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Recensions Religion

Passion arabe : Journal, 2011-2013

Broché: 496 pages
Editeur : Gallimard (21 mars 2013)
Collection : Témoins
Langue : Français
ISBN-10: 2070140776
ISBN-13: 978-2070140770
Dimensions : 21,8 x 14,8 x 3 cm

 Passion arabe : Journal, 2011-2013

Durant deux ans l’orientaliste Gilles Kepel a sillonné les pays dans lesquels s’est déroulé le Printemps arabe : Egypte, Libye, Bahreïn, Tunisie… Parti pour réaliser un film il est revenu de ses divers périples avec un journal, sorte de livre de bord de la révolution qui a secoué plusieurs régimes arabes. De ce témoignage passionnant, écrit par un arabisant se situant toujours à bonne distance de son sujet, que retenir ?

Depuis que l’Occident a largué par-dessus bord l’essentiel de son patrimoine spirituel, il peine à comprendre la force du sentiment religieux. Ce n’est pas pour rien que le Proche-Orient a vu la naissance des trois grands monothéismes. La prégnance du religieux apparaît ici phénoménale, chez les juifs, chez les chrétiens et plus encore chez les musulmans, population que l’auteur a le plus rencontrée tout simplement parce que la plus nombreuse. Cette partie essentielle du monde musulman est toute imprégnée de Dieu, y compris dans les menus faits de la vie quotidienne. Autant dire que le chemin qui sépare les communautés musulmanes de la laïcité à la française est pavé d’embûches. Il ne peut y avoir de séparation des pouvoirs quand la religion occupe ainsi l’espace, public et privé. Pour la plupart des interlocuteurs que l’auteur a rencontrés, la laïcité est synonyme d’impiété. De quoi faire réfléchir les naïfs qui, en Occident, fantasment à l’idée de régimes arabes laïques, assurant comme ici le respect de la liberté de conscience. La lecture de cette Passion arabe en dit long, d’autre part, sur la fracture qui oppose sunnites et chiites. Pour les nombreux sunnites que Gilles Kepel a rencontrés, le chiite représente la figure de l’hérétique ; il est à l’origine de la fitna (division) qui fracture le monde musulman. L’univers arabo-musulman que nous présente l’auteur semble se trouver à la croisée des chemins : meurtri par les querelles confessionnelles et instable, on le sent tout de même riche de potentialités. Une inconnue demeure : le poids réel de la jeunesse bourgeoise attirée par les sirènes occidentales.
Un témoignage sur le vif, capital pour comprendre l’évolution du monde arabo-musulman contemporain.

Gilles Kepel, Passion arabe : Journal, 2011-2013, Gallimard, 2013, 476 pages, 23.50 €

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Actualités Recensions

Dictionnaire amoureux du crime

Broché: 940 pages
Editeur : Plon (21 février 2013)
Collection : Dictionnaire amoureux
Langue : Français
ISBN-10: 2259211216
ISBN-13: 978-2259211215
Dimensions : 20 x 13 x 5,4 cm

