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Actualités Recensions

Vers la guérison et le renouveau : les abus sexuels sur des mineurs

Broché: 314 pages
Editeur : Cerf (7 février 2013)
Collection : HISTOIRE A VIF
Langue : Français
ISBN-10: 2204098876
ISBN-13: 978-2204098878
Dimensions : 21,4 x 13,4 x 2,4 cm

  Vers la guérison et le renouveau: les abus sexuels sur des mineurs

Si le titre ne veut pas dire grand-chose en lui-même, il suffit de lui accoler le sous-titre pour voir immédiatement de quoi il en retourne : « Les abus sexuels sur des mineurs ». Ce livre tombe à pic car il montre, si besoin était, la voie prise par l’Eglise pour mettre un terme à un scandale qui a mené la vie dure à sa réputation. Alors que la renonciation à sa charge par le pape Benoît XVI n’en finit pas d’étonner le monde, comment ne pas évoquer le travail de purification opéré par l’Eglise sous l’égide du Souverain Pontife ? Des scandales nombreux et innommables, aux Etats-Unis, en Irlande, en Autriche, etc. ont terni la crédibilité de l’Eglise. Le manque de discernement et de courage a coûté cher à de nombreux diocèses.

Beaucoup de prêtres et de religieux ont trahi leur vocation et l’exigence du Christ à respecter l’enfance et l’innocence. Sous l’accusation des victimes, des diocèses paient encore pour cette politique d’aveuglement Des prêtres ont été condamnés à de nombreuses années de prison. Pour mettre fin à ce scandale, le pape Benoît XVI a su frapper fort, de façon à purger l’Eglise de tous ces péchés contre la chair et l’esprit. Mais cela ne suffit pas. Comment prévenir de nouveaux scandales, éviter la récidive, aider les victimes et protéger d’eux-mêmes les coupables ? Le symposium qui s’est tenu à Rome il y a un an, à l’Université pontificale grégorienne, a réuni de nombreux représentants d’instances ecclésiales. Les objectifs étaient clairs : « donner la parole aux victimes, favoriser une culture de l’écoute des personnes, faire connaître ce qu’il est possible de faire pour protéger les personnes les plus vulnérables. » Les contributions collectées dans ce volume reprennent les interventions les plus marquantes de la rencontre romaine. Les questions abordées sont très diverses. Signalons, entre autre, la recherche de la vérité dans les cas d’abus sexuels (Mgr Scicluna), Internet et la pornographie (G. McGlone) ou le véritable coût de la crise (M. Bemi). Chacun des textes montre une liberté de ton dont on n’était pas toujours habitué. Une crise d’une telle gravité ne peut se régler dans les faux-semblants et les demi-mesures ; tout doit être dit, et franchement ! La liberté de ton dont usent les intervenants atteste que chacun a bien pris conscience que tout devait être fait afin de régler le problème en son cœur. Une opération salutaire.

Collectif, Vers la guérison et le renouveau : les abus sexuels sur des mineurs, Le Cerf, 2013, 320 pages, 20 €

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Histoire Recensions

L’héritage de Vichy

Relié: 256 pages
Editeur : Armand Colin (3 octobre 2012)
Collection : Hors collection
Langue : Français
ISBN-10: 2200275129
ISBN-13: 978-2200275129
Dimensions : 22,8 x 17,4 x 2,4 cm

 L’héritage de Vichy

Déjà auteur de Sous l’œil de l’occupant, album photographique relatant la façon dont les Allemands voyaient les Français entre 1940 et 1944, Cécile Desprairies poursuit son exploration de l’Occupation. Elle le fait par un biais original. Si les signes et symboles les plus voyants de l’Etat français ont été niés et effacés – plus d’Hôtel du Parc, siège de l’Etat français, à Vichy ! -, un certain nombre de mesures existent encore, dont les Français profitent et qui, horresco referens !, ont été prises par le gouvernement de Vichy. Beaucoup connaissent la plus universelle, la Fête des Mères, mais il en reste quantité d’autre qui n’ont pas été abrogées par les républiques.

