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Osons dire la vérité à l’Afrique

Broché : 224 pages
Editeur : LE ROCHER EDITIONS (5 mars 2015)
Collection : DOCUMENTS
Langue : Français
ISBN-10 : 2268077403
ISBN-13 : 978-2268077406
Dimensions : 23,5 x 1,9 x 15,2 cm

 Osons dire la vérité à l’Afrique

Comment se fait-il que Bernard Lugan, l’un de nos plus grands africanistes, n’apparaissent jamais dans les grands médias ? La réponse est simple : parce qu’il use d’un langage non politiquement correct et qu’il ose dire des vérités que beaucoup, par complaisance ou manque de courage, se refusent à déclarer. Les trois pages d’introduction mettent d’emblée le lecteur dans le bain : à bas la méthode Coué, abordons de front les problèmes ! L’Afrique jouit de grandes potentialités (trois récoltes annuelles possibles en certains endroits) qui risquent d’être remises en cause par une croissance démographique incontrôlable et une anomie intellectuelle. Les Africains doivent cesser d’écouter le discours occidental du seul mode possible de développement et d’attendre tout de l’extérieur. Comment se fait-il qu’en dépit de ses atouts l’Afrique ne décolle pas, insécurité, corruption, inégalités et crises alimentaires demeurant le lot courant du continent ? Benard Lugan pointe quatre explications : la priorité accordée à l’économie au détriment de la résolution des questions politiques, une démographie suicidaire, le diktat démocratique imposé au continent qui donne systématiquement le pouvoir aux ethnies les plus nombreuses et, pour finir, le refus d’admettre la spécificité de l’Afrique en lui imposant les modèles européens ou asiatiques… Le tableau dressé par l’auteur est sans complaisance, très dur à entendre. Mais ce parler franc n’est-il pas le préalable à toute avancée ? Comment ne le serait-il pas, d’ailleurs, lorsqu’on apprend que des pays qui autrefois assuraient leur autosuffisance alimentaire connaissent la disette ? Ou que le tout pétrolier ou gazier dans lequel se sont précipités certains Etats s’avère, au bout du compte, une triple catastrophe : humaine, économique et environnementale. Dans le cadre de la mondialisation, les sociétés occidentales ne peuvent se désintéresser de l’avenir du continent africain. L’immigration choisie, martingale agitée par certains politiciens, peut s’avérer une catastrophe en ce qu’elle privera l’Afrique des médecins et ingénieurs dont elle a tant besoin.

Le livre de Bernard Lugan, habité par un vrai souci pédagogique, pose avec franchise un diagnostic et livre des solutions dont Africains et Occidentaux ne peuvent faire l’économie. Décapant !

 

Bernard Lugan, Osons dire la vérité à l’Afrique, Editions du Rocher, 2015, 223 pages, 21€

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Qui est Charlie ?

Broché : 252 pages
Editeur : Seuil (5 mai 2015)
Collection : H.C. ESSAIS
Langue : Français
ISBN-10 : 202127909X
ISBN-13 : 978-2021279092
Dimensions : 13,6 x 1,7 x 20,3 cm

 Qui est Charlie ?

