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Le crépuscule des idoles progressistes

Broché : 300 pages
Editeur : Stock (1 février 2017)
Collection : Essais – Documents
Langue : Français
ISBN-10 : 2234079810
ISBN-13 : 978-2234079816
Dimensions : 13,5 x 2 x 21,5 cm

 Le crépuscule des idoles progressistes

Décidément, la France aime les idées et les batailles d’idées. Il y a peu, les observateurs soulignaient la fin de la querelle gauche – droite au prétexte que les frontières idéologiques avaient cédé devant l’individualisme et la consommation. L’ouvrage de Bérénice Levet, confirmé par tant d’autres livres, d’articles et d’interviews, remet avec force les pendules à l’heure : non, le débat d’idées n’est pas mort. S’adaptant et se renouvelant au gré des fluctuations de la société, il reprend des couleurs. La meilleure preuve en est les élections présidentielles, les deux candidats épousant de près la doxa propre à leur camp, progressiste d’un côté, réactionnaire de l’autre. Mondialisation, culte du progrès, ouverture à l’autre, à gauche ; défense des identités, amour de la tradition, volonté de ne pas se faire submerger, à droite. Mais, comme le fait remarquer Bérénice Levet, les situations de départ n’étaient pas les mêmes, la gauche ayant, depuis 1945, préempté les fruits idéologiques d’un débat déserté pour partie par une droite enchevêtrée dans le marais de la Collaboration. Misant sur l’appauvrissement d’une pensée autrefois largement dominante, l’auteur alimente les ressorts des vieilles « passions françaises » (Theodor Zeldin). L’enracinement de l’homme, la transmission du passé, l’assignation d’un rôle majeur dévolu à l’école, le droit des peuples à la continuité historique, telles sont les idées fortes que porte Le crépuscule des idoles progressistes. Dans une société aussi atomisée que la nôtre, il vaut la peine de se pencher sur des questions dont, esprit partisan ou pas, tout citoyen sérieux ne saurait faire l’économie. Estimant que le progressisme « a programmé l’obsolescence de l’être occidental », B. Levet postule la venue d’un citoyen capable de s’enthousiasmer pour l’héritage civilisationnel dont il est porteur. En ces temps portés au nihilisme, un livre à considérer avec le plus vif intérêt.

 

Bérénice Levet, Le crépuscule des idoles progressistes, Stock, 2017, 265 pages, 19.50 €

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Notre ennemi, le capital

Broché : 320 pages
Editeur : FLAMMARION (11 janvier 2017)
Collection : CLIMATS NON FIC
Langue : Français
ISBN-10 : 2081395606
ISBN-13 : 978-2081395602
Dimensions : 21 x 2 x 13,7 cm

 Notre ennemi, le capital

En dépit de tous les défauts qu’on lui connaît, on ne voit pas ce qui pourrait, non pas mettre fin, mais au moins atténuer l’impérialisme du système capitaliste. Comme le rappelle la phrase du philosophe slovène Slavoj Zizek figurant sur la jaquette du livre de Jean-Claude Michéa : « Il est aujourd’hui plus facile d’imaginer la fin du monde que celle du capitalisme. » Intellectuel de gauche, enrageant devant les reculades incessantes des gouvernements de gauche face aux dégâts de la mondialisation libérale, Jean-Claude Michéa ne cesse de rompre des lances avec le capitalisme d’aujourd’hui, ce capitalisme financier, prédateur et glouton, celui qui violente l’identité des peuples et leurs traditions. Au départ, il s’agissait pour l’auteur de répondre à des questions qui lui avaient été posées par un site internet tenant pour la décroissance. A la manière des rares auteurs qui ajoutent plus de pages dans les notes que dans le corps principal du texte, l’auteur a ajouté à ses réponses ce qu’il appelle des scolies, notes servant à aller plus loin. Notre ennemi, le capital dit l’ensemble des raisons qui poussent Jean-Claude Michéa à détester le système capitaliste. Ce faisant, il réhabilite des penseurs qui, depuis quelques décennies, avaient été tenus pour quantité négligeable : les socialistes utopistes français et Marx en particulier. Mais, en définitive, ce qui apparaît, c’est la conjonction intellectuelle qui unit un homme de gauche comme Michéa à un intellectuel de droite comme Alain de Benoist, tous deux partisans d’un retour aux limites et à la raison. Une union plus utile que jamais face à celle qui rassemble, comme le rappelait il y a peu Jacques Julliard, les fidèles « les pages saumon du Figaro et les pages arc-en-ciel de Libération. »

