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Les Sentinelles d’humanité

Broché : 300 pages
Editeur : Desclée De Brouwer (8 janvier 2020)
Collection : DDB.PHILOSOPHIE
Langue : Français
ISBN-10 : 2220096548
ISBN-13 : 978-2220096544
Dimensions : 14 x 1,9 x 21 cm

A travers le filtre de cette « philosophie de l’héroïsme et de la sainteté », l’auteur se demande ce que les saints et héros ont à dire à notre époque, la façon dont ils sont perçus et ainsi de suite. Autant dire que les figures du saint et du héros d’autrefois ne sont plus celles que notre époque honore. Il n’est même pas certain que les héros d’hier conservent quelque signification pour nos contemporains, blasés et lessivés qu’ils sont par un bourrage de crâne renversant toutes les valeurs. Sur le marché contemporain, le saint ne pèse pas lourd, bien moins en tout cas que le sportif ou le chanteur à succès.  Chez les saints et les héros – mais aussi chez un colonel Beltrame -, ce qui domine ce sont des valeurs comme l’oubli de soi, la parole donnée, la fidélité, le sacrifice poussé à son paroxysme. Au bout du chemin, c’est la mort, parfois l’oubli, qui les attendent. Au terme d’une réflexion poussant ses pointes dans de multiples directions, l’auteur se demande si notre temps est capable d’engendrer une sainte Thérèse d’Avila ou un général de Gaulle, tant « l’intempestivité du héros et du saint semble plus grande que jamais » (p. 124) Notre monde secrète une haine du héros et du saint qui tient à la place prééminente du « moi despote de nos contemporains ».

Robert Redeker, Les Sentinelles d’humanité, Desclée de Brouwer, 2019, 287 pages, 19.90 €

L’extrait : « Le faux héros gagne, accumule, le héros et le saint se précipitent vers la perte. » (p. 99)

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L’éclipse de la mort

Broché : 224 pages
Editeur : Desclée De Brouwer (20 septembre 2017)
Collection : DDB.ESSAIS
Langue : Français
ISBN-10 : 2220088081
ISBN-13 : 978-2220088082
Dimensions : 14 x 1,8 x 21 cm

 L’éclipse de la mort

Véritable Prométhée, l’homme contemporain a-t-il déclaré la mort à la mort ? Oui, et de deux façons, la première se conjuguant pour l’instant au futur, la seconde étant de plus en plus ancrée dans nos mœurs. La fin de la mort est décrétée par le courant transhumaniste, lequel vise à transcender la finitude humaine, de façon à faire advenir un homme nouveau, un homme bionique, rafistolé grâce aux progrès d’une science toute puissante. Quant à l’autre fin de la mort, c’est tous les jours que nous la vivons, dans les journaux, dans les conversations… On ne meurt plus, on disparaît, on nous quitte, comme si le fait de ne plus dire le mot « mort » faisait disparaître la chose. Bien évidemment, la mort existe mais tout indique que l’on veut en finir avec elle, jusqu’à en faire disparaître les codes et la symbolique. Le philosophe Robert Redeker, toujours à l’affût des effets de mode susceptibles de mettre en danger les traditionnelles façons de faire société, remarque les effets délétères de cette mise à distance de la camarde. Outre les appréciations toujours bienvenues d’un auteur toujours prompt à dénoncer les travers de nos sociétés qui se livrent pieds et mains liés à la technique et à la consommation, on retiendra la façon subtile qu’il a de mettre à jour les doutes de l’homme contemporain, « tellement désarmé devant la mort qu’au lieu d’en être dérouté et décontenancé, il préfère la forclore » (p. 157). Ne croyant plus en grand-chose, nous avons pris congé avec ce qui apparaît comme le scandale absolu : le fait de ne plus être. Ayant largué nos traditions, démuni des armes intellectuelles et spirituelles qui autrefois permettaient d’accepter sa fin biologique, nous sommes dans l’incapacité de saisir ce que la mort peut avoir de bénéfique. Et si la mort avait des avantages, demande l’auteur. Après tout, n’est-ce pas elle qui nous fait homme ?

 

Robert Redeker, L’éclipse de la mort, Desclée de Brouwer, 2017, 216 pages, 18€

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Le soldat impossible

Broché: 281 pages
Editeur : Pierre-Guillaume de Roux Editions (16 janvier 2014)
Collection : PGDR EDITIONS
Langue : Français
ISBN-10: 2363710762
ISBN-13: 978-2363710765
Dimensions : 22,2 x 13,8 x 2,4 cm