La réaction de l’historien et sociologue Emmanuel Todd aux grandes manifestations qui ont suivi les attentats contre Charlie Hebdo a déjà fait couler beaucoup d’encre. Il est vrai que, pour séduisante que paraisse sa thèse, elle est sujette à controverse. La « sociologie de la crise religieuse » (j’aurais plutôt dit « a-religieuse » en ce qu’elle concerne un pays sécularisé à l’extrême mais dont certains référents demeurent ancrés dans l’histoire religieuse) entreprise par Emmanuel Todd mérite examen. L’auteur voit dans les manifestations de masse du 11 janvier dernier, d’après lui porteuses de conformisme et d’islamophobie, la trace d’une sorte de continuité historique. S’appuyant sur des enquêtes et des cartes, E. Todd tente de démontrer que c’est la France de la périphérie, héritière de la culture catholique, portée sur les inégalités sociales et économiques, qui a apporté un soutien massif à la République. Autrement dit, la France provinciale et jadis catholique (E. Todd nomme cette permanence de « catholicisme zombie», un catholicisme dont il ne reste que quelques traces culturelles mais qui continue d’agir sur les consciences) a rejoint les bobos et une partie de la gauche socialiste pour défendre les acquis d’une République méfiante à l’égard de ses minorités sociales et religieuses. Si cette thèse paraît fortement étayée, elle offre également de sérieuses déficiences. En effet, pour séduisante qu’elle paraisse, elle est fragile par sa volonté de systématiser ce qui ne saurait l’être. A cet égard il est ennuyeux que les cartes proposées offrent, par leurs nombreuses exceptions, de solides résistances à la thèse que développe le sociologue. Le problème ne tiendrait-il pas au fait qu’E. Todd tente d’ancrer sa démonstration dans une réalité historique qui n’a plus cours ? Un tableau de la France religieuse du début du XX° siècle, par exemple, n’offre plus guère de points de comparaison avec celui d’aujourd’hui. Nous avons changé de monde et la France d’aujourd’hui n’a plus la même figure que celle d’autrefois. Tout se passe comme si l’auteur ne voulait pas prendre en compte ces changements, vertigineux à l’échelle d’une nation et des quelques décennies passées. Facile à lire, Qui est Charlie ? possède les défauts de ses qualités. Dans son désir de généraliser une théorie séduisante, E. Todd s’est laissé piégé. Vous avez beau secouer un récipient contenant de l’eau et de l’huile ; à la fin jamais ils ne se mélangent.

 

Emmanuel Todd, Qui est Charlie ?, Seuil, 2015, 243 pages, 18€

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Les déshérités ou l’urgence de transmettre

Broché : 207 pages
Editeur : Plon (28 août 2014)
Langue : Français
ISBN-10 : 2259223435
ISBN-13 : 978-2259223430
Dimensions : 20,1 x 1,9 x 13,1 cm

 Les déshérités ou l’urgence de transmettre

La culture et, avec elle, ce qu’elle suppose de transmission et d’accomplissement, est-elle en train de disparaître ? C’est par une anecdote que F.-X. Bellamy commence son livre, cette soirée de 2011 où, à l’Opéra de Rome, le chef d’orchestre Ricardo Muti prend le public à témoin. Il a honte, avoue-t-il, de penser que l’Italie contemporaine est en train de tuer la culture sur laquelle l’histoire du pays est bâtie. Plus près de nous, d’autres chiffres nous arrivent, cinglants, à vous ficher un coup de poing à l’estomac : de plus en plus de jeunes sont incapables de trouver le sens d’un texte et la simple lecture devient pour eux un supplice. Comment se fait-il qu’au pays de l’école gratuite et obligatoire la transmission du savoir s’opère dans des conditions de plus en plus malcommodes ? Dans la première partie de cet ouvrage vigoureux et plein de panache, l’auteur rappelle que les programmes jadis défendus par Descartes, Rousseau et Bourdieu sont en train de magnifiquement s’accomplir. Eux qui prétendaient que la culture est discriminatoire, que l’enseignant sert à la reproduction des élites et que l’éducation est porteuse de violence ; eux qui ont bénéficié de la transmission et d’un enseignement de qualité en sont arrivés à dénier ce droit aux jeunes. Le résultat de ces fariboles ne s’est pas fait attendre : inculture à tous les niveaux, abrutissement devant les écrans et la télé-réalité, indistinction, culte de l’ego, etc. Le jugement de F.-X. Bellamy est sans appel : « La crise de la culture est le résultat d’un travail réfléchi, durable, explicite. » (p. 25). Le problème c’est que – mais nous sommes trop affairés pour le voir – la culture nous est essentielle en ce sens qu’elle augmente ce que nous sommes. Elle ne constitue pas un accessoire pour une élite privilégiée ; elle est constitutive de l’être humain dans ce qu’il a de plus nécessaire. Aussi pouvons-nous être certains que la disparition de la culture ou, au minimum, son confinement dans quelques strates de la société, risque de nous conduire à l’ensauvagement, à l’indistinction et « aux radicalités les plus délirantes » (p. 206). Il est vital de voir que la culture est ce à quoi on reconnaît d’abord une civilisation. Pour ce faire, le rôle de la transmission est essentiel : elle seule peut stopper la déconstruction en direction de laquelle la société toute entière est entraînée. Un livre vital et nécessaire.