Jean-Claude Michéa, Notre ennemi, le capital, Flammarion, 2017, 316 pages, 19€

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Plus rien à faire, plus rien à foutre

Broché : 198 pages
Editeur : Robert Laffont (23 février 2017)
Langue : Français
ISBN-10 : 2221198662
ISBN-13 : 978-2221198667
Dimensions : 13,6 x 1,8 x 21,6 cm

  » Plus rien à faire, plus rien à foutre  »

Pour simplifier et sacrifier aux besoins de sa démonstration, Brice Teinturier, directeur de l’Institut Ipsos, a choisi de nommer « PRAFistes » ainsi tous ces Français qui, au mieux sont devenus totalement indifférents à la vie politique ou, au pire, hésitent entre résignation et colère. Ce que l’auteur appelle de l’appellation un peu obscure de « PRAF attitude » est constituée par une force qui monte inexorablement au sein du corps électoral : ces citoyens dégoûtés par la droite et la gauche mais qui ne sont pas prêts à rejoindre les rangs du Front National et qui expriment un sentiment de rejet profond à l’égard de l’ensemble de la classe politique. Plutôt que de s’arrêter à ce titre racoleur, mieux vaut insister sur le sous-titre : « La vraie crise de la démocratie ». Alors que le peuple français s’apprête à élire le prochain Président de la République puis de nouveaux députés, comment ne pas être effaré devant cette dissidence larvée de plusieurs millions d’électeur que Brice Teinturier place en toile de fond ? Dans une première partie, l’auteur passe en revue ce qu’il appelle les racines du mal : les mutations d’une information qui fait du sensationnel un principe de base, le manque de résultats des politiques publiques, le rejet d’une fiscalité qui frappe de plein fouet les classes moyennes, une classe politique manquant singulièrement de vision. Le diagnostic dressé par l’auteur est imparable ; nous vivons dans une « société d’exaspération où l’exigence de liberté individuelle prévaut de plus en plus ouvertement sur le souci de l’intérêt général. » (p. 179) Pour lutter contre l’attitude désabusée de ceux qui « n’en ont plus rien à faire », on pourrait compter sur divers leviers. Des politologues travaillent sur une autre forme de démocratie, tantôt l’une donnant un rôle premier aux experts, tantôt une autre faisant des citoyens des leviers d’action susceptibles d’adopter ou de défaire la loi, etc. Comme on l’entend parfois, une autre façon de faire de la politique est possible, mais le temps presse.

 

Brice Teinturier, « Plus rien à faire, plus rien à foutre », Robert Laffont, 2017, 198 pages, 18€

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Comment tout peut s’effondrer

Broché : 304 pages
Editeur : Le Seuil (9 avril 2015)
Collection : Anthropocène
Langue : Français
ISBN-10 : 2021223310
ISBN-13 : 978-2021223316
Dimensions : 14,1 x 1,7 x 19,1 cm

 Comment tout peut s’effondrer

Et si notre civilisation était au bout du rouleau, en phase de liquidation à force d’avoir brûlé en quelques décennies l’essentiel de son carburant ! Telle est l’hypothèse que Pablo Servigne et Raphaël Stevens développent dans ce livre passionnant. Dans les premiers chapitres, ils utilisent l’image d’une humanité ressemblant à un bolide à la direction faussée et qui foncerait à vitesse accélérée en direction d’un gouffre. Il faut dire que les chiffres qu’ils énoncent – qu’ils proviennent du GIEC ou d’organismes privés – font froid dans le dos. Nous consommons la plupart de nos ressources à des vitesses record et nous en voulons toujours plus. La vogue du progrès à outrance de la consommation folle ne sont tout simplement plus de mise dans le cadre du monde fini qu’est le nôtre. Le problème, c’est que les élites politiques et économiques font de la croissance l’horizon indépassable de l’humanité et que tous nous préférons nous plonger la tête dans le sable et profiter des plaisirs de la vie, dussent-ils coûter cher en calories ou en kilowatts. Nous savons, par exemple, que l’exploitation effrénée du pétrole de schiste est catastrophique pour l’environnement, que d’ici quelques décennies le seul pétrole exploitable coûtera un prix prohibitif ; pourtant, nous continuons à organiser des courses de bagnoles, source de pollution sonore et atmosphérique. Si les auteurs de Comment… s’avouent catastrophistes, ils demeurent cependant d’un optimisme raisonnable. Notre civilisation court inéluctablement à sa perte. Ce sera la fin d’un monde mais non pas la fin du monde. Il faut compter sur la capacité de résilience de l’espèce humaine, sur des valeurs telles que la générosité et la solidarité pour bâtir un autre monde. Un monde où le bonheur ne reposera pas sur l’accumulation des biens et la recherche illusoire d’un mythe appelé progrès. Après l’effondrement, il y aura un avenir à penser et à vivre.

