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Gouverner au nom d’Allah

Broché : 160 pages Editeur : Gallimard; Édition : 01 (10 octobre 2013) Collection : HORS SER CONNAI Langue : Français ISBN-10 : 2070142892 ISBN-13 : 978-2070142897 Dimensions : 20,5 x 1,4 x 14 cm
Broché : 160 pages
Editeur : Gallimard; Édition : 01 (10 octobre 2013)
Collection : HORS SER CONNAI
Langue : Français
ISBN-10 : 2070142892
ISBN-13 : 978-2070142897
Dimensions : 20,5 x 1,4 x 14 cm

 Gouverner au nom d’Allah

Bien souvent, ce sont les intellectuels occidentaux qui écrivent sur l’islam. Le premier intérêt de Gouverner au nom d’Allah vient de ce que l’auteur est un écrivain algérien vivant en Algérie. Si on le sent très méfiant à l’égard de l’islamisme, il tâche d’en décrire la montée le pus objectivement possible. Avant cela, il donne une vue d’ensemble de l’islam, avec ses courants, ses schismes, ses chapelles… Il s’interroge ensuite sur la nature de l’expansionnisme musulman aisi que sur les vecteurs sur lesquels il s’appuie : courants religieux radicaux, médias, universités, émigration… Religion jeune, dynamique, en expansion, l’islam est de plus en plus travaillé par l’islamisme, sa version rigoriste dont une partie des membres – les salafistes – souhaite le retour à la communauté primitive, celle qui entourait Mahomet. Pour l’auteur, le monde musulman se trouve à la croisée des chemins, tiraillé de tous côtés par des aspirations contraires : modernité contre rigorisme, liberté de conscience et contre coercition, liberté de religion contre conformisme, désir de copier l’Occident tout en maintenant ses particularismes, etc. Si nombreux sont les musulmans à réprouver la violence islamiste, il n’est pas certain qu’ils en rejettent le programme. Boualem Sansal insiste sur le fait que, bien que soumis à la publicité déplorable qu’en fait l’islamisme, l’islam demeure en ascension constante. S’il en cherche les cases au sein du monde musulman, peut-être minore-t-il excessivement la perméabilité du monde occidental qui, après avoir largué ses croyances ancestrales, submergé par le consumérisme, n’a plus guère d’anticorps. Une religion aussi assise que l’islam donne sens à sa vie ; c’est autre chose que l’épuisement contemporain pris entre consommation et illusion technologique. Tant est si bien que l’auteur a raison, à la fin, de se poser la question : pour qui l’islamisme est-il un problème, pour l’Occident ou le monde musulman ? Au total, un petit livre instructif et facile à lire.
Boualem Sansal, Gouverner au nom d’Allah, Gallimard, 2013, 156 pages, 12.50€

 

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Un silence religieux

Broché : 208 pages
Editeur : SEUIL (7 janvier 2016)
Collection : H.C. ESSAIS
Langue : Français
ISBN-10 : 2021298396
ISBN-13 : 978-2021298390
Dimensions : 20,5 x 2 x 14 cm