 

François-Xavier Bellamy, Les déshérités, Plon, 2014, 207 pages, 17€

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La révolution arabe

Broché : 392 pages
Editeur : Perrin (26 mars 2015)
Langue : Français
ISBN-10 : 2262043337
ISBN-13 : 978-2262043339
Dimensions : 24 x 3 x 15,5 cm

 La révolution arabe

Bien avant l’espoir de changement suscité par les printemps arabes de ces dernières années, le monde arabo-musulman n’en finit pas de réfléchir à sa propre réforme. Encore faut-il savoir ce que l’on met sous ce mot. En effet, il y a un gouffre entre les musulmans qui espèrent une société pluraliste, où religion et politique ne seraient pas mêlés, et ceux qui, au contraire, veulent revenir à l’islam des origines. D’aucuns, dans le mouvement appelé Nahda, ont cherché à assimiler ces deux éléments contraires. « Les réformateurs, écrit Zakya Daoud dans son dernier ouvrage, ont voulu restituer l’islam originel dans sa pureté doctrinale, mais ils n’ont pas, parallèlement, mené la réflexion sur l’islam en tant que civilisation ayant évolué dans un contexte multiple. » Réformer des sociétés cumulant les retards en cherchant à revenir à l’islam des origines ressort de la quadrature du cercle. Comment des sociétés aussi imprégnées de religieux pourraient-elles faire leur aggiornamento sans assigner à la religion une place plus réduite ? Diminuer les inégalités, mettre fin aux frustrations, se débarrasser des tyrannies… Le but ne manquait pas de grandeur. Tel était celui des Nasser et autres Bourguiba, chefs d’Etat qui ne pouvaient pas admettre qu’en dépit de tous ses atouts le monde arabe ne puisse combler l’écart le séparant de l’Occident et des dragons asiatiques. Sans doute manquait-il une théorie de l’Etat susceptible de laisser davantage de liberté aux forces libérales et centrifuges. La seule volonté de quelques hommes politiques ne suffit pas à décréter l’existence d’une société de confiance. Les bons sentiments sont loin de faire une bonne politique. La preuve en a été administrée dans maints pays. A travers les exemples historiques qu’elle donne, l’auteure donne la preuve de la difficulté des sociétés arabo-musulmanes de se choisir un destin digne de leur passé. On a pu croire que l’échec du réformisme avait été fatal aux musulmans libéraux, dépassés et marginalisés par les fondamentalistes. Or, ce qui vient par exemple de se passer en Egypte donne de l’espoir à ceux qui espèrent des sociétés dont l’homogénéité ne passerait pas entièrement par la religion. Encore faudrait-il que l’Etat retrouve l’autorité qui lui fait souvent défaut et qui permet aux extrémistes de s’engouffrer dans la brèche créée par la misère et la frustration.

Zakya Daoud, La révolution arabe, Perrin, 2015, 392 pages, 24€

 

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L’enseignement de l’ignorance et ses conditions modernes

Broché : 110 pages
Editeur : Climats; Édition : Nouvelle éd (28 février 2006)
Collection : CLIMATS NON FIC
Langue : Français
ISBN-10 : 2082131238
ISBN-13 : 978-2082131230
Dimensions : 21 x 1 x 13,5 cm