 

Pablo Servigne & Raphaël Stevens, Comment tout peut s’effondrer, Le Seuil, 2015, 296 pages, 19€

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Vivre dans un monde sans croissance : Quelle transition énergétique ?

Broché : 280 pages
Editeur : Desclée De Brouwer (10 mars 2016)
Collection : DDB.ESSAIS
Langue : Français
ISBN-10 : 222007983X
ISBN-13 : 978-2220079837
Dimensions : 21 x 2,1 x 14 cm

 Vivre dans un monde sans croissance

Tandis que beaucoup de citoyens s’alarment de l’état du monde qu’ils vont laisser à leurs enfant, d’autres demeurent dans la dénégation. En effet, souligne Michel Dubois dans la préface, « nombreux sont ceux qui préfèrent considérer que l’augmentation indéfinie de la production et de la consommation est nécessaire au développement de tous ». Le monde a changé et il continue à changer et, pourtant, certains continuent de décréter que cela n’est pas vrai. C’est la raison pour laquelle, de façon très paisible, l’auteur s’attache dans les premiers chapitres à décrire les dangers qui guettent l’espèce humaine. Comme l’écrit l’auteur, « le temps du monde fini a déjà commencé ». Tous les jours les médias alertent sur l’état pitoyable de notre planète : extinction de nombreuses espèces, fin programmée des ressources du sous-sol, pollution, rareté de l’eau douce, explosion démographique de certaines régions, etc. A l’aide d’exemples très concrets, Michel Dubois aide à comprendre l’urgence de la situation. Cela dit, il se refuse à tout catastrophisme, réfléchissant à ce qui peut être fait avant que le pire n’advienne. Si le temps nous est désormais compté, il n’est pas encore trop tard. Exemple : « Encore 50 % des réserves planétaires  d’hydrocarbure restent accessibles à des coûts croissants. Pouvons-nous brûler ces réserves inconsidérément ? Nous avons encore besoin d’énergie fossile pour apprendre à nous en passer » (p. 101). Dans la seconde partie de son ouvrage, Michel Dubois donne des pistes en vue de ce qu’il appelle le temps de la transformation. Dans le cadre d’une volonté européenne digne de ce nom, il réclame un vaste débat, lequel ne serait plus l’apanage exclusif des hommes politiques. Parmi les questions mises sur le chantier : l’augmentation de la production d’énergies alternatives, l’arrêt du gaspillage, l’évolution de nos représentations collectives, le passage, en ce qui concerne le nucléaire, de la fission à la fusion… Un livre qui ouvre un débat aussi vaste que crucial.

 

Michel Dubois, Vivre dans un monde sans croissance, Desclée de Brouwer, 2016, 278 pages, 19€

 

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Un printemps russe

Broché : 305 pages
Editeur : Editions des Syrtes (19 mai 2016)
Collection : ESSAI
Langue : Français
ISBN-10 : 2940523428
ISBN-13 : 978-2940523429
Dimensions : 22,5 x 2,3 x 14 cm