 Un silence religieux

Depuis les attentats parisiens de l’an passé, combien de fois n’avons-nous pas entendu cette ritournelle : « Ca n’a rien à voir avec l’islam » ? Une partie notable de la gauche a tout fait pour dénoncer par avance tout lien, aussi ténu fut-il, entre l’islam et les terroristes de Charlie Hebdo et du Bataclan. Or, corrige Jean Birnbaum, il faut le dire haut et fort : tout cela a à voir avec l’islam ! Tout bonnement parce que les terroristes se réclament de l’islam, même s’il s’agit d’une version dévoyée ; et ensuite parce qu’il se trouve que, sur la planète, l’islam génère beaucoup d’excès terroristes. Si l’énorme majorité des musulmans ne se sent en rien solidaire des djihadistes, il n’en reste pas moins que ces derniers n’ont de cesse d’appeler au retour de l’islam des origines. C’est bien l’islam qui est concerné, non le judaïsme ou le christianisme ! L’auteur reproche à la gauche de s’aveugler par idéologie et par esprit de repentance. Bien des gens de gauche n’osent pas voir ce qu’ils voient parce qu’ils sont habités par un sentiment de culpabilité. La conséquence en est le vaste déni dont la religion continue à être l’objet : on explique le terrorisme par des causes de nature économique et sociale, jamais religieuse. Les Kouachi et autres Coulibali sont traités de barbares et de psychopathes, des qualificatifs qui permettent d’écarter toute référence à la foi. Le fait majeur, explique l’auteur, « c’est la réticence qui est la nôtre, désormais, à envisager la croyance religieuse comme causalité spécifique, et d’abord comme puissance politique : on adhère spontanément aux explications sociales, économiques ou psychologiques ; mais la foi, personne n’y croit. » (p. 23) Il faut croire que le réel du croyant n’est pas le même que celui de l’homme politique ou du journaliste. La foi conserve un pouvoir de mobilisation que la laïcité – ou, parfois, le laïcisme – ne permet plus de voir. En revisitant la guerre d’Algérie et la pensée marxiste, Jean Birnbaum offre une explication pertinente à un phénomène qui se généralise et dont l’essentiel tient en la confrontation brutale entre l’humanisme socialiste et le fondamentalisme islamiste. Passionnant !

 

Jean Birnbaum, Un silence religieux, Seuil, 2016, 234 pages, 17€

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L’avenir de Dieu

Broché : 286 pages
Editeur : CNRS (1 octobre 2015)
Collection : HISTOIRE
Langue : Français
ISBN-10 : 2271086671
ISBN-13 : 978-2271086679
Dimensions : 22 x 2,3 x 14 cm

 L’avenir de Dieu

Un livre signé Jean Delumeau suscite toujours l’intérêt. Sans déroger à cette règle, L’avenir de Dieu se signale par un autre caractéristique. Aujourd’hui âgé de 93 ans, Jean Delumeau évoque la possibilité que cet ouvrage soit son dernier. C’est la raison pour laquelle il s’attache ici à revenir sur les aspects principaux de son œuvre, les domaines dans lesquels il a poussé le plus loin sa recherche. Jeune historien, Jean Delumeau s’est intéressé au départ à l’alun de Rome, cette matière naturelle permettant aux teinturiers du Moyen Age finissant et de la Renaissance de fixer les couleurs. Puis, de fil en aiguille, un peu par hasard, il va s’intéresser à ce qui va constituer son grand œuvre, l’histoire des mentalités religieuses dans l’Occident médiéval dont il occupera la chaire au Collège de France. Si le champ d’exploration de l’auteur concerne les siècles passés, il n’en reste pas moins que l’emprunte de l’évolution des mentalités religieuses connaîtra une influence qui résonnera durant les siècles postérieurs. Certaines explications données par J. Delumeau demeurent encore d’actualité, par exemple pour expliquer la déchristianisation. L’image d’un Dieu punisseur et vengeur, dont on trouve encore des traces au début du XX° siècle, explique-t-elle en partie la rapidité de la déprise du christianisme dans nos sociétés ? Si on suit l’historien, c’est très possible. De même l’iconographie de la Vierge au grand manteau constitue-t-elle l’élément le plus visible du système d’assurance que s’était donné un peuple chrétien angoissé par son salut. L’avenir de Dieu est aussi l’occasion de revenir sur un de ses ouvrages phares, La peur en Occident, afin d’en distinguer initiateurs et destinataires. La diffusion de la peur fut davantage perçue dans les classes privilégiées et les prédicateurs lui attribuèrent une importance excessive. On sait que la peur ne suffit pas, loin de là, à faire des croyants conséquents. Autres chapitres passionnants, ceux concernant la localisation du paradis, paradis que les aventuriers, à commencer par Christophe Colomb, se faisaient fort de dénicher.

