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La Grande Guerre oubliée

Broché : 527 pages
Editeur : Perrin (2 octobre 2014)
Langue : Français
ISBN-10 : 2262040451
ISBN-13 : 978-2262040451
Dimensions : 24 x 3,8 x 15,5 cm

 La Grande Guerre oubliée

Trop souvent la Première Guerre mondiale se confond avec la guerre des tranchées, celle qui a ensanglanté le nord-est de la France. C’est oublier que cette guerre était mondiale et que d’autres théâtres d’opérations ont vu, eux aussi, couler des torrents de sang. Les Alliés auraient-ils gagné la guerre si l’armée russe n’avait pas retenu un bon tiers de l’armée allemande ainsi que le plus gros des forces de la Double Monarchie ? Le livre d’Alexandre Sumpf n’est en rien une histoire de la Grande Guerre à l’Est. Ici, la guerre ne fait que s’inscrire en toile de fond d’un récit plus large. Ce qui compte davantage aux yeux de l’auteur, c’est le climat qui saisit un pays dans l’ensemble de ses strates économiques, sociales et culturelles. Si l’on excepte le chapitre réservé aux combattants, La Grande Guerre oubliée vise davantage à retracer la vie des habitants au contact du front ou à l’arrière. Alexandre Sumpf passe l’ensemble des secteurs de la société russe d’avant la Révolution de 1917, une société en guerre, certes bien mobilisée mais cependant moins, en raison de l’étendue du pays et de l’hétérogénité de ses populations, que les principales nations occidentales en guerre : le moral de la troupe et des habitants, les conditions de la survie dans un pays en guerre, les revendications ouvrières, la propagande, etc… Le théâtre, les coulisses et les épreuves de la guerre achèveront la dissolution de la nation impériale. La guerre allait en effet mettre à nu et accélérer les maux d’une société dont Dieu, le tsar et la patrie n’assuraient plus le ciment. La Grande Guerre oubliée révèle les nombreuses contradictions d’une société à bout de souffle, laminée par ses contradictions internes. Pour Lénine et ses affidés, la vieille Russie n’allait pas tarder à tomber comme un fruit blet ; il suffirait juste de mettre à jour les éléments les plus pourris de l’entité russe.

Grâce à ce travail novateur, Alexandre Sumpf dévoile un pan caché de l’historiographie contemporaine, réalisant un ouvrage que les historiens russes et soviétiques n’avaient pas entrepris avec toute la conviction nécessaire. Si la Grande Guerre a permis l’éclosion de la république des soviets, elle

 

Alexandre Sumpf, La Grande Guerre oubliée, Perrin, 2014, 527 pages, 25 €

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La guerre de Sept Ans (1756-1763)

Broché : 670 pages
Editeur : Perrin (22 janvier 2015)
Collection : Pour l’histoire
Langue : Français
ISBN-10 : 2262035296
ISBN-13 : 978-2262035297
Dimensions : 24 x 4,2 x 15,4 cm

 La guerre de Sept Ans (1756-1763)