 Un printemps russe

A la chute de l’empire soviétique, on avait cru la Russie finie, épuisée par sept décennies de communisme. Le chaos des années Eltsine avait montré toutes les fragilités de cet immense pays : démographie déclinante, industrie vieillissante, formes armées déliquescentes… Depuis quelques années le pays s’est doté d’un chef d’Etat qui a plus d’un monarque que d’un président élu. Election après élection, Vladimir Poutine continue de bénéficier de l’estime d’un peuple fier qui n’en pouvait plus du déclin dans lequel l’avait menée l’aventure libérale des années 1990. Si Poutine est aussi populaire, c’est parce qu’il a su redresser la Russie au point d’en faire une puissance de premier rang dans le jeu diplomatique et militaire internationale ; il suffit de voir l’action de la Russie aux côtés de Bachar al-Assad pour s’en convaincre. En une quinzaine d’années, Vladimir Poutine a relevé l’économie et la démographie, il a si bien rendu aux Russes leur fierté que toute élection ressemble désormais à un plébiscite. Cela nous peinons à le comprendre. Les médias occidentaux, tout à leur rage contre Poutine, méconnaissent le ressort de ses succès. Mais, à la limite, peu importe les échecs et les succès de Poutine. Ce qui compte, c’est que les Russes préféreront toujours un souverain énergique et autoritaire ; toute leur histoire le prouve.

Dans cet essai enlevé, Alexandre Latsa rappelle dans le détail l’ensemble des réussites du nouveau pouvoir, lequel a fait de la réaffirmation de l’Etat le point central de son action. Citant tantôt de Gaulle tantôt Berdiaev il appelle à une alliance entre la France et la Russie dans le cadre d’un monde multipolaire. Face à des Etats-Unis qui, sous la présidence Trump, risquent de revenir à l’isolationnisme d’antan, tenant compte du désarmement d’une Europe désarmée valet des USA, une telle alliance ne manquerait pas de pertinence.

Alexandre Latsa, Un printemps russe, Editions des Syrtes, 2016, 305 pages, 20€

 

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Le désastre de l’école numérique : Plaidoyer pour une école sans écrans

Broché : 230 pages
Editeur : Seuil (25 août 2016)
Collection : DOCUMENTS (H.C)
Langue : Français
ISBN-10 : 2021319180
ISBN-13 : 978-2021319187
Dimensions : 20,5 x 1,2 x 14,1 cm

 Le désastre de l’école numérique

Si, responsable politique ou enseignant, vous avez opté pour l’extension du domaine de l’écran à l’école, mieux vaut passer votre chemin car ce livre est de nature à enlever toutes vos illusions sur l’apport du numérique dans les écoles, ordinateurs et tablettes tactiques en tête. Les auteurs ne sont pas technophobes. Simplement, ils n’arrivent pas à comprendre la façon dont responsables politiques et pédagogues ont pu foncer tête baissée dans le piège tendu par ce mistigri (veau d’or) qui porte le doux nom de progrès. Sous prétexte de rattraper un retard qui n’existe pas, ils imaginent que, par magie, l’arrivée massive des technologies de l’information et de la communication dans les salles de classe va régler les problèmes dans lesquels se débat l’Education nationale. Adeptes du changement pour le changement, du progrès pour le progrès, ils sont prêts à s’en remettre entièrement à la technologie, s’illusionnant sur les capacités de cette dernière à remettre à flot un bateau qui fait eau de toutes parts. Au terme de ce livre passionnant et bien ficelé, la défense de la technologie appliquée à l’école perd toute pertinence. En de courts chapitres, Philippe Bihouix et Karine Mauvilly dressent le procès des écrans appliqués à l’école. Là-bas, dans les pays où l’on exploite les métaux rares nécessaires à leur fabrication : désastre environnemental, pillage de ressources rares, exploitation de travailleurs pauvres… Ici, chez les élèves, sommeil rare et de mauvaise qualité, perte du sens de l’effort et de la culture de la mémoire, risque d’exposition aux champs électro-magnétiques, dissolution du lien professeur – élèves, creusement du défit commercial, création d’emplois nulle, appauvrissement du vocabulaire et des connaissances, etc. Bref, on ne voit pas, après cela, ce qu’il y a à sauver d’une entreprise qui porte en germe infiniment plus d’inconvénients que d’avantages. Bill Gates et ses amis de la côte ouest peuvent nous dire merci.