Pour modeste qu’il soit dans sa pagination par rapport à des livres comme Le péché et la peur, L’avenir de Dieu possède la pertinence des meilleures synthèses : raconter l’essentiel de façon simple et en peu de pages. Pari tenté et pari réussi !

 

Jean Delumeau, L’avenir de Dieu, CNRS Editions, 2015, 286 pages, 24€

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La « famille chrétienne » n’existe pas : L’Église au défi de la société réelle

Broché : 220 pages
Editeur : ALBIN MICHEL (2 septembre 2015)
Collection : SPIRITUALITE
Langue : Français
ISBN-10 : 2226316361
ISBN-13 : 978-2226316363
Dimensions : 19 x 1,6 x 12,5 cm

 La « famille chrétienne » n’existe pas

Habitué aux travaux bibliques, André Paul a laissé la théologie pour s’intéresser de près au synode romain de 2014 et 2015 consacré à la famille. Le catholique qu’il est regrette que les pères synodaux n’aillent pas suffisamment loin dans leur souci de réforme, notamment en ce qui concerne l’accueil des personnes divorcées-remariées et homosexuelles. La faute, selon lui, à cette très vieille idée selon laquelle il existerait une « famille chrétienne », une famille type, idéale, réunissant en son sein idéal de vie, grâce et sainteté. Or, nous dit l’auteur, cette famille hors-sol, chimérique et fantasmée, n’existe tout simplement pas. Notant le désir du pape François et de certains évêques de dépoussiérer des pratiques ecclésiales qui font trop la part belle à une discipline qu’il juge surannée, André Paul regrette le poids que continue de faire peser sur les pratiques pastorales une morale hantée par le péché et le sexe. Après avoir dénoncé cette famille irréelle souhaitée par l’institution ecclésiale, André Paul reproche à cetet dernière d’accorder trop d’importance au sexe, pas assez à l’amour, oubliant au passage que Jésus a combattu le modèle de la famille antique dans laquelle l’épouse pouvait être répudiée au moindre saute d’humeur de son mari. Cet éloignemnet de l’Evangile, il le retrouve dans le ton de certaines déclarations officielles où l’empathie et la compréhension cèdent la place à la commisération.

A travers les paroles dures qu’il adresse à l’institution, l’auteur ne fait rien d’autre que souhaiter une approche plus sympathique de l’Eglise à l’égard de la société. L’évangélisation ne gagnera rien de condamnations et stigmatisations. Dans son essai trop court, on regrettera que l’éminent bibliste fasse fi des éléments canoniques et historiques qui ont assuré la stabilité du mariage en Occident. Les choses ne sont jamais simples. Le souci très louable de l’auteur eut été mieux servi s’il avait consenti à regarder l’œuvre de grands anciens comme Jean Gaudement et Gabriel Le Bras, deux spécialistes du mariage aujourd’hui décédés et dont les travaux mettent en lumière la complexité de l’édification du sacrement de mariage, clé de voûte de la famille durant des siècles.

 

André Paul, La « famille chrétienne » n’existe pas, Albin Michel, 2015, 208 pages, 15€

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Comprendre et vivre la liturgie

Broché : 306 pages
Editeur : Presses de la Renaissance (19 mars 2015)
Langue : Français
ISBN-10 : 2750909058
ISBN-13 : 978-2750909055
Dimensions : 18 x 1,9 x 12 cm