La toute première guerre mondiale a duré sept ans, elle a concerné les principales puissances européennes, s’est déroulée sur trois continents et a eu des conséquences qui ont persisté pendant plus d’un siècle. Cette guerre, c’est la guerre de Sept Ans, ouverte en Amérique du Nord, entre Anglais et Français alors que les Etats-Unis n’existent pas encore. Il s’agit au départ, selon les mots de l’auteur d’ « une guerre essentiellement européenne dont l’enjeu fondamental consiste en une énième mise à jour de l’équilibre des puissances » (p. 11) Cette guerre, racontée dans le détail et avec maestria par Edmond Dziembowski, eut des conséquences qui, quelque deux cent cinquante après, comptent encore dans l’ordre du monde. En effet, c’est de ce conflit que datent l’émergence de la prépondérance britannique qui verra son triomphe au XIX° siècle, la naissance du patriotisme chez les grandes puissances, l’importance des guerres périphériques, etc. Récit total et complet, c’est comme cela que se présente un livre que les créateurs des grandes collections d’autrefois – par exemple Halphen et Sagnac – auraient très certainement apprécié. A l’image de la vastitude de ce conflit, le livre d’E. Dziembowski est remarquable par la diversité des sources utilisées. Non seulement aucun aspect de cette guerre n’est évacué mais, de surcroît, l’auteur renouvelle les vues traditionnelles que l’on pouvait avoir sur cet événement majeur. Par exemple, contrairement à l’image généralement véhiculée, les batailles qui se sont déroulées en Europe, et qui impliquaient Prussiens, Autrichiens, Français et Russes ont été particulièrement sanglantes, que ce soit Prague, Kolin ou Zorndorf. On est loin du charme suranné prêté souvent à la guerre en dentelles. Enfin, l’auteur s’attache à placer le conflit dans le cadre immense qui a été le sien, d’où le nombre de pages assez considérable qu’il accorde à la guerre en Amérique du Nord et en Inde. En ce sens, par bien des aspects, la guerre de Sept ans préfigure notre temps, celui de la mondialisation.

 

Edmond Dziembowski, La guerre de Sept Ans (1756-1763), Perrin, 2015, 670 pages, 27 €

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Berlin – Les offensives géantes de l’Armée rouge (janvier – mai 1945)

Broché : 672 pages
Editeur : Economica (3 décembre 2009)
Collection : Campagnes & stratégies
Langue : Français
ISBN-10 : 2717857834
ISBN-13 : 978-2717857832
Dimensions : 24 x 3,5 x 15,5 cm

 Berlin : Les offensives géantes de l’Armée rouge (janvier – mai 1945)

Voilà un livre qui devrait être offert à ces chefs d’Etat à la mémoire vacillante qui n’ont pas daigné se rendre à Moscou le 9 mai dernier pour fêter la fin de la Seconde Guerre mondiale et l’effondrement du nazisme. On ne le dira jamais assez : c’est le peuple soviétique qui a supporté l’essentiel de l’effort de guerre du III° Reich. Le Berlin de Jean Lopez est l’éclatante démonstration de l’héroïsme d’un peuple qui a perdu vingt millions de ses enfants et dont l’armée a rogné les ailes de la Wehrmacht.

Fort des dernières recherches de l’historiographie, Jean Lopez revisite les offensives qui, dans les premiers mois de l’année 1945, vont amener frontoviki et T 34 des faubourgs de Varsovie jusqu’à la capitale de ce Reich qui, selon les termes d’Hitler, devait durer mille ans. Le Berlin de Jean Lopez est essentiellement un livre d’histoire militaire. Avec brio, l’auteur défend une idée que les anciens chefs militaires de l’Allemagne nazie avaient minimisée dans leurs souvenirs. S’il est vrai que la Ostheer (l’Armée allemande du front de l’Est) est l’ombre de ce qu’elle était quatre ans plus tôt, il est tout aussi vrai que son effondrement doit beaucoup aux immenses progrès réalisés par l’Armée Rouge, et ce dans pratiquement tous les domaines. L’auteur soutient l’opinion que la victoire soviétique est d’abord une victoire intellectuelle. Les battus des années 1941 et 1942 ayant beaucoup appris de la machine de guerre nazie. Durant les dernières décennies du conflit, les généraux soviétiques mettent au point ce qui va constituer la marque de fabrique de l’Armée rouge : l’art opératif. Situé entre les niveaux stratégique et tactique, l’art opératif consiste moins à enchaîner les arabesques tactiques visant à l’encerclement que de démembrer l’armée ennemie dans la profondeur afin de l’empêcher de reprendre son souffle. C’est ainsi qu’en trois semaines, appuyées par une artillerie toujours plus nombreuse, les armées soviétiques vont disloquer les lignes allemandes et prendre pied sur l’Oder, à 80 kilomètres de Berlin.

