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Biographies Recensions

Staline

Broché: 732 pages
Editeur : Librairie Académique Perrin (29 août 2013)
Langue : Français
ISBN-10: 2262034559
ISBN-13: 978-2262034559
Dimensions : 23,8 x 15,4 x 2,8 cm

 Staline

Après s’être attaqué aux biographies de Trotski et de Lénine, l’historien britannique clôt sa trilogie par un autre copieux ouvrage, consacré cette fois à Staline. Comme toujours, la rigueur est de mise. Les sources, nombreuses et diverses, attestent la connaissance quasi-parfaite de l’auteur sur cette période qui couvre en gros la première partie du XX° siècle russe et soviétique. Evidemment, il a déjà été tellement écrit sur Joseph Djougachvili (vrai nom de Staline) que l’on se demande ce que R. Service peut bien apporter de nouveau. A cela on pourrait rétorquer que, si ce n’est pas la biographie la plus enlevée et la plus plaisante, il s’agit en tout cas d’une des mieux documentée, équivalente, dans un genre à peine différent, aux productions d’un Simon Sebag Montafiore, autre spécialiste britannique de la même période.

Presque tout à été dit de la mégalomanie de Staline, de son cynisme et de sa cruauté. Il occupe une place de choix dans le musée des monstres du XX° siècle. Personne, que ce soit dans son  entourage ou parmi ses amis n’est épargné par la paranoïa du dictateur. A partir du début des années 30, il tient tous les rênes d’un pouvoir absolu qui a rarement été atteint dans l’histoire. Ce n’est pas pour rien que certains ont vu en lui un tsar rouge ; son modèle n’est-il pas Yvan le Terrible ? Despote sanguinaire, Staline était également un être plus ambivalent qu’il n’y paraît. Grand lecteur, avide de savoir, écrivain et théoricien, c’était aussi un bourreau de travail qui ne se ménageait pas. Ce qui le passionnait c’était le pouvoir, un pouvoir total sur les hommes et les choses. Son caractère implacable va faire de lui l’adversaire victorieux de l’Allemagne nazie. Sur des monceaux de cadavres Staline sera pour beaucoup dans l’édification de la puissance soviétique.

Dans les rapports d’homme à homme, jusque dans les relations diplomatiques, Staline, Hitler et consorts adoptent des attitudes de truands. Le sort a voulu que ces gangsters aient joui d’un pouvoir sans limites. L’étude de Robert Service éclaire de façon convaincante la psychologie d’un guide (Vojd) qui, en même temps qu’il électrifiait le pays, apportait la famine, la désolation et la mort. Le livre de R. Service est à l’image de son sujet : saisissant !

Robert Service, Staline, Perrin, 2013, 730 pages, 29 €

 

 

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Histoire Recensions

Histoire de la Russie des tsars

Broché: 456 pages
Editeur : Librairie Académique Perrin (28 mars 2013)
Collection : Pour l’histoire
Langue : Français
ISBN-10: 2262039925
ISBN-13: 978-2262039929
Dimensions : 24 x 15,4 x 3,8 cm

  Histoire de la Russie des tsars

Attention, ce livre de Richard Pipes est l’archétype du livre universitaire. Il suppose la connaissance préalable de l’histoire russe, savoir s’appuyant sur une chronologie solide. Car les événements et l’histoire commentée des grandes dates qui ont fait la Russie n’intéressent que médiocrement l’universitaire américain.
L’Histoire de la Russie des tsars de Richard Pipes analyse un système, rend compte de phénomènes de grande durée sans grand souci chronologique. Il faut le souligner d’emblée : le livre de Richard Pipes est un livre à thèse. A travers une lecture qu’il faut bien qualifier d’aride, l’auteur s’emploie à disséquer la nature de l’état patrimonial russe, une terre et un peuple qui étaient la propriété exclusive du tsar. En effet, contrairement à l’Occident médiéval, il n’y eut jamais en Russie de noblesse capable de défendre une quelconque autonomie face à l’Etat. L’administration, le fisc, la propriété, l’armée… tout était concentré entre les mains d’un seul, successeur des empereurs byzantins ayant élu pouvoir à Moscou – avant la création de Saint-Pétersbourg -, la troisième Rome. Alors qu’en France et dans l’Empire germanique, l’Eglise entend défendre ses privilèges face au pouvoir royal (gallicanisme), en Russie l’Eglise orthodoxe se met, pieds et mains liés, au service de l’Etat. Par excellence la Russie était la terre de l’autocratie, c’est-à-dire un Etat dans lequel un seul individu détenait la totalité du pouvoir. Le problème, c’est qu’au XIX° siècle, face à la menace que constituent le marxisme et le nihilisme, les serviteurs fidèles et désintéressés de l’Etat son peu nombreux. Cela expliquera en partie la facilité avec laquelle l’Etat des Romanov, puissance séculaire, tomba et se disloqua. La force du fatalisme slave, la faiblesse de la classe moyenne, l’étendue du pays, la médiocrité des administrations militaire et civile et la nature même d’un pouvoir qui était devenu policier – afin de lutter contre les forces montantes – facilitèrent la prise du pouvoir par les bolcheviks. Résultat : l’héritage historique a rendu la rupture avec le despotisme très difficile. Cela explique, encore aujourd’hui, certains traits d’un pouvoir peu à l’aise, c’est le moins qu’on puisse dire, avec les conquêtes démocratiques.
Un livre difficile mais essentiel pour qui veut comprendre la nature profonde de la nation russe.

