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Le bûcher des vaniteux 2

Broché: 336 pages
Editeur : ALBIN MICHEL (13 mars 2013)
Collection : ESSAIS DOC.
Langue : Français
ISBN-10: 2226245413
ISBN-13: 978-2226245410
Dimensions : 22,6 x 14,4 x 3,2 cm

 Le bûcher des vaniteux 2

Adeptes du politiquement correct, partisans d’un langage soporifique, incolore, inodore et sans saveur, tremblez ! Voici le mousquetaire Zemmour de retour avec le nouveau volume des rubriques qu’il distille deux fois par semaine sur les ondes d’une grande radio périphérique. Ce n’est peut-être pas de la grande littérature, mais c’est sacrément efficace. Il est vrai que faire passer des idées avec mordant requiert un style direct, un phrasé court… du punch quoi ! On ne fait pas de la grande radio avec un verbe ampoulé. Durant la Drôle de Guerre, Jean Giraudoux, écrivain de qualité s’il en est, s’y était cassé les dents : un bon littérateur peut être un piètre propagandiste ; on ne s’adresse pas au tout venant comme à une clique de gens cultivés et on ne fait pas passer des messages mordants quand on reste dans l’entre-soi. Eric Zemmour a bien compris la leçon. A chaque fois, un seul sujet et un sujet qui relève de l’actualité brûlante. Des phrases courtes, parfois sans verbe. Un style haché et tonique. Tout cela mis au service d’une pensée qui ne s’embarrasse pas du désir de faire plaisir à tout le monde. Rétif à la mondialisation, hostile à la technocratie européenne, consterné devant ce qu’il appelle la médiocrité du personnel politique, angoissé à l’idée de voir la France devenir un « agrégat de peuples désunis », hanté par le ravage du communautarisme, Zemmour frappe. Il cogne au grand plaisir des lecteurs. On sait aujourd’hui le résultat de ce travail de sape : Eric Zemmour est devenu un auteur réactionnaire en vue. S’il n’a pas le style empanaché de feu Léon Daudet, il n’en a pas non plus – Dieu merci ! – les outrances. Certains peuvent être agacés par le côté Cassandre du personnage, il n’empêche ! Alors que beaucoup de responsables politiques « ne voient le monde que par les lunettes de l’économique et du social », Zemmour considère le monde en exaltant le rôle de la politique, de la culture et de l’identité. « Serons-nous encore français demain ? » dénonce-t-il. Il vaut le coup, avec lui, de se poser la question.

Eric Zemmour, Le bûcher des vaniteux 2, Albin Michel, 2013, 357 pages, 20.90 €

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Vers la guérison et le renouveau : les abus sexuels sur des mineurs

Broché: 314 pages
Editeur : Cerf (7 février 2013)
Collection : HISTOIRE A VIF
Langue : Français
ISBN-10: 2204098876
ISBN-13: 978-2204098878
Dimensions : 21,4 x 13,4 x 2,4 cm

  Vers la guérison et le renouveau: les abus sexuels sur des mineurs

Si le titre ne veut pas dire grand-chose en lui-même, il suffit de lui accoler le sous-titre pour voir immédiatement de quoi il en retourne : « Les abus sexuels sur des mineurs ». Ce livre tombe à pic car il montre, si besoin était, la voie prise par l’Eglise pour mettre un terme à un scandale qui a mené la vie dure à sa réputation. Alors que la renonciation à sa charge par le pape Benoît XVI n’en finit pas d’étonner le monde, comment ne pas évoquer le travail de purification opéré par l’Eglise sous l’égide du Souverain Pontife ? Des scandales nombreux et innommables, aux Etats-Unis, en Irlande, en Autriche, etc. ont terni la crédibilité de l’Eglise. Le manque de discernement et de courage a coûté cher à de nombreux diocèses.

