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La cause des vaches

Broché : 144 pages Editeur : LE ROCHER EDITIONS (2 mai 2016) Collection : ESSAIS Langue : Français ISBN-10 : 2268084752 ISBN-13 : 978-2268084756 Dimensions : 18,5 x 1,1 x 12,6 cm
Broché : 144 pages
Editeur : LE ROCHER EDITIONS (2 mai 2016)
Collection : ESSAIS
Langue : Français
ISBN-10 : 2268084752
ISBN-13 : 978-2268084756
Dimensions : 18,5 x 1,1 x 12,6 cm

 La cause des vaches

Décidément, le pognon emporte tout. On s’était peu à peu résigné à la mort du monde rural d’autrefois, à la fin des paysans ; c’était déjà difficile car c’était biffer d’un coup des siècles d’histoire, tirer un trait sur nos paysages et nos traditions. Pour certains, notamment les champions de l’agrobusiness, tout cela n’est pas suffisant. Ce qui compte, n’est-ce pas, c’est le rendement, ce sont les milliers de litres de lait collectés chaque jour que Dieu fait et, tout au bout de la chaîne, la viande qui sera désossée, découpée, charriée, hachée pour finir chez le boucher ou sur l’étal de la grande surface. Afin d’aller toujours plus vite, des paysans qui n’en sont pas ont pensé raccourcir, brûler les étapes. A quoi bon, par exemple, permettre aux vaches de se dégourdir les pattes dans une prairie ? Mieux vaut qu’elles demeurent astreintes 24 heures sur 24 à leur poste, qu’elles mangent, boivent et donnent du lait. C’est ce à quoi ont songé les concepteurs de la ferme des mille vaches, en Picardie. Christian Laborde ne peut se résigner au sort si tragique de ces troupeaux qui jamais ne connaîtront le bleu du ciel et la verdure des pâturages. Il en appelle à notre humanité, à notre conscience d’êtres sensibles.

La cause des vaches n’est pas seulement un cri du cœur poétique consacré à la défense des droits des animaux, c’est surtout un essai s’attachant à la sauvegarde de l’humanité de l’homme, afin qu’il ne s’ensauvage pas et ne sombre pas dans des délires prométhéens. Parlant des vaches, le livre se consacre à l’homme. Ce beau texte, un tantinet nostalgique, même si l’auteur s’en défend, nous renvoie à l’époque où les cours des fermes sentaient la paille fraîchement coupée et les vaches portaient un nom, pas un numéro. Les vaches ne sont pas sacrées, rétorqueront les tenants de l’agro-business ! Justement si ! répond Christian Laborde. La preuve, c’est qu’enfant il a vu « Monsieur le curé bénir le bétail dans les fermes et leur parler du paradis. » (p. 59)

 

Christian Laborde, La cause des vaches, Editions du Rocher, 2016, 143 pages, 15€

 

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Dictionnaire amoureux de l’Orient

Broché : 800 pages Editeur : Plon (7 avril 2016) Collection : Dictionnaire amoureux Langue : Français ISBN-10 : 2259227430 ISBN-13 : 978-2259227438 Dimensions : 13,5 x 3,8 x 20,2 cm
Broché : 800 pages
Editeur : Plon (7 avril 2016)
Collection : Dictionnaire amoureux
Langue : Français
ISBN-10 : 2259227430
ISBN-13 : 978-2259227438
Dimensions : 13,5 x 3,8 x 20,2 cm

