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Recensions Religion

Faire bouger l’Eglise catholique

Broché: 191 pages
Editeur : Desclée de Brouwer (13 septembre 2012)
Collection : ESSAIS RELIGION
Langue : Français
ISBN-10: 2220064654
ISBN-13: 978-2220064659
Dimensions : 17,4 x 10,6 x 1,4 cm

 Faire bouger l’Eglise catholique

Symptôme de notre époque : il paraît qu’il faut sans cesse innover et bouger… Comme si, en lui-même, le mouvement était synonyme de progrès. Nous voilà donc embarqués dans une sempiternelle danse de saint Guy. D’aucuns voudraient que l’Eglise, symbole d’une permanence de vingt siècles, fût elle-même touchée par les trépidations qui agitent notre monde. On sait ce qu’un tel mouvement perpétuel a de néfaste pour la foi qui, elle, a besoin de temps pour mûrir et grandir. Alors, faire bouger l’Eglise… et puis, pour aller où ?

Bien sûr, on aurait tort de considérer avec dédain les propos du P. Moingt, un des plus solides théologiens français de notre temps, néanmoins son manque de nuance et sa systématique prise de distance par rapport à l’institution ecclésiale ne servent pas toujours son propos. Faire bouger l’Eglise catholique est un petit livre de circonstance qui contient principalement trois conférences faites à l’appel de chrétiens dits critiques. Si l’on peut entendre les réserves du jésuite à l’égard d’un certain conservatisme romain et épiscopal, il n’empêche que ses critiques sonnent parfois creux. A côté de réserves portant sur tel ou tel à-côté sourd de la lecture de ce petit livre un malentendu qui porte sur des points capitaux. Le P. Moingt laisse par exemple entendre que l’apport principal de Vatican II réside en un catalogue d’innovations (cf. page 17 par exemple). C’est vrai que le concile est porteur d’innovations, mais celles-ci sont loin de constituer le centre, l’épine dorsale de l’œuvre des Pères de Vatican II. C’est la foi qui est au cœur de la préoccupation des Pères. Or, la foi n’a pas changé d’un iota avec le concile ; ce qui a été dépoussiéré c’est son expression, la façon de l’annoncer. De même, laisser entendre que Jésus a apporté « rien d’autre qu’un humanisme nouveau » est très réducteur. Jésus est porteur d’un humanisme ; pour autant, est-ce là le centre de son message ? Avant d’apporter un humanisme, c’est Dieu qu’il révèle. Si la Parole de Dieu donne à voir un humanisme qui tranche avec la doxa propre aux paganismes antiques, on est loin du cœur de la foi au Christ. Ce qui caractérise le christianisme, c’est la Révélation d’un Dieu qui se fait proche de l’homme par son Incarnation, un Dieu vainqueur de la mort. Le discours chrétien est un discours radical, pas l’humanisme du vicaire savoyard cher à Rousseau. Perdre de vue cet essentiel, n’est-ce pas, au bout du compte, par glissements successifs, aboutir à la stupéfaction de la page 77 où le P. Moingt écrit : « Pour ma part, je n’ai rien contre la messe. » ? Ouf, on respire !

On a l’impression que, pour l’auteur, l’essentiel se résume à la question de l’autorité et du pouvoir. Faux, l’essentiel, c’est de lutter contre l’apostasie silencieuse de notre époque. Et cela, pas évident qu’une Eglise plus « démocratique » arrive à la contrecarrer.

