Catégories
Histoire Recensions

1918 : L’étrange victoire

Broché : 416 pages
Editeur : Perrin (27 octobre 2016)
Langue : Français
ISBN-10 : 2262030383
ISBN-13 : 978-2262030384
Dimensions : 14 x 3,4 x 21,1 cm

 1918

Le 5ème et dernier volume de la série consacrée par Jean-Yves Le Naour à la Première Guerre mondiale possède les qualités de ses prédécesseurs : sources sûres et variées, vue en surplomb des événements dans leur globalité, relativisation accordée aux faits militaires… Pourquoi l’auteur estime-t-il « étrange » la victoire de 1918 ? Principalement pour deux raisons. Militairement, l’année 1918 consacre le dernier effort du Reich pour emporter la décision à l’Ouest, une fois la paix signée avec les bolcheviks, laquelle permet de rameuter plusieurs dizaines de divisions en France. Une série d’offensives fait vaciller le front allié et, lors d’une seconde bataille de la Marne, les Allemands sont arrêtés à quelques dizaines de kilomètres de la capitale. Cette série de coups de boutoir aura pour effet la nomination, dans le camp de l’Entente, d’un commandant en chef de l’ensemble des armées alliées. Anglais, Américains et Français tombent d’accord sur le nom de Foch. Il faudra beaucoup de patience et de détermination à ce dernier pour mettre fin aux égoïsmes nationaux. Alors que le redressement allié s’opère à partir de juillet – et qui met fin une bonne fois pour toutes à la légende entretenue par les nazis du coup de poignard dans le dos -, chacun fourbit ses armes pour gagner la paix, Britanniques et Français voyant d’un œil fort différent la place de l’Allemagne dans le nouveau concert des nations. La capitulation déguisée dans l’armistice du 11 novembre était lourde d’ambiguïtés pour l’avenir. Comme l’écrit l’auteur : « Avec le recul, il était donc possible de se demander s’il n’aurait pas été plus habile de conclure la paix sur le sol de l’ennemi. » La paix signée en cette fin d’année 1918 était chargée des embarras dont les totalitarismes surent tirer argument pour mettre à bas la construction édifiée lors du Traité de Versailles. 1918 annonçait 1939.

 

Jean-Yves Le Naour, 1918. L’étrange victoire, Perrin, 2016, 410 pages, 23€

 

Catégories
Histoire Recensions

1916

Broché : 376 pages
Editeur : PERRIN (23 octobre 2014)
Langue : Français
ISBN-10 : 2262030367
ISBN-13 : 978-2262030360
Dimensions : 21 x 2,9 x 14 cm

 1916

La plume vive et aiguisée de Jean-Yves Le Naour donne l’occasion de revisiter la Première Guerre Mondiale année par année. Ce 1916 est bien sûr le troisième volume d’une série qui, d’évidence, devrait en comporter cinq, à moins que l’historien ne décide de porter plus loin son regard, c’est-à-dire sur l’année 1919, celle des traités de paix, époque d’une importance capitale pour la compréhension du XX° siècle.

Facile et plaisant à lire, 1916 – L’enfer relate l’essentiel d’une année qui marque un certain statu quo, tant à l’Est qu’à l’Ouest. Jean-Yves Le Naour s’intéresse peu à la périphérie ; tout juste a-t-il quelques mots un peu dédaigneux à l’égard de l’épopée de Lawrence d’Arabie, lequel commence alors à rassembler une partie des tribus arabes pour chasser l’envahisseur turc. L’essentiel se passe à l’Ouest, l’année 1916 étant celle de Verdun et de la Somme, deux batailles gigantesques, une attaque allemande et la seconde alliée, qui n’auront d’autre résultat que de faire tuer un nombre considérable de soldats. En effet, malgré les pilonnages d’artillerie, il suffit de quelques hommes autour d’une mitrailleuse pour stopper les offensives les mieux préparées. Comme le rappellent les militaires les plus lucides : le feu tue. C’est la raison pour laquelle un Pétain se refuse à ces offensives aussi coûteuses qu’inutiles. Seule l’arrivée des Américains et des chars permettra d’opérer la guerre de mouvement, seule possibilité d’en finir avec l’enfer des tranchées.