 

Philippe Bihouix & Karine Mauvilly, Le désastre de l’école numérique, Seuil, 2016, 236 pages, 17€

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Le Mur de l’Ouest n’est pas tombé

Broché : 288 pages Editeur : PIERRE-GUILLAUME DE ROUX (29 mai 2015) Collection : PGDR EDITIONS Langue : Français ISBN-10 : 2363711289 ISBN-13 : 978-2363711281 Dimensions : 22,5 x 2,3 x 14 cm
Broché : 288 pages
Editeur : PIERRE-GUILLAUME DE ROUX (29 mai 2015)
Collection : PGDR EDITIONS
Langue : Français
ISBN-10 : 2363711289
ISBN-13 : 978-2363711281
Dimensions : 22,5 x 2,3 x 14 cm

 Le Mur de l’Ouest n’est pas tombé

Le dernier livre de l’essayiste Hervé Juvin est plus un pamphlet qu’une étude longuement mûrie sur le monde contemporain. Avec la chute du mur de Berlin, l’Europe pensait avoir recouvré son unité et son indépendance. Beaucoup croyaient à l’époque qu’elle jouerait à nouveau un rôle de premier plan dans l’histoire du monde. Hélas, c’était ne pas vouloir comprendre que la construction européenne se muerait en une sorte de coquille vide et que l’imperium américain ne consentirait jamais à laisser l’Europe devenir une puissance majeure. Bien sûr, il est toujours possible de considérer que la domination américaine est moins pesante qu’à l’époque de l’Union Soviétique. A cet égard, il est certain que l’émergence de puissances comme la Chine ou l’Inde paraît avoir affaibli la prépondérance américaine. Si l’on y regarde de plus près, on peut faire un autre constat. La puissance américaine a mué, elle a changé. Pour Hervé Juvin, ce qui compte désormais, c’est moins le nombre de tanks et de tonnes d’acier fabriquées que l’environnement international. Or, celui-ci s’est fondu dans une globalisation qui doit beaucoup aux grandes compagnies états-unienne, genre Google ou Amazon. C’est grâce à de tels leviers que l’américanisation du monde est en marche. Hervé Juvin ne s’en prend pas aux USA en tant que tel, il considère seulement que ce pays est devenu le tremplin de tous ceux qui pousse au règne omnipotent de la globalisation, de Georges Soros aux mafieux ukrainiens. Face à ce bulldozer, l’Europe, incapable d’avoir une politique cohérente et ambitieuse, ne pèse pas lourd. Dans cet essai un peu brouillon, Hervé Juvin appelle au non-alignement de l’Europe et au rapprochement avec des acteurs majeurs comme la Russie. Parfois confus, Le Mur de l’Ouest… rappelle un certain nombre d’urgences, qu’elles soient politiques, militaires, économiques ou environnementales. Comment, tout comme lui, ne pas être pantois devant le fait que nous continuions à confondre économie et raison de vivre, croissance et civilisation. Que les hommes mettent du temps à comprendre le monde !

 

Hervé Juvin, Le Mur de l’Ouest n’est pas tombé, Pierre-G. de Roux, 2015, 276 pages, 23€

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La haine du monde

Broché : 237 pages Editeur : Cerf (5 février 2016) Collection : PHILO Langue : Français ISBN-10 : 2204108065 ISBN-13 : 978-2204108065 Dimensions : 21 x 1,9 x 13,5 cm
Broché : 237 pages
Editeur : Cerf (5 février 2016)
Collection : PHILO
Langue : Français
ISBN-10 : 2204108065
ISBN-13 : 978-2204108065
Dimensions : 21 x 1,9 x 13,5 cm