 Dictionnaire amoureux du crime

Un dictionnaire amoureux du crime, il fallait oser ! C’est ce que vient de faire avec talent Alain Bauer, professeur de criminologie, dans la désormais célèbre collection des Dictionnaires amoureux éditée chez Plon. Il ne fallait pas moins de 900 pages pour espérer faire le tour d’un domaine aussi considérable. Car le crime n’est pas réductible à la violence physique. En effet, précise l’auteur dans sa préface, « l’escroquerie, le vol, les trafics, la contrefaçon composent autant d’éléments d’une partition criminelle dont la créativité semble sans limites. » Autant dire qu’un tel dictionnaire donne seulement à voir la partie émergée d’un gigantesque iceberg. Cet iceberg, c’est le crime sous toutes ses coutures qui donne lieu, en l’occurrence, à un vaste choix d’entrées, de « Antigang » (brigade) à « Zampa » (Gaëtan, dit Tany). Fiction et réalité se mélangent allègrement. Films, séries télévisées et personnages romanesques comme Maigret et Arsène Lupin ont donné une dimension supplémentaire à l’éternelle course-poursuite du gendarme et du voleur. A côté de ces personnages romanesques la réalité donne à voir des hommes et des femmes qui n’ont rien à envier à ce que les maîtres des romans les plus noirs n’ont pas toujours osé écrire. La plus fertile imagination aurait-elle conçu les horreurs perpétrées par un Jack l’Eventreur ou, plus proche de nous, par un Michel Fourniret ? La réalité a tôt fait de rattraper la fiction. En matière de férocité, certains serials killers ne le cèdent en rien à Hannibal Lecter, le célèbre psychopathe du Silence des agneaux. A côté de ces personnalités fascinantes et monstrueuses, il faut retenir du livre d’Alain Bauer le poids des grandes organisations criminelles. A côté des sociétés du crime les plus connues comme la Mafia, Cosa Nostra, les Triades chinoises et autres cartels sud-américains, voilà que sont apparues, depuis quelques années, de puissantes organisations tentaculaires. Le MS 13 salvadorien, qui s’est internationalisé, compterait à peu près 50 000 membres dans le monde. Avec la mondialisation, une nouvelle criminalité voit le jour qui va du gang de cité au cyber-terrorisme. Dans le match séculaire qui oppose le crime à la police, il est à craindre que le premier ait toujours un coup d’avance. De l’assassinat d’Abel par Caïn jusqu’au terrorisme d’aujourd’hui, le crime continue de révéler la face la plus sombre de l’âme humaine.

Alain Bauer, Dictionnaire amoureux du Crime, Plon, 2013, 941 pages, 24.50 €

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Actualités Recensions

Le bûcher des vaniteux 2

Broché: 336 pages
Editeur : ALBIN MICHEL (13 mars 2013)
Collection : ESSAIS DOC.
Langue : Français
ISBN-10: 2226245413
ISBN-13: 978-2226245410
Dimensions : 22,6 x 14,4 x 3,2 cm

 Le bûcher des vaniteux 2

Adeptes du politiquement correct, partisans d’un langage soporifique, incolore, inodore et sans saveur, tremblez ! Voici le mousquetaire Zemmour de retour avec le nouveau volume des rubriques qu’il distille deux fois par semaine sur les ondes d’une grande radio périphérique. Ce n’est peut-être pas de la grande littérature, mais c’est sacrément efficace. Il est vrai que faire passer des idées avec mordant requiert un style direct, un phrasé court… du punch quoi ! On ne fait pas de la grande radio avec un verbe ampoulé. Durant la Drôle de Guerre, Jean Giraudoux, écrivain de qualité s’il en est, s’y était cassé les dents : un bon littérateur peut être un piètre propagandiste ; on ne s’adresse pas au tout venant comme à une clique de gens cultivés et on ne fait pas passer des messages mordants quand on reste dans l’entre-soi. Eric Zemmour a bien compris la leçon. A chaque fois, un seul sujet et un sujet qui relève de l’actualité brûlante. Des phrases courtes, parfois sans verbe. Un style haché et tonique. Tout cela mis au service d’une pensée qui ne s’embarrasse pas du désir de faire plaisir à tout le monde. Rétif à la mondialisation, hostile à la technocratie européenne, consterné devant ce qu’il appelle la médiocrité du personnel politique, angoissé à l’idée de voir la France devenir un « agrégat de peuples désunis », hanté par le ravage du communautarisme, Zemmour frappe. Il cogne au grand plaisir des lecteurs. On sait aujourd’hui le résultat de ce travail de sape : Eric Zemmour est devenu un auteur réactionnaire en vue. S’il n’a pas le style empanaché de feu Léon Daudet, il n’en a pas non plus – Dieu merci ! – les outrances. Certains peuvent être agacés par le côté Cassandre du personnage, il n’empêche ! Alors que beaucoup de responsables politiques « ne voient le monde que par les lunettes de l’économique et du social », Zemmour considère le monde en exaltant le rôle de la politique, de la culture et de l’identité. « Serons-nous encore français demain ? » dénonce-t-il. Il vaut le coup, avec lui, de se poser la question.