Tout n’était pas mauvais, loin s’en faut, dans les 16 786 lois et décrets promulgués par Vichy. Comme l’écrivait Marc-Olivier Baruch, « tout n’était pas à rejeter dans la production administrative de ces quatre années, qui seraient pourtant quelque temps plus tard décrites comme ‘à rayer de notre histoire’ ». Que ce soit la vie quotidienne, l’éducation, l’alimentation, la culture ou le sport, pas un de ces domaines qui n’ait été épargné par la production législative de l’Etat français. Certaines de ces mesures n’ont au départ d’autre but que la surveillance de la population, comme la carte d’identité. D’autres sont le fruit de la pression de l’occupant comme le délit de non-assistance à personne en danger (loi du 25 octobre 1941), incitation faite à la population française de collaborer. Il en est qui proviennent des restrictions imposées par la dureté des temps comme l’obligation, au restaurant, du menu à prix fixe. Pour le reste, la recension de Cécile Desprairies compte moult mesures qui font partie du patrimoine génétique des Français et ne comptent pas pour rien dans l’identité de la France. De cet inventaire à la Prévert, retenons, entre autres, l’accouchement sous X, l’heure d’été et l’heure d’hiver, la nouvelle place de l’apéritif, l’extension des vins AOC, la Réunion des musées nationaux, le film en couleur et le film d’animation, l’enseignement du dessin, les comités d’entreprise, l’INSEE, la retraite des vieux, le hand-ball, le carnet de santé, le code de la route, les autoroutes, etc. Très instructif.

Cécile Desprairies, L’héritage de Vichy, Armand Colin, 2012, 237 pages, 27.50 €

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Histoire Recensions

Le Combat de deux Empires: La Russie d’Alexandre Ier contre la France de Napoléon,1805-1812

Broché: 528 pages
Editeur : Fayard (26 septembre 2012)
Collection : Divers Histoire
Langue : Français
ISBN-10: 2213670765
ISBN-13: 978-2213670768
Dimensions : 23,4 x 15,2 x 4 cm

 Le Combat de deux Empires: La Russie d’Alexandre Ier contre la France de Napoléon,1805-1812

En France, on ne compte plus les mauvais apôtres qui se sont faits une spécialité de la détestation de l’histoire nationale. Ils n’ont de cesse de dézinguer toutes nos vieilles gloires : Richelieu, Turenne, Louis XIV, Napoléon… Pas un de ces grands personnages qui ait leurs faveurs. C’est que la doxa, œuvre de la pensée unique, a parlé : tout, y compris le passé le plus lointain, doit être jugé à l’aune des droits de l’homme. Cela nous vaut un manichéisme insupportable où tout apparaît en noir ou blanc alors que, comme le disait Romain Gary, dans la vie, et donc dans l’histoire, c’est le gris qui domine. Or, tandis que certains d’entre nous se repaissent de cette haine pour ce qu’a de singulier et parfois de formidable l’histoire de notre pays, des étrangers prennent des voies contraires. C’est le cas d’Oleg Sokolov, professeur de civilisation française à Saint-Pétersbourg, un joyeux timbré de l’époque napoléonienne. Son livre, Le combat de deux empires, est un joli pied de nez à ceux qui, indistinctement, vilipendent Napoléon et l’histoire de France. Livre à thèse, solidement étayé, toujours agréable à lire, Le combat de deux empires est une œuvre à charge contre Alexandre 1er, l’ennemi juré de Napoléon. Qu’entend démontrer Sokolov ? Que le jeune tsar de toutes les Russies n’a eu de cesse d’éliminer du trône l’Empereur des Français, qu’il voulait mettre fin au règne d’un homme qui, même génial, n’en était pas moins un parvenu. « Le tsar, écrivait le prince Czartoryski, ne recherchait absolument pas une solution pacifique au conflit : il ne recherchait que la guerre, l’anéantissement de l’Empire napoléonien et, plus que tout, le renversement de Napoléon. » (p. 301) On ne festoie pas impunément avec les têtes couronnées héréditaires. Durant dix bonnes années, Alexandre est financé, soutenu par l’or et le déshonneur britanniques. Face à cet homme qui sait si bien camoufler ses sentiments, Napoléon se comporte en gentleman. Pour éviter de tirer l’épée, il se livre à de nombreuses compromissions, cherchant toujours à exonérer le tsar.
La thèse de l’historien russe est si solidement charpentée qu’elle semble difficile à mettre en doute. Elle a le mérite de rendre Napoléon plus sympathique : ici, il n’est pas le va-t-en-guerre, le monstre, « l’Ogre », qu’une certaine propagande s’est plue à décrire.