Joseph Moingt, Faire bouger l’Eglise catholique, Desclée de Brouwer, 2012, 192 pages, 15 €

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Le Père Antonin Jaussen, o.p. (1871-1962) : Une passion pour l’Orient musulman

Broché: 132 pages
Editeur : Cerf (31 mai 2012)
Collection : L’histoire à vif
Langue : Français
ISBN-10: 2204088811
ISBN-13: 978-2204088817
Dimensions : 21,2 x 13,4 x 1,4 cm

 Le père Antonin Jaussen, o.p. (1871-1962)

            Entre l’Orient et l’Occident les différences sont nombreuses. Une des plus évidentes réside dans le fait qu’historiquement les Orientaux se sont généralement peu intéressés à ce qui se passait en Occident. Au contraire, dès la fin du XVIII° siècle avec l’expédition de Bonaparte en Egypte, nombreux furent les Occidentaux à se passionner pour ce qui venait de là-bas. La civilisation égyptienne, les conquêtes d’Alexandre, le début du christianisme, l’islam… tout cela faisait rêver égyptologues, historiens, scientifiques et… hommes d’Eglise. La liste est longue de ces rêveurs géniaux, fascinés par cet Orient à la fois proche et lointain, simple et compliqué, de Lawrence d’Arabie au père Lagrange, le fondateur de la célèbre Ecole Biblique de Jérusalem. Au sein du monde catholique, après les mercédaires spécialisés dans le rachat des esclaves chrétiens, les dominicains se prirent de passion pour l’Orient, chrétien et musulman. Le P. Jaussen est l’un d’eux. Né en 1871 en Ardèche, des études brillantes dans les langues orientales font prendre à sa vie un départ inattendu : celle de l’intellectuel et de l’aventurier de cette époque telle qu’on se l’imagine aujourd’hui. Il y a chez Jaussen du Guillaume de Rubrouck et du Henri de Monfreid. Polyglotte comme la plupart des membres de l’Ecole Biblique, il passe son temps entre l’étude, la découverte des populations et des lieux. C’est que le P. Jaussen n’a rien d’un intellectuel en chambre ; il n’aime rien moins que de rencontrer les bédouins. La Première Guerre Mondiale lui donne l’occasion de mettre ses connaissances de la culture locale au service de la cause alliée. Les autorités françaises le chargent en effet d’organiser le services de renseignements en Palestine et en Syrie. Après la guerre, il quitte Jérusalem pour Le Caire ; il est de l’équipe qui va fonder le prestigieux Institut Dominicain d’Etudes Orientales (IDEO). Bâtir un pont entre l’Orient musulman et l’Occident chrétien, c’était pour lui, accompagné de ces autres pionniers que furent les pères Anawati et de Beaureceuil, un véritable acte de foi.

L’auteur de cette biographie, le P. Jean-Jacques Pérennès, actuellement directeur de l’IDEO, était évidemment le mieux placé pour raconter la biographie d’un de ses grands prédécesseurs. Ce petit livre, toujours passionnant, constitue une introduction de qualité pour mieux apprécier la qualité de l’œuvre toujours vivante des dominicains en terre d’Islam.

Jean-Jacques Pérennès, Le père Antonin Jaussen o.p. (1871-1962) : Une passion pour l’Orient musulman, Le Cerf, 2012, p. 132, 13 €

 

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Traité des sacrements : Tome 7, Le mariage, sacrement de l’amour

Broché: 710 pages
Editeur : Cerf (26 janvier 2012)
Collection : Théologies
Langue : Français
ISBN-10: 2204093521
ISBN-13: 978-2204093521
Dimensions : 23,4 x 14,4 x 4,2 cm

 Traité des sacrements : Tome 7, Le mariage, sacrement de l’amour

C’est à une œuvre colossale que s’est attelé le P. Jean-Philippe Revel, dominicain. Quand on sait la littérature torrentielle à laquelle ont donné lieu les sacrements de l’Eglise, il fallait une bonne dose de courage pour s’attaquer à pareil sujet. Avec ce dernier opus, le P. Revel en est au cinquième tome d’une série qui doit en compter huit.