Eric Zemmour, Le bûcher des vaniteux 2, Albin Michel, 2013, 357 pages, 20.90 €

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Recensions Témoignages

La route de la Kolyma

Broché: 240 pages
Editeur : BELIN LITTERATURE ET REVUES (11 octobre 2012)
Collection : BIBLIO BELIN SC
Langue : Français
ISBN-10: 2701164168
ISBN-13: 978-2701164168
Dimensions : 21,5 x 15 x 2,2 cm

La route de la Kolyma

Fils d’Alexander Werth, le célèbre auteur de La Russie en guerre (1941-1945), Nicolas Werth a passé l’essentiel de sa vie en Russie. Il est l’auteur de nombreux ouvrages historiques ayant pour cadre l’Union Soviétique et le communisme. S’il connaît bien le Goulag par l’étude, jamais il n’avait eu l’occasion de se rendre dans ces hauts lieux de la barbarie contemporaine. Accompagnés de militants du mouvement Mémorial, l’auteur et sa fille se sont rendus à Magadan, étape incontournable de l’enfer concentrationnaire soviétique, port où échouaient les déportés après de longs mois de périple. Ce voyage sur les traces du Goulag laisse, il faut bien le dire, un goût amer. Le spectacle d’une mémoire qui s’éteint, la vision d’un monde qui meurt ne peuvent que consterner celles et ceux qui tentent de conserver le souvenir vivant. Les rescapés du Goulag sont rares. Quant à la Kolyma, à 8 000 kilomètres de Moscou, elle n’est plus que l’ombre d’elle-même. Avec la fin des camps une part de l’activité économique s’en est allée. Les jeunes s’étant enfuis à l’appel des sirènes de la consommation, ne reste que les vieillards. Nicolas Werth et ses compagnons ont peiné à trouver la trace de camps qui, il y a cinquante ans, accueillaient plusieurs milliers de détenus. Les hommes ayant fui ces paysages aussi grandioses et inhospitaliers, la nature a eu tôt fait de reprendre ses droits. Seuls se souviennent ceux qui ont eu à subir dans leur chair l’horreur de la déportation : l’éloignement du foyer familial, les coups, le froid cauchemardesque, le travail épuisant… Les quelques jeunes qui demeurent dans ces immensités perdues n’ont aucune considération pour les souffrances infligées aux centaines de milliers d’innocents qui perdirent ici jeunesse et illusions. L’appel de la consommation à tout berzingue a relégué aux oubliettes cette immense tragédie, signe tangible de ce qu’Hélène Carrère d’Encausse nomme « le malheur russe ». En visitant ces lieux de mémoire : croix signalant une fosse commune, baraques dont il ne reste que les fondations, installations à l’abandon… l’auteur restitue une mémoire qui s’enfuit et s’enfouit. Avec délicatesse et respect, c’est une civilisation disparue qu’exhume Nicolas Werth. Comment ne pas l’en remercier ?

Nicolas Werth, La route de la Kolyma, Belin, 2013, 196 pages, 20 €

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Recensions Religion

Jésus : Approche historique

Broché: 542 pages
Editeur : Cerf (30 novembre 2012)
Collection : Lire la bible
Langue : Français
ISBN-10: 2204096849
ISBN-13: 978-2204096843
Dimensions : 23 x 15,4 x 3 cm