Beaucoup de prêtres et de religieux ont trahi leur vocation et l’exigence du Christ à respecter l’enfance et l’innocence. Sous l’accusation des victimes, des diocèses paient encore pour cette politique d’aveuglement Des prêtres ont été condamnés à de nombreuses années de prison. Pour mettre fin à ce scandale, le pape Benoît XVI a su frapper fort, de façon à purger l’Eglise de tous ces péchés contre la chair et l’esprit. Mais cela ne suffit pas. Comment prévenir de nouveaux scandales, éviter la récidive, aider les victimes et protéger d’eux-mêmes les coupables ? Le symposium qui s’est tenu à Rome il y a un an, à l’Université pontificale grégorienne, a réuni de nombreux représentants d’instances ecclésiales. Les objectifs étaient clairs : « donner la parole aux victimes, favoriser une culture de l’écoute des personnes, faire connaître ce qu’il est possible de faire pour protéger les personnes les plus vulnérables. » Les contributions collectées dans ce volume reprennent les interventions les plus marquantes de la rencontre romaine. Les questions abordées sont très diverses. Signalons, entre autre, la recherche de la vérité dans les cas d’abus sexuels (Mgr Scicluna), Internet et la pornographie (G. McGlone) ou le véritable coût de la crise (M. Bemi). Chacun des textes montre une liberté de ton dont on n’était pas toujours habitué. Une crise d’une telle gravité ne peut se régler dans les faux-semblants et les demi-mesures ; tout doit être dit, et franchement ! La liberté de ton dont usent les intervenants atteste que chacun a bien pris conscience que tout devait être fait afin de régler le problème en son cœur. Une opération salutaire.

Collectif, Vers la guérison et le renouveau : les abus sexuels sur des mineurs, Le Cerf, 2013, 320 pages, 20 €

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Ils ont tué l’histoire-géo

Broché: 143 pages
Editeur : François Bourin Editeur (22 août 2012)
Collection : EDUCATION
Langue : Français
ISBN-10: 2849413348
ISBN-13: 978-2849413340
Dimensions : 20,8 x 13 x 1,2 cm

 Ils ont tué l’histoire-géo

Le constat est accablant : l’histoire-géo a été, durant ces dernières décennies, dépecée, liquidée, anéantie. Rares sont les jours où l’on n’a pas l’occasion de constater les résultats de cette mise en pièces délibérée. Le constat est là, navrant, désolant : élèves et étudiants ignorant toute chronologie, politiciens méconnaissant presque tout du roman national, journalistes se réfugiant dans l’à peu près… Aurait-on voulu liquider l’enseignement de l’histoire-géo que l’on ne s’y serait pas pris autrement ! A force de compromis et de reculades, la matière est devenue un parent pauvre dans les horaires de collèges et lycées. La mise à l’encan de la culture générale, y compris dans les lieux d’excellence comme Sciences Politiques et la disparition provisoire de l’histoire-géo en terminale scientifique signalent la fin de tout un pan des humanités classiques. Agrégé d’histoire, ancien professeur, Laurent Wetzel fait la liste des errements et lâchetés qui ont signé la mort de l’histoire-géo. Il rappelle le concours d’agrégation d’histoire de 2011 où, à la barbe des inspecteurs de l’Education Nationale, les candidats ont été amenés à commenter un faux document. Une telle erreur, impossible autrefois, a tendance à devenir monnaie courante, ce qui tend à prouver qu’il n’y a pas que chez les collégiens, lycéens et étudiants que le niveau baisse.

Laurent Wetzel ne nous épargne rien : ni ces manuels truffés d’erreurs, ni ces propos de tel ou tel responsable politique étalant niaisement son inculture, non plus que le jargon pitoyable des soi-disant experts accrédités par l’Education Nationale, pédagogues de tous poils qui s’ingénient depuis des décennies à détruire le legs du passé. Après cela, faut-il s’étonner de constater qu’un élève de terminale en sache moins qu’un enfant de 12 ans passant autrefois son certificat d’études ? Malgré ce constat déprimant, on aimerait alléguer, à l’endroit des responsables, des circonstances atténuantes comme l’hétérogénéité des classes. Il n’en est hélas rien. Aussi le constat de l’auteur est-il sans appel : « Cette destruction est le résultat de toutes les politiques et de toutes les réformes menées par tous les gouvernements depuis la fin des années 1960. » On bassine les Français à longueur de journée sur la nécessité de la citoyenneté, mais si on ne leur donne plus ce bagage minimal dont fait partie l’histoire-géo, alors c’est sûr, ils auront de plus en plus de mal à se sentir citoyens.

Laurent Wetzel, Ils ont tué l’histoire-géo, François Bourin Editeur, 2012, 147 pages, 18 €

 

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La mort en cendres : La crémation aujourd’hui que faut-il en penser ?