Richard Pipes, Histoire de la Russie des tsars, Perrin, 2013, 460 pages, 24.50 €

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Histoire Recensions

L’Europe barbare 1945-1950

Broché: 488 pages
Editeur : Librairie Académique Perrin (28 février 2013)
Langue : Français
ISBN-10: 2262037760
ISBN-13: 978-2262037765
Dimensions : 24 x 15,4 x 3,8 cm

 L’Europe barbare (1945-1950)

Passionnant et original ! Voici les deux mots qui viennent lorsqu’on referme le livre du chercheur britannique Keith Lowe.
Dans l’esprit de la plupart des Européens, l’année 1945 ferme une parenthèse tragique, ouverte en août 1914 avec le premier suicide de l’Europe. Ce n’est pas aussi simple. En effet, les cicatrices de la guerre civile européenne ont mis du temps à se refermer. Par souci de simplification l’auteur s’en tient aux cinq années qui suivent la fin de la Seconde Guerre, mais il aurait pu tout aussi bien choisir un temps plus long. Qui sait qu’en Ukraine et dans les pays baltes, jusque dans les années 1950, des partisans nationalistes combattaient le pouvoir soviétique ? Sur un plus large, cette période ouvrait sur la Guerre Froide, appelée à durer jusqu’à la chute du Mur de Berlin (1989) et l’implosion du communisme.

L’Europe barbare est un condensé, une sorte de bréviaire de la haine dans l’Europe de ce milieu de XX° siècle, un temps où la vie d’un homme ne vaut pas un clou, une époque durant laquelle un peuple peut s’estimer heureux d’être déporté (cas des Tatars de Crimée) alors que d’autres risquent l’élimination pure et simple (juifs, tsiganes). La violence des peuples et des individus est à fleur de peau et il suffit d’un rien pour la libérer. Nazis et communistes sont bien sûr les premiers et les plus forts dans ce genre d’exercices. Nombre d’études et de livres ont fait le bilan terrible de l’un et de l’autre. Cette barbarie, souvent exercée à l’encontre d’innocents, ouvre la porte à d’implacables vengeances. La violence exercée en Russie par l’Armée allemande sera vengée lorsque les Soviétiques envahiront le Reich : des centaines de milliers d’Allemandes furent violées et onze millions de personnes déplacées. Les Alliés occidentaux, chantre de la démocratie, ne sont pas épargnés par K. Lowe : comment expliquer le bombardement sauvage, en 1944-1945, de villes historiques n’ayant aucun caractère stratégique ?

Au-delà des prodromes dus au conflit mondial, l’auteur parcourt toute l’Europe à la recherche de cette brutalisation, laquelle trouve parfois sa source dans des antagonismes anciens indépendants de la montée des totalitarismes. Si les violences entre Ukrainiens et Polonais, entre Croates et Serbes ont été libérées par la guerre, elles prennent racine dans des oppositions séculaires. Il faudrait ajouter à ce terrible bilan les conflits périphériques que précipita la guerre, comme la guerre civile en Grèce (1944-1949), la liquidation des démocrates dans les futures démocraties populaires, etc. Ce sombre et terrible bilan s’achève sur une note positive. Si l’Europe, en tant que construction politique, n’est guère populaire ces temps-ci, il ne faudrait pas oublier qu’elle revient de loin car elle s’est assénée des coups dont elle aurait très bien pu ne pas se remettre. La déshumanisation fut telle que la situation paisible d’aujourd’hui ressemble à un retournement quasi-miraculeux.