Oleg Sokolov, Le Combat de deux Empires: La Russie d’Alexandre Ier contre la France de Napoléon,1805-1812, Fayard, 2012, 522 pages, 25 €

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Recensions Religion

Allah cet inconnu : Confession d’un ancien doyen de faculté théologique islamique en Egypte

Broché: 240 pages
Editeur : Editions Qabel (22 août 2012)
ISBN-10: 2953874437
ISBN-13: 978-2953874433
Dimensions : 25 x 15 x 2 cm

 Allah cet inconnu : Confession d’un ancien doyen de faculté théologique islamique en Egypte

Ce livre est le récit d’une conversion. Il doit être, en un temps où l’on évoque souvent les conversions d’Occidentaux à l’islam, pris très au sérieux. Sait-on le nombre de musulmans qui, à l’instar de Mohamed Rahouma, quittent les eaux tumultueuses de l’islam pour une autre religion, le christianisme en particulier ? On ne le saura jamais. En effet, la charia stipulant la mort pour l’apostat, mieux vaut pour ce dernier tenir sa langue. Mohamed Rahouma n’a pas de ses préventions, lui qui a largué les amarres de la religion de son enfance pour se faire baptiser. Né en Egypte, longtemps doyen d’une faculté d’études islamiques, il avait tout pour jouir tranquillement de sa position sociale. Son questionnement religieux a mis en péril la gloire et les honneurs auxquels sa position professionnelle le plaçait. Passé l’âge de la jeunesse, il s’est beaucoup interrogé sur les fondements de l’islam et les comportements de ses coreligionnaires. Les trois ans qu’il a passés en Arabie Saoudite l’ont détourné pour de bon de la religion de ses ancêtres. Tout ne lui apparaît qu’hypocrisie, mensonge et fausseté. Allah cet inconnu est le récit d’un itinéraire, un chemin qui fait alternativement passer un homme par le doute, le rejet puis l’amour du Dieu de Jésus-Christ. Son départ pour l’Amérique et sa rencontre avec des couples chrétiens l’amènent à rejeter définitivement l’islam.

L’itinéraire de M. Rahouma est loin de se borner à un simple questionnement. Son rejet de l’islam est absolu. « Un Dieu, écrit-il, qui ordonne le meurtre et incite aux invasions, à la guerre, au jihad et à l’effusion de sang, ne peut absolument jamais être un vrai Dieu. » (p. 205). Estimant avoir perdu beaucoup de temps, il se fait volontiers prosélyte, estimant qu’il ne peut garder pour lui le trésor et la grâce dont il bénéficie. Il a créé une association appelée « Jésus m’a libéré » destinée à l’accueil de musulmans désirant le baptême. Façon pour lui de donner corps au chemin de lumière qu’il dit emprunter depuis sa nouvelle naissance : « J’ai découvert en moi-même une capacité étonnante d’aimer. » Comment ne pas saluer le courage lié à un tel témoignage ?