 Comprendre et vivre la liturgie

Combien de fois nous arrive-t-il de nous rendre à la messe dominicale l’esprit ailleurs, préoccupés que nous sommes par les soucis de la semaine écoulée, guettant les joies et les difficultés possibles des temps à venir ? Autrement dit, c’est plus souvent qu’à notre tour que nous nous rendons le dimanche à l’église sans être véritablement partie prenante – et surtout partie priante ! – de la liturgie. Nous croyons comprendre les gestes et paroles du célébrant, depuis le temps, n’est-ce pas ! En fait, c’est souvent une fausse idée de la liturgie que nous avons intériorisée. Sommes-nous en mesure de comprendre les signes et symboles que nous offre la prière de l’Eglise ? Un peu de pédagogie dans ce domaine serait le bienvenu. C’est la raison pour laquelle il faut saluer comme un don du Ciel le petit livre de Xavier Accart, rédacteur en chef du mensuel Prier. Comment participer à la liturgie ? L’auteur se risque à prendre parti : non pas des gestes dont la succession se ferait automatiquement de semaine en semaine, mais « dans l’intériorisation des mystères célébrés sous le voile des symboles » (p. 21). En cinq parties, au moyen de chapitres brefs et clairs, l’auteur visite l’ensemble des signes et symboles qui fonde l’action liturgique. Les lieux, les sens et le temps sont au cœur du culte rendu à Dieu dans les églises. Il faut se laisser saisir par la signification profonde des lieux et des choses. Ainsi l’église n’est pas qu’un bâtiment. Elle a été édifiée selon une certaine orientation, elle propose un itinéraire spirituel qu’il faut savoir déchiffrer, le siège de présidence permet à l’officiant de se reposer mais pas seulement. Quant à l’ambon, l’autel ou le tabernacle, leur présence est constitutive du cœur de la source et sommet des sacrements qu’est l’eucharistie.

Grâce à ses talents pédagogiques, Xavier Accart parvient à « montrer à quel point la liturgie catholique et le creuset d’une vie spirituelle personnelle, authentique et féconde. » On se prendrait presque à regretter que le dimanche, de temps à autre, le prêtre ne prenne pas du temps pour expliquer le sens de rites et de symboles dont la signification échappe au plus grand nombre. Un outil simple et clair pour mieux vivre et comprendre la liturgie.

 

Xavier Accart, Comprendre et vivre la liturgie, Presses de la Renaissance, 2015, 306 pages, 12.90€

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Croyance

Broché : 336 pages
Editeur : Odile Jacob (6 mai 2015)
Collection : OJ.SC.HUMAINES
Langue : Français
ISBN-10 : 2738132456
ISBN-13 : 978-2738132451
Dimensions : 14,5 x 2,5 x 22 cm

 Croyance

Les croyants sont-ils des fous dénués de toute raison ? Sont-ils à ce point privé d’intelligence et de libre-arbitre qu’ils sont prêts à prendre pour argent comptant tout ce qu’ils lisent, entendent et voient au sujet de leur foi ? Le scénariste et écrivain Jean-Claude Carrière, qu’on avait connu mieux inspiré, considère que la planète est saisie d’une folie irrationnelle appelée « la croyance ». Cette croyance, dont on ne sait pas très bien ce qu’elle recouvre, trouve sa réalisation dans une série de négations : elle est obscurité, ténèbres, ignorance, fanatisme, exclusion. Ce n’est pas tout car, à croire l’auteur, la croyance ne peut être que cela. La mise en avant du mot « croyance » permet d’évacuer les synonymes qui permettent de mieux cerner l’objet étudier comme la religion et la foi. Ce choix n’est pas innocent car, n’est-ce pas, une croyance signifie davantage un fourre-tout. Nous sommes donc là en présence d’un lieu commun qui permet l’amalgame la plus large possible, ce qui au final signifie que la différence qui sépare le croyant du fanatique est aussi épaisse qu’une feuille de papier à cigarette et qu’il y a peu de celui qui confesse une foi religieuse au fanatique. Chrétiens évangéliques et Boko Haram, musulmans paisibles et Al Qaïda, même combat ! L’accumulation d’approximations et la mise dans le même sac des croyants de toutes espèces donnent un livre absolument inepte. Jean-Claude Carrière ne fait aucun effort pour comprendre le croyant. Le livre aurait pris une tournure toute autre si l’auteur avait pris la peine de considérer la religion d’un peu plus près, avec un minimum d’empathie. Au lieu de cela, il tire à boulets rouges sur les religions, voyant en elles fariboles et autres contes à dormir debout. Pour contrebalancer ce point de vue extrême, il aurait pu citer quelques noms d’écrivains, de philosophes et de poètes issus des grandes traditions religieuses. Ici, rien ! Le croyant est pris d’emblée pour un imbécile, un naïf ou un fanatique. Quelle que soit sa religion car ici toutes sont mises dans le même sac… avec les sectes. Jean-Claude Carrière n’est pas cela près et après tout, doit-il penser, entre un Témoin de Jéhovah et un membre de l’Action Catholique, quelle différence ! A prendre ainsi les gens pour des idiots, sans jamais citer ses sources, Jean-Claude Carrière a produit un livre désolant et blessant.