Je l’ai dit, cette synthèse se lit plaisamment. Pourtant, elle ne réussit pas à éviter certains écueils. Pourquoi, par exemple, aussi peu de place à la bataille du Jutland, de loin la plus grande confrontation navale de la guerre ? Pourquoi peu de choses sur l’enfer, dans ce qu’il y a de plus concret, de plus terre à terre, vécu par le simple soldat, dans l’univers sordide et impitoyable des tranchées ? Il nous semble que l’auteur accorde trop d’importance aux manœuvres des coulisses, celles qui opposent entre eux des généraux jaloux et divisent les politiciens. S’il est vrai que l’Union Sacrée ne fut pas un long fleuve tranquille, il n’en reste pas moins qu’elle réussit à cimenter une nation qui, peu de temps avant 1914, ressemblait plus à un agrégat qu’à un corps uni.


Jean-Yves Le Naour, 1916. L’enfer, Perrin, 2014, 374 pages, 23 €

Catégories
Histoire Recensions

1915 : L’enlisement

Broché: 388 pages
Editeur : Librairie Académique Perrin (17 octobre 2013)
Langue : Français
ISBN-10: 2262030359
ISBN-13: 978-2262030353
Dimensions : 21 x 14,2 x 3,6 cm

 1915 : L’enlisement

Des cinq années que couvre la Première Guerre mondiale, l’année 1915 est probablement la moins connue. 1914, c’est la bataille de la Marne ; 1916, Verdun ; 1917, le Chemin de Dames ; 1918, l’année de la victoire. Dans l’imaginaire collectif, la deuxième année de la guerre ne fait référence à aucun épisode majeur, comme si le front s’était totalement figé dans la boue des tranchées. Comme le sous-titre de l’ouvrage l’indique, si 1915 est synonyme d’enlisement, ce n’est pas que rien ne se soit passé ; au contraire, le Front de l’Ouest a connu deux offensives françaises majeures, en Artois et en Champagne. L’Etat-Major n’envisage qu’une guerre courte. Il faut donc forcer la décision. Celle-ci se fera par des poussées partielles sur telle ou telle partie du front et par des offensives de grand style. Dans l’esprit de Joffre, le généralissime des Armées françaises, cette stratégie vise à grignoter l’ennemi, lui infliger des pertes telles qu’il se résolve à la paix. N’étaient justement ces pertes, on pourrait rire de ces manœuvres de gribouille qui affaiblissaient infiniment plus l’attaquant que le défenseur. Face aux mitrailleuses allemande, le sacrifice de l’infanterie française fut totalement vain : plus de 300 000 morts pour récupérer quelques kilomètres carrés, gain dérisoire au regard des pertes. Ces échecs attestaient la faillite d’états-majors ineptes parce qu’adeptes d’offensives à outrance tournant toujours à la boucherie. Dès lors, on ne pouvait plus l’ignorer : la guerre allait durer.

Servi par un remarquable esprit de synthèse, Jean-Yves Le Naour décrit tous les aspects d’un temps indissociable de la guerre : la vie aux armées et à l’arrière, le jeu politique, les luttes de faction entre militaires, la mutation industrielle, la guerre à l’Est et en Orient… Dans cette vaste fresque, l’auteur pointe particulièrement la médiocrité de généraux – Joffre le tout premier – qui ne comprennent pas que le courage ne vaut rien face à la mitraille. Le malheur est que les militaires imposent leurs vues criminelles à une classe politique atone de laquelle se sont retranchés les plus lucides comme Clemenceau. Quant à l’Union Sacrée, Jean-Yves Le Naour la décrit davantage comme un pis-aller que comme un choix mûrement accompli et ardemment désiré.

Couvrant tous les aspects du conflit, 1915 éclaire de façon convaincante une année triste et méconnue.

 
Jean-Yves Le Naour, 1915, L’enlisement, Perrin, 2013, 388 pages, 23 €