 Jésus : Approche historique

Le théologien espagnol José Antonio Pagola a tenté et réussi un pari audacieux : une approche simple et complète, basée sur un accès rationnel des textes, de la figure de Jésus de Nazareth. Approche simple car le vocabulaire est rigoureusement limité aux mots les plus courants ; complète car l’auteur possède une connaissance approfondie des travaux des exégètes contemporains. Avant même de parler du Christ, José A. Pagola dresse le cadre historique : Qu’est-ce que la Galilée de l’époque ? Comment vivent les juifs ? Quelle est leur religion ? Comme le veut le titre, l’historicité étant essentielle, l’auteur donne un tableau très réaliste du milieu dans lequel grandit et vit Jésus. Le reste suit un schéma chronologique, du baptême par Jean-Baptiste à la résurrection. Chapitre après chapitre, par touches successives, l’auteur cerne la personnalité du Fils de Dieu, prophète, défenseur des exclus, maître de vie… Un peu à la manière de Max Gallo, sans toutefois en adopter le style direct, il tâche d’insuffler au récit une vivacité de bon aloi. Tout est dans le sens du détail, la limpidité de l’écriture et l’effet visuel que cherche à produire l’auteur. Pourquoi, par exemple, est-il facile d’entendre et d’approcher Jésus ? Parce que, répond l’auteur, « il parle presque toujours en plein air. Souvent sur les bords du lac de Galilée, en utilisant les espaces proches des petits embarcadères, là où les pêcheurs viennent chercher le poisson. » On s’y croirait !

Les dernières pages font le point de la recherche théologique consacrée à Jésus : les principaux courants, les sources littéraires, les critères d’historicité… Des pages susceptibles d’éclairer les néophytes tout en rafraîchissant la mémoire des spécialistes. Telle est la force du livre : un style simple mis au service de la connaissance d’un personnage dont les sciences bibliques n’ont pas fini de faire le tour.

Ce récit enlevé de la vie de Jésus ne manque pas d’attraits, au contraire ! Voici l’exemple type d’un livre abouti, probablement le résultat d’une vie de labeur passée à mettre à jour, le plus finement possible, la figure du Christ. Ces qualités remarquables sont toutefois grevées par l’insistance que met l’auteur à magnifier la figure humaine de Jésus, un peu au détriment de son essence divine. Jésus, « homme incomparable » certes, comme aurait dit Renan, mais surtout fils de Dieu, Dieu lui-même comme le proclame le Credo.

José Antonio Pagola, Jésus : Approche historique, Le Cerf, 2012, 544 pages, 39 €

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Histoire Recensions

La mort de Napoléon : Mythes, légendes et mystères

Poche: 228 pages
Editeur : Librairie Académique Perrin (3 mai 2012)
Collection : Tempus
Langue : Français
ISBN-10: 2262039941
ISBN-13: 978-2262039943
Dimensions : 17,6 x 10,8 x 1,6 cm

  La mort de Napoléon : Mythes, légendes et mystères

Il arrive que la petite histoire pollue la grande. Il en va ainsi pour la mort de Napoléon à Sainte-Hélène, laquelle a été l’objet de tellement de spéculations que, pour un peu, on en viendrait à douter de tout. Il est donc heureux que, dans une première partie, les auteurs, tous deux éminents spécialistes de la période, reviennent sur ce que l’on sait de l’agonie et du décès de l’Empereur le 5 mai 1821. Pour que le tableau soit complet, ils analysent l’état général de l’illustre prisonnier. Comme la plupart des hommes de son temps et d’abord des soldats en campagne, « toute la vie de Napoléon est marquée par la maladie » (p. 48) : dermatose, coups de froid, hémorroïdes, indigestions fréquentes… A cinquante ans, un homme de ce temps, qui a parcouru à pieds ou à cheval l’Europe dans tous les sens, par tous les temps, est un homme usé. En plus de ses maux divers, l’Empereur Napoléon souffre de façon chronique d’une douleur abdominale. Le mauvais temps et l’état dépressif qui accompagnèrent le séjour de Napoléon à Longwood, là où il résida de 1816 jusqu’à sa mort, ne firent qu’empirer un état général très médiocre. Il ne fait donc aucun doute, selon les médecins qui ont été convoqués par les historiens, que c’est un cancer gastrique qui a emporté Napoléon. Chacun connaît la suite : l’inhumation au Val du Géranium puis, en 1840, le transfert des cendres conduit par une délégation emmenée par le prince de Joinville. Après l’arrivée triomphale du corps de l’Empereur à Paris, le corps reste déposé à l’église des Invalides jusqu’en 1861, date à laquelle le tombeau creusé à la verticale du dôme des Invalides est enfin prêt à recevoir la dépouille d’un des plus grands capitaines de tous les temps. Nous aurions pu en rester là sans toutes les spéculations qui se sont ensuite grevées sur la mort de Napoléon – A-t-il été empoisonné et par qui ? – ainsi que sur la substitution du corps – A la suite d’une manigance anglaise, le corps de Napoléon reposerait à Londres, non à Paris -. A en croire un cercle d’historiens amateurs, la Belle-Poule aurait rapatrié en France le corps de Cipriani, valet de Napoléon décédé en 1818. Grâce à une démonstration impeccable, les auteurs font justice de ces calembredaines. Leur conclusion est sans appel : « Napoléon n’a pas été assassiné et c’est bien lui qui repose aux Invalides. » Comme le prouvent J. Macé et T. Lentz, les montages habiles, les suppositions invérifiables et autres convictions non maîtrisées n’ont rien à faire dans l’étude sérieuse de l’Histoire.