 Le soldat impossible

Quel que soit le sujet traité (hier le sport et le corps, aujourd’hui le soldat), le philosophe Robert Redeker continue de pister les dérives historique et psychologique qui caractérisent l’Occident contemporain. Cette traque de longue haleine le conduit à réfléchir sur le sort que nos sociétés hédonistes font au soldat. Combattant autrefois pour le salut de la patrie et la défense de sa civilisation, le soldat d’aujourd’hui défend le Bien, la justice et les droits de l’homme. Il est devenu autant un humanitaire qu’un militaire, portant le souci de la démocratie un peu partout dans le monde. Pour de multiples raisons, l’auteur montre que la figure du militaire, avec ce qu’elle suppose de sens du devoir, de sacrifice, de patriotisme, devient impossible, d’où le titre. Si la modernité tente d’arrimer le soldat à sa doxa – ah ! ces défilés du 14 Juillet qui tournent à la fête et se font forts d’être conviviaux ! -, la figure ontologique du soldat en est irréductiblement éloignée. Que peut dire et comprendre le contentement de soi contemporain quand il est renvoyé aux valeurs traditionnellement portées par le statut de militaire ? Que peut entendre le monde festif moqué par Philippe Murray, obnubilé par l’ouverture à l’autre, au culte des morts et à la défense de la terre natale ? Un De Gaulle ou un Bigeard appartiennent définitivement à un temps révolu. A l’instar de l’Ecole et des Eglises, l’Armée, comme instance de transmission, n’est plus vraiment écoutée. « L’Européen de la modernité tardive » vivant « comme en maison de retraite ou comme en jardin d’enfant » (p. 169), au nom de quoi voudrait-on qu’il se consacre au métier des armes ? Autrefois les Français communiaient au culte des morts et leur dressaient des monuments ; aujourd’hui ils traînent leur vague à l’âme dans les grandes surfaces. C’est sans doute ce qu’on appelle le progrès… Si nous en sommes là, c’est que « […] le culte de la victime, celui du civil de préférence au militaire, la honte d’être soi grimée en repentance, la défamiliarisation d’avec la mort, la transformation du citoyen en un inhéritier, la montée de l’Indifférent, le déclassement de la notion de sacrifice gratuit, sont autant d’éléments formant un climat favorable à l’effacement du soldat. » (p. 275)

S’appuyant sur la philosophie et l’histoire, Robert Redeker signe ici un de ses ouvrages les plus aboutis. Comme d’autres Robinson, il lance une nouvelle bouteille à la mer. Puisse-t-elle trouver des rivages accueillants.

 

Robert Redeker, Le soldat impossible, P.-G. de Roux, 2014, 282 pages, 23 €

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L’emprise sportive

Broché: 192 pages
Editeur : François Bourin Editeur (23 mai 2012)
Collection : SOCIETE
Langue : Français
ISBN-10: 2849413232
ISBN-13: 978-2849413234
Dimensions : 20,8 x 13 x 2 cm

 L’emprise sportive

C’est une vague qui n’en finit pas, une invasion qui ne dit pas son nom ; sa présence est partout et, pauvres quidams que nous sommes, nous ne pouvons y échapper. Le sport et l’information sportive ont envahi nos écrans et nos imaginaires. Ils nous cernent. Pour échapper à leur emprise, il faudrait fermer tous nos postes, radio, télés et autres. Même dans les quotidiens régionaux, six à huit pages sont quotidiennement dévolues au sport, divinité tutélaire d’un monde qui a rejeté les anciens cultes. Le matin, à la radio, sur certaines chaînes généralistes, le sport occupe une place de choix ; il est au moins aussi important que l’actualité internationale. Ses vedettes occupent une telle place qu’on les trouve par paquets dans le classement des personnalités préférées des Français. Comme si cela ne suffisait pas, on demande à telle star du rugby ou de la natation de commenter l’actualité, de donner son avis sur tel fait de société. C’est ainsi qu’on a eu le triste privilège d’assister, par micros interposés, à un débat sur l’immigration entre le footballeur Lilian Thuram et Alain Finkielkraut, professeur au Collège de France. Ce qui logiquement aurait dû se terminer par la déroute du premier s’acheva par un match nul. C’est que pour beaucoup, notamment dans le monde médiatique, les propos d’un sportif ont autant sinon plus de poids que ceux d’un intellectuel qui a réfléchi durant trente ans à telle ou telle question. Ajoutons que le sport a généré, durant ces dernières décennies, un conformisme incroyable et des montagnes de sottises : n’a-t-on pas dit par exemple, après la victoire de l’équipe de France dans le Coupe du Monde de 1998, que ce succès signait la victoire définitive d’une France multiculturelle apaisée ? Sept ans après, les banlieues flambaient dans un climat quasi insurrectionnel. L’invasion du sport n’a pas manqué de faire des dégâts collatéraux. La place survalorisée du sport n’a pas manqué d’entraîner la chute de la culture classique, emportée comme fétu de paille et remplacée par une nouvelle doxa ayant le sport comme colonne vertébrale.

Ayant été sportif amateur durant sa jeunesse, Robert Redeker ne livre pas ici un combat contre le sport, et Dieu sait s’il l’a aimé ! Combien de fois n’a-t-il pas vibré, dans sa jeunesse, aux exploits de Gachassin ou des frères Spanghero ? Ce qu’il déplore, ce qui le fâche, c’est de voir ce que le sport est devenu : un monde gangrené par l’argent où des mercenaires body-buildés se vendent au plus offrant, où le panache et l’honneur ont cédé la place aux cultes du résultat et de la performance. L’idéologie sportive secrète une démesure qui ne laisse aucune place au faible, au poète, au philosophe, au rêveur. Parmi les méfaits qu’entraîne la survalorisation de la place du sport, l’auteur met en avant l’incroyable renversement des valeurs auquel nous assistons depuis peu : « Des mercenaires  immatures et cupides tapant dans un ballon sont élus au rang de divinités  quand les véritables créateurs de civilisation, dont l’avenir retiendra les noms – poètes, penseurs, peintres, sculpteurs, savants – sont rejetés dans l’ombre. » (p. 17)  Il y a quatre ans, dans un ouvrage de la même veine, R. Redeker se demandait si le sport était inhumain. La réponse qu’il donne aujourd’hui n’est pas définitive mais, ce qu’il y a de certain, c’est qu’entretemps le sport n’a certainement pas gagné en humanité.

Robert Redeker, L’emprise sportive, François Bourin Editeur, 2012, 184 pages, 19 €