Le Traité du P. Revel suit une trame historique. Nous avons bien affaire à une histoire du sacrement de mariage à travers les âges, avec les évolutions et les débats auxquels ces derniers ont donné lieu. Les sacrements ont mis des siècles pour se forger ; par conséquent, lire leur histoire c’est comprendre leur actualité. Le tableau que dresse le P. Revel, impressionnant de rigueur et d’érudition, explique bien les tribulations subies par le sacrement de mariage. L’Eglise ne tarde pas à sanctifier l’union de l’homme et de la femme. Les Pères de l’Eglise sont généralement réticents à son égard. La perspective eschatologique qui est la leur les conduit à exalter la continence et la chasteté au détriment de l’union conjugale, laquelle est consommée dans l’œuvre de chair. Il faut attendre le XII° siècle pour que le mariage acquière définitivement le titre de sacrement.

Non content de donner une histoire complète du mariage (théologie, rite…), le P. Revel n’ignore rien des débats contemporains. La question des personnes divorcées remariées fait bien sûr l’objet de pages très complètes. Même chose s’agissant de la question du ministre du sacrement. En Occident, les époux sont considérés comme étant les ministres du sacrement, pas en Orient où le prêtre joue ce rôle. Dans un cas comme dans l’autre, le P. Revel n’hésite pas à dire sa préférence : par exemple il penche nettement en faveur de la position de Melchior Cano, reprise par certains théologiens et canonistes contemporains, qui dénie aux époux le rôle de ministres du sacrement. Les époux sont-ils nécessairement ministres ? Cette position traditionnelle dans l’Eglise latine n’a pas l’aval de tous ; n’est-ce pas la médiation du prêtre qui confère la grâce au sacrement ? Ainsi, alors qu’il passe en revue l’ensemble des dimensions du mariage, le P. Revel n’oublie pas les controverses nées de pratiques pastorales parfois discutées. Cette conjonction, mélangeant érudition et questionnements contemporains, fait de ce volume un incontournable. Comment ne pas remercier le P. Revel pour ce travail monumental et toujours pertinent ?

Jean-Philippe Revel, Traité des sacrements. VII – Le mariage, Le Cerf, 2012, 709 pages, 57 €

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Des missionnaires plongés dans la Grande Guerre

Broché: 367 pages
Editeur : Cerf (7 juin 2012)
Collection : L’histoire à vif
Langue : Français
ISBN-10: 2204096881
ISBN-13: 978-2204096881
Dimensions : 21,2 x 13,6 x 2,2 cm

 Des missionnaires plongés dans la Grande Guerre

Auteur d’une histoire de l’Eglise qui fait date et après avoir publié les Carnets du cardinal Alfred Baudrillart (Le Cerf), le P. Paul Christophe, prêtre du diocèse de Lille, s’attaque à un sujet jusqu’à présent peu abordé : l’histoire des missionnaires français rappelés en France pour les besoins du front. Les missionnaires dont il s’agit dans ce volume sont exclusivement des membres des Missions Etrangères de Paris. En exhumant les lettres qu’ils ont échangées avec le supérieur ou les directeurs du Séminaire de Paris, le P. Christophe relate les tourments et les espoirs de prêtres qui étaient partis en Asie sans esprit de retour. En août 14, une fois la guerre déclarée, la patrie a besoin de tous ses enfants, y compris les missionnaires. Employés principalement à des tâches non combattantes, ils assistaient en première ligne à ce premier suicide de l’Europe ; un peu plus de 16 % d’entre eux furent tués au front. Les lettres que le P. Christophe donne à lire montrent l’état d’esprit d’hommes qui étaient des prêtres, des chrétiens et des patriotes. Défendre la patrie attaquée était chez eux comme une évidence… qui ne se faisait pas sans remords. Ils étaient déchirés à l’idée de laisser seules les communautés chrétiennes qu’eux-mêmes et leurs prédécesseurs avaient évangélisées. Chez beaucoup l’avenir est angoissant. Il y a bien sûr la guerre, mais aussi l’après-guerre. Partis une première fois sans idée de retour – « C’est seulement en 1922 que le principe des congés sera introduit dans la Société des Missions Etrangères » (p. 21) – beaucoup se demandent ce que sera leur retour en Asie. Dans quel état trouveront-ils les communautés qu’ils ont dû laisser. On ne fermera pas le beau livre du P. Paul Christophe sans, tout comme lui, éprouver de l’admiration  pour ces missionnaires, « pour la force de caractère qui les soutient dans l’épreuve, pour l’énergie des vétérans déployée dans leur mission et pour la foi qui les anime. » (p. 334)