 Dictionnaire amoureux de l’Orient

La surprenante collection des « Dictionnaires amoureux » vient de s’enrichir d’un ouvrage passionnant dû à la plume d’un amoureux de l’Orient. En un temps où revient en mémoire la thèse du choc des civilisations, qu’il fait du bien de lire les propos pacifiants d’une personne qui connaît l’Orient, non seulement par les livres mais aussi et surtout par les voyages qu’elle a pu y faire et les personnes qu’elle y a rencontrées. Comme d’habitude, et c’est l’originalité de la collection, l’ouvrage ne prétend pas à l’exhaustivité. Ce n’est pas un livre savant affichant le désir de faire connaître la région de A à Z. L’auteur s’est concentré sur une bonne centaine d’entrées. Le poids de l’histoire et de la religion est bien sûr énorme ; il renvoie à ce célèbre mot du Général de Gaulle faisant allusion à cette région peu étendue et qui a cependant suffi à une si grande histoire. Il faisait allusion à la naissance des monothéismes, à commencer par celui du Dieu d’Israël. Passionnant à lire et servi par un style fluide, ce Dictionnaire amoureux de l’Orient possède les atouts d’un livre destiné à faire date. Tous les articles sont intéressants, y compris ceux qui de prime abord semblent les plus convenus, ceux à propos desquels on ne voit pas bien ce que l’on peut ajouter aux habituels lieux communs. Parmi les pépites distillées par René Guitton, j’ai retenu les entrées consacrées à Agatha Christie, mariée à un archéologue qui a longtemps arpenté le Moyen-Orient, ou encore l’article sur le Saint-Sépulcre. Les pages relatives à la Bible ou au Coran sont toutes marquées par le désir de mieux connaître l’autre, de voir en lui un alter ego, un frère, non un ennemi et un étranger. Au fond, ce livre donne envie de partir à la découverte, une découverte qui serait passionnée et sympathique. Si toute chose à son revers, René Guitton s’est attaché à retenir d’abord l’apport positif des civilisations de l’Orient au patrimoine mondial. Et comme il ne le fait pas sans humour, cela donne un prix supplémentaire à son entreprise.

René Guitton, Dictionnaire amoureux de l’Orient, Plon, 2016, 710 pages, 25€

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L’art de la marche

Broché : 226 pages
Editeur : Editions Albin Michel (4 mai 2016)
Collection : LITT.GENERALE
Langue : Français
ISBN-10 : 2226326065
ISBN-13 : 978-2226326065
Dimensions : 20,5 x 2 x 14 cm

 L’art de la marche

Ils sont de plus en plus nombreux à déguerpir, à fuir le monde bruyant et animé qui nous environne, pour marcher, s’emplir les poumons de l’air de la liberté. Que l’on soit pèlerin de Compostelle ou marcheur au long cours, c’est là le sentiment qui domine. S’affranchir du temps, de l’espace, des préoccupations journalières, il n’y a rien de mieux en matière de liberté. Lorsqu’il quitte Paris pour rejoindre une cabane située au fin fond de la Sibérie, c’est à l’accomplissement d’une liberté pleine et entière qu’aspire Sylvain Tesson. L’écrivain Olivier Bleys, qui livre son témoignage autour de L’art de la marche, est titillé par le même besoin. S’ajoute chez lui, semble-t-il, le goût de rompre la monotonie du quotidien en s’affligeant maux et tracas. L’auteur s’est donné comme défi de faire le tour du monde par étapes annuelles. Tous les ans, durant l’été, Olivier Bleys accomplit un périple de plusieurs centaines de kilomètres : d’Albi à Lyon, puis de Lyon à Alberville, d’Alberville à Andermatt en Suisse… Commencé à Albi, le récit qu’il livre ici s’achève en Hongrie, à quelques encablures de l’Ukraine. Dans un style délié, Olivier Bleys fait valoir ses talents de conteur… et de marcheur. Le périple qu’il accomplit, aussi loin que possible de la civilisation, atteste de réelles qualités physiques. Il s’avère que, même dans notre petite Europe, il est possible de vivre l’aventure. Pour ce faire, mieux vaut choisir de longues distances et préférer l’altitude et les sommets au cours plus rapide et plus sûr – mais plus encombré et plus pollué ! – que les vallées. Quand trouver de l’eau s’avère une tâche redoutable, le récit passionnant d’Olivier Bleys fait prendre conscience du confort qu’offre la civilisation.