Soutenu par un style puissant, c’est dans le détail que J. Lopez décrit l’habileté des militaires soviétiques et la puissance formidable de l’Armée rouge. Devant ce rouleau compresseur, l’héroïsme du soldat allemand était de peu de poids. Ce Berlin est un très grand livre d’histoire militaire.

 

Jean Lopez, Berlin. Les offensives géantes de l’Armée Rouge, Economica, 2010, 644 pages, 29 €

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Les cent derniers jours d’Hitler

Broché : 277 pages
Editeur : Perrin (12 mars 2015)
Langue : Français
ISBN-10 : 2262050236
ISBN-13 : 978-2262050238
Dimensions : 29,5 x 2,5 x 23,5 cm

 Les cent derniers jours d’Hitler

Une fois de plus, en spécialiste reconnu de la Seconde Guerre mondiale, Jean Lopez vient de frapper un grand coup. Dans ce livre grand format, illustré de photographies pour la plupart inédites, il raconte jour après jour l’agonie du III° Reich, celui qui, dans l’esprit fumeux et hystérique de son inventeur, devait durer mille ans. Cette « chronique de l’apocalypse » s’attache principalement à relater les « derniers jours de la vie du Führer […], ses déplacements, ses proclamations, ses actes de gouvernement et de commandement militaire, sa vie quotidienne et ses humeurs… » Dans un Reich dont le territoire se réduit comme une peau de chagrin, pilonné jour et nuit par l’aviation alliée, menacé par une Armée rouge surpuissante, se vit le dernier acte du gigantesque drame qui avait commencé six ans plus tôt. Dans une Europe qui globalement, vit en paix depuis 1945, on a du mal à imaginer la violence barbare qui s’est déchaînée. Avec son talent coutumier, Jean Lopez a su recréer l’ambiance de cauchemar propre à ce drame d’une ampleur inouïe. Dans une Allemagne en proie à la destruction, hantée par l’arrivée du rouleau compresseur soviétique avide de vengeance, alors que la guerre est perdue, le système nazi accomplit jusqu’au bout son œuvre de destruction. A l’égard de son propre peuple d’abord, appelé à suivre le régime au fond du gouffre : les tièdes, à commencer par les déserteurs, sont impitoyablement éliminés. Et plus généralement à l’égard de toute vie humaine. On demeure confondu de penser que, jusqu’au bout, la machine concentrationnaire poursuit son travail de mort. Alors que tout est perdu, le nazisme entend gagner du temps pour achever l’anéantissement du peuple juif et des slaves, ces races jugées dégénérées par celle des « seigneurs ». A l’aide de nombreux témoignages, fort des plus récentes avancées de la recherche historique, Jean Lopez retrace le calvaire d’une Europe en proie à la mort et au chaos. Alors qu’il n’y a plus d’issue, Hitler lance ses ultimes ressources pour continuer d’alimenter le brasier qu’il avait allumé en 1939 avec la torche de la fureur.

On ne saluera jamais assez la fluidité du style et la clarté du propos, marques de fabrique des ouvrages signés Jean Lopez. Ce livre s’inscrit dans la lignée de ses prédécesseurs.

 

Jean Lopez, Les cent derniers jours d’Hitler, Perrin, 2015, 277 pages, 24.90 €

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Inferno – La dévastation de Hambourg (1943)

Broché : 424 pages
Editeur : Perrin (8 janvier 2015)
Langue : Français
ISBN-10 : 2262038511
ISBN-13 : 978-2262038519
Dimensions : 24 x 3,3 x 15,5 cm

 Inferno : La dévastation de Hambourg (1943)