Broché: 208 pages
Editeur : Cerf (4 octobre 2012)
Collection : L’histoire à vif
Langue : Français
ISBN-10: 2204095990
ISBN-13: 978-2204095990
Dimensions : 19,4 x 13,6 x 2 cm

 La mort en cendres

Une révolution s’opère silencieusement sous nos yeux : pour leurs obsèques, 30 % des Français préfèrent la crémation à l’inhumation. Quand on leur demande la raison de leur choix, dans une grande majorité ils disent vouloir ne pas être à la charge de leurs enfants.

Si l’on regarde bien, choisir la crémation, c’est mourir deux fois : à la violence de la mort s’ajoute celle de la disparition du corps en cendres. Dans un monde où le corps est érigé en icône, voilà qui interroge. Comment comprendre : la même personne qui, de son vivant, voulait mordicus un corps parfait opte, à sa mort, pour une destruction radicale ? Damien Le Guay s’interroge : « J’ai tenté, explique-t-il, de comprendre les enjeux de la crémation, qui la dépassent, l’englobent, s’y trouvent logés sans que les partisans de la crémation s’en rendent souvent bien compte. » (p. 186). Depuis des temps immémoriaux la crémation est en vigueur dans d’autres civilisations, en Inde par exemple, mais les motifs y sont puissamment religieux alors qu’en Europe elle s’inscrit dans le cadre d’une incroyance tranquille, sinon revendiquée. Pour Damien Le Guay, la réduction du corps en cendres concrétise la vacuité symbolique et  anthropologique de l’Occidental, consommateur désabusé et désenchanté, qui ne croit plus en grand-chose et a balancé par-dessus bord les espérances collectives auxquelles il était autrefois arrimé. Quand la politesse mortuaire s’évanouit, que l’on ne souhaite pas voir la mort venir contaminer le monde des vivants, alors il devient urgent de se poser des questions sur notre  humanité. Il y a un au-delà de la mort auquel il convient de réfléchir. Le choix de la crémation en dit long du malaise contemporain, malaise que l’auteur résume ainsi : « Il faut considérer ce désir de cendres, ce souhait d’effacement, comme la conséquence ultime d’un échec de singularisation par ses seules qualités personnelles. » (p. 21) Autrement dit, l’anonymat et le conformisme à grande échelle inhérents aux sociétés contemporaines affectent l’idée que nous nous faisons de la mort. Anonymes ici-bas, réduits par le marché en consommateurs, en usagers et parfois en numéros, ayant rompu toute attache religieuse, nous choisissons, avec la crémation, un autre anonymat. La réduction en un petit tas de cendres nous fait passer dans l’oubli ; « il faut faire place nette, dégager, s’effacer, se restreindre » (p. 99). La révolution de la crémation peut avoir des conséquences incalculables. En réduisant le corps à quelques grammes de cendres, demandons-nous ce que devient l’humanité. Comme le disait Heiddeger : « Seul l’homme meurt. L’animal périt. » Le beau livre de Damien Le Guay a l’immense mérite de poser cette terrible question : En voulant tuer la mort, ne concourons-nous pas à la fin d’une certaine idée de l’humanité ?

Damien Le Guay, La mort en cendres, Le Cerf, 2012, 208 pages, 17 €

 

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Les yeux grands fermés

Broché: 240 pages
Editeur : Denoël (18 mars 2010)
Collection : Médiations
Langue : Français
ISBN-10: 2207261778
ISBN-13: 978-2207261774
Dimensions : 22,4 x 13,4 x 1 cm