 

Jean-Claude Carrière, Croyance, Odile Jacob, 2015, 335 pages, 22.90 €

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Les Actes des Apôtres

Broché : 152 pages
Editeur : Cerf (5 juin 2015)
Collection : Mon ABC de la Bible
Langue : Français
ISBN-10 : 220410468X
ISBN-13 : 978-2204104685
Dimensions : 19,5 x 1 x 12,5 cm

 Les Actes des Apôtres

Ancien professeur d’exégèses biblique au Centre Sèvres à Paris, Chantal Reynier était on ne peut plus qualifiée pour écrire ce petit livre sur les Actes des Apôtres, nouvel opus de la série des « ABC de la Bible ». En de courts chapitres, l’auteur introduit le lecteur dans une œuvre plus fouillée et plus enchevêtrée qu’il n’y paraît. Grâce à des chapitres bien découpés, Chantal Reynier réussit son pari à la perfection : faire entrer le néophyte dans l’intelligence du témoignage émanant des premières communautés chrétiennes. Le livre des Actes des Apôtres est « un texte qui présente l’expansion de la communauté chrétienne après l’événement de la Résurrection » (p. 23). C’est en effet grâce aux apôtres et aux disciples qu’est s’est répandu le message de Jésus. Les Actes forment un récit inaugural, celui de l’expansion des premières communautés et de la fixation de la foi chrétienne. En liens étroits avec l’Evangile de Luc, rédigés vers 80 – 85, « ils commencent avec le rappel des apparitions du Ressuscité et un nouveau récit de l’Ascension de Jésus qui envoie ses apôtres en mission. » (p. 16) Attribué à Luc, le récit est destiné à un dénommé Théophile, autrement dit à un chrétien de culture grecque. Après avoir donné un résumé de l’œuvre, l’auteur revient sur les principaux thèmes qui forment l’architecture des Actes : le rôle des témoins, la place centrale de l’espace méditerranéen, le style des nouvelles communautés chrétiennes, le christianisme face aux religions et cultures de l’époque… Le chapitre sur la réception des Actes montre toute leur importance dans la vie de l’Eglise contemporaine. Dans le Credo, dans la liturgie de l’Eglise et dans les grandes constitutions du concile Vatican II, les Actes des Apôtres révèlent la variété de leur richesse. Ils ont également influencé l’art européen à un degré insoupçonné.

Face à un petit livre aussi réussi il n’y a qu’une chose à dire : dommage qu’un travail comparable n’ait pas été réalisé pour chacun des livres bibliques. Chantal Reynier est pleinement parvenu à son but qui était, de façon simple et pédagogique, de donner l’essentiel en peu de pages.

 

Chantal Reynier, Les Actes des Apôtres, Cerf, 2015, 162 pages, 14€

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Problèmes religieux contemporains

Broché : 280 pages
Editeur : Editions de Fallois (13 mai 2015)
Collection : FALL.LITTERAT.
Langue : Français
ISBN-10 : 2877068994
ISBN-13 : 978-2877068994
Dimensions : 15,5 x 2 x 22,5 cm