 L’enseignement de l’ignorance et ses conditions modernes

On peut même dire que l’auteur s’y montre prophète en affirmant que le système capitaliste a intérêt à produire de l’ignorance et que celle-ci est une condition nécessaire à sa perpétuation. Abrutir les citoyens à coups de divertissements massifs, lui suggérer que le bonheur résulte de la consommation, que la culture générale n’est d’aucune utilité, etc. tout cela doit concourir à l’idée que l’éducation ne correspond aucunement à l’idée que s’en faisaient ses concepteurs. Comme l’affirme d’emblée l’auteur, « les présents progrès de l’ignorance, loin d’être l’effet d’un dysfonctionnement regrettable de notre société, sont devenus une condition nécessaire à sa propre expansion. » Il faut entendre ici par progrès de l’ignorance l’ascension continue de l’absence de sens critique. Or, on n’a jamais vu que le sens critique boostait la consommation et le sens de la fête permanente et obligatoire à laquelle le citoyen est tenu (fête des voisins, des grands-pères et grands-mères, nuits blanches à Paris et ainsi de suite… « Festivus, festivus », disait le regretté Philippe Muray). Ce que déclare Michéa et ce qu’affirmait Muray ressort-il de la paranoïa ? Il faut croire que non. Les élites qui nous gouvernent (Michéa ne parle pas ici de nos gouvernements mais des élites économiques, financières et médiatiques qui, de façon souvent occultes tiennent les rênes) estiment que le progrès condamne l’humanité à travailler de moins en moins. Le travail va se faire de plus en plus rare. Que faire pour occuper les centaines de millions d’individus qui n’en auront pas ? Réponse, les occuper par « un cocktail de divertissement abrutissant permettant de maintenir de bonne humeur la population frustrée de la planète. » (Z. Brzezinski) D’où ce recours permanent à la consommation et au divertissement via les 35 heures, la fête à tout berzingue et les Center Parcs. L’homme de demain consommera et s’amusera. Dans ces conditions, mieux vaudra lui enseigner l’ignorance, c’est-à-dire le priver de tout sens critique.

Entre Le meilleur des mondes (A. Huxley) et 1984 (G. Orwell), l’essai de Jean-Claude Michéa laisse entrevoir un monde déshumanisé dans lequel l’homme ne sera que le minuscule rouage d’une gigantesque machine veillant à pérenniser un système qui, au bout du compte, ne profite qu’à une petite minorité. Angoissant !

 

Jean-Claude Michéa, L’enseignement de l’ignorance, Climats, 1999, 111 pages, 12€

 

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La France périphérique

Broché : 192 pages
Editeur : FLAMMARION (17 septembre 2014)
Collection : DOCUMENTS SC.HU
Langue : Français
ISBN-10 : 2081312573
ISBN-13 : 978-2081312579
Dimensions : 21 x 1,5 x 13,4 cm

 La France périphérique

Comment se fait-il que les Français aient tant de mal à faire société, comme si le ressort de l’appartenance collective était définitivement brisé ? Que s’est-il passé ? Comment en est-on arrivé là ? Christophe Guilluy, auteur du remarquable Fractures françaises, a décidé de relever le gant et de pointer les mauvais génies qui ont rendu si difficile l’unité du pays. Les Français se sont-ils rendus compte que le monde avait à ce point changé ? Les raisons sont nombreuses mais, à lire Christophe Guilluy, il y en a une qui l’emporte nettement sur les autres : la mondialisation. Son rouleau compresseur a fracturé la société française. A côté des grandes métropoles liées à la mondialisation heureuse, là où se créé la richesse, où vivent les décideurs économiques et politiques, il y a cette France périphérique des petites villes et du monde rural. Une France qui peine à boucler ses fins de mois, touchée qu’elle est par les plans sociaux et le chômage de masse, assignée à résidence pour des raisons foncières, inquiète de ne plus avoir son sort entre les mains, angoissée à l’idée de ne plus reconnaître le pays dans lequel elle a grandi, tourmentée par l’idée de devenir minoritaire chez elle. « La véritable fracture, souligne C. Guilluy, n’oppose pas les urbains aux ruraux, mais les territoires les plus dynamiques à la France des fragilités sociales. » (p. 24) Pour l’auteur, il ne faut pas se faire d’illusion, le mal est fait et il est désormais trop tard pour espérer suturer les plaies qui se sont ouvertes durant les dernières décennies. Le pire, c’est que la société culturelle promue par les élites a été imposée en dehors de toute voie démocratique. Quand les bobos de Saint-Germain-des-Prés promeuvent le cosmopolitisme, c’est la France des bonnets rouges qui trinque. Dans ce pays qu’elles ne reconnaissent plus tout à fait, les classes populaires « construisent, dans l’adversité, seules et sans mode d’emploi, cette société multiculturelle. » (p. 78) Et lorsque les banlieues bénéficient des millions d’euros liés à la politique de la ville, la France périphérique est livrée à elle-même. Et l’on s’étonne ensuite de la montée du Front National dans les urnes !