Thierry Lentz & Jacques Macé, La mort de Napoléon : Mythes, légendes et mystères, Tempus, 2012, 215 pages, 8.50 €

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Recensions Religion

Des musulmans qui deviennent chrétiens

Broché: 350 pages
Editeur : Editions Qabel; Édition : 1re (5 janvier 2012)
Langue : Français
ISBN-10: 2953874429
ISBN-13: 978-2953874426
Dimensions : 20,6 x 14,8 x 3,4 cm

Des musulmans qui deviennent chrétiens

Algérien arrivé en France en 1961, baptisé catholique en 1970, Moh-Christophe Bilek était tout à fait indiqué pour parler d’un sujet qui se fait chaque année plus pressant : les passages de l’islam au christianisme. Ces conversions existent bel et bien même si elles ne sont pas légion. Très difficiles à répertorier, elles sont chaque année plus nombreuses et touchent parfois jusqu’à des imams. Généralement, elles s’opèrent dans l’ombre car le musulman apostat commet aux yeux de sa communauté un véritable crime, passible de la peine capitale, lecture littérale du Coran oblige. Fondateur du site internet « Notre-Dame de Kabylie », Moh-Christophe Bilek est en communication constante avec des musulmans qui ont quitté ou s’apprêtent à quitter l’islam. Son livre répertorie l’ensemble des cas de figure, de celui qui largue les amarres avec joie et sans scrupules à celui qui, plus hésitant, se rétracte au dernier moment. On ne se libère pas aussi facilement d’une foi reçue dans le cadre d’une tradition ancestrale, d’une religion aussi totalisante car concernant la plupart des aspects de la vie, privés et publics.

Des musulmans qui deviennent chrétiens s’ouvre par des témoignages de convertis. S’ils sont inégaux, ils disent beaucoup de la psychologie de celles et ceux qui ont brûlé leurs vaisseaux. Que reprochent-ils à l’islam ? « Ce n’était pas une relation de confiance, dit l’un d’eux. C’était beaucoup de comptabilité et beaucoup de surveillance. » (p. 52) Enfermées dans une religion qu’elles jugent oppressive, ces personnes, généralement pieuses, ont été bouleversées à la lecture de la Bible, du Nouveau Testament en particulier. Elles y ont découvert la lumineuse figure du Christ, un Christ dont la vie émeut, un Christ qui fortifie et qui console. Elles ont trouvé dans le christianisme des paroles de feu, l’amour et la paix, « des valeurs divines tout simplement » (p. 44). La fin du livre collecte des articles parus ici et là, souvent sur Internet. Leur intérêt est assez inégal et les erreurs typographiques attestent qu’on a là un livre écrit à la va-vite. En résumé, si le sujet est passionnant dans la mesure où il risque de conditionner une partie non négligeable de l’avenir du christianisme, on aurait aimé un livre mieux bâti, une analyse du phénomène des conversions, pas simplement un patchwork émané d’un site internet. Un peu décevant !