 Problèmes religieux contemporains

Alain Besançon est un historien qui prend la religion au sérieux. Il vient encore une fois d’en administrer la preuve dans son dernier ouvrage, Problèmes religieux contemporains. Les problèmes qui intéressent ici l’auteur n’ont bien souvent qu’un lointain rapport entre eux. De fait, les chapitres concernent des sujets fort différents : la définition de l’orthodoxie, l’Eglise et l’islam, l’Eglise et le communisme, la question du mariage des prêtres, etc. Alain Besançon n’entend pas donner de réponses définitives aux problèmes auxquels il réfléchit, ce n’est ni son intention ni son ambition. Fort de sa culture encyclopédique, il les scrute et les analyse avec sa loupe d’historien. Etant donné la variété des sujets traités, tout n’est pas du même intérêt. Reste qu’il faut considérer avec curiosité certains sujets dont l’actualité révèle chaque jour l’acuité comme la façon – jugée naïve et irénique par l’auteur – dont le concile Vatican II parle de l’islam. Alain Besançon se demande, d’autre part, si l’intelligence n’a pas déserté l’Eglise latine, la recherche théologique étant réduite à la portion congrue. Il traite la question du mariage des prêtres avec délicatesse, déclarant avec honnêteté qu’il a du mal à trancher la question. Mais, encore plus que certains chapitres traités avec finesse et savoir, ses Problèmes religieux contemporains contiennent des passages dont tout chrétien devrait faire son miel. Il est bon et nécessaire qu’un intellectuel catholique comme A. Besançon rappelle que « saint Augustin remarquait qu’à l’origine du christianisme il y avait eu trois miracles. Le premier est la résurrection du Christ. Le second est que les apôtres aient cru en cette résurrection. Le troisième est qu’il y ait eu des gens pour croire les apôtres. » (p. 15) Quant à la possibilité d’un dialogue de nature théologique entre le christianisme et l’islam, Alain Besançon n’y croit guère, tout simplement parce qu’il juge le contact des chrétiens avec l’islam de toxique. « Toxique, parce que l’islam ne reconnaissant pas l’autorité du document biblique, les apologètes chrétiens sont obligés de comparer la loi chrétienne et la loi coranique sur un plan intemporel et abstrait, et par conséquent d’adopter le point de vue anhistorique musulman. » (p. 35) L’acuité de l’analyste et la pertinence de l’historien qu’est A. Besançon fondent tout l’intérêt de cette lecture.

Alain Besançon, Problèmes religieux contemporains, De Fallois, 2015, 278 pages, 22€

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Jésus et le divorce

Broché : 149 pagesv Editeur : Cerf (12 février 2015)v Collection : LECTIO DIVINA
ISBN-10 : 2204103640
ISBN-13 : 978-2204103640
Dimensions : 19,5 x 1,2 x 12,5 cm

 Jésus et le divorce

Entre deux synodes romains consacrés à la famille, le premier s’étant tenu à l’automne 2014 et le second ayant lieu un an plus tard, les interventions d’évêques et de théologiens vont bon train. Pour beaucoup, au-delà de l’ample question de la famille au sein de la société contemporaine, la question des divorcés-remariés demeure un sujet qu’il est impératif de prendre à bras-le-corps. Au plus haut sommet et de façon feutrée des cardinaux s’opposent, les uns proposant des positions ouvertes (cardinal Walter Kasper), les autres prêchant en faveur du statu quo (cardinal Raymond Leo Burke). Le grand théologien états-unien John Paul Meier, auteur d’une somme remarquable sur Jésus (Un certain juif, Jésus), a désiré intervenir dans le débat. Le concours du théologien est uniquement d’ordre intellectuel. Etudiant l’Ancien Testament, les Evangiles et les Epîtres de Paul, il aboutit à une conclusion d’un simplisme presque déroutant : la pratique du divorce dans le monde juif, par répudiation de l’épouse par le mari, était une chose largement admise et ne posant aucune difficulté. Les propos de Jésus vont totalement à rebours : une fois débarrassé des adjonctions ultérieures les paroles prêtées au Christ vont toutes dans le sens d’une interdiction absolue du divorce. Cette défense est si absolue, si contraire aux usages juifs « qu’un Juif pieux qui prendrait soin de respecter toutes les règles prescrites par la Loi mosaïque concernant le divorce serait néanmoins coupable d’avoir enfreint le sixième commandement du décalogue (« Tu ne commettras point l’adultère ») en contractant un nouveau mariage. » (p. 146)