Keith Lowe, L’Europe barbare (1945-1950), Perrin, 2012, 488 pages, 25 €

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Recensions

Assassinés

Broché: 357 pages
Editeur : Librairie Académique Perrin (24 janvier 2013)
Langue : Français
ISBN-10: 2262036500
ISBN-13: 978-2262036508
Dimensions : 24 x 15,4 x 3,6 cm

  Assassinés

Journaliste au Figaro Magazine, Jean-Christophe Buisson a pris le parti de relater quinze assassinats qui ont fait l’histoire. Certains sont très connus, comme l’assassinat de Jules César ou de l’héritier du trône de l’Autriche-Hongrie, François-Ferdinand. D’autres le sont beaucoup moins. Le public ne sait ordinairement pas grand-chose des meurtres d’Abraham Lincoln ou de Patrice Lumumba. Il ne faut guère chercher de relations entre chacun des quinze car les situations et les types d’assassinat sont très variés. Certains concernent des dynastes (Henri III, Nicolas II), d’autres des présidents (Lincoln, Sadate), des chefs de gouvernement (Dollfuss, Indira Gandhi). Tous concernent des personnalités politiques victimes de services de sécurité incompétents. Tous montrent aussi – et l’auteur a bien raison d’insister là-dessus – la grandeur avec laquelle ces hommes et femmes d’Etat ont su tirer leur révérence.

Très plaisant à lire, Assassinés fait penser à la grande époque de l’Histoire en France, celle où des Decaux et Castelot popularisaient leur passion. Le livre de Jean-Christophe Buisson porte la marque de ces livres qu’on a du mal à lâcher, tout simplement parce que l’auteur a réussi à se faire oublier et à concentrer l’attention du lecteur sur des histoires dramatiques qui ne relèvent pas du roman ou de la science-fiction. Voilà, semble dire l’auteur, des faits bruts, voilà comment les choses se sont passées. C’est bien ce que l’on demande à un livre d’histoire. Pas besoin d’en tirer on ne sait quelle conclusion, juste des faits, seulement des faits. Ce livre appelle une suite tant les assassinats célèbres sont légion. Deux noms viennent spontanément à l’esprit : Thomas Becket, archevêque de Cantorbéry assassiné sur l’ordre du roi Henri II et, beaucoup plus proche, Alexandre de Yougoslavie, abattu en 1934 à Marseille.
Une seule remarque négative : Pourquoi à tout prix vouloir faire de César l’empereur qu’il n’a jamais été ?

Jean-Christophe Buisson, Assassinés, Perrin, 2013, 357 pages, 21 €

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Recensions Religion

Histoire des conclaves

Broché: 268 pages
Editeur : Librairie Académique Perrin (9 mars 2013)
Collection : Pour l’histoire
Langue : Français
ISBN-10: 2262023085
ISBN-13: 978-2262023089
Dimensions : 22,4 x 14 x 2,4 cm

 Histoire des conclaves

On l’a vu récemment : l’élection du pape François a ravivé l’intérêt du public pour tout ce qui concerne la papauté. En dépit de la sécularisation des sociétés les plus avancées, il faut reconnaître que cette tradition continue de fasciner, y compris les esprits les plus rétifs aux phénomènes religieux. Les sociétés occidentales, anesthésiées par la doxa du suffrage et de l’égalité universels, n’ont aucune peine à s’intéresser à une survivance du passé qui choisit le pape dans le collège le plus restreint possible. Alors qu’il faut moins de 120 cardinaux pour élire un pape, tout président ne peut l’être que grâce à l’addition de millions de suffrages. Le legs du passé joue à plein pour cette élection très éloignée des critères démocratiques traditionnellement en vigueur. Dans cette histoire menée avec ardeur par Yves Chiron, que retenir ? La petite histoire, on nous l’a assez répété, a beaucoup glosé sur le conclave (en latin, « pièce fermé à clé »).Pas de campagne électorale, un choix d’élus théoriquement illimité mais pratiquement très fermé, des habitudes et traditions comme celle véhiculée par le fameux dicton : « Qui entre pape au concile en ressort cardinal ».

Menant cette histoire tambour battant, Yves Chiron donne l’essentiel en un peu plus de 200 pages. Il s’agit certes d’une histoire tourmentée mais Yves Chiron en donne les clés d’accès. Il revient sur les réformes successives, en particulier celle prise en 1073 par le pape Nicolas II qui réservait l’élection du pape aux seuls cardinaux. A travers l’histoire des conclaves ce sont des pans entiers de l’histoire de l’Eglise qui passent à la lumière. Des pages précieuses sont consacrées par exemple à l’élection du pape Martin V, élection qui mit fin au Grand Schisme, sombre période durant laquelle l’Eglise a compté trois papes. Grâce à des archives évidemment plus nombreuses, les élections au XX° siècle donnent à voir les luttes de courants qui sourdent au sein du collège cardinalice.