 Les yeux grands fermés

Pas la peine de se raconter des histoires ! En France, la machine à intégrer ne fonctionne plus très bien. Le pays a un véritable problème vis-à-vis de son immigration. Pourtant, ils sont nombreux, dans le monde politique, médiatique et économique, à souligner que l’immigration est une chance pour la France et que, dans le monde globalisé qui s’ouvre, la notion de frontière devient caduque. Il y a, chez ces belles âmes, à la fois généreuses et naïves, l’idée que le multiculturalisme est l’horizon indépassable de l’humanité future. Pour Michèle Tribalat, sociologue et démographe, la force de la vigilance antiraciste est devenue si puissante qu’elle agit comme un anesthésiant : « L’immigration est sacralisée au point que le désaccord ne peut exister et être raisonnablement débattu » (p. 10). L’enjeu est grave. Si l’auteur prend la peine d’écrire ce livre, c’est pour livrer au grand public des informations qui ont généralement peu d’écho dans les médias. Il suffit à l’auteur de cinq chapitres pour démonter la doxa officielle. Contrairement à beaucoup d’autres pays, il règne ici, s’agissant des chiffres, un flou artistique qui s’apparente à de la manipulation ; le nombre d’immigrés qui entre en France, légalement ou clandestinement, est systématiquement minoré. Cela tient au fait, selon Michèle Tribalat, que notre pays manque d’un outil statistique fiable. Ce laxisme est aggravé par l’incohérence des politiques successives et la primauté des lois communautaires européennes de plus en plus adaptées à notre univers mondialisé. En tout cas, insiste l’auteur, il n’est pas vrai que l’immigration s’avère un facteur décisif dans le développement de l’économie nationale. Au contraire l’impact économique de l’immigration demeure négatif parce que l’immense majorité des immigrants est peu ou pas formée. L’effet démographique de l’immigration sur les territoires accentue le déséquilibre entre des banlieues massivement peuplées d’immigrés et des territoires ruraux dans lesquels le Français de souche est hégémonique. Bien sûr, il serait possible de lutter contre certains effets délétères d’une immigration mal contrôlée. Le problème, c’est que le contexte idéologique dominant empêche toute réflexion sereine sur les politiques d’immigration, laquelle est nécessairement considérée comme positive. En ce sens, la contribution de Michèle Tribalat au débat est vraiment nécessaire.

Michèle Tribalat, Les yeux grands fermés, Denoël, 2012, 222 pages, 19 €

 

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Considérations inactuelles

Broché: 154 pages
Editeur : Plon (16 février 2012)
Langue : Français
ISBN-10: 2259217044
ISBN-13: 978-2259217040
Dimensions : 18,4 x 12,8 x 2 cm

 Considérations inactuelles

Hasard ou nécessité ? Peu avant la période estivale a été publiée une série de livres qui a  pour particularité de refléter une tendance en vogue parmi certains intellectuels. Ces derniers sont plutôt à classer à droite, mais ce n’est pas le jeu politique traditionnel qui les pousse à entrer dans la danse. Profondément réactionnaires, ils doivent la virulence de leurs idées aux mouvements d’une société qu’ils ne comprennent plus, à l’image d’Ivan Rioufol, chroniqueur au Figaro et auteur De l’urgence d’être réactionnaire. Parmi ces bretteurs il faudrait citer Elisabeth Lévi, Renaud Camus et Richard Millet. Littérairement ambitieux, ils renouent  avec un art que le politiquement correct avait remisé : le pamphlet politico-littéraire. Il y a du Léon Daudet et du Georges Bernanos chez ces mousquetaires. Exécrant la médiocrité du temps, ils s’en prennent avec verve à un vocabulaire qui n’ose plus nommer les choses, à la confusion générale entre les fins et les moyens, à la fuite en avant technologique, à la consommation à outrance, à la toute puissance des médias, à une Education Nationale qui n’éduque plus, au bouleversement des valeurs qui pousse les Français à faire des sportifs les héros de notre temps.

C’est contre cet aplatissement du monde qu’un autre hussard, Denis Tillinac, désire à son tour réagir. Amoureux de la France et des terroirs, Tillinac met sa plume survoltée au service d’une idée qu’il transbahute de livre en livre. Voguant vers un avenir peu exaltant, l’homme moderne risque de sombrer dans un nihilisme destructeur. La confusion des intentions, « la survalorisation de l’éphémère au détriment de la mémoire » et le vide des idées qui caractérisent l’époque actuelle ne sont pas des fatalités. Ces Considérations inactuelles ont ceci de « scandaleusement antimodernes » qu’elles conchient l’air du temps, son conformisme pesant, ses héros de pacotille, sa course au toujours plus. Entre l’époque et Tillinac, un gouffre s’est creusé. L’auteur ne s’en émeut pas ; il se réjouit plutôt de ne plus être à l’écoute de la médiocrité contemporaine : « Ne perds pas ton temps à contester la société dite de consommation ou du spectacle : déserte-la » (page 49) Ce ne sont pas des paroles en l’air. Il est possible de le faire par de menus gestes, par exemple faire comme D. Tillinac et l’auteur de ces lignes : se passer de téléphone portable et de la plupart de ces engins qui encombrent l’existence.