Mohamed Rahouma, Allah cet inconnu : Confession d’un ancien doyen de faculté théologique islamique en Egypte, Editions Qabel, 2012, 239 pages, 17 €

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Histoire Recensions

La victoire taboue

Broché: 192 pages
Editeur : Editions Toucan (14 mars 2012)
Collection : TOUC.ENQUETES
Langue : Français
ISBN-10: 2810004722
ISBN-13: 978-2810004720
Dimensions : 22,2 x 14 x 3,2 cm

 La victoire taboue

A l’occasion de ce que l’on appelle pudiquement les « événements », les historiens n’ont pas lésiné : nombreux sont les livres à traiter de la guerre d’Algérie (1954-1962). C’est en tant que spécialiste de l’Armée française que Christophe Dutrône se met de la partie. « La victoire taboue », c’est une victoire dont on n’ose pas ou peu parler. « Victoire », elle l’est assurément tant l’Armée française fut supérieure à l’ALN, l’Armée de Libération Nationale, bras armé du Front de Libération National algérien. « Taboue », elle l’est aussi car l’esprit de repentance a obscurci la faculté de jugement. On en est au point où la République n’ose plus fêter nos plus grandes victoires. En 2005, la délégation qui se rendit en Moravie fêter le triomphe d’Austerlitz fut des plus squelettiques. En ces temps où l’on a presque honte d’être soi-même, certains préfèrent raser les murs. Que l’on pense ici au mot d’Emmanuel Berl : « Nous nous reprochons d’avoir bâti Casablanca alors que les Romains étaient tout fiers d’avoir détruit Carthage ».
C. Dutrône livre une histoire limpide et très honnête de la guerre d’Algérie, une synthèse quasi parfaite. On peut toutefois trouver à redire à propos d’un titre qui induit en erreur. « La victoire tactique de l’Armée française », sous-titre de l’ouvrage, n’apparaît guère et les événements politiques y ont une part très importante. C’est donner à penser que l’outil militaire fut tout juste à la hauteur des ambitions des états-majors. Or, les deux divisions de parachutistes et la Légion, présentes en Algérie, ont montré de façon décisive que les leçons de la guerre d’Indochine avaient été intelligemment tirées. Un historien suédois a écrit récemment que l’Armée française disposait à l’époque de professionnels sans équivalent dans les autres armées. On aurait aimé que C. Dutrône mît davantage en avant cette supériorité.
L’auteur conclut comme il le fallait. Si l’attitude du Général de Gaulle a justement suscité l’incompréhension, voire l’indignation, il avait raison au regard de l’histoire. Que serait devenu notre pays si l’intégration avait l’emporté ? Comment aurions-nous résisté au déferlement de ces nouveaux Français, étrangers à notre culture et à la démographie galopante ? Fallait-il conserver l’Algérie ? « L’évidence, tout comme le bon sens, amenèrent Charles de Gaulle à répondre par la négative » (p. 188).

Christophe Dutrône, La victoire taboue, Editions du Toucan, 2012, 188 pages, 16,15 €

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Recensions Témoignages

La dernière frontière

Broché: 368 pages
Editeur : Souffles (26 novembre 2009)
Collection : Arbres de chair
Langue : Français
ISBN-10: 2876580802
ISBN-13: 978-2876580800
Dimensions : 18,8 x 14,2 x 2,6 cm

 La dernière frontière

Le public français connaît bien Jack London, un peu moins James Oliver Curwood, pas du tout Grey Owl (« Hibou gris »). Pour une grande part, ce désintérêt est de la faute de ce dernier. Après tout, ne l’a-t-il pas cherché lui qui, longtemps, s’est fait passer pour ce qu’il n’était pas ? Lorsqu’il se fait connaître au monde en publiant ses premiers livres, dans les années 1920 – 1930, tout le monde croit qu’il s’agit d’un Indien possédant des lettres. S’il possède le physique de l’Indien, Grey Owl n’est autre qu’Archibald Belaney, né en 1888, un Anglais fasciné depuis sa tendre enfance par les étendues vierges. A 17 ans, A. Belaney quitte l’Europe pour le Grand Nord canadien.