Après un premier ouvrage consacré aux nombreux drames qui suivirent la signature de la paix en mai 1945, l’historien britannique Keith Lowe récidive dans la narration de la terreur et de la destruction. Ames sensibles s’abstenir ! Dans ce livre de bout en bout passionnant, l’auteur nous fait revivre les jours et les nuits d’horreur durant lesquels la ville de Hambourg fut, en 1943, rayée de la carte. Du 27 juillet au 2 août, des raids aériens alliés incessants vont plonger la principale métropole de l’Allemagne du nord-ouest dans l’horreur. Vagues après vagues, bombardiers anglais et américains se succèdent pour mettre la ville à genoux. Le but est double : créer un traumatisme au sein de la population allemande et détruire les chantiers de sous-marin situés dans la zone portuaire. Pour être plus précis, les Américains bombardent le jour. Croyant davantage dans la protection qu’offre la nuit, les Anglais jettent tapis de bombes sur tapis de bombes, le plus souvent sur les quartiers d’habitation. Après trois énormes bombardements, la ville semble tenir le choc. Mais le plus dure reste à venir. Le 2 août, un orage de chaleur va décupler les effets des milliers de bombes jetées par quelque neuf cents appareils du Bomber Command. En cette nuit cataclysmique, un ouragan de feu – poussé parfois jusqu’à 1 400 C° – va précipiter dans la mort 45 000 personnes. Ce bombardement a laissé une trace dans la mémoire collective. Comme l’écrit l’auteur : « Au cours des années qui suivirent la catastrophe, la tempête de feu de Hambourg fit l’objet d’études scientifiques très approfondies, et les chercheurs en conclurent qu’aucun autre grand incendie, dans l’histoire documentée, ne l’a jamais égalé en intensité. » (p. 212)

Le récit de Keith Lowe pose une nouvelle fois la question de l’efficacité des bombardements massifs. Lancés pour briser le moral des populations civiles et hâter la paix, ils vont, une fois de plus, s’avérer totalement improductifs. Bombarder des villes ayant peu ou pas d’intérêt stratégique, anéantir des milliers de civils au prix de la destruction de centaines d’appareils alliés n’eut au final qu’un impact limité sur l’issue de la guerre. En termes stratégiques, le seul intérêt des bombardements était d’aspirer des moyens qui feraient défaut à la Whermacht sur des fronts terrestres. Fallait-il, pour cela, arriver à de tels massacres ? La question n’a pas encore trouvé sa réponse définitive.

 

Keith Lowe, Inferno, Perrin, 2015, 424 pages, 24 €

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Bérézina

Broché : 199 pages
Editeur : Guérin (22 janvier 2015)
Collection : Démarches
Langue : Français
ISBN-10 : 2352210895
ISBN-13 : 978-2352210894
Dimensions : 21 x 1,5 x 13,2 cm

 Bérézina

Les débuts de siècle sont l’occasion de célébrer de maintes façons l’épopée napoléonienne. De 2004 (sacre de Napoléon à Notre-Dame) à 2021 (mort de l’Empereur à Sainte-Hélène), chaque année donne l’idée de se plonger dans la geste impériale. L’écrivain-voyageur Sylvain Tesson n’a pas attendu une quelconque célébration officielle pour prendre les devants. En 2012, avec quelques potes, dont des Russes, il a effectué à moto – un vieux side-car soviétique de marque Oural – le trajet qu’avaient réalisé, depuis Moscou, les survivants de la Campagne de Russie. En octobre 1812, dans une ville complètement détruite, l’Empereur Napoléon, navré du rejet de ses offres de paix par le tsar Alexandre I°, ne voyait plus d’autre recours que de regagner la France au plus tôt. C’était jouer gros car la neige, qui tomba d’abondance dès octobre, annonçait un hiver rigoureux. Deux siècles après, on demeure stupéfait devant les efforts surhumains déployés par des soldats marchant dans le froid sans nourriture. Encore ébahi par les exploits de la Grande Armée, Sylvain Tesson a effectué en une douzaine d’étapes les 2 500 kilomètres séparant Moscou de Paris. Il les a faits à sa façon : bravache et décalée. Bérézina offre le mélange des souvenirs du motocycliste contemporain et des pensées que lui procure cette équipée sauvage car, n’est-ce pas, « le mouvement encourage la méditation. La preuve : les voyageurs ont toujours davantage d’idées au retour qu’au départ. » (p. 177) Pour le reste, les habitués de la verve « tessonienne » ne seront pas dépaysés : l’auteur et ses acolytes ne se prennent jamais trop au sérieux, balançant entre souvenirs mélancoliques et rasades de vodka.