Denis Tillinac, Considérations inactuelles, Plon, 2012, 150 pages, 16 €

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L’emprise sportive

Broché: 192 pages
Editeur : François Bourin Editeur (23 mai 2012)
Collection : SOCIETE
Langue : Français
ISBN-10: 2849413232
ISBN-13: 978-2849413234
Dimensions : 20,8 x 13 x 2 cm

 L’emprise sportive

C’est une vague qui n’en finit pas, une invasion qui ne dit pas son nom ; sa présence est partout et, pauvres quidams que nous sommes, nous ne pouvons y échapper. Le sport et l’information sportive ont envahi nos écrans et nos imaginaires. Ils nous cernent. Pour échapper à leur emprise, il faudrait fermer tous nos postes, radio, télés et autres. Même dans les quotidiens régionaux, six à huit pages sont quotidiennement dévolues au sport, divinité tutélaire d’un monde qui a rejeté les anciens cultes. Le matin, à la radio, sur certaines chaînes généralistes, le sport occupe une place de choix ; il est au moins aussi important que l’actualité internationale. Ses vedettes occupent une telle place qu’on les trouve par paquets dans le classement des personnalités préférées des Français. Comme si cela ne suffisait pas, on demande à telle star du rugby ou de la natation de commenter l’actualité, de donner son avis sur tel fait de société. C’est ainsi qu’on a eu le triste privilège d’assister, par micros interposés, à un débat sur l’immigration entre le footballeur Lilian Thuram et Alain Finkielkraut, professeur au Collège de France. Ce qui logiquement aurait dû se terminer par la déroute du premier s’acheva par un match nul. C’est que pour beaucoup, notamment dans le monde médiatique, les propos d’un sportif ont autant sinon plus de poids que ceux d’un intellectuel qui a réfléchi durant trente ans à telle ou telle question. Ajoutons que le sport a généré, durant ces dernières décennies, un conformisme incroyable et des montagnes de sottises : n’a-t-on pas dit par exemple, après la victoire de l’équipe de France dans le Coupe du Monde de 1998, que ce succès signait la victoire définitive d’une France multiculturelle apaisée ? Sept ans après, les banlieues flambaient dans un climat quasi insurrectionnel. L’invasion du sport n’a pas manqué de faire des dégâts collatéraux. La place survalorisée du sport n’a pas manqué d’entraîner la chute de la culture classique, emportée comme fétu de paille et remplacée par une nouvelle doxa ayant le sport comme colonne vertébrale.

Ayant été sportif amateur durant sa jeunesse, Robert Redeker ne livre pas ici un combat contre le sport, et Dieu sait s’il l’a aimé ! Combien de fois n’a-t-il pas vibré, dans sa jeunesse, aux exploits de Gachassin ou des frères Spanghero ? Ce qu’il déplore, ce qui le fâche, c’est de voir ce que le sport est devenu : un monde gangrené par l’argent où des mercenaires body-buildés se vendent au plus offrant, où le panache et l’honneur ont cédé la place aux cultes du résultat et de la performance. L’idéologie sportive secrète une démesure qui ne laisse aucune place au faible, au poète, au philosophe, au rêveur. Parmi les méfaits qu’entraîne la survalorisation de la place du sport, l’auteur met en avant l’incroyable renversement des valeurs auquel nous assistons depuis peu : « Des mercenaires  immatures et cupides tapant dans un ballon sont élus au rang de divinités  quand les véritables créateurs de civilisation, dont l’avenir retiendra les noms – poètes, penseurs, peintres, sculpteurs, savants – sont rejetés dans l’ombre. » (p. 17)  Il y a quatre ans, dans un ouvrage de la même veine, R. Redeker se demandait si le sport était inhumain. La réponse qu’il donne aujourd’hui n’est pas définitive mais, ce qu’il y a de certain, c’est qu’entretemps le sport n’a certainement pas gagné en humanité.