 La haine du monde

Le dernier livre de la philosophe Chantal Delsol donne le sentiment que cette dernière clôt un chapitre d’une réflexion entamée dès 2011 avec L’âge du renoncement. Elle poursuit sa recherche dans un livre dense avec pour sous-titre : « Totalitarismes et postmodernité ». Pour Chantal Delsol, les sociétés occidentales contemporaines sont traversées par deux courants principaux. Le premier, qui s’origine dans les Lumières et les années les plus sanglantes de la Révolution française, a pour but l’émancipation totale des individus, lequel doit s’affranchir du poids de l’histoire, des traditions, un individu oublieux de ce qui le fonde, un quidam hors-sol, nomade, obnubilé par la consommation et le divertissement. Tout au contraire, le second courant vise à préserver les racines, à faire prendre conscience à l’individu qu’il est le fruit d’une histoire et d’une mémoire, que le passé l’oblige, que tout n’est pas permis et que l’existence peut être tragique. Le premier courant, qui se réfère sans cesse aux droits de l’homme, est aussi inconséquent que naïf : il n’imagine pas à quel point il se rattache, par les buts qu’il recherche, aux totalitarismes les plus furieux du siècle passé, le communisme en premier lieu. Ce dernier, à l’instar du courant transhumaniste contemporain, souhaitait l’apparition d’un homme nouveau, lavé de sa culture et de ses origines. C’était – mais ses partisans ne le voient pas – se rendre pieds et mains liés aux forces les plus puissantes, celles du marché dans lequel tout se vend et tout s’achète et dans lequel le puissant écrase le pauvre et l’innocent. La force de ce courant émancipateur, qu’angoisse Chantal Delsol, se nourrit d’un mépris du peuple déjà à l’œuvre dans les totalitarismes. Si nous retrouvons dernier à l’âge post-moderne, c’est parce qu’il s’agit encore aujourd’hui d’imposer une idéologie pour laquelle les peuples n’ont pas de goût – et donc d’arguer de leur incompétence pour les écarter du pouvoir. » (p. 166) Dans ce livre brillant, Chantal Delsol déroule avec brio une pensée sans compromission.

 

Chantal Delsol, La haine du monde, Cerf, 2016, 238 pages, 19€

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Un silence religieux : La gauche face au djihadisme

Broché : 208 pages Editeur : SEUIL (7 janvier 2016) Collection : H.C. ESSAIS Langue : Français ISBN-10 : 2021298396 ISBN-13 : 978-2021298390 Dimensions : 20,5 x 2 x 14 cm
Broché : 208 pages
Editeur : SEUIL (7 janvier 2016)
Collection : H.C. ESSAIS
Langue : Français
ISBN-10 : 2021298396
ISBN-13 : 978-2021298390
Dimensions : 20,5 x 2 x 14 cm

 Un silence religieux

Depuis les attentats parisiens de l’an passé, combien de fois n’avons-nous pas entendu cette ritournelle : « Ca n’a rien à voir avec l’islam » ? Une partie notable de la gauche a tout fait pour dénoncer par avance tout lien, aussi ténu fut-il, entre l’islam et les terroristes de Charlie Hebdo et du Bataclan. Or, corrige Jean Birnbaum, il faut le dire haut et fort : tout cela a à voir avec l’islam ! Tout bonnement parce que les terroristes se réclament de l’islam, même s’il s’agit d’une version dévoyée ; et ensuite parce qu’il se trouve que, sur la planète, l’islam génère beaucoup d’excès terroristes. Si l’énorme majorité des musulmans ne se sent en rien solidaire des djihadistes, il n’en reste pas moins que ces derniers n’ont de cesse d’appeler au retour de l’islam des origines. C’est bien l’islam qui est concerné, non le judaïsme ou le christianisme ! L’auteur reproche à la gauche de s’aveugler par idéologie et par esprit de repentance. Bien des gens de gauche n’osent pas voir ce qu’ils voient parce qu’ils sont habités par un sentiment de culpabilité. La conséquence en est le vaste déni dont la religion continue à être l’objet : on explique le terrorisme par des causes de nature économique et sociale, jamais religieuse. Les Kouachi et autres Coulibali sont traités de barbares et de psychopathes, des qualificatifs qui permettent d’écarter toute référence à la foi. Le fait majeur, explique l’auteur, « c’est la réticence qui est la nôtre, désormais, à envisager la croyance religieuse comme causalité spécifique, et d’abord comme puissance politique : on adhère spontanément aux explications sociales, économiques ou psychologiques ; mais la foi, personne n’y croit. » (p. 23) Il faut croire que le réel du croyant n’est pas le même que celui de l’homme politique ou du journaliste. La foi conserve un pouvoir de mobilisation que la laïcité – ou, parfois, le laïcisme – ne permet plus de voir. En revisitant la guerre d’Algérie et la pensée marxiste, Jean Birnbaum offre une explication pertinente à un phénomène qui se généralise et dont l’essentiel tient en la confrontation brutale entre l’humanisme socialiste et le fondamentalisme islamiste. Passionnant !

 

Jean Birnbaum, Un silence religieux : La gauche face au djihadisme, Seuil, 2016, 234 pages, 17€