 

Christophe Guilluy, La France périphérique, Flammarion, 2014, 185 pages, 18 €

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Chine, l’âge des ambitions

Broché : 493 pages
Editeur : Editions Albin Michel (25 mars 2015)
Collection : ESSAIS DOC.
Langue : Français
ISBN-10 : 2226312625
ISBN-13 : 978-2226312624
Dimensions : 24 x 3,5 x 15,5 cm

 Chine, l’âge des ambitions

Ayant passé plusieurs années en Chine, Evan Osnos livre un portrait saisissant d’un pays en pleine mutation. A travers une série de portraits de Chinois (artistes, internautes, etc.) qu’il a fréquentés durant son séjour, Evan Osnos raconte la Chine d’aujourd’hui, un pays qui vient de connaître de formidables changements en peu de temps. Dans une première partie, l’auteur décrit la réalité du boom économique, avec tout ce qu’il a de vertigineux, ses aspects positifs (par exemple l’accroissement du niveau de vie) et négatifs comme la montée de l’égoïsme et de l’individualisme. Pays paradoxal mélangeant économie de marché et dictature du Parti unique, sa situation génère une opposition qui se manifeste essentiellement sur le net. Comment un pays aussi ouvert sur le monde peut-il poursuivre à censurer et à museler ses opposants ? En dernier lieu, E. Osnos raconte « comment les aspirations de la nouvelle classe moyenne chinoise se traduisent par la quête de nouvelles valeurs » (p. 18). Fourmillant de détails anecdotiques, voilà un livre qui se laisse facilement saisir mais, il faut bien l’avouer, on le quitte avec des idées assez embrouillées. Qu’est-ce que la Chine aujourd’hui ? Paradoxes et contradictions sont si nombreux qu’il ne peut être question de les embrasser d’un seul coup. Nouveauté et modernité sont partout présentes, la tradition aussi. Des démocrates se lèvent en faveur de la démocratie, mais le nationalisme reste puissant. Internet connaît une explosion frénétique, mais le contrôle étatique ne relâche jamais son emprise. Bref, il est bien difficile, avec toutes ces contradictions, de savoir où va la Chine. Ce qui est certain, c’est que l’industrialisation folle des dernières décennies a créé des ruptures dont les séquelles risquent de demeurer. La corruption se situe à un niveau si élevé qu’on peine, ici, à s’en faire l’exacte mesure. Malgré la sévérité des peines judiciaires, la confusion entre affaires et politique a atteint un niveau tel que certains, prenant conscience du vide généré par la course au temps et au profit, se tournent vers des philosophies et religions ayant fait leur preuve, bouddhisme et christianisme pour commencer.

Un livre important pour comprendre le parcours de cet immense et atypique pays.