Surgissent ici et là, cerise sur le gâteau d’un récit plein de panache, de pertinentes réflexions sur l’aménagement du territoire, pour dénoncer par exemple cette surenchère de panneaux, chicanes et dos d’âne qui défigurent nombre de nos villages. Un magnifique récit.

 

Olivier Bleys, L’art de la marche, Albin Michel, 2016, 227 pages, 16€

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Comprendre le malheur français

Broché : 378 pages
Editeur : Stock (9 mars 2016)
Collection : Essais – Documents
Langue : Français
ISBN-10 : 2234075416
ISBN-13 : 978-2234075412
Dimensions : 13,6 x 2,5 x 21,5 cm

 Comprendre le malheur français

Comprendre le malheur français fait partie de ces réflexions qui ont le mérite de mettre au centre la France, son présent et son avenir. Contrairement au pays officiel qui demeure dans la dénégation, Marcel Gauchet prend très au sérieux ce malheur français. L’introduction met d’emblée le lecteur dans l’ambiance. Pourquoi le Français, s’il se dit individuellement satisfait de son sort, ne parvient-il pas à considérer la situation avec la satisfaction qu’en attendent les élites ?  Si les Français continuent de broyer du noir, c’est en grande partie parce qu’ils ont un rapport particulier à la mondialisation. L’hypothèse principale du sociologue est que « la France a négocié dans de très mauvaises conditions le tournant de la mondialisation » (p. 9) Alors que les élites économiques et médiatiques ne voient aucun inconvénient à cette course à la marchandisation générale et à l’américanisation, le peuple considère avec inquiétude le déclassement qui touche le pays. Autrefois grande puissance, un temps épargné par le déclin grâce à la vision gaullienne de la souveraineté, le pays s’enfonce depuis une trentaine d’années dans la médiocrité et la consommation. Ce n’est pas seulement l’immigration de masse qui angoisse les Français, affolés à l’idée de voir le pays, ses mœurs, ses us et coutumes se perdre dans la globalisation. M. Gauchet insiste d’abord sur la notion de grandeur perdue, sur l’aveuglement de la classe politique et la déception due à l’échec de l’Europe. Le modèle français, essentiellement due à la puissance de la notion d’Etat-nation, est en train de s’effondrer, peu à peu remplacé par le nivellement et le relativisme dont les puissants font leur miel. Dans la leçon de réalisme qu’assène l’auteur, parmi les mensonges et supercheries qu’il met à jour, retenons ce qui, d’après lui, constitue le malentendu politique français. Celui-ci a une source principale : « Les élites françaises ne connaissent plus l’histoire de leur pays et ne s’en sentent plus solidaires. » (p. 24)

La démonstration assénée par Marcel Gauchet est rude, mais nécessaire à entendre. Il nous fait mesurer l’ampleur du décalage qui existe entre le peuple français et ceux qui, selon lui, l’ont mené à l’impasse. Pour beaucoup, le bonheur ne passe pas par le stade de l’homme nomade, citoyen du monde, formaté par la novlangue contemporaine.

 

Marcel Gauchet, Comprendre le malheur français, Stock, 2016, 371 pages, 20 €

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Ce pays qui aime les idées

Broché : 480 pages
Editeur : FLAMMARION (26 août 2015)
Collection : Au fil de l’histoire
Langue : Français
ISBN-10 : 2081303531
ISBN-13 : 978-2081303539
Dimensions : 24,1 x 3 x 15,4 cm