Tour à tour trappeur, guide et garde forestier, il devient un amoureux fou du grand désert blanc. Converti à l’écologie, frappé par les déprédations qu’opère la civilisation sur ces espaces préservés, angoissé devant l’avenir de tribus indiennes happées par la civilisation moderne, Grey Owl destine la dernière partie de sa vie à une croisade en faveur de la préservation des solitudes glacées. Que ce soit dans La dernière frontière ou Les récits de la cabane abandonnée, il y a toujours cet amour passionné des grands espaces, le respect dû aux Indiens, la sauvegarde de la faune et de la flore.  La dernière frontière constitue le récit sobre, autobiographique, d’une vie consacrée à un mode de vie, celui des Indiens et des premiers trappeurs, des gens qui, lors des périodes de chasse, ne prélevaient que ce qui était nécessaire. Grey Owl n’a pas de mots assez durs à l’égard de ceux qu’il appelle les sportmen, citadins faisant de ces grandes étendues un immense terrain de jeu et de chasse et qui prélèvent sur la faune plus que leur comptant. Pareil pour ceux qui arrivent attirés par le seul appât du gain : « Le progrès laisse ici, partout où il passe, des ruines », s’insurge G. Owl. S’il n’a pas le style puissant de J. London, Grey Owl est néanmoins un superbe écrivain. L’amour de la nature vierge a fait de lui un poète. Certaines pages de La dernière frontière laissent une impression ineffable. A l’heure où les grands équilibres environnementaux sont plus que jamais en péril, il faut lire Grey Owl : les leçons de vie qu’il procure sont à méditer. Puissions-nous, alors que tant d’espèces animales sont menacées, être pris du sentiment qui le saisit lorsque, lors d’une chasse, il se retient de tirer sur un castor : « Il me sembla que toute la nature me respectait d’avoir respecté son sanctuaire, de n’avoir pas profané cette heure bénie et parfaite » (p. 219).

Grey Owl, La dernière frontière, Souffles, 2009, 366 pages, 22 €

 

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Biographies Recensions

Franklin D. Roosevelt

Broché: 575 pages
Editeur : Editions Tallandier (25 octobre 2012)
Collection : Biographie
Langue : Français
ISBN-10: 2847347348
ISBN-13: 978-2847347340
Dimensions : 22,6 x 16,4 x 3,4 cm

 Franklin D. Roosevelt

Des Trois Grands qui ont gagné le dernier conflit mondial, Franklin Delano Roosevelt est sans doute le moins connu. La personnalité géniale et fantasque de Churchill a fait couler beaucoup d’encre. Il en est allé de même pour celle, diabolique et fascinante, de Staline. Roosevelt apparaît beaucoup plus comme la figure d’un « président normal » pour reprendre une expression qui a cours ces temps-ci.

Or, derrière une personnalité à première vue terne et anodine c’est un véritable homme d’Etat qui apparaît. Cousin éloigné du président Theodore Roosevelt, issu d’un milieu bourgeois, auteur d’un parcours scolaire et étudiant assez moyen, Franklin D. Roosevelt se prend d’intérêt pour la politique dès le début de sa vie d’adulte. L’ascension est spectaculaire : sénateur à l’âge de 28 ans, secrétaire adjoint à la Marine durant la Première Guerre mondiale, gouverneur de l’Etat de New-York en 1929, il est choisi comme candidat démocrate aux élections présidentielles de 1932. Il y sera réélu trois fois jusqu’à sa mort en 1945. Grâce à une politique novatrice il sort le pays de la Grande Dépression. Conscient de la puissante des Etats-Unis, il les dégage de l’isolationnisme dans lequel la plupart de ses prédécesseurs avaient voulu le confiner. C’est un combat à mort qu’il engage contre le Japon expansionniste et l’Allemagne nazie. Jamais il ne faiblira dans la conduite de la guerre, exigeant du III° Reich une capitulation sans condition.