 

Evan Osnos, Chine, l’âge des ambitions, Albin Michel, 2015, 496 pages, 25 €

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La France à quitte ou double

Broché: 304 pages Editeur : Fayard (18 février 2015)
Collection : Documents
Langue : Français
ISBN-10 : 2213686505
ISBN-13 : 978-2213686509
Dimensions : 15,3 x 2,5 x 23,5 cm

 La France à quitte ou double

Se peut-il que la France se livre au Front National comme la Grèce s’est offerte au gouvernement d’extrême-gauche piloté par Alexis Tsipras ? Ce « quitte », François de Closets n’ose y croire. Pourtant, il se montre tellement perplexe face à l’insuffisance des réponses apportées par la classe politique qu’il fait de l’accession au pouvoir du parti de Marine Le Pen une probabilité à ne pas négliger. S’il dénonce avec vigueur le simplisme du programme du Front national, François de Closets tient surtout rigueur aux politiques d’avoir vécu dans le mensonge et la dénégation depuis quarante ans. Quarante années de laxisme et de lâcheté qu’il va peut-être falloir payer au prix fort. François de Closets estime que « le Front national prospère sur tous les errements de notre classe dirigeante. La remise en cause de l’identité nationale, la prescription de la mixité pluriculturelle, l’incertitude sur la laïcité, l’instrumentalisation de l’antiracisme, l’ignorance du communautarisme qui s’installe, font le jeu de Marine Le Pen. » (p. 296) Evacuant assez vite les questions identitaires et culturelles, l’observateur avisé qu’est F. de Closets revient avec force sur les graves errements économiques et sociaux qui, depuis des décennies, défont le pays : dette abyssale, présent acheté à crédit, désertification, abandon des populations habitant les périphéries… Voilà plusieurs décennies que l’auteur crie dans le désert, ne cessant de mettre en garde les responsables politiques et économiques. Les dangers qui guettent la France valent que tout soit mis sur la table sans quoi les déchirements sociaux et économiques seront tels que le champ libre sera donné à l’extrémisme. Un pays en cessation de paiement est toujours tenté par les sirènes du populisme ; ont-ils oublié cette leçon de l’histoire ces politiciens qui jouent leur partition sur le mot bien connu de la comtesse du Barry sur l’échafaud : « Encore une minute monsieur le bourreau ! ». De façon froide et réalise, l’auteur joue son rôle de lanceur d’alerte. Il le fait pendant qu’il est encore temps et que la France dispose encore de solides atouts. Attention, toutefois, à ne pas les gaspiller dans la frivolité et l’oubli des réalités.

Un livre grave et tonique.

 

François de Closets, La France à quitte ou double, Fayard, 2015, 301 pages, 20.90 €

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Une révolution sous nos yeux

Broché : 556 pages Editeur : L’artilleur
Édition : Poche (12 février 2014)
Collection : TOUC.ESSAIS
Langue : Français
ISBN-10 : 2810005702
ISBN-13 : 978-2810005703
Dimensions : 11 x 3,2 x 18 cm

 Une révolution sous nos yeux – Comment l’Islam va transformer la France et l’Europe

Editorialiste au Financial Times, le journaliste américain Christophe Caldwell s’intéresse de près l’évolution contemporaine de l’Europe occidentale. Lauréat du Prix du livre incorrect 2012, il a écrit un livre choc dont le sous-titre est en lui-même tout un programme : « Comment l’islam va transformer la France et l’Europe ». Après les événements qui ont ensanglanté la capitale en ce début d’année, j’avoue avoir regardé d’un œil suspicieux le livre de C. Caldwell, présupposant une charge assez violente à l’encontre de l’islam. Mais quoi ! Péguy avait raison : il faut voir ce que l’on voit ! Quarante ans d’immigration peu contrôlée, voire incontrôlée, sont en train de bouleverser le visage du vieux continent. Cela mérite qu’on s’y attarde, qu’on laisse de côté anathèmes et jugements approximatifs pour analyser un phénomène qui se massifie. Livre choc, le livre de C. Caldwell est avant tout un livre d’analyses. L’arrivée massive de populations ayant une histoire et une culture qui ne sont pas les nôtres pose inévitablement question. L’erreur de beaucoup de politiques est de minorer les changements induits par de tels flux. Tout se conjugue pour donner du grain à moudre aux partis qui font de l’immigration leur cheval de bataille. Ce qui hier ne concernait que des lieux peu nombreux et facilement identifiables fait tâche d’huile, tant est si bien qu’on en est venu à parler des « territoires perdus de la République ». Bien qu’employant un langage modéré, l’auteur ose appeler un chat un chat. Quand des personnes appellent à l’application de la Charia dans nos sociétés démocratiques avec tout ce que cela suppose dans les comportements, comme la minorisation de la place de la femme, la vigilance s’impose. Une révolution sous nos yeux est un livre qui a pour vocation d’alerter, de pousser à la réflexion. Tout responsable politique qui se respecte devrait s’approprier la thématique développée ici. Sans langue de bois, à l’aide de nombreux exemples, l’auteur se montre convaincant. J’émets toutefois deux réserves : l’islam est plus divisé que ne l’affirme C. Caldwell et il faut aussi s’interroger sur la place et le rôle des musulmans modérés, voire même des musulmans laïques. Tout musulman n’est pas un adepte de la Charia.