L’auteur ayant mis un point final à son livre juste avant la dernière élection, il ne pouvait pas prévoir l’accès au souverain pontificat de l’archevêque de Buenos-Aires. S’il cite bien Mgr Bergoglio au sujet de l’élection de 2005, huit ans plus tard il n’en fait pas l’un des favoris. Un beau livre d’histoire.

Yves Chiron, Histoire des conclaves, Perrin, 2012, 268 pages, 21 €

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Histoire Recensions

La guerre du Viêt Nam : 1945 – 1975

Broché: 833 pages
Editeur : Librairie Académique Perrin (6 octobre 2011)
Langue : Français
ISBN-10: 2262033870
ISBN-13: 978-2262033873
Dimensions : 24 x 15,4 x 4,6 cm

 La guerre du Viêt Nam

Les Editions Perrin viennent de publier un ouvrage très achevé sur la guerre du Vietnam. Ce livre – ou plutôt cette masse de quelque 800 pages – est dû à la plume de l’historien américain John Prados, un auteur qui a dû consacrer des années à la rédaction d’un épais volume qui est plus qu’un ouvrage de synthèse. John Prados offre en effet des informations de première main, souvent dues aux interviews de témoins encore en vie.

La masse des informations et l’intelligence du propos sont évidentes, l’intérêt moins. La lecture piétine devant la vision d’une guerre vue seulement à hauteur d’état-major. L’accent est surtout mis sur le rôle des politiques, sur leurs rapports avec la hiérarchie militaire Les décisions politiques sont bien sûr essentielles dans la conduite d’une guerre. Ici leur importance est telle qu’elles finissent par embourber le récit et embrumer la chronologie. De plus, le conflit n’est vu qu’à travers le prisme des acteurs américains. On aurait aimé que la parole soit davantage donnée aux protagonistes vietnamiens, du Sud comme du Nord. Les opérations militaires sont trop hâtivement traitées. Le récit ne colle pas suffisamment au terrain. Si l’auteur disserte longuement sur les décisions prises à Washington, il ne dit rien de la vie du soldat au jour le jour. Rien non plus sur l’engagement et le patriotisme des Viet Cong. J. Prados décrit une guerre d’états-majors, planifiée sur cartes. Il manque l’épaisseur humaine. Comment vivaient les Nord-Vietnamiens, soumis à des bombardements continus ? Les Sud-Vietnamiens étaient-ils autant anticommunistes qu’on l’a proclamé ? Quels étaient leurs rapports avec la troupe américaine ? Quelle était la motivation des soldats du Sud dont on raconte que beaucoup désertaient ? Et la vie des paysans du Sud pelotonnés au sein des villages et hameaux stratégiques ? Et celles des paysans et ouvriers du Nord vivant dans un contexte et une économie de guerre ? Du plus grand conflit de la Guerre Froide on aurait souhaité une vision plus ardente, plus humaine, en un mot plus passionnée… Au lieu de cela, cette Guerre du Vietnam se donne à lire comme un récit certes solide, mais manquant sa cible car passant à la trappe des éléments essentiels de ce conflit particulier. Un livre au total peu décevant quand on sait l’incroyable travail de collecte d’informations réalisé par l’auteur.

John Prados, La guerre du Viêt Nam, Perrin, 2012, 813 pages, 30 €

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Biographies Recensions

Lénine

Broché: 576 pages
Editeur : Librairie Académique Perrin (30 août 2012)
Langue : Français
ISBN-10: 2262034540
ISBN-13: 978-2262034542
Dimensions : 23,8 x 15,4 x 3,8 cm

 Lénine

Il y a deux ans, Robert Service nous avait gratifiés d’une remarquable biographie de Trotski. L’historien britannique récidive avec, cette fois, une vie de Lénine. Paru il y a douze ans, traduit récemment en France, le livre révèle une qualité d’écriture et un sérieux de la recherche qui font de cette biographie ce qu’il y a de mieux en la matière. Nombre de vies de Lénine ont été publiées avant celle-ci, néanmoins, depuis que les archives du régime soviétique sont ouvertes aux historiens, on en sait un peu plus de la personnalité du maître de la Russie soviétique de fin 1917 à 1924, et de la politique qu’il a menée. La première éclaire de près la seconde et le livre de Robert Service fait apparaître un tempérament hors du commun.