 Ce pays qui aime les idées

Professeur à Oxford, francophile, Sudhir Hazareesingh continue de se passionner pour la vie littéraire et l’histoire politique de notre pays. Il est vrai que les deux ont souvent connu des relations passionnées et tumultueuses. Ce n’est pas la première fois qu’un intellectuel étranger est fasciné par l’intérêt, voire l’amour, que les Français portent pour les idées. Il n’est pas inintéressant de constater qu’il y a quelques décennies la France avait le parti communiste le plus puissant d’Europe occidentale et que, à l’opposé de l’échiquier politique, le mouvement royaliste L’Action Française berçait les illusions monarchistes de centaines de milliers de nos compatriotes. Dans l’Entre-Deux-Guerres Maurice Chevalier avait chanté la diversité des appartenances politiques des Français, suggérant ainsi que le pays n’était pas encore remis de ses dissensions : « Le colonel était d’Action Française, Le commandant était un modéré, Le capitaine était pour le diocèse, Et le lieut’nant boulottai du curé… » L’efflorescence d’idées, qu’elles soient politiques, artistiques ou littéraires, amuse l’auteur. En tout cas, elle suscite suffisamment son intention pour que ce dernier publie ce qu’il qualifie d’Histoire d’une passion française. Peuple autrefois littéraire, les Français n’ont jamais caché leur intérêt pour la bataille d’idées. L’auteur a retenu une dizaine de domaines dans lesquels s’est exercée cette passion nationale ou qui, à l’image du premier chapitre, montre ce paradoxe très français : on se flatte d’être cartésien, d’honorer Descartes, son Cogito et sa rigueur logique mais, en même temps, on s’enthousiasme pour les apôtres du structuralisme et de la déconstruction. Qu’ont de commun l’esprit de finesse et de géométrie des âges classiques avec l’embrigadement dans les ligues patriotiques des avant-guerres et l’aveuglement d’une grande part du peuple de gauche à l’endroit du Petit père des peuples ? Sudhir Hazareesingh clôt son ouvrage sur la domination d’une vision décliniste de la France donnée par Alain Finkielkraut ou Eric Zemmour, terriblement éloignée des visions futuristes des socialistes utopiques du XIX° siècle. Etrange pays que le nôtre, remarque l’auteur, hanté par le souvenir de ses luttes picrocholines et soucieux par son aspiration à l’universel. Passionnant !

 

Sudhir Hazareesingh, Ce pays qui aime les idées, Flammarion, 2015, 469 pages, 23.90€

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Le marché n’a pas de morale

Broché : 159 pages
Editeur : Cerf (6 novembre 2015)
Collection : ACTUALITE
Langue : Français
ISBN-10 : 2204105473
ISBN-13 : 978-2204105477
Dimensions : 21 x 1,3 x 13,5 cm

 Le marché n’a pas de morale

Comment faire société lorsque le projet commun fait défaut et que le pays n’est plus qu’un ramassis de communautés juxtaposées qui s’ignorent ? Dans cet ouvrage dense et tonique, Mathieu Detchessahar dresse un tableau sans complaisance de la société française contemporaine. D’où proviennent ces délitements ? Pour l’auteur, la racine de ces fractures est à chercher du côté de ce qu’il appelle « les échecs du projet de société de marché » (p. 19) En même temps qu’elle déconstruisait l’ordre ancien, la société de marché proposait « une nouvelle idole, une ultime sacralité : l’abondance matérielle comme horizon de tous nos besoins et solution à tous nos maux. » (p. 20) Autrement dit, le tout économique a tellement désenchanté le monde qu’il nous est devenu difficile de faire société. Le problème, c’est que l’augmentation du niveau de vie ou la hausse du PIB ne font pas un projet collectif. Au contraire, ils nuisent à ce dernier en ce qu’ils provoquent le repli sur soi. Cela ne revient pas à dire que la société de marché n’a pas de morale. Au contraire, elle s’adosse aux modes et mouvements culturels véhiculés par l’ordre libertaire, c’est-à-dire des droits de l’homme non bordés, suite de revendications de type sociétal visant à satisfaire les ego. Dans cette optique, il convient de balayer tout ce qui pourrait rappeler l’ordre ancien, du socialisme utopique au catholicisme. Problème, le culte inouï porté à la tolérance et à la liberté absolue entraîne des corollaires corrosifs pour les liens sociaux : relativisme culturel, culte du moi et horizontalité marchande sont par nature incapables de porter un projet susceptible d’entraîner l’adhésion de la majorité. L’illustration de cette société flottante se traduit dans le modèle des très grandes sociétés, géants mondialisés devenus, aux dépens des Etats, « des autorités centrales de la société de marché. » (p. 52) Désormais, c’est la très grande entreprise qui dit le bien, position illusoire car son objectif premier est de remplir les poches des actionnaires.