Il y a toujours de l’intérêt à lire Tesson : pour les histoires qu’il raconte, les souvenirs qu’il livre ainsi que son regard sur le monde qui tourne, un regard souvent impertinent et critique. Alors que notre monde porte au pinacle modes, consommation et réussite individuelle, voilà longtemps que Tesson s’est rallié à l’enthousiasme des soldats de l’Empire qui, eux, combattaient pour la gloire et l’honneur. La destinée du grognard, c’était la gloire ; l’horizon de l’individu d’aujourd’hui, c’est le shopping.

 

Sylvain Tesson, Bérézina, Editions Guérin, 2015, 199 pages, 19.50 €

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Waterloo 1815

Broché : 315 pages
Editeur : Perrin (15 janvier 2015)
Langue : Français
ISBN-10 : 2262039402
ISBN-13 : 978-2262039400
Dimensions : 22 x 2,4 x 17,1 cm

 Waterloo 1815

Faute d’avoir commémoré à sa juste mesure l’éclatante victoire d’Auterlitz (1805 – 2005), peut-être la République cherchera-t-elle à « équilibrer la balance » en fêtant la défaite de Waterloo dont, en juin prochain, sera célébré le deuxième centenaire. Ainsi va la vie : nos dirigeants semblent préférer les raclées que se rappeler les triomphes de nos armées. D’ailleurs, si la délégation envoyée en Moravie en 2005 était des plus squelettiques, celle qui accompagnait les Britanniques se rappelant l’éclatant souvenir de Trafalgar était davantage étoffée. Curieuse nation qui préfère oublier ses victoires pour mieux se souvenir de celles de ses ennemis…

Thierry Lentz, l’actuel directeur de la Fondation Napoléon, a choisi de ne pas entrer dans cette polémique. Son livre figure parmi les premiers de la longue théorie des histoires de la bataille de Waterloo qui ne manquera pas de ponctuer l’année 2015. Nombreux sont les ouvrages de qualité à décrire par le menu les diverses phases de la batailles ; citons pour mémoire les Waterloo de Jacques Logie, Jean-Claude Damamme ou Alessandro Barbero, tous excellents. Habitué à des travaux de niveau universitaire et fort de connaissances encyclopédiques sur la période, Thierry Lentz a préféré écrire un livre pour Monsieur tout le monde. Facile à lire, doté d’une mise en page aérée, agrémenté d’illustrations de qualité, le livre de Thierry Lentz se place d’emblée parmi ces livres grand public qui, sans faire de bruit, en peu de pages, donnent l’essentiel. Phase après phase, c’est l’ensemble de la campagne de Belgique de ce mois de juin 1815 qui vaut l’objet de chapitres clairs et éclairants. Le lecteur averti n’attendra pas de révélations de ces pages ; peut-être même trouvera-t-il certaines phases de la bataille trop rapidement expédiées, cas, par exemple, de l’attaque mal montée du Ier Corps de Drouet d’Erlon. Mais l’intention de Thierry Lentz, l’un des meilleurs spécialistes de la période, n’était pas de raconter dans le détail ces jours funestes pour nos armes. Il s’agissait de donner un récit simple et circonstancié, compréhensible par tous et d’abord par les lecteurs peu au fait de la geste impériale. Dans ce cadre, le pari est pleinement réussi.