A plusieurs reprises l’auteur évoque et publie des lettres du P. Pierre Compagnon, qui fut missionnaire au Japon et revint en France en 1900, nommé directeur du Séminaire de Paris. Le R.P. Pierre Compagnon est un aïeul. Il est né en 1859 à Beaurepaire-en-Bresse. Dans la famille, nous ne sommes pas peu fiers de lui.

Paul Christophe, Des missionnaires plongés dans la Grande Guerre, Le Cerf, 2012, 367 pages, 27 €

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Les yeux grands fermés

Broché: 240 pages
Editeur : Denoël (18 mars 2010)
Collection : Médiations
Langue : Français
ISBN-10: 2207261778
ISBN-13: 978-2207261774
Dimensions : 22,4 x 13,4 x 1 cm

 Les yeux grands fermés

Pas la peine de se raconter des histoires ! En France, la machine à intégrer ne fonctionne plus très bien. Le pays a un véritable problème vis-à-vis de son immigration. Pourtant, ils sont nombreux, dans le monde politique, médiatique et économique, à souligner que l’immigration est une chance pour la France et que, dans le monde globalisé qui s’ouvre, la notion de frontière devient caduque. Il y a, chez ces belles âmes, à la fois généreuses et naïves, l’idée que le multiculturalisme est l’horizon indépassable de l’humanité future. Pour Michèle Tribalat, sociologue et démographe, la force de la vigilance antiraciste est devenue si puissante qu’elle agit comme un anesthésiant : « L’immigration est sacralisée au point que le désaccord ne peut exister et être raisonnablement débattu » (p. 10). L’enjeu est grave. Si l’auteur prend la peine d’écrire ce livre, c’est pour livrer au grand public des informations qui ont généralement peu d’écho dans les médias. Il suffit à l’auteur de cinq chapitres pour démonter la doxa officielle. Contrairement à beaucoup d’autres pays, il règne ici, s’agissant des chiffres, un flou artistique qui s’apparente à de la manipulation ; le nombre d’immigrés qui entre en France, légalement ou clandestinement, est systématiquement minoré. Cela tient au fait, selon Michèle Tribalat, que notre pays manque d’un outil statistique fiable. Ce laxisme est aggravé par l’incohérence des politiques successives et la primauté des lois communautaires européennes de plus en plus adaptées à notre univers mondialisé. En tout cas, insiste l’auteur, il n’est pas vrai que l’immigration s’avère un facteur décisif dans le développement de l’économie nationale. Au contraire l’impact économique de l’immigration demeure négatif parce que l’immense majorité des immigrants est peu ou pas formée. L’effet démographique de l’immigration sur les territoires accentue le déséquilibre entre des banlieues massivement peuplées d’immigrés et des territoires ruraux dans lesquels le Français de souche est hégémonique. Bien sûr, il serait possible de lutter contre certains effets délétères d’une immigration mal contrôlée. Le problème, c’est que le contexte idéologique dominant empêche toute réflexion sereine sur les politiques d’immigration, laquelle est nécessairement considérée comme positive. En ce sens, la contribution de Michèle Tribalat au débat est vraiment nécessaire.

