de trier, faites-le a posteriori.
Monsieur,
Je ne peux vous le cacher, lorsque j’ai reçu votre ouvrage, je n’ai pas pu m’empêcher de penser : « Encore un livre sur le III° Reich! » Or, votre connaissance de l’Allemagne des années 30 fait de votre livre un ouvrage original et puissant. Lorsque l’on connaît le flot de livres écrits sur le sujet, il fallait le faire. Vos chapitres concernant par exemple l’installation du totalitarisme et la diversion espagnole m’ont paru remarquables.
Cela dit et pour faire bref, il m’a semblé que la période de guerre était traitée d’une façon moins aboutie. J’ai effectivement relevé ce que je pense être des erreurs.
Par exemple, page 433, il me semble hasardeux d’écrire que l’Allemagne mobilisait « depuis longtemps au maximum ses ressources humaines et matérielles ». Ce qui était vrai pour l’URSS dès 1941 ne l’a été que vers 1943 pour l’Allemagne.
Page 441. Je pense que les Allemands se rendent vite compte de leur échec patent à Koursk, indépendamment de leur connaissance du débarquement allié en Sicile.
Page 456. Effectivement, les Soviétiques attaquent dans d’autres secteurs (vous pensez certainement aux opérations Lvov-Sandomir et Kovel-Lublin). Se peut-il que Bagration n’ait été qu’une immense diversion, une opération géniale de Maskirovka alors que le véritable point d’application de l’offensive géante de l’Armée rouge était situé plus au sud (cf. Jean Lopez « Opération Bagration »).
Page 455 (haut). Vous passez trop rapidement sur l’opération Cobra. Est-ce la même Opération Cobra que ce que vous qualifiez d’encerclements dans la région de Mortain ?
Au final, cela fait peu de choses, mais encore une fois elles m’ont donné le sentiment que la période de la guerre était traitée d’une façon moins aboutie que l’avant-guerre.
Pierre C.
« Page 456. Effectivement, les Soviétiques attaquent dans d’autres secteurs (vous pensez certainement aux opérations Lvov-Sandomir et Kovel-Lublin). Se peut-il que Bagration n’ait été qu’une immense diversion, une opération géniale de Maskirovka alors que le véritable point d’application de l’offensive géante de l’Armée rouge était situé plus au sud (cf. Jean Lopez « Opération Bagration »).
Il me semble que Staline s’en tient au principe de faire progresser le front dans tous les secteurs le plus simultanément possible. Mais effectivement je n’ai pas approfondi ce point, qui ne concernait pas vraiment mon sujet.
Page 455 (haut). Vous passez trop rapidement sur l’opération Cobra. Est-ce la même Opération Cobra que ce que vous qualifiez d’encerclements dans la région de Mortain ? »
Un impératif de brièveté m’amène à traiter en un seul paragraphe de la défensive en Normandie, des V1 et des V2 ! Donc je résume à grands traits, sans erreur je crois.
La contre-attaque allemande de Mortain est postérieure à l’offensive américaine dite Cobra. Ce que je veux dire, c’est qu’elle est coûteuse mais favorise le repli des autres troupes.
Bonsoir et merci !
je regarde cela de plus près dans les jours qui viennent.
Je vais prendre les choses dans l’ordre et répondre d’abord sur la mobilisation des ressources allemandes.
D’une part je m’appuie sur les tableaux et autres données de la dernière synthèse concernant l’économie du Troisième Reich, celle d’Adam Tooze.
D’autre part, sur ma propre vision, étayée par 25 ans de recherches sur tel ou tel aspect de ce régime. La mobilisation maximale est sa spécialité, d’un bout à l’autre, compte tenu de la nécessité de tromper l’ennemi actuel ou futur en laissant entendre qu’il n’en est rien.
Conclusion : le discours confié à Goebbels le 18 février 43 (vous n’avez encore rien vu ! si vous voulez la guerre totale vous allez l’avoir) est un miroir aux alouettes et ce n’est pas parce qu’il a influencé peu ou prou un grand nombre d’historiens qu’il ne doit pas être regardé comme tel.
Au sujet de Koursk, je voulais simplement dire, et j’ai dit, que quand Hitler donna l’ordre de repli pour des raisons générales de répartition des forces entre les théâtres, certains généraux dont Manstein, mus par une vision locale, auraient voulu continuer. Je me fondais en particulier sur le livre récent de Nicolas Bernard (p. 416).