S’il est des catholiques pour penser que le recours à l’exégèse sera de nature à régler certains problèmes générés par la discipline de l’Eglise vis-à-vis du mariage, ils risquent d’être déçus. Pour le grand spécialiste qu’est John Paul Meier, il ne fait pas de doute que Jésus a énoncé une interdiction absolue, formelle. Cette intransigeance peut désarçonner et peut-être faudrait-il la contextualiser, ce que ne fait pas le théologien dans le cadre de ce petit essai. J.-P. Meier prévient son lecteur dès les premières pages : il n’écrit pas pour régler des problèmes pastoraux actuels et il n’est pas évident que les résultats de la recherche théologique ait « quelque chose à dire à la foi ou à la théologie chrétienne. »

 

John Paul Meier, Jésus et le divorce, 2015, Cerf, 151 pages, 14 €

 

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Pie XII

Broché : 480 pages
Editeur : Fayard (29 octobre 2014)
Collection : Biographies Historiques
Langue : Français
ISBN-10 : 2213655316
ISBN-13 : 978-2213655314
Dimensions : 15,3 x 2,5 x 23,5 cm

 Pie XII

Le spécialiste de l’histoire de l’Italie contemporaine qu’est Pierre Milza ne pouvait pas ne pas consacrer un livre à Pie XII, un pape dont l’importance est manifeste pour la compréhension de l’évolution de l’Eglise au cours de la seconde moitié du XX° siècle. Biographie très classique, le Pie XII de Pierre Milza jouit d’une postériorité qui lui permet d’intégrer l’ensemble de ce que la communauté des chercheurs sait d’Eugenio Pacelli. Issu de la bourgeoisie romaine, fils d’une famille pieuse, le jeune Eugenio Pacelli a tôt fait de découvrir la vocation qui l’habite : il sera prêtre. Seulement, il était dit que ce brillant sujet ne saurait se contenter d’un office médiocre au service de la sainte Eglise romaine. Ses qualités d’intellectuel et de diplomate lui font brûler les étapes : nonce à Munich en 1917, puis à Berlin en 1925, secrétaire d’Etat du pape Pie XI en 1929… C’est en 1939, à la veille de la guerre, que les cardinaux l’élisent sur le trône de saint Pierre. Vient la guerre, la période des grands déchirements : que doit faire et que doit dire le pape devant l’étendue des crimes de guerre, la Shoah en premier lieu ? Diplomate à l’excès, soucieux du sort des catholiques de langue allemande, il condamne les crimes nazis avec une retenue qui donnera des arguments à ceux qui, tel l’auteur du Vicaire Rolf Hochhut, lui ont reproché avec force ses silences. En réalité, s’il abhorre le nazisme et montre son souci du peuple juif en sauvant de l’horreur des milliers de juifs italiens, Pie XII, sans doute en raison de sa germanophilie latente, déteste encore plus le communisme. « Si pour le parti de Hitler la question est celle de la mise en tutelle des Eglises dans le cadre d’un Etat autoritaire, voire totalitaire, pour les communistes il s’agit de mettre en place leur complète éradication » (p. 141-142)

Toujours intéressant, facile à lire, ce Pie XII est indéniablement de très bonne facture. Cela suffira-t-il pour l’amener à concurrencer d’autres biographies du pape Pacelli, comme celle de Robert Serrou, rien n’est moins sûr ? Concentrée essentiellement sur les aspects diplomatiques du pontificat, le livre de Pierre Milza fait malheureusement l’impasse sur quantité de dossiers essentiels à la compréhension de l’histoire de l’Eglise au XX° siècle, comme le refus des prêtres-ouvriers. Pontificat important au plan des relations internationales, il le fut également pour l’évolution de l’Eglise, avant l’élection de Jean XXIII et la convocation du second concile du Vatican. !

 

Pierre Milza, Pie XII, Fayard, 2014, 475 pages, 25 €