 

Thierry Lentz, Waterloo 1815, Perrin, 2015, 316 pages, 24.90 €

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Hitler et la France

Broché : 429 pages
Editeur : PERRIN (4 septembre 2014)
Langue : Français
ISBN-10 : 2262039631
ISBN-13 : 978-2262039639
Dimensions : 24 x 2,9 x 15,5 cm

 Hitler et la France

Dans Mein Kampf, Adolf Hitler n’a jamais fait mystère de ce qu’il pensait de la France et du sort qu’il lui réservait si un jour elle devait finir vaincue par la puissance germanique. De la France Hitler admire l’architecture du Grand Siècle et le génie militaire de Napoléon. En tant qu’ancien combattant du front des Flandres durant la Première Guerre mondiale, il conserve de la considération pour ceux qui ont vécu dans les tranchées, de quelque bord qu’ils fussent. Pour le reste, s’agissant de la France, il n’a jamais fait mystère de son mépris d’une puissance qu’il tient pour dégénérée. Voilà la pensée que l’auteur prête à Hitler : « La France, par sa tradition coloniale, est la pourvoyeuse des « races inférieures » en Europe. » (p. 24). Avec son esprit mégalomaniaque, il la juge « enjuivée », soumise à des politiciens véreux, envahie par des hordes d’apatrides qu’il appelle « métèques ». Bref, en plus d’être un ennemi héréditaire, la France est aux yeux du maître du III° Reich un pays qui compte pour presque rien et qui doit son prestige à sa seule renommée passée. Il est vrai que la monumentale défaite de mai-juin 1940 donne raison à Hitler : en un mois, l’armée que l’on croyait la plus puissante de la coalition alliée est rayée de la carte, le pays envahi, l’Etat annihilé. Plusieurs considérations retiennent Hitler quant à sa volonté d’occuper totalement le pays : le sort de la flotte, la quatrième du monde, et le désir de faire de la France soumise un partenaire de choix dans la carte de l’Europe nouvelle que ses armées dessinent. L’entrevue de Montoire, entre Hitler et Pétain, laisse deviner l’Europe souhaitée par le premier : un ensemble de peuples et de gouvernements asservis devant apporter leur contribution à la lutte implacable menée à l’est contre l’Union Soviétique. La collaboration s’avéra au final un jeu de dupes, un pillage monumental qui, s’il avait duré, aurait ramené la France au rang d’une puissance de second ordre.

Spécialiste reconnu de la Seconde Guerre mondiale, Jean-Paul Cointet donne un récit remarquablement étayé, une évocation sobre et suggestive de ce qu’aurait été l’Europe si l’Allemagne nazie avait gagné la guerre.

 

Jean-Paul Cointet, Hitler et la France, Perrin, 2014, 429 pages, 23.90 €

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Une histoire du III° Reich

Broché: 527 pages
Editeur : Perrin (6 novembre 2014)
Langue : Français
ISBN-10 : 226203642X
ISBN-13 : 978-2262036423
Dimensions : 24 x 3,5 x 15,5 cm

 Une histoire du III° Reich

Il existe déjà tellement d’ouvrages consacrés au nazisme et au III° Reich que l’on se demande bien ce que peut apporter de nouveau le livre de François Delpla.

Une histoire du III° Reich et non L’histoire du III° Reich… Beaucoup est dit dans le choix de ce titre. Le but de l’auteur n’était pas d’écrire l’histoire exhaustive du III° Reich mais d’en donner une perspective différence de ce qui s’écrit généralement sur le sujet. L’arrivée d’Hitler au pouvoir, la constitution de l’Etat totalitaire, les luttes d’influence au sein de l’appareil nazi, l’administration des territoires occupés constituent les chapitres les plus marquants de l’ouvrage. Si l’on suit bien l’auteur, sa thèse est que le rôle d’Adolf Hitler apparaît absolument central. Il n’est pas le personnage médiocre dont une certaine historiographie a consacré l’image. Parti de rien, ce peintre amateur, lecteur boulimique et inachevé, politicien sans scrupules ayant forgé la plus implacable des idéologies, a réussi à mettre dans sa poche et à écraser sous sa botte des millions d’Européens. Si l’on considère ce seul résultat, l’ « exploit » n’est pas mince. Cette simple constatation ne doit en rien cacher le côté diabolique et impitoyable du régime. Comment le peuple allemand, sans doute le plus éduqué d’Europe à l’époque, s’est livré corps et âme à un tel dictateur demeure pour partie une énigme que l’ouvrage de F. Delpla s’emploie à éclairer ? Avec l’auteur, sans doute faut-il croire que « les Allemands ordinaires, dans leur majorité, s’étaient laissés prendre à la mise en scène hitlérienne, d’autant plus efficace qu’elle tirait parti d’une forme de sincérité et même d’ingénuité. » (p. 508) N’est-ce pas Rivarol qui disait que les peuples changeaient volontiers de maîtres, pensant trouver mieux ? Avec Hitler, le peuple allemand avait trouvé son mauvais génie.