Dans ce livre pessimiste, Mathieu Detchessahar montre avec brio que la seule logique marchande ne fonde pas un projet de société. Elle fait même tout le contraire. Pour contrer ses effets délétères, il faudrait refaire de la politique, c’est-à-dire réfléchir sur le sens de la vie, sur l’homme et ses fins. Il y a urgence !

 

Mathieu Detchessahar, Le marché n’a pas de morale, Cerf, 2015, 160 pages, 14€

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Osons dire la vérité à l’Afrique

Broché : 224 pages
Editeur : LE ROCHER EDITIONS (5 mars 2015)
Collection : DOCUMENTS
Langue : Français
ISBN-10 : 2268077403
ISBN-13 : 978-2268077406
Dimensions : 23,5 x 1,9 x 15,2 cm

 Osons dire la vérité à l’Afrique

Comment se fait-il que Bernard Lugan, l’un de nos plus grands africanistes, n’apparaissent jamais dans les grands médias ? La réponse est simple : parce qu’il use d’un langage non politiquement correct et qu’il ose dire des vérités que beaucoup, par complaisance ou manque de courage, se refusent à déclarer. Les trois pages d’introduction mettent d’emblée le lecteur dans le bain : à bas la méthode Coué, abordons de front les problèmes ! L’Afrique jouit de grandes potentialités (trois récoltes annuelles possibles en certains endroits) qui risquent d’être remises en cause par une croissance démographique incontrôlable et une anomie intellectuelle. Les Africains doivent cesser d’écouter le discours occidental du seul mode possible de développement et d’attendre tout de l’extérieur. Comment se fait-il qu’en dépit de ses atouts l’Afrique ne décolle pas, insécurité, corruption, inégalités et crises alimentaires demeurant le lot courant du continent ? Benard Lugan pointe quatre explications : la priorité accordée à l’économie au détriment de la résolution des questions politiques, une démographie suicidaire, le diktat démocratique imposé au continent qui donne systématiquement le pouvoir aux ethnies les plus nombreuses et, pour finir, le refus d’admettre la spécificité de l’Afrique en lui imposant les modèles européens ou asiatiques… Le tableau dressé par l’auteur est sans complaisance, très dur à entendre. Mais ce parler franc n’est-il pas le préalable à toute avancée ? Comment ne le serait-il pas, d’ailleurs, lorsqu’on apprend que des pays qui autrefois assuraient leur autosuffisance alimentaire connaissent la disette ? Ou que le tout pétrolier ou gazier dans lequel se sont précipités certains Etats s’avère, au bout du compte, une triple catastrophe : humaine, économique et environnementale. Dans le cadre de la mondialisation, les sociétés occidentales ne peuvent se désintéresser de l’avenir du continent africain. L’immigration choisie, martingale agitée par certains politiciens, peut s’avérer une catastrophe en ce qu’elle privera l’Afrique des médecins et ingénieurs dont elle a tant besoin.

Le livre de Bernard Lugan, habité par un vrai souci pédagogique, pose avec franchise un diagnostic et livre des solutions dont Africains et Occidentaux ne peuvent faire l’économie. Décapant !

 

Bernard Lugan, Osons dire la vérité à l’Afrique, Editions du Rocher, 2015, 223 pages, 21€

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Qui est Charlie ?

Broché : 252 pages
Editeur : Seuil (5 mai 2015)
Collection : H.C. ESSAIS
Langue : Français
ISBN-10 : 202127909X
ISBN-13 : 978-2021279092
Dimensions : 13,6 x 1,7 x 20,3 cm

 Qui est Charlie ?

La réaction de l’historien et sociologue Emmanuel Todd aux grandes manifestations qui ont suivi les attentats contre Charlie Hebdo a déjà fait couler beaucoup d’encre. Il est vrai que, pour séduisante que paraisse sa thèse, elle est sujette à controverse. La « sociologie de la crise religieuse » (j’aurais plutôt dit « a-religieuse » en ce qu’elle concerne un pays sécularisé à l’extrême mais dont certains référents demeurent ancrés dans l’histoire religieuse) entreprise par Emmanuel Todd mérite examen. L’auteur voit dans les manifestations de masse du 11 janvier dernier, d’après lui porteuses de conformisme et d’islamophobie, la trace d’une sorte de continuité historique. S’appuyant sur des enquêtes et des cartes, E. Todd tente de démontrer que c’est la France de la périphérie, héritière de la culture catholique, portée sur les inégalités sociales et économiques, qui a apporté un soutien massif à la République. Autrement dit, la France provinciale et jadis catholique (E. Todd nomme cette permanence de « catholicisme zombie», un catholicisme dont il ne reste que quelques traces culturelles mais qui continue d’agir sur les consciences) a rejoint les bobos et une partie de la gauche socialiste pour défendre les acquis d’une République méfiante à l’égard de ses minorités sociales et religieuses. Si cette thèse paraît fortement étayée, elle offre également de sérieuses déficiences. En effet, pour séduisante qu’elle paraisse, elle est fragile par sa volonté de systématiser ce qui ne saurait l’être. A cet égard il est ennuyeux que les cartes proposées offrent, par leurs nombreuses exceptions, de solides résistances à la thèse que développe le sociologue. Le problème ne tiendrait-il pas au fait qu’E. Todd tente d’ancrer sa démonstration dans une réalité historique qui n’a plus cours ? Un tableau de la France religieuse du début du XX° siècle, par exemple, n’offre plus guère de points de comparaison avec celui d’aujourd’hui. Nous avons changé de monde et la France d’aujourd’hui n’a plus la même figure que celle d’autrefois. Tout se passe comme si l’auteur ne voulait pas prendre en compte ces changements, vertigineux à l’échelle d’une nation et des quelques décennies passées. Facile à lire, Qui est Charlie ? possède les défauts de ses qualités. Dans son désir de généraliser une théorie séduisante, E. Todd s’est laissé piégé. Vous avez beau secouer un récipient contenant de l’eau et de l’huile ; à la fin jamais ils ne se mélangent.

 

Emmanuel Todd, Qui est Charlie ?, Seuil, 2015, 243 pages, 18€

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Les déshérités ou l’urgence de transmettre

Broché : 207 pages
Editeur : Plon (28 août 2014)
Langue : Français
ISBN-10 : 2259223435
ISBN-13 : 978-2259223430
Dimensions : 20,1 x 1,9 x 13,1 cm

 Les déshérités ou l’urgence de transmettre

La culture et, avec elle, ce qu’elle suppose de transmission et d’accomplissement, est-elle en train de disparaître ? C’est par une anecdote que F.-X. Bellamy commence son livre, cette soirée de 2011 où, à l’Opéra de Rome, le chef d’orchestre Ricardo Muti prend le public à témoin. Il a honte, avoue-t-il, de penser que l’Italie contemporaine est en train de tuer la culture sur laquelle l’histoire du pays est bâtie. Plus près de nous, d’autres chiffres nous arrivent, cinglants, à vous ficher un coup de poing à l’estomac : de plus en plus de jeunes sont incapables de trouver le sens d’un texte et la simple lecture devient pour eux un supplice. Comment se fait-il qu’au pays de l’école gratuite et obligatoire la transmission du savoir s’opère dans des conditions de plus en plus malcommodes ? Dans la première partie de cet ouvrage vigoureux et plein de panache, l’auteur rappelle que les programmes jadis défendus par Descartes, Rousseau et Bourdieu sont en train de magnifiquement s’accomplir. Eux qui prétendaient que la culture est discriminatoire, que l’enseignant sert à la reproduction des élites et que l’éducation est porteuse de violence ; eux qui ont bénéficié de la transmission et d’un enseignement de qualité en sont arrivés à dénier ce droit aux jeunes. Le résultat de ces fariboles ne s’est pas fait attendre : inculture à tous les niveaux, abrutissement devant les écrans et la télé-réalité, indistinction, culte de l’ego, etc. Le jugement de F.-X. Bellamy est sans appel : « La crise de la culture est le résultat d’un travail réfléchi, durable, explicite. » (p. 25). Le problème c’est que – mais nous sommes trop affairés pour le voir – la culture nous est essentielle en ce sens qu’elle augmente ce que nous sommes. Elle ne constitue pas un accessoire pour une élite privilégiée ; elle est constitutive de l’être humain dans ce qu’il a de plus nécessaire. Aussi pouvons-nous être certains que la disparition de la culture ou, au minimum, son confinement dans quelques strates de la société, risque de nous conduire à l’ensauvagement, à l’indistinction et « aux radicalités les plus délirantes » (p. 206). Il est vital de voir que la culture est ce à quoi on reconnaît d’abord une civilisation. Pour ce faire, le rôle de la transmission est essentiel : elle seule peut stopper la déconstruction en direction de laquelle la société toute entière est entraînée. Un livre vital et nécessaire.

 

François-Xavier Bellamy, Les déshérités, Plon, 2014, 207 pages, 17€

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La révolution arabe

Broché : 392 pages
Editeur : Perrin (26 mars 2015)
Langue : Français
ISBN-10 : 2262043337
ISBN-13 : 978-2262043339
Dimensions : 24 x 3 x 15,5 cm

 La révolution arabe

Bien avant l’espoir de changement suscité par les printemps arabes de ces dernières années, le monde arabo-musulman n’en finit pas de réfléchir à sa propre réforme. Encore faut-il savoir ce que l’on met sous ce mot. En effet, il y a un gouffre entre les musulmans qui espèrent une société pluraliste, où religion et politique ne seraient pas mêlés, et ceux qui, au contraire, veulent revenir à l’islam des origines. D’aucuns, dans le mouvement appelé Nahda, ont cherché à assimiler ces deux éléments contraires. « Les réformateurs, écrit Zakya Daoud dans son dernier ouvrage, ont voulu restituer l’islam originel dans sa pureté doctrinale, mais ils n’ont pas, parallèlement, mené la réflexion sur l’islam en tant que civilisation ayant évolué dans un contexte multiple. » Réformer des sociétés cumulant les retards en cherchant à revenir à l’islam des origines ressort de la quadrature du cercle. Comment des sociétés aussi imprégnées de religieux pourraient-elles faire leur aggiornamento sans assigner à la religion une place plus réduite ? Diminuer les inégalités, mettre fin aux frustrations, se débarrasser des tyrannies… Le but ne manquait pas de grandeur. Tel était celui des Nasser et autres Bourguiba, chefs d’Etat qui ne pouvaient pas admettre qu’en dépit de tous ses atouts le monde arabe ne puisse combler l’écart le séparant de l’Occident et des dragons asiatiques. Sans doute manquait-il une théorie de l’Etat susceptible de laisser davantage de liberté aux forces libérales et centrifuges. La seule volonté de quelques hommes politiques ne suffit pas à décréter l’existence d’une société de confiance. Les bons sentiments sont loin de faire une bonne politique. La preuve en a été administrée dans maints pays. A travers les exemples historiques qu’elle donne, l’auteure donne la preuve de la difficulté des sociétés arabo-musulmanes de se choisir un destin digne de leur passé. On a pu croire que l’échec du réformisme avait été fatal aux musulmans libéraux, dépassés et marginalisés par les fondamentalistes. Or, ce qui vient par exemple de se passer en Egypte donne de l’espoir à ceux qui espèrent des sociétés dont l’homogénéité ne passerait pas entièrement par la religion. Encore faudrait-il que l’Etat retrouve l’autorité qui lui fait souvent défaut et qui permet aux extrémistes de s’engouffrer dans la brèche créée par la misère et la frustration.

Zakya Daoud, La révolution arabe, Perrin, 2015, 392 pages, 24€