Esprit religieux, profondément démocrate, soucieux de voir flotter partout l’étendard de la liberté, Roosevelt ne fit pas toujours l’unanimité. Initiateur du projet visant à donner aux Etats-Unis l’arme atomique, il lui fut également reproché d’avoir tardé à reconnaître l’ampleur du génocide dont les juifs furent victimes. De même, nombreux critiquèrent sa naïveté et sa conduite des affaires face à un Staline aux ambitions démesurées. Il n’empêche, ce qui apparaît parfois comme un certain cynisme chez Roosevelt ne peut cacher l’essentiel : Roosevelt fut un homme quasi-providentiel. Il possédait ce qui faisait défaut à beaucoup d’hommes politiques : une vision claire des grands problèmes du temps. La biographie d’Yves-Marie Péréon, toujours riche d’enseignements, contribue grandement à nous remémorer les talents de cette grande figure du XX° siècle.

Yves-Marie Péréon, Franklin D. Roosevelt, Tallandier, 2012, 576 pages, 27 €

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Mémoires Recensions

Mémoire vive

Broché: 330 pages
Editeur : Editions de Fallois (2 mai 2012)
Collection : LITTERATURE
Langue : Français
ISBN-10: 2877067939
ISBN-13: 978-2877067935
Dimensions : 22,4 x 15,4 x 3 cm

 Mémoire vive

Agitateur d’idées, Alain de Benoist s’est affirmé, en une quarantaine d’années, comme la tête pensante du mouvement appelé la Nouvelle Droite. Cette autobiographie, née d’entretiens avec François Bousquet, éclaire plus l’idéologue, féru d’histoire, de philosophie, d’économie, de littérature, de sciences sociales, etc. que la personne. Homme de bureau, travailleur de l’ombre, Alain de Benoist n’aime guère parler de lui. En revanche, les idées, c’est sa vie. Bourreau de travail, s’astreignant à une discipline rigoureuse, curieux de tout, possesseur d’une bibliothèque de quelque 200 000 livres, Alain de Benoist est sur tous les fronts intellectuels. Mais, à son regret, il est davantage connu comme figure de proue du mouvement appelé la Nouvelle Droite que pour ses publications, toutes de haut niveau. L’appellation « Nouvelle Droite », lancée par des revues comme Eléments ou Nouvelle Ecole, n’a absolument rien à voir avec les catégories politiques en vigueur. Il y a longtemps que l’idéologie de la Nouvelle Droite a fait sauter les clivages et il n’est pas rare de trouver sous la plume d’Alain de Benoist des références à des auteurs classés à  gauche comme Georges Sorel et Claude Lévi-Strauss.

Si vous n’avez aucun penchant pour le débat d’idées, passez votre chemin. Si, en revanche, vous avez quelque inclination pour la controverse et la culture de haut niveau, alors il faut lire cette Mémoire vive. Si l’on met de côté le côté anti-chrétien de son œuvre – mais qui est, reconnaissons-le, autrement mieux charpenté et intelligent que celui d’Onfray -, difficile de ne pas être subjugué par une œuvre d’une telle ampleur, une œuvre qui couvre maints champs de savoir et qui donne l’impression d’un auteur monstre d’érudition. Un savoir véritablement encyclopédique mis au service d’une redoutable intelligence.

Comme il fallait s’y attendre, la conclusion ne pousse pas à l’optimisme. A l’instar de nombreux penseurs contemporains, A. de Benoist ne se reconnaît pas dans une époque qui porte au pinacle tant de fausses valeurs : « On est passé du culte des héros au culte des victimes, de l’honneur au consumérisme : la victimologie ambiante et en parfaite consonance avec le narcissisme et l’exhibitionnisme actuels. » (p. 308). Réservé à des lecteurs avertis, cette Mémoire vive constitue au final une excellente synthèse de la vie intellectuelle en France durant ces quarante dernières années.