 

Christophe Caldwell, Une révolution sous nos yeux, Editions du Toucan, 2009, 539 pages, 11 €

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Comment sommes-nous devenus si cons ?

Broché : 189 pages
Editeur : FIRST (11 septembre 2014)
Langue : Français
ISBN-10 : 2754066896
ISBN-13 : 978-2754066891
Dimensions : 21 x 1,5 x 14 cm

 Comment sommes-nous devenus si cons ?

Abasourdi devant toutes les idioties déversées par la sphère médiatique, frappé devant l’inconsistance du savoir délivré par l’Ecole, le linguiste Alain Bentolila sonne la charge contre ce qu’il appelle le délitement de l’intelligence collective. Lorsque les médias accordent, sur le même sujet, plus de poids aux propos d’un joueur de football qu’à ceux d’un professeur au Collège de France, alors oui, il faut se faire du souci devant cette perte de la raison. D’emblée l’auteur pointe un danger majeur : l’extinction du goût de la découverte, de la volonté de questionnement, du désir de comprendre et d’apprendre : « Une telle perspective me terrifie, car elle marquerait la rupture avec l’aventure des hommes, engagés depuis toujours dans une quête obstinée du savoir » (p. 9). Alain Bentolila pointe d’un doigt accusateur la télévision, arme d’abrutissement massive, Internet, qui accorde plus d’importance à la forme qu’au fond, les politiques, qui n’ont de cesse de suivre les modes et qui imaginent que doter les élèves d’outils technologiques à haute dose remplacera avantageusement la mémorisation et l’intelligence critique. Comme vient de le rappeler fort justement le philosophe Michel Onfray, l’école est d’abord là pour apprendre à lire, écrire, compter et penser. Or, ces missions fondamentales sont en passe d’être liquidées au profit d’une modernité qui pousse à papillonner, à passer d’un sujet à l’autre, à ne jamais approfondir un objet d’études. Autre cible d’Alain Bentolila, ce qu’il nomme les « années d’errance éducative », à savoir ces réformes décrétées d’en-haut qui s’empilent sans qu’une véritable ligne directrice apparaisse, une recherche pédagogique aventureuse qui fait des enfants des cobayes et dont on voit chaque jour les effets destructeurs. Que penser également d’une politique qui vise à substituer pour partie l’école aux familles ? Devant l’impéritie éducative de beaucoup de famille, on a voulu donner à l’Education nationale un rôle qui la dépasse. Or, rappelle l’auteur, c’est aux familles d’éduquer et à l’école d’instruire. La défaite de la pensée et de l’esprit critique dont on constate tous les jours les effets pervers peuvent engendrer des risques gravissimes : en faisant de l’individu un usager et un consommateur à moitié lobotomisé, que deviendra la démocratie ? Ce cri de colère d’Alain Bentolila contre l’abêtissement généralisé, il devient urgent de l’entendre.

Alain Bentolila, Comment sommes-nous devenus si cons ?, First Editions, 2014, 190 pages, 14.95 €