Moh-Christophe Bilek, Des musulmans qui deviennent chrétiens, Editions Qabel, 2013, 350 pages, 19 €

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Portraits Recensions

Dictionnaire amoureux de Alexandre Dumas

Broché: 636 pages
Editeur : Plon (26 août 2010)
Collection : Dictionnaire amoureux
Langue : Français
ISBN-10: 2259211054
ISBN-13: 978-2259211055
Dimensions : 19,6 x 13 x 3,8 cm

 Dictionnaire amoureux de Alexandre Dumas

Alexandre Dumas est grand et Alain Decaux est son prophète ! Des passionnés de Dumas père, il n’en manque pas ; pourtant, notre académicien était l’un des mieux placés pour donner ce dictionnaire amoureux. Voilà quelques années que les Editions Plon appliquent cette recette gagnante : confier à une personnalité connue l’écriture d’un dictionnaire tout entier consacré à un sujet ou à une personne. Il apparaît bien vite que l’auteur des Trois Mousquetaires exerce sur l’auteur de ce dictionnaire une fascination considérable. Remarquons que Decaux n’est pas le seul, parmi les écrivains, à concevoir de l’admiration pour A. Dumas et il y a de quoi. En effet, la vie et l’œuvre de Dumas père ont quelque chose de torrentiel. Dumas fait partie de ces gens pour qui la vie semble toujours trop courte et le monde trop petit. A se demander s’ils n’ont eu qu’une vie. Ecrivain prolixe, créateur de journaux, voyageur impénitent, il se lance même dans la mêlée politique, organise des soirées grandioses dans le château qu’il s’est fait construire !

Quant à sa vie amoureuse, faut-il l’évoquer, elle qui ne lui laissa pratiquement aucun répit tant ses maîtresses furent nombreuses ? La vie de Dumas est un hymne à l’activité frénétique. Un entrain aussi trépidant laisse forcément des stigmates : c’est ruiné que Dumas père passa les derniers jours de sa vie. A travers des choix d’entrée assez cocasses – A la lettre « E », on trouve la phrase « Elle me résistait. Je l’ai assassinée ! », tirée de la pièce Antony – A. Decaux nous dévoile le portrait haut en couleurs de ce prince des lettres. On saura gré à l’auteur d’être incapable de prendre de la distance avec son sujet ; et d’ailleurs, avec un auteur aussi prolifique et un homme aussi débordant que Dumas, est-ce possible ? Les héros peuvent avoir des défauts gros comme ça, il n’empêche : on les aime aussi pour leurs défauts.

Heureux sommes-nous, Français, de compter un tel écrivain dans notre panthéon littéraire. De Méry, un ami de Dumas, n’avait-il pas déclaré : « S’il existe quelque part un autre Robinson Crusoé dans une île déserte, tenez pour certain que ce solitaire est occupé en ce moment à lire Les Trois Mousquetaires à l’ombre de son parasol fait de plumes de perroquet. » (p. 555) ? Monsieur Dumas et Monsieur Decaux, merci !

Alain Decaux, Dictionnaire amoureux de Alexandre Dumas, Plon, 2013, 636 pages, 24.90 €

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Recensions

Assassinés

Broché: 357 pages
Editeur : Librairie Académique Perrin (24 janvier 2013)
Langue : Français
ISBN-10: 2262036500
ISBN-13: 978-2262036508
Dimensions : 24 x 15,4 x 3,6 cm

  Assassinés

Journaliste au Figaro Magazine, Jean-Christophe Buisson a pris le parti de relater quinze assassinats qui ont fait l’histoire. Certains sont très connus, comme l’assassinat de Jules César ou de l’héritier du trône de l’Autriche-Hongrie, François-Ferdinand. D’autres le sont beaucoup moins. Le public ne sait ordinairement pas grand-chose des meurtres d’Abraham Lincoln ou de Patrice Lumumba. Il ne faut guère chercher de relations entre chacun des quinze car les situations et les types d’assassinat sont très variés. Certains concernent des dynastes (Henri III, Nicolas II), d’autres des présidents (Lincoln, Sadate), des chefs de gouvernement (Dollfuss, Indira Gandhi). Tous concernent des personnalités politiques victimes de services de sécurité incompétents. Tous montrent aussi – et l’auteur a bien raison d’insister là-dessus – la grandeur avec laquelle ces hommes et femmes d’Etat ont su tirer leur révérence.