Né dans une famille bourgeoise, élève doué, Vladimir Illich Oulianov ne tarde pas à se passionner pour la politique. A l’image de son frère Alexandre, exécuté pour rébellion, il poursuit une idée fixe : chasser les Romanov et instaurer un Etat communiste. Toute sa jeunesse est marquée par l’errance – Paris, Londres, Berne et Zurich… – et le triomphe de ses idées prend un temps considérable. Longtemps il n’est, chez les bolcheviks, qu’une sorte de primus inter pares et le groupuscule dont il se targue d’être le chef ressemble plus à un panier de crabes, avec ce qu’il faut de jalousies et d’ambitions insatisfaites, qu’à l’avant-garde du prolétariat. Avant de faire tomber le régime, il lui faudra du temps pour devenir maître chez lui. L’auteur montre à satiété combien la chance le sert en 1917 ; Lénine ne fait que tirer les marrons du feu d’une révolution qui se sera souvent faite sans lui. Sa chance, il est vrai, cohabite avec une intelligence politique et un flair hors du commun.

Robert Service a mis tout son talent pour cerner la personnalité d’un individu arriviste et tourmenté. Cela dit, il n’est pas tendre envers le père d’Octobre 1917. R. Service dévoile un être passionné, colérique, cynique : « Jamais il ne vint à l’idée de Lénine de s’interroger sur les mérite d’une révolution admettant qu’on supprime des gens honnêtes, bien intentionnés et compétents. Dans ce carnage révolutionnaire, il s’arrangeait toujours pour rester hors champ. C’était l’attitude d’un fanatique au savoir livresque qui n’éprouvait aucun besoin d’assister en personne à la violente réalité de sa révolution » (p. 399).  Malgré cette violence et cette dureté, Lénine était un être plus complexe qu’on le pense. Ses rapports avec les femmes montrent par exemple qu’il ne s’est jamais départi d’un certain esprit romantique et d’une politesse petite-bourgeoise. La preuve est faite qu’un révolutionnaire patenté peut conserver des sentiments. Ces sentiments, on aura du mal à les trouver chez Staline : l’élève avait dépassé le maître.

Robert Service, Lénine, Perrin, 2012, 562 pages, 28 €

 

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Histoire Recensions

Solférino : 24 juin 1859

Broché: 218 pages
Editeur : Librairie Académique Perrin (16 février 2012)
Langue : Français
ISBN-10: 226203706X
ISBN-13: 978-2262037062
Dimensions : 20 x 13,2 x 2,6 cm

 Solférino : 24 juin 1859

Le 24 juin 1859, à Solférino, en Italie septentrionale, l’armée franco-sarde emmenée par l’empereur Napoléon III battait l’armée autrichienne placée sous le commandement du tout jeune empereur François-Joseph. A cette époque, les nationalités commençaient tout juste à émerger ; l’Allemagne et l’Italie n’avaient pas encore réalisé leur unité. La guerre de ce temps-là oppose des empires. Elle a généralement lieu sur le sol européen. Plus tard, avec la colonisation, les conflits seront délocalisés outre-mer où l’on voudra se partager le monde à coups de zones d’influence. Sous ce regard, Solférino est une bataille importante car c’est elle qui marque le point de départ de l’unité italienne sous la prédominance de la Maison de Piémont – Savoie. Elle met en jeu des armements modernes : fusil à grande cadence de tir pour les Autrichiens, artillerie moderne chez les Français. Tactiquement, Solférino n’a rien à voir avec Austerlitz et Friedland. Le neveu est une bien pâle copie du grand oncle. La bataille de Solférino voit donc s’affronter deux énormes masses, front contre front, sans idée de manœuvre. Un tel affrontement ne peut que tourner à la boucherie. Le soir de la bataille,  un jeune Suisse du nom d’Henri Dunant parcourt, terrifié, le champ du massacre au milieu des cris de souffrance des blessés. Cette humanité à l’agonie ne peut être abandonnée sans soin : la Croix Rouge est née.

Pierre Pellissier écrit des livres d’histoire comme on les aime : un récit haletant, vivant, haut en couleurs. L’auteur du remarquable Fachoda et la mission Marchand demeure ici conforme à son image : un narrateur aimant raconter des histoires qui s’appuient sur un fond historique sûr. Malgré ou à cause de ces qualités, la lecture de ce Solférino s’avère quelque peu décevante. Deux cents petites pages paraissent trop justes pour relater de manière satisfaisante les préliminaires géopolitiques du conflit, les opérations de la campagne d’Italie de 1859 ainsi que le déroulement en détail de la gigantesque bataille de Solférino, peut-être la première de l’époque moderne, celle qui, en tout cas, est une des premières à ne plus ressembler aux affrontements de l’époque napoléonienne.

 

Pierre Pellissier, Solférino, 24 juin 1859, Perrin, 228 pages, 22 €