Le livre de François Delpla n’est pas un livre facile. Il est davantage une analyse s’inscrivant dans la chronologie qu’une histoire classique ; il suppose donc une connaissance assez fine de la période. Cela dit, et en dépit de quelques maladresses au sujet des opérations militaires qui signent l’apogée de la chute du « Reich millénaire » voulu par Hitler, cette Histoire du III° Reich tient toutes ses promesses.

 

François Delpla, Une histoire du III° Reich, Perrin, 2014, 527 pages, 24.90 €

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1715 : la France et le monde

Broché: 400 pages Editeur : Perrin (13 novembre 2014)
Collection : Synthèses Historiques
Langue : Français
ISBN-10 : 2262033315
ISBN-13 : 978-2262033316
Dimensions : 23,9 x 2,9 x 15,2 cm

 1715 – la France et le monde

Comme l’Américain Charles C. Mann l’a fait en publiant 1491 et 1493, Thierry Sarmant donne l’état du monde en l’année 1715, année de la mort du Roi-Soleil. Cette date est plus qu’un symbole : elle annonce la fin de la prépondérance française et le début de la domination de l’Angleterre dans un monde de plus en plus sous la coupe des puissances européennes. Dans un premier temps, l’auteur dresse l’état de l’Europe, pays par pays, ne retenant que ceux qui comptent : France, Angleterre, Espagne, Saint-Empire, Russie, etc. Mais il n’oublie pas de jeter son regard au-delà des confins européens. Alors que l’Europe sort à peine des longues guerres du règne de Louis XIV, qu’elle s’apprête à entrer dans une période de paix d’une quarantaine d’année – presque un record en ce temps-là ! -, d’autres régions du globe connaissent des activités frénétiques. C’est le cas de l’Inde qui, après avoir connu la domination musulmane du Grand Moghol, s’apprête à revenir à ses fondements hindous. Malgré des réformes, l’Empire ottoman entame son long déclin qui le conduira, en 1918, dans le camp des perdants. La Perse de la dynastie des séfévides connaît un relatif âge d’or malgré des révoltes venues de sa périphérie. Quant à la Chine de l’empereur Kangxi, elle constitue, selon l’auteur, le pays du monde le plus peuplé et le mieux organisé. A propos de la Chine, Thierry Sarmant ne pouvait pas ne pas évoquer la querelle des rites chinois qui vit cet immense pays échapper à l’emprise spirituelle du catholicisme à cause de l’incapacité de la cour romaine à saisir l’enjeu de l’inculturation : impossible d’espérer convertir une civilisation aussi vieille et aussi brillante sans concéder quelque souplesse et des accommodements bien sentis. Quant à la Russie de Pierre le Grand, après avoir vaincu le roi de Suède Charles XII, elle s’apprête, elle aussi, à entrer dans le concert des grandes puissances. Reste, bien sûr, le sort de l’Amérique, proie tentante pour les colonisateurs d’hier et de demain.

D’une grande richesse et aisé à lire, ce 1715 constitue au final le tableau complet d’une époque charnière, comme si les sociétés traditionnelles étaient en train de briller de leurs derniers feux.

 

Thierry Sarmant, 1715, la France et le monde, Perrin, 2014, 461 pages, 24 €