Très plaisant à lire, Assassinés fait penser à la grande époque de l’Histoire en France, celle où des Decaux et Castelot popularisaient leur passion. Le livre de Jean-Christophe Buisson porte la marque de ces livres qu’on a du mal à lâcher, tout simplement parce que l’auteur a réussi à se faire oublier et à concentrer l’attention du lecteur sur des histoires dramatiques qui ne relèvent pas du roman ou de la science-fiction. Voilà, semble dire l’auteur, des faits bruts, voilà comment les choses se sont passées. C’est bien ce que l’on demande à un livre d’histoire. Pas besoin d’en tirer on ne sait quelle conclusion, juste des faits, seulement des faits. Ce livre appelle une suite tant les assassinats célèbres sont légion. Deux noms viennent spontanément à l’esprit : Thomas Becket, archevêque de Cantorbéry assassiné sur l’ordre du roi Henri II et, beaucoup plus proche, Alexandre de Yougoslavie, abattu en 1934 à Marseille.
Une seule remarque négative : Pourquoi à tout prix vouloir faire de César l’empereur qu’il n’a jamais été ?

Jean-Christophe Buisson, Assassinés, Perrin, 2013, 357 pages, 21 €

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Recensions Religion

Histoire des conclaves

Broché: 268 pages
Editeur : Librairie Académique Perrin (9 mars 2013)
Collection : Pour l’histoire
Langue : Français
ISBN-10: 2262023085
ISBN-13: 978-2262023089
Dimensions : 22,4 x 14 x 2,4 cm

 Histoire des conclaves

On l’a vu récemment : l’élection du pape François a ravivé l’intérêt du public pour tout ce qui concerne la papauté. En dépit de la sécularisation des sociétés les plus avancées, il faut reconnaître que cette tradition continue de fasciner, y compris les esprits les plus rétifs aux phénomènes religieux. Les sociétés occidentales, anesthésiées par la doxa du suffrage et de l’égalité universels, n’ont aucune peine à s’intéresser à une survivance du passé qui choisit le pape dans le collège le plus restreint possible. Alors qu’il faut moins de 120 cardinaux pour élire un pape, tout président ne peut l’être que grâce à l’addition de millions de suffrages. Le legs du passé joue à plein pour cette élection très éloignée des critères démocratiques traditionnellement en vigueur. Dans cette histoire menée avec ardeur par Yves Chiron, que retenir ? La petite histoire, on nous l’a assez répété, a beaucoup glosé sur le conclave (en latin, « pièce fermé à clé »).Pas de campagne électorale, un choix d’élus théoriquement illimité mais pratiquement très fermé, des habitudes et traditions comme celle véhiculée par le fameux dicton : « Qui entre pape au concile en ressort cardinal ».

Menant cette histoire tambour battant, Yves Chiron donne l’essentiel en un peu plus de 200 pages. Il s’agit certes d’une histoire tourmentée mais Yves Chiron en donne les clés d’accès. Il revient sur les réformes successives, en particulier celle prise en 1073 par le pape Nicolas II qui réservait l’élection du pape aux seuls cardinaux. A travers l’histoire des conclaves ce sont des pans entiers de l’histoire de l’Eglise qui passent à la lumière. Des pages précieuses sont consacrées par exemple à l’élection du pape Martin V, élection qui mit fin au Grand Schisme, sombre période durant laquelle l’Eglise a compté trois papes. Grâce à des archives évidemment plus nombreuses, les élections au XX° siècle donnent à voir les luttes de courants qui sourdent au sein du collège cardinalice.

L’auteur ayant mis un point final à son livre juste avant la dernière élection, il ne pouvait pas prévoir l’accès au souverain pontificat de l’archevêque de Buenos-Aires. S’il cite bien Mgr Bergoglio au sujet de l’élection de 2005, huit ans plus tard il n’en fait pas l’un des favoris. Un beau livre d’histoire.

Yves Chiron, Histoire des conclaves, Perrin, 2012, 268 pages, 21 €