Alain de Benoist, Mémoire vive, Editions de Fallois, 2012, 330 pages, 22 €

 

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Actualités Recensions

Ils ont tué l’histoire-géo

Broché: 143 pages
Editeur : François Bourin Editeur (22 août 2012)
Collection : EDUCATION
Langue : Français
ISBN-10: 2849413348
ISBN-13: 978-2849413340
Dimensions : 20,8 x 13 x 1,2 cm

 Ils ont tué l’histoire-géo

Le constat est accablant : l’histoire-géo a été, durant ces dernières décennies, dépecée, liquidée, anéantie. Rares sont les jours où l’on n’a pas l’occasion de constater les résultats de cette mise en pièces délibérée. Le constat est là, navrant, désolant : élèves et étudiants ignorant toute chronologie, politiciens méconnaissant presque tout du roman national, journalistes se réfugiant dans l’à peu près… Aurait-on voulu liquider l’enseignement de l’histoire-géo que l’on ne s’y serait pas pris autrement ! A force de compromis et de reculades, la matière est devenue un parent pauvre dans les horaires de collèges et lycées. La mise à l’encan de la culture générale, y compris dans les lieux d’excellence comme Sciences Politiques et la disparition provisoire de l’histoire-géo en terminale scientifique signalent la fin de tout un pan des humanités classiques. Agrégé d’histoire, ancien professeur, Laurent Wetzel fait la liste des errements et lâchetés qui ont signé la mort de l’histoire-géo. Il rappelle le concours d’agrégation d’histoire de 2011 où, à la barbe des inspecteurs de l’Education Nationale, les candidats ont été amenés à commenter un faux document. Une telle erreur, impossible autrefois, a tendance à devenir monnaie courante, ce qui tend à prouver qu’il n’y a pas que chez les collégiens, lycéens et étudiants que le niveau baisse.

Laurent Wetzel ne nous épargne rien : ni ces manuels truffés d’erreurs, ni ces propos de tel ou tel responsable politique étalant niaisement son inculture, non plus que le jargon pitoyable des soi-disant experts accrédités par l’Education Nationale, pédagogues de tous poils qui s’ingénient depuis des décennies à détruire le legs du passé. Après cela, faut-il s’étonner de constater qu’un élève de terminale en sache moins qu’un enfant de 12 ans passant autrefois son certificat d’études ? Malgré ce constat déprimant, on aimerait alléguer, à l’endroit des responsables, des circonstances atténuantes comme l’hétérogénéité des classes. Il n’en est hélas rien. Aussi le constat de l’auteur est-il sans appel : « Cette destruction est le résultat de toutes les politiques et de toutes les réformes menées par tous les gouvernements depuis la fin des années 1960. » On bassine les Français à longueur de journée sur la nécessité de la citoyenneté, mais si on ne leur donne plus ce bagage minimal dont fait partie l’histoire-géo, alors c’est sûr, ils auront de plus en plus de mal à se sentir citoyens.

Laurent Wetzel, Ils ont tué l’histoire-géo, François Bourin Editeur, 2012, 147 pages, 18 €

 

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Biographies Recensions

Lénine

Broché: 576 pages
Editeur : Librairie Académique Perrin (30 août 2012)
Langue : Français
ISBN-10: 2262034540
ISBN-13: 978-2262034542
Dimensions : 23,8 x 15,4 x 3,8 cm

 Lénine

Il y a deux ans, Robert Service nous avait gratifiés d’une remarquable biographie de Trotski. L’historien britannique récidive avec, cette fois, une vie de Lénine. Paru il y a douze ans, traduit récemment en France, le livre révèle une qualité d’écriture et un sérieux de la recherche qui font de cette biographie ce qu’il y a de mieux en la matière. Nombre de vies de Lénine ont été publiées avