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Histoire Recensions

Histoire du terrorisme

Broché: 488 pages
Editeur : PERRIN (20 mars 2014)
Collection : Synthèses Historiques
Langue : Français
ISBN-10: 2262033463
ISBN-13: 978-2262033460
Dimensions : 24 x 15,4 x 3,8 cm

 Histoire du terrorisme

Gilles Ferragu a pris l’heureuse initiative de s’attaquer à un sujet qui, s’il est on ne peut plus actuel, n’a que rarement fait l’objet d’une étude historique. Cette Histoire du terrorisme ne commence pas avec les tyrannicides propres au XVI° siècle (assassinat des rois Henri III et Henri IV par Jacques Clément et Ravaillac), mais trois siècles plus tard. Pourquoi ? Parce que, comme le précise l’auteur, « le XIX° siècle invente le terrorisme dans son acception la plus courante, à savoir la violence dirigée contre l’Etat à travers l’un de ses représentants » (p. 17) La terreur d’Etat propre aux excès révolutionnaires étant passée sous silence, ce n’est véritablement qu’avec l’assassinat du duc de Berry par Louvel en 1820 que débute la narration. L’histoire du terrorisme en cette époque est intimement liée à celle de l’Europe. Sociétés secrètes comme les carbonari en Italie, anarchistes à la Ravachol et révolutionnaires russes (voir le portrait qu’en fait Dostoïevski dans Les Démons), dressent un inquiétant panorama d’une civilisation en transformation profonde. Problème sociaux, territoriaux, économiques et ethniques augurent mal du XX° siècle : le signal de la Grande Guerre est tiré par un affidé de la Main noire, organisation terroriste serbe refusant la souveraineté de l’Autriche-Hongrie sur une partie des Balkans. Avec les totalitarismes brun et rouge des années 1920-1950 naît une autre forme de terrorisme, celui d’Etat.

On ne sera pas surpris d’apprendre que l’essentiel de l’ouvrage est consacré au terrorisme de la fin du siècle dernier. L’auteur en dresse le vaste panorama, qui va du terrorisme islamiste à l’ETA basque, à l’IRA irlandaise en passant par Action Direct en France ou les Brigades rouges en Italie. Assassinats ciblés, extorsions de fonds, kidnappings… se basent sur des revendications qui tournent vite à la paranoïa. A travers de nombreux exemples, Gilles Ferragu dresse le portrait en creux du terroriste : un asocial, homme d’un seul combat, érigeant en absolu le détournement des lois communes.

Cette Histoire du terrorisme constitue une bonne approche des conflits contemporains, asymétriques quant aux moyens confrontés, irrationnels quant aux motivations de leurs principaux acteurs.

 

Gilles Ferragu, Histoire du terrorisme, Perrin, 2014, 488 pages, 23.50 €

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Histoire Recensions

L’Algérie de Pétain

Broché: 456 pages
Editeur : PERRIN (17 avril 2014)
Collection : Synthèses Historiques
Langue : Français
ISBN-10: 2262033374
ISBN-13: 978-2262033378
Dimensions : 24 x 15,4 x 3,8 cm

 L’Algérie de Pétain

La fameuse Grande Histoire des Français sous l’Occupation, œuvre colossale de Henri Amouroux, a désormais un prolongement de qualité avec L’Algérie de Pétain. Les Algériens ont la parole (1939-1942). Il faut remercier Pierre Darmon, déjà auteur d’une histoire de l’Algérie coloniale, d’avoir osé s’atteler à un sujet aussi peu étudié. Evacuons d’emblée la petite insuffisance dont souffre l’ouvrage, à savoir le peu de place accordé à la vie quotidienne dans l’Algérie de cette époque. S’étant focalisé sur la vie politique dans l’Algérie de Pétain, Pierre Darmon minimise cet aspect crucial : on s’arrange d’autant mieux d’un pouvoir politique qu’il pourvoit à votre alimentation et à votre habillement, ce qui était loin d’être le cas dans l’Algérie des années 1939 – 1942. A l’aide de témoignages et d’articles de presse, fort d’avoir ingurgité une grosse quantité d’ouvrages relatifs à la période et au Maghreb, Pierre Darmon parvient à donner un tableau saisissant de la façon dont les diverses communautés (française, juive, musulmane, espagnole…) appréhendent le conflit mondial. Il est frappant de voir par exemple combien les populations musulmanes sont ébranlées dans leur confiance à la France devant la force déployée par les armées allemandes. Autre thème dont on ne peut faire l’économie : nombre de Français d’Algérie et de musulmans se retrouvent sur le thème de l’antisémitisme. Enfin, l’armistice de 1940 donne des idées à une élite musulmane éduquée désireuse d’émancipation : après tout, la puissance occupante ne vient-elle pas de montrer sa fragilité lors de l’éclatante défaite du printemps 40 ? L’auteur consacre de nombreux chapitres au pétainisme dont font preuve beaucoup d’Algériens, Français et musulmans. Le prestige de Pétain ressemble au roc pendant la tempête. Cependant, dès les premières fêlures les abandons vont se précipiter. Les défaites allemandes (Stalingrad, El-Alamein) rebattent les cartes. Si beaucoup de Français se découvrent résistants, nombreux sont les musulmans à céder aux sirènes anti-coloniales. Le débarquement des Américains en Algérie fin 42 (Opération Torch) constitue un signe fort des prochains abandons vécus par ces puissances aux prestigieux passé colonial que sont la France et l’Angleterre. Ils sont nombreux, en Afrique et en Asie, à faire de Roosevelt un des champions de la cause anti-coloniale.

L’Algérie de Pétain traite de façon solide un sujet rarement étudié. Sachons en savoir gré à son auteur.

 

Pierre Darmon, L’Algérie de Pétain, Perrin, 2014, 522 pages, 25 €

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Histoire Recensions

La guerre au XX° siècle

Broché: 453 pages
Editeur : Perrin (30 janvier 2014)
Langue : Français
ISBN-13: 978-2-262-03656-0
Dimensions : 14,2 × 21,2 x 3,2 cm

  La guerre au XX° siècle

Auteur de nombreux livres relatifs à l’histoire militaire au XX° siècle, Pierre Vallaud nous entraîne cette fois dans l’histoire de la guerre au XX° siècle. Ou plutôt faudrait-il écrire : L’histoire des guerres au XX° siècle. En effet, le titre suggère une étude de l’évolution des doctrines et des pratiques de la guerre au siècle dernier et non pas, comme c’est le cas, une histoire des conflits, de la Première guerre mondiale à la chute du Mur de Berlin. Cette précision faite, on retiendra que ce livre, plaisant et facile à lire, constitue une bonne introduction à l’histoire du XX° siècle à travers les multiples guerres qui l’ont scandé. L’auteur a réussi son pari qui était de donner l’essentiel en peu de pages. Par contre, s’il paraît utile au néophyte, le lecteur averti courra la crainte d’être déçu par un panorama dont la vastitude nuit à la précision. Sans entrer dans le détail, disons par exemple que la guerre à l’Est, au cours de la Seconde guerre mondiale, est traitée de façon très cavalière. D’emblée, des erreurs factuelles empêchent de comprendre la singularité du conflit. Il n’est pas vrai, par exemple, de dire que « l’Allemagne affiche une insolente supériorité matérielle » (p. 210). Au contraire, le III° Reich prend des risques fous en envahissant l’Union Soviétique le 22 juin 1941. Cette attaque du fort au fort est mal pensée au plan stratégique. Hitler aurait-il osé attaquer l’ours russe s’il avait su que l’attendaient pas moins de 200 divisions, 10 000 chars et 15 000 avions… bref une armée à la doctrine archaïque mais pléthorique et offrant d’énormes capacités de résilience ? Autre exemple : l’Opération Bagration (fin juin 1944), qui constitue la plus gigantesque défaite militaire allemande au cours du siècle, est traitée en quelques paragraphes au contenu approximatif… moins de place que n’en prend par exemple la campagne des Alliés en Italie de 1943 et 1944. Au regard du titre, l’essentiel aurait été, nous semble-t-il, de dire la spécificité des conflits parcourant le siècle : une guerre totale, s’en prenant aussi bien aux civils qu’aux soldats, une guerre de doctrine dans laquelle le nombre et la qualité technique des armes prévalent sur le courage des combattants.

Le lecteur intéressé par le sujet aura intérêt à compléter sa lecture par d’autres études. Sans être exhaustif, citons des auteurs comme Antony Beevor, Alistair Horne, David Glantz, côté anglo-saxon, Jean Lopez côté francophone.

 

Pierre Vallaud, La guerre au XX° siècle, Perrin, 2014, 453 pages, 24 €

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Recensions

Les hommes de l’ombre

Broché: 420 pages
Editeur : PERRIN (6 mars 2014)
Langue : Français
ISBN-10: 226203754X
ISBN-13: 978-2262037543
Dimensions : 23,8 x 15,4 x 3,8 cm

 Les hommes de l’ombre

Avec ce nouvel ouvrage, François Dosse marque de son empreinte l’histoire intellectuelle de la France contemporaine. Il revient sur les parcours de grands éditeurs français dont il dresse des portraits éclairants. Parmi ces grandes figures on trouve René Julliard et Robert Laffont, fondateurs des maisons éponymes, Claude Durand, pilier des Editions Fayard comme Paul Flamand le fut pour Le Seuil. A côté de ces illustres noms on en trouve d’autres, moins célèbres sans doute, mais qui firent beaucoup pour la promotion du livre, par exemple Françoise Verny et Charles Orengo. Beaucoup de grands noms de l’édition nous ont quittés et c’est à peine si l’on connaît leurs successeurs. A cette perte il y a plusieurs raisons : l’affaiblissement de la véritable culture – par exemple, rien après Apostrophe et Bouillon de culture !-, la chute des ventes, l’effacement de la littérature et du papier devant les écrans et les nouvelles technologies… L’engouement du public se porte davantage sur l’élection de Miss France que sur la dernière rentrée littéraire. Il existe d’autres causes à ce brouillage, internes cette fois-ci : la masse des livres publiés n’aide pas le public à faire des choix. Les impératifs économiques commandent : on publie beaucoup, de crainte de laisser passer le best seller.

Si ces éditeurs se sont faits les noms que l’on sait, leurs qualités y sont pour beaucoup. Bourreaux de travail, passionnés de lecture, cultivés en diable, leur apostolat reposait bien plus sur la volonté de faire découvrir un auteur que de pousser les ventes. L’édition, c’est beaucoup de travail et des revenus modestes. L’essentiel, c’est l’amour d’un métier qui ressort d’une vraie vocation, avec ses peines et ses joies. Ce n’est pas rien d’être persuadé que l’on signe avec le futur Proust ou l’émule de Mauriac. Mais il y a plus ! Ces éditeurs, dont François Dosse dresse consciencieusement le portrait, ont pu jouer un rôle encore plus grand, surtout à la belle époque des sciences humaines (1960 à 1990). Il n’y a qu’à se souvenir du rôle joué par Claude Durand, quand il était au Seuil, dans la publication en Occident de L’Archipel du Goulag, sacré coup de pied de l’âne dans le flanc du totalitarisme communiste.

Au final, un livre dense, passionné et passionnant.

 

François Dosse, Les hommes de l’ombre, Perrin, 2014, 419 pages, 25 €

 

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Biographies Recensions

Gorbatchev

Broché: 462 pages
Editeur : PERRIN (6 mars 2014)
Langue : Français
ISBN-10: 2262031436
ISBN-13: 978-2262031435
Dimensions : 23,4 x 15,2 x 3,4 cm

 Gorbatchev

Le temps passe si vite et les événements se bousculent à une allure telle que l’on a parfois l’impression que ce qu’a connu l’Union soviétique de 1985 à 1991 est allé tout droit dans les poubelles de l’Histoire.

La carrière de Mikhaïl Gorbatchev ressemble à celle des apparatchiks de l’ancienne URSS. Elle prend un envol décisif en 1985 lorsqu’il devient secrétaire général du Parti communiste de l’Union soviétique (PCUS). Gorbatchev prend vite la mesure des maux qui accablent le pays : économie à la dérive, irresponsabilité, corruption, etc. Les réformes qu’il lance dans le cadre de la perestroïka ont pour but de faire entrer l’Urss dans le troisième millénaire. Hélas pour lui, s’il est vite populaire à l’Ouest, notamment à cause de la chute du Mur de Berlin, ses mesures de politique interne accumulent les déboires : abandon de puissance, chute de la production, anarchie, freins bureaucratiques… Comment réformer à la va-vite un pays qui a connu soixante-dix ans de glaciation ? Pour ambitieuses qu’elles étaient, les réformes promues par Gorbatchev ne pouvaient s’affranchir des pesanteurs léguées par un système à bout de souffle. Ce qu’en introduction Bernard Lecomte traduit ainsi : « Vouloir instiller un peu de transparence, de démocratie ou de liberté dans un système global dont la matrice était précisément la négation ‘révolutionnaire’ de ces trois valeurs ‘bourgeoises’, c’était en miner les fondements et le condamner à mort. » (p. 9) S’il n’a pas voulu mettre fin au système soviétique et au « socialisme réel » tels qu’ils ont été pratiqués en Europe de l’Est, les réformes promues par Mikhaïl Gorbatchev ont tellement dépassé leur initiateur et exécuteur qu’elles ont finir par exercer un effet dissolvant.

Sans jamais sacrifier à la rigueur du récit historique, Bernard Lecomte parvient à rendre proche et passionnante une histoire dont les conséquences demeurent très présentes. Un livre essentiel pour comprendre la façon dont l’ancienne Union Soviétique a donné naissance aux Etats de l’Europe de l’Est. Un changement primordial dans la course au monde multipolaire des temps qui s’ouvrent.

 

Bernard Lecomte, Gorbatchev, Perrin, 2014, 462 pages, 24 €

 

 

 

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Histoire Recensions

La Grande Guerre

Broché: 517 pages
Editeur : PERRIN (2 janvier 2014)
Langue : Français
ISBN-10: 2262033137
ISBN-13: 978-2262033132
Dimensions : 24 x 15,6 x 4,4 cm

 La Grande Guerre

Les célébrations du centenaire de la Première Guerre mondiale sont l’occasion d’une pluie d’ouvrages : synthèses, témoignages, lettres de combattants… Les titres nouveaux sont si nombreux que vouloir en donner une liste exhaustive ressort d’un combat perdu d’avance. Beaucoup de spécialistes ont ou vont donner leur histoire de la Grande Guerre. François Cochet, déjà auteur de nombreux ouvrages consacrés au sujet, fait partie des spécialistes qui ont décidé de mettre leur science au service du grand public. Autant dire qu’ici le pari est réussi. Aidé d’une plume alerte, l’auteur donne une synthèse passionnante, bâtie sur une chronologie régulièrement étayée par une fine analyse des événements. Un tel souci pédagogique ne peut s’expliquer que par la pleine possession du sujet.

Cette Grande Guerre est enrichie d’une vision originale du conflit. Les grandes batailles de la guerre – appelées ici les « hyperbatailles » comme Verdun et la Somme – ne sont pas analysées dans le détail. Si l’auteur avait voulu entrer dans les détails des opérations militaires, il aurait fallu un volume beaucoup plus gros. Les grandes lignes qu’il en donne sont éclairées par des aspects techniques sur lesquels les historiens sont généralement peu bavards. François Cochet explique par exemple que les combats rapprochés étaient extrêmement rares et que ceux que l’on a appelés les « nettoyeurs de tranchées » ont fait l’objet d’une mythologie pas vraiment en rapport avec la réalité historique. C’est le feu qui tuait, autrement dit l’artillerie et la mitrailleuse employées de façon massive. Autre originalité : l’auteur ne s’interdit pas de visiter l’historiographie. Le premier chapitre – Pourquoi la guerre ? – est à cet égard exemplaire lorsqu’il explique la vision donnée par de jeunes historiens sur les causes du conflit. Ces dernières ont fait couler beaucoup d’encre tant les responsabilités paraissent partagées et diluées. Or, explique François Cochet, il est possible que « la Grande Guerre se situe dans la queue de comète des XVIII° et XIX° siècles, où bien des responsables politiques ont déclenché des guerres pour des raisons parfois futiles en estimant que les opinions publiques les suivraient. ». Cette Grande Guerre est vraiment ce que l’on fait de mieux dans le genre.

 

François Cochet, La Grande Guerre, Perrin, 2014, 517 pages, 25 €

 

 

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Histoire Recensions

Les vingt jours de Fontainebleau

Broché: 294 pages
Editeur : PERRIN (23 janvier 2014)
Langue : Français
ISBN-10: 2262039410
ISBN-13: 978-2262039417
Dimensions : 23,6 x 15,4 x 2,6 cm

 Les vingt jours de Fontainebleau

A la fin mars 1814 Napoléon, pris de court par des Alliés qui n’ont pas joué le jeu dans lequel il pensait les enferrer, gagne le château de Fontainebleau. Il va y rester jusqu’au 20 avril, date de son départ pour l’Ile d’Elbe. Que s’est-il passé entre temps ? Spécialiste de l’Empire et digne successeur de Jean Tulard, Thierry Lentz fait revivre jour après jour ce qui ressemble à une descente aux enfers pour celui qui, il y a peu, était encore le maître de l’Europe. Le vrai, c’est que, pour la première fois, Napoléon ne commande plus à son destin, il est à la merci des Alliés désireux d’abattre l’Empire et de restaurer la royauté. Ces Vingt jours de Fontainebleau ressemblent à un drame joué d’avance. Claquemuré dans son palais, Napoléon se trouve, pour la première fois de sa vie, à la merci des autres, en l’occurrence des puissances alliées qui occupent Paris, mais aussi de chefs militaires qui, ayant peur de tout perdre à la veille de la clôture de la tragédie, n’entendent pas se laisser dicteur leur conduite. Les maréchaux français tiennent à montrer que, pour respectueux qu’ils demeurent vis-à-vis de celui à qui ils doivent quasiment tout, ne sont pas prêts à tout sacrifier. L’épopée ne saurait se terminer dans un bain de sang. Certains, comme le maréchal Marmont, iront jusqu’à trahir pour sauvegarder leurs intérêts et ainsi complaire au nouveau régime. En fin d’ouvrage, l’auteur se lance dans un parallèle qui est loin d’être anachronique. Faisant la comparaison entre la fin de l’Empire napoléonien et celle du III° Reich, il tient à dire combien la conduite de l’Empereur a été sage. Jamais celui-ci n’a voulu entraîner son pays dans une sorte de Götterdämmerung, un crépuscule des dieux empli de massacres et de ruines ; « Le contexte social et politique autant que la personnalité de Napoléon, conclut l’auteur (p. 20), n’étaient pas compatibles avec un suicide collectif. » Le livre, au final, dit beaucoup de la personnalité de Napoléon, son inspirateur principal.             Servi par une science sûre, un rythme soutenu et l’utilisation des meilleures sources, l’ouvrage de Thierry Lentz fera certainement date et ce sera justice. Les pages de notes avec leur appareil critique sont d’ailleurs significatives de la valeur de l’ouvrage.   Thierry Lentz, Les vingt jours de Fontainebleau, Perrin, 2014, 294 pages, 23 €

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Histoire Recensions

La guerre Iran-Irak (1980-1988) : Première guerre du Golfe

Broché: 604 pages
Editeur : Librairie Académique Perrin (12 septembre 2013)
Langue : Français
ISBN-10: 2262041954
ISBN-13: 978-2262041953
Dimensions : 23,8 x 15,4 x 4,4 cm

 La guerre Iran-Irak (1980-1988) : Première guerre du Golfe

Dernière grande guerre du XX° siècle, la Première guerre du Golfe (1980-1988) a causé la mort d’environ 700 000 personnes, des soldats pour la plupart. Il était donc plus que bienvenu qu’un spécialiste s’empare de ce sujet. C’est désormais chose faite ! Pierre Razoux, déjà auteur d’un ouvrage remarquable consacré à l’Armée israélienne, éclaire ce conflit avec un luxe de détails assez impressionnant, surtout au plan militaire. A ce titre, cette guerre apparaît bien pour ce qu’elle fut, une guerre totale, une guerre du XX° siècle où chacun compte ses troupes : nombre de divisions, de chars, d’avions et de navires. Sommaire au début, la stratégie s’affine avec les années. L’armée irakienne, souvent sur la défensive, se professionnalise alors que l’iranienne, plus chichement dotée en armes, fait peser sur son ennemi un potentiel humain nettement supérieur. Dans cette lutte à mort il ne pouvait y avoir de vainqueur net et si l’Irak fut, à la fin, déclaré gagnant, il s’agissait d’une victoire à la Pyrrhus. L’auteur ne pouvait taire les conséquences économiques d’un conflit qui a pesé lourdement sur l’économie mondiale, sept ans après le brusque renchérissement du prix du pétrole décidé par l’OPEP. Autour d’une guerre totale l’auteur donne un livre s’intéressant à tous les aspects de cet affrontement. Il n’oublie pas de relater les affaires qui empoisonnèrent la vie démocratique en Occident comme l’affaire Gordji en France ou l’aide aux contras nicaraguayens tirée de la vente d’armes à l’Iran par des firmes américaines. L’argent n’ayant pas d’odeur, il est stupéfiant de voir combien un nombre impressionnant de pays, attiré par l’appât du gain, ont commercé à qui mieux mieux avec l’Iran et l’Irak qui n’étaient pas, c’est le moins qu’on puisse dire, des parangons de vertus.

Tout en donnant un luxe de détails, surtout s’agissant des armements utilisés, Pierre Razoux place ce conflit dans une perspective plus générale qui est la configuration du Proche et du Moyen-Orient, minés par les conflits nationaux et religieux. Pierre Razoux n’oublie pas, évidemment, de s’emparer des conséquences que le conflit a générées sur les économies régionales et l’économie mondiale, notamment en matière de prix pétrolier. Tout en convenant que l’ouvrage s’intéresse d’abord à l’aspect militaire du conflit, c’est probablement ce que l’on a fait de mieux en France à ce jour.

 

Pierre Razoux, La guerre Iran – Irak, Perrin, 2013, 604 pages, 27 €

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1915 : L’enlisement

Broché: 388 pages
Editeur : Librairie Académique Perrin (17 octobre 2013)
Langue : Français
ISBN-10: 2262030359
ISBN-13: 978-2262030353
Dimensions : 21 x 14,2 x 3,6 cm

 1915 : L’enlisement

Des cinq années que couvre la Première Guerre mondiale, l’année 1915 est probablement la moins connue. 1914, c’est la bataille de la Marne ; 1916, Verdun ; 1917, le Chemin de Dames ; 1918, l’année de la victoire. Dans l’imaginaire collectif, la deuxième année de la guerre ne fait référence à aucun épisode majeur, comme si le front s’était totalement figé dans la boue des tranchées. Comme le sous-titre de l’ouvrage l’indique, si 1915 est synonyme d’enlisement, ce n’est pas que rien ne se soit passé ; au contraire, le Front de l’Ouest a connu deux offensives françaises majeures, en Artois et en Champagne. L’Etat-Major n’envisage qu’une guerre courte. Il faut donc forcer la décision. Celle-ci se fera par des poussées partielles sur telle ou telle partie du front et par des offensives de grand style. Dans l’esprit de Joffre, le généralissime des Armées françaises, cette stratégie vise à grignoter l’ennemi, lui infliger des pertes telles qu’il se résolve à la paix. N’étaient justement ces pertes, on pourrait rire de ces manœuvres de gribouille qui affaiblissaient infiniment plus l’attaquant que le défenseur. Face aux mitrailleuses allemande, le sacrifice de l’infanterie française fut totalement vain : plus de 300 000 morts pour récupérer quelques kilomètres carrés, gain dérisoire au regard des pertes. Ces échecs attestaient la faillite d’états-majors ineptes parce qu’adeptes d’offensives à outrance tournant toujours à la boucherie. Dès lors, on ne pouvait plus l’ignorer : la guerre allait durer.

Servi par un remarquable esprit de synthèse, Jean-Yves Le Naour décrit tous les aspects d’un temps indissociable de la guerre : la vie aux armées et à l’arrière, le jeu politique, les luttes de faction entre militaires, la mutation industrielle, la guerre à l’Est et en Orient… Dans cette vaste fresque, l’auteur pointe particulièrement la médiocrité de généraux – Joffre le tout premier – qui ne comprennent pas que le courage ne vaut rien face à la mitraille. Le malheur est que les militaires imposent leurs vues criminelles à une classe politique atone de laquelle se sont retranchés les plus lucides comme Clemenceau. Quant à l’Union Sacrée, Jean-Yves Le Naour la décrit davantage comme un pis-aller que comme un choix mûrement accompli et ardemment désiré.

Couvrant tous les aspects du conflit, 1915 éclaire de façon convaincante une année triste et méconnue.

 
Jean-Yves Le Naour, 1915, L’enlisement, Perrin, 2013, 388 pages, 23 €

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Histoire Recensions

Joukov : L’homme qui a vaincu Hitler

Broché: 732 pages
Editeur : Librairie Académique Perrin (5 septembre 2013)
Langue : Français
ISBN-10: 2262039224
ISBN-13: 978-2262039226
Dimensions : 23,8 x 15,4 x 2,8 cm

 Joukov : L’homme qui a vaincu Hitler

Jean Lopez est à l’heure actuelle, en France, le spécialiste incontestable du front de l’Est, c’est-à-dire de l’implacable conflit qui opposa l’Allemagne hitlérienne à l’Urss de Staline. Féroce et impitoyable affrontement car c’est là, bien plus que sur les plages de Normandie, que s’est joué le sort de la guerre. Ce conflit géant qui a opposé des millions d’hommes et une masse colossale de matériel a constitué le théâtre d’opérations majeur du second conflit mondial. Car cette guerre fut vraiment terrible et dévastatrice : des millions de victimes, des destructions sans fin, une somme d’atrocités jamais dépassée au XX° siècle. C’est dans ce contexte apocalyptique que Georgi Joukov vit grandi son étoile. Rien ne prédisposait cet enfant de condition modeste et à la scolarité minimale de se voir confier les rênes de l’Armée Rouge, si ce n’est un amour de l’art guerrier vitaminé par un courage et une obstination de tous les instants. Au travers d’opérations militaires longuement disséquées, l’auteur ne nie pas les limites d’un homme orgueilleux et brutal. Néanmoins, il lui reconnaît les qualités qui lui ont permis de triompher d’adversaires multiples, et pas seulement l’Armée allemande. En effet, en plus d’avoir à mener des batailles contre cet adversaire redoutable qu’est la Wehrmacht, Joukov doit calculer avec la jalousie des autres grands chefs soviétiques et la duplicité d’un Staline qui n’hésite pas, afin de mieux assurer son pouvoir total, de faire jouer les rivalités.

La guerre à l’Est fut vraiment une guerre totale. Pas seulement par des batailles que l’expertise des auteurs décrit avec un grand luxe de précisions, mais aussi dans les rivalités qui déchiraient états-majors et chefs militaires. Avec un art consommé du « diviser pour régner », jusqu’au bout Staline a joué ses généraux les uns contre les autres. Il trouvait plaisir à les mettre en compétition car c’était, pensait-il, une assurance de poids contre le surgissement éventuel d’un nouveau Bonaparte, c’est-à-dire d’un soldat populaire suffisamment audacieux pour fomenter un coup d’Etat.

Pour apprécier pleinement le livre comme il convient, mieux vaut s’intéresser de près à l’histoire militaire. Ouvrage de passionné puisant aux meilleures sources, ce Joukov est ce que l’on fait de mieux en matière de biographie. Un somptueux et grandiose livre d’Histoire.

Jean Lopez & Lasha Otkhmezuri, Joukov, l’homme qui a vaincu Hitler, Perrin, 2013, 729 pages, 28 €