Michèle Tribalat, Les yeux grands fermés, Denoël, 2012, 222 pages, 19 €

 

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C’est une chose étrange à la fin que le monde

Broché: 313 pages
Editeur : Robert Laffont (19 août 2010)
Collection : ROMAN
Langue : Français
ISBN-10: 2221117026
ISBN-13: 978-2221117026
Dimensions : 21,4 x 13,2 x 3 cm

 C’est une chose étrange à la fin que le monde

Jean d’Ormesson n’en fait pas mystère : il a eu la chance de croquer la vie à pleines dents. La littérature, les femmes, les voyages, les produits de la terre… il les a aimés à s’en damner. Mais voilà qu’à l’automne de sa vie les interrogations métaphysiques le pressent. Agnostique tout en étant plutôt fidèle à la civilisation léguée par le christianisme, il n’avait jamais été à ce point taraudé par la question du sens de la vie.  Le voilà arrivé à un âge où les questions existentielles prennent le dessus. Fini de rire, voici le temps des interrogations ! Sous forme de chapitres très courts, l’auteur se livre à une histoire rapide de l’univers à partir de la fameuse question jadis posée par Spinoza : Pourquoi y a-t-il quelque chose plutôt que rien ?      Il y a deux siècles, le biologiste Laplace avait répondu à Napoléon qu’il n’avait pas eu besoin de Dieu dans le cadre de son travail, Dieu n’étant d’ailleurs qu’une hypothèse. « Mon cher Laplace, semble rétorquer Jean d’Ormesson, en êtes-vous si sûr ? » Pourquoi y a-t-il quelque chose plutôt que rien ?

Dans cette courte histoire de l’univers à laquelle se livre l’auteur d’Au plaisir de Dieu, les explications de type mécaniste paraissent bien pâlichonnes. Pour l’auteur, sans doute manquent-elles même de poésie. Bien sûr, nous ne sommes sûrs de rien, perdus que nous sommes dans l’immensité sidérale. Alors, à quoi se raccrocher ?

L’auteur, s’il a du mal à croire, espère tout. Protagoniste de l’histoire humaine, le Vieux à qui l’auteur donne la parole – Dieu – rigole de la mesquinerie et du peu de confiance qui lui est accordé : « Ah ! les malins ! Comme ils savent mettre en scène la pièce que j’ai écrite ! Et le pire est qu’il leur arrive de siffler l’auteur. » L’auteur semble avoir pris un malin plaisir à avoir écrit un tel livre. Il s’escrime avec bonheur sur un terrain sur lequel on ne l’attendait pas. N’attendez pas que les interrogations auxquelles il se livre lui gâtent l’existence. Au contraire, elles rendent la vie encore plus palpitante. Après avoir raconté l’histoire de l’univers et les différents âges de la vie, Jean d’Ormesson continue de s’amuser, comme il semble l’avoir toujours fait : la gaîté, la gratitude, le bonheur, les livres…

Intelligent et revigorant.

Jean d’Ormesson, C’est une chose étrange à la fin que le monde, Robert Laffont, 2010, 313 pages, 21.30 €

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Recensions Religion

Benoît XVI : Un pontificat sous les attaques

Broché: 313 pages
Editeur : Pierre-Guillaume de Roux Editions (17 novembre 2011)
Collection : PGDR EDITIONS
Langue : Français
ISBN-10: 2363710185
ISBN-13: 978-2363710185
Dimensions : 22,4 x 14,2 x 2,8 cm

 Benoît XVI : Un pontificat sous les attaques

Les premières années du pontificat de Benoît XVI furent particulièrement houleuses, la plupart des médias ne trouvant aucune excuse à un pape qui cumulait les défauts d’être allemand, intellectuel et d’avoir, vingt ans durant, occupé la responsabilité de préfet de la Congrégation pour la doctrine de la foi, l’ex-Saint-Office. Avec une mauvaise foi en béton, certains médias l’accusèrent d’avoir été nazi, ce qu’il ne fut jamais, d’avoir servi dans une batterie antiaérienne, service dont à son âge il ne pouvait pas échapper.

En une quinzaine de chapitres, les Paolo Rodari et Andre Tornielli reviennent sur les affaires qui ont terni l’image de l’Eglise depuis l’accession au pontificat du cardinal Ratzinger : la controverse de Ratisbonne, la libéralisation de l’ancienne liturgie, la levée des excommunications des évêques intégristes, les scandaleuses affaires de pédophilie. Toutes pointent la difficulté du Saint-Siège de se doter d’une communication efficace…. Et toutes mettent le doigt sur les méthodes malhonnêtes de certains médias qui font tout pour faire trébucher l’Eglise et mettre à mal son image.

Comme G. Leclerc l’avait bien remarqué en son temps, on ne pardonne rien à l’Eglise et beaucoup se permettent à son encontre une violence de propos qu’ils ne se permettaient pas s’agissant d’une autre religion. Existe-t-il, se demandent les auteurs en fin d’ouvrage, un complot contre le pape ? Pour eux, s’il n’existe pas un complot mondial visant à discréditer les papes et le message de l’Eglise, il y a bien un processus médiatique « bien vu d’une certaine élite à dominante financière difficilement identifiable, qui prône l’abandon de la souveraineté en faveur d’institutions supranationales » (p. 285). En d’autres termes, on s’en prend à l’Eglise car elle est la seule, contrairement aux institutions représentatives qui font la loi, à pouvoir dire des vérités qui fâchent. Le fait de ne pas être soumis à un quelconque processus électoral permet une telle liberté. Les médias et intellectuels qui s’en prennent à l’Eglise agissent souvent dans l’indépendance, mais il se trouve que leurs critiques de l’institution ecclésiale trouvent un avis favorable auprès de tous ceux qui ont intérêt à voir l’Eglise affaiblie : laboratoires pharmaceutiques, institutions suprationales, ONG prônant le mondialisme et la nomadisation, milieux culturels prônant le relativisme… Bref, tous ceux qui souhaitent, au sein d’un univers globalisé, l’émergence d’un homme nouveau, consommateur sans repères et sans racines, malléable à merci… un univers, somme toute, loin de la démocratie.

Paolo Rodari & Andrea Tornielli, Benoît XVI : Un pontificat sous les attaques, Pierre Guillaume De Roux Ed. , 2012, 312 pages, 25 €

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Actualités Recensions

Considérations inactuelles

Broché: 154 pages
Editeur : Plon (16 février 2012)
Langue : Français
ISBN-10: 2259217044
ISBN-13: 978-2259217040
Dimensions : 18,4 x 12,8 x 2 cm

 Considérations inactuelles

Hasard ou nécessité ? Peu avant la période estivale a été publiée une série de livres qui a  pour particularité de refléter une tendance en vogue parmi certains intellectuels. Ces derniers sont plutôt à classer à droite, mais ce n’est pas le jeu politique traditionnel qui les pousse à entrer dans la danse. Profondément réactionnaires, ils doivent la virulence de leurs idées aux mouvements d’une société qu’ils ne comprennent plus, à l’image d’Ivan Rioufol, chroniqueur au Figaro et auteur De l’urgence d’être réactionnaire. Parmi ces bretteurs il faudrait citer Elisabeth Lévi, Renaud Camus et Richard Millet. Littérairement ambitieux, ils renouent  avec un art que le politiquement correct avait remisé : le pamphlet politico-littéraire. Il y a du Léon Daudet et du Georges Bernanos chez ces mousquetaires. Exécrant la médiocrité du temps, ils s’en prennent avec verve à un vocabulaire qui n’ose plus nommer les choses, à la confusion générale entre les fins et les moyens, à la fuite en avant technologique, à la consommation à outrance, à la toute puissance des médias, à une Education Nationale qui n’éduque plus, au bouleversement des valeurs qui pousse les Français à faire des sportifs les héros de notre temps.

C’est contre cet aplatissement du monde qu’un autre hussard, Denis Tillinac, désire à son tour réagir. Amoureux de la France et des terroirs, Tillinac met sa plume survoltée au service d’une idée qu’il transbahute de livre en livre. Voguant vers un avenir peu exaltant, l’homme moderne risque de sombrer dans un nihilisme destructeur. La confusion des intentions, « la survalorisation de l’éphémère au détriment de la mémoire » et le vide des idées qui caractérisent l’époque actuelle ne sont pas des fatalités. Ces Considérations inactuelles ont ceci de « scandaleusement antimodernes » qu’elles conchient l’air du temps, son conformisme pesant, ses héros de pacotille, sa course au toujours plus. Entre l’époque et Tillinac, un gouffre s’est creusé. L’auteur ne s’en émeut pas ; il se réjouit plutôt de ne plus être à l’écoute de la médiocrité contemporaine : « Ne perds pas ton temps à contester la société dite de consommation ou du spectacle : déserte-la » (page 49) Ce ne sont pas des paroles en l’air. Il est possible de le faire par de menus gestes, par exemple faire comme D. Tillinac et l’auteur de ces lignes : se passer de téléphone portable et de la plupart de ces engins qui encombrent l’existence.

Denis Tillinac, Considérations inactuelles, Plon, 2012, 150 pages, 16 €

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Histoire Recensions

1941-1942 : Et si la France avait continué la guerre…

Broché: 720 pages
Editeur : Editions Tallandier (26 avril 2012)
Langue : Français
ISBN-10: 2847347747
ISBN-13: 978-2847347746
Dimensions : 21,4 x 14,4 x 4,2 cm

 1941-1942 : Et si la France avait continué la guerre…

Après 1940. Et si la France avait continué la guerre…, Jacques Sapir, Franck Stora et Loïc Mahé poursuivent leur narration de la Seconde Guerre Mondiale telle qu’elle aurait pu se passer si la prise du pouvoir par Pétain en juin 1940 avait échoué. Le gouvernement de la République continue la lutte depuis Alger. Y participent les grandes figures de la III° République finissante comme Reynaud, Mandel et Daladier, plus ceux, comme De Gaulle, qui n’ont jamais accepté la défaite. A Paris, les collabos ont pris langue avec l’occupant, mais ils ne sont qu’une poignée. De la sorte, appuyé sur son Empire, ayant rallié une grande partie de la France combattante, le gouvernement continue la guerre aux côtés de la Grande-Bretagne. La coalition sera rejointe par les Etats-Unis après Pearl Harbor en décembre 1941. La guerre fait rage sur deux fronts majeurs : en Méditerranée et en Asie du Sud-Est. En Méditerranée, les flottes française et anglaise ne tardent pas à mater la Regia Marina. Grâce aux fournitures américaines, les aviations alliées mènent la vie dure à la Luftwaffe. De ce fait, les Allemands peinent à conquérir la Corse et la Grèce. Ils essuient même de cuisants revers dans les îles grecques. Devant le relatif marasme de ses armes, Hitler a repoussé son grand dessein : l’invasion de l’Union Soviétique, laquelle ne commencera qu’en 1942. En Asie, les Japonais lorgnent du côté de l’Indonésie et de l’Indochine. Après quelques succès initiaux, eux aussi doivent déchanter devant l’opiniâtreté des Alliés. Comme dans la réalité le conflit devient vite planétaire.

Comment ne pas applaudir un récit aussi bien mené, de bout en bout très réaliste ? Les auteurs, spécialistes en histoire militaire, donnent du conflit une image saisissante : on dirait du Raymond Cartier au meilleur de sa forme. Et si la France avait continué la guerre… s’avère de ce point de vue une réussite accomplie. Un petit regret toutefois : il nous semble que cette histoire est trop favorable aux armes alliées. Or, tant en 1914-1918 qu’en 1939-1945 les Allemands ont fait preuve d’une maîtrise et d’une intelligence tactique supérieures. Les chiffres l’attestent : ils ont toujours causé plus de pertes et de dommages à leurs adversaires qu’eux-mêmes en ont subis… Cela dit, le mérite du livre est de faire rêver car, après tout, le récit comporte une forte dose de réalisme et il aurait très bien pu arriver que Pétain ne prenne pas le pouvoir en juin 1940. Parfois, l’histoire ne tient pas à grand-chose ; c’est ce que cet ouvrage permet de vérifier avec intelligence.

Jacques Sapir, Franck Stora, Loïc Mahé, 1941-1942. Et si la France avait continué la guerre… , Tallandier, 2012, 721 pages, 26.90 €

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Actualités Recensions

L’emprise sportive

Broché: 192 pages
Editeur : François Bourin Editeur (23 mai 2012)
Collection : SOCIETE
Langue : Français
ISBN-10: 2849413232
ISBN-13: 978-2849413234
Dimensions : 20,8 x 13 x 2 cm

 L’emprise sportive

C’est une vague qui n’en finit pas, une invasion qui ne dit pas son nom ; sa présence est partout et, pauvres quidams que nous sommes, nous ne pouvons y échapper. Le sport et l’information sportive ont envahi nos écrans et nos imaginaires. Ils nous cernent. Pour échapper à leur emprise, il faudrait fermer tous nos postes, radio, télés et autres. Même dans les quotidiens régionaux, six à huit pages sont quotidiennement dévolues au sport, divinité tutélaire d’un monde qui a rejeté les anciens cultes. Le matin, à la radio, sur certaines chaînes généralistes, le sport occupe une place de choix ; il est au moins aussi important que l’actualité internationale. Ses vedettes occupent une telle place qu’on les trouve par paquets dans le classement des personnalités préférées des Français. Comme si cela ne suffisait pas, on demande à telle star du rugby ou de la natation de commenter l’actualité, de donner son avis sur tel fait de société. C’est ainsi qu’on a eu le triste privilège d’assister, par micros interposés, à un débat sur l’immigration entre le footballeur Lilian Thuram et Alain Finkielkraut, professeur au Collège de France. Ce qui logiquement aurait dû se terminer par la déroute du premier s’acheva par un match nul. C’est que pour beaucoup, notamment dans le monde médiatique, les propos d’un sportif ont autant sinon plus de poids que ceux d’un intellectuel qui a réfléchi durant trente ans à telle ou telle question. Ajoutons que le sport a généré, durant ces dernières décennies, un conformisme incroyable et des montagnes de sottises : n’a-t-on pas dit par exemple, après la victoire de l’équipe de France dans le Coupe du Monde de 1998, que ce succès signait la victoire définitive d’une France multiculturelle apaisée ? Sept ans après, les banlieues flambaient dans un climat quasi insurrectionnel. L’invasion du sport n’a pas manqué de faire des dégâts collatéraux. La place survalorisée du sport n’a pas manqué d’entraîner la chute de la culture classique, emportée comme fétu de paille et remplacée par une nouvelle doxa ayant le sport comme colonne vertébrale.

Ayant été sportif amateur durant sa jeunesse, Robert Redeker ne livre pas ici un combat contre le sport, et Dieu sait s’il l’a aimé ! Combien de fois n’a-t-il pas vibré, dans sa jeunesse, aux exploits de Gachassin ou des frères Spanghero ? Ce qu’il déplore, ce qui le fâche, c’est de voir ce que le sport est devenu : un monde gangrené par l’argent où des mercenaires body-buildés se vendent au plus offrant, où le panache et l’honneur ont cédé la place aux cultes du résultat et de la performance. L’idéologie sportive secrète une démesure qui ne laisse aucune place au faible, au poète, au philosophe, au rêveur. Parmi les méfaits qu’entraîne la survalorisation de la place du sport, l’auteur met en avant l’incroyable renversement des valeurs auquel nous assistons depuis peu : « Des mercenaires  immatures et cupides tapant dans un ballon sont élus au rang de divinités  quand les véritables créateurs de civilisation, dont l’avenir retiendra les noms – poètes, penseurs, peintres, sculpteurs, savants – sont rejetés dans l’ombre. » (p. 17)  Il y a quatre ans, dans un ouvrage de la même veine, R. Redeker se demandait si le sport était inhumain. La réponse qu’il donne aujourd’hui n’est pas définitive mais, ce qu’il y a de certain, c’est qu’entretemps le sport n’a certainement pas gagné en humanité.

Robert Redeker, L’emprise sportive, François Bourin Editeur, 2012, 184 pages, 19 €