Robert Redeker, L’emprise sportive, François Bourin Editeur, 2012, 184 pages, 19 €

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La régression intellectuelle de la France

Broché: 100 pages
Editeur : Texquis; Édition : 2e (1 juin 2011)
Langue : Français
ISBN-10: 2960047397
ISBN-13: 978-2960047394
Dimensions : 22,6 x 15 x 1,2 cm

 La régression intellectuelle de la France

En juin dernier, dans un établissement scolaire de Rennes, le jeune Kylian (13 ans) mourait, étranglé par un élève un peu plus âgé, un certain Vladimir. Telle était l’information donnée par Le Monde. L’essentiel était vrai mais, ce que cachait le célèbre quotidien du soir, c’était que le meurtrier ne s’appelait pas Vladimir, mais Souleymane, qu’il était d’origine tchétchène et de religion musulmane. Cela ne signifie évidemment pas que tous les Tchétchènes sont des assassins en puissance mais, en mentant de la sorte, Le Monde entendait minimiser le fait que les populations d’origine caucasienne étaient surreprésentées dans les prisons françaises. Tel est le premier aspect de la manipulation dont beaucoup de nos concitoyens sont les victimes consentantes. Le second aspect de la propagande officielle – ce que Philippe Nemo appelle la « régression intellectuelle » -, provient d’un arsenal législatif qui ne cesse d’étendre ses rets, de la loi Pleven de 1972 à la loi Taubira de 2001 en passant par la loi Gayssot de 1990. Désormais, les propos de chacun sont sévèrement encadrés par une doxa officielle ; gare à celui qui voudrait y déroger ! Sous prétexte de protéger les minorités de toute diffamation et discrimination, les politiques ont concocté un arsenal législatif qui dissuade de s’intéresser à certains sujets sensibles. Mieux vaut ne pas imiter Olivier Pétré-Grenouilleau qui, dans son ouvrage consacré aux traites négrières, avait affirmé que l’esclavage était un phénomène pluriséculaire qui avait touché la plupart des civilisations, et pas seulement l’européenne. Cela lui avait valu les foudres de la nouvelle censure pour qui l’esclavagiste était forcément blanc, européen et chrétien.

Par leur imprécision, les nouvelles lois de censure interdisent désormais tout débat public sur nombre de sujets. Dans toute discussion, à un moment ou à un autre, il y aura toujours un propos jugé malséant à l’égard de telle minorité, de tel groupe, de telle association. Mieux vaut donc se taire afin de ne pas tomber sous le coup de la loi. Des pans entiers de la vie publique se trouvent désormais placés sous surveillance. Tout propos public, voire privé, contraire à la doxa officielle, peut être incriminé. Pour l’instant, on est encore loin des régimes totalitaires qui, autrefois, imposaient une vérité unique, celle du Parti, celle du régime, mais on a tendance à s’y rapprocher peu à peu. En serons-nous un jour à adopter l’attitude de ces prêtres qui, il y a un siècle, au moment de la crise moderniste, préféraient ne pas penser de peur de mal penser ? 1984 serait-il plus proche qu’on ne le croit ? A ce titre, le livre de P. Nemo est un rappel nécessaire.

Philippe Nemo, La régression intellectuelle de la France, Texquis, 2011, 94 pages, 16 €

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De l’inégalité parmi les sociétés

Broché: 492 pages
Editeur : Gallimard (22 novembre 2000)
Collection : NRF Essais
Langue : Français
ISBN-10: 2070753514
ISBN-13: 978-2070753512
Dimensions : 21,8 x 14,2 x 3 cm

 De l’inégalité parmi les sociétés

Il y a des livres qui font date : De l’inégalité parmi les sociétés en fait partie. Publié il y a douze ans, il n’a pas été dépassé. Par l’ampleur des questions qu’il soulève et des réponses qu’il apporte, De l’inégalité… est un livre majeur. Le travail grandiose de Jared Diamond s’inscrit dans le cadre d’une réflexion où sont tour à tour convoquées l’histoire, la géographie, la biologie, la climatologie, la linguistique, la génétique et bien d’autres disciplines. Sa thèse s’articule autour de la question suivante : Qu’est-ce qui a permis aux Européens de renverser les empires inca et aztèque et d’asservir les Indiens du continent américain ? Pourquoi, a contrario, ce ne sont pas les indigènes d’Amérique qui ont traversé l’Atlantique pour envahir l’Europe et y décimer les populations ? Pour Jared Diamond, la réponse tient en trois mots : les fusils, les germes et l’acier. « Pourquoi est-ce les Européens, plutôt que les Africains ou les indigènes américains, demande l’auteur, qui se sont retrouvés avec les fusils, les germes les plus nocifs et l’acier ? » L’auteur entend démontrer que les inégalités partageant les sociétés ne sont pas de nature raciale ; c’est dans l’environnement qu’elles trouvent leurs racines. Le passage des tribus de chasseurs cueilleurs aux premières sociétés sédentaires constitue une étape cruciale dans l’histoire de l’humanité : la domestication des animaux et des plantes nourricières ont permis un développement spectaculaire des récoltes. En dégageant des surplus, les sociétés se dotent d’experts exonérés du souci de produire, par exemple les scribes et les soldats. Avec les scribes naissaient l’écriture et la conservation de l’expérience acquise.

Malgré certaines longueurs et répétitions, comment ne pas être impressionné par la qualité et l’ampleur du travail réalisé par J. Diamond ? Il semble toutefois manquer, parmi les facteurs explicatifs des inégalités dont il est question, deux causes importantes. La première est d’ordre militaire. Rien n’est dit des deux grandes innovations qui ont contribué à l’avènement et au déclin de certaines sociétés humaines : l’archer monté turco-mongol et l’infanterie lourde occidentale. Autre réserve : la place mineure accordée aux causalités d’ordre religieux. En liquidant le temps cyclique des sociétés archaïques, le christianisme a imposé une conception linéaire du temps avec, en ligne de mire, l’exaltation du progrès continu.

Un travail remarquable.

Jared Diamond, De l’inégalité parmi les sociétés, Gallimard, 2000, 482 pages, 35.50 €

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Décivilisation

Broché: 216 pages
Editeur : Fayard (2 novembre 2011)
Collection : Documents
Langue : Français
ISBN-10: 2213666385
ISBN-13: 978-2213666389
Dimensions : 21,2 x 13,4 x 1,8 cm

 Décivilisation

Après La grande déculturation,  Renaud Camus revient à la charge contre l’époque contemporaine et ses travers. Dans La grande déculturation, il s’en prenait à l’école. Le changement d’appellation – le Ministère de l’Instruction Publique devenu Ministère de l’Education Nationale -, indiquait un changement de paradigme : l’Ecole est désormais chargée de suppléer les familles dans le registre de l’éducation. Une trentaine d’années après, le résultat est patent : tant l’école que la famille peinent à prendre en charge une jeunesse tiraillée entre modes éphémères et consommation. Avec Décivilisation, Camus insiste : quelles sont les causes profondes de ce qu’il faut bien appeler la mort de la culture ? Il le fait dans le style qui lui est propre : sans chapitre, en phrases longues… une écriture au final très personnelle. Si on suit bien sa pensée, c’est à se demander si la démocratisation de la culture n’est pas à l’origine de la disparition de cette dernière. Ce que l’auteur appelle l’hyper-démocratie a fait sortir « la démocratie de son lit politique pour la projeter dans des domaines qui, à première vue, ne lui sont guère congénitaux… » Parmi ceux-ci, la culture et la famille, lesquelles, en dernier ressort, ne peuvent, sous peine de disparaître, s’apparenter à des instances démocratiques. La consommation de masse entraîne un relativisme destructeur en matière culturelle.  Nombreuses sont les conséquences de ce déclassement de la culture. La langue, véhicule privilégié de toute civilisation, s’affadit, parsemée qu’elle est de niaiseries et de grossièretés. L’abandon du nom au profit du prénom, si commun à la télévision, est, mine de rien, le signe d’un véritable bouleversement anthropologique.  Le nom engage sa responsabilité, celle d’une lignée. En lieu et place voici venu le temps du gentil copinage celui du prénom roi, « marque d’une société désaffiliée, qui refuse l’héritage des pères ». Finalement, l’usage répété de ce dernier consonne bien avec une société « qui n’aspire qu’à se distraire, à s’étourdir, à oublier l’oubli. »  En 200 pages, Renaud Camus règle son compte à la société du divertissement, celle de « la vie sans pensée ». Ce combat, pratiquement perdu d’avance, vaut qu’on s’y intéresse tant ses conséquences risquent d’être incalculables.

 

Renaud Camus, Décivilisation, Fayard, 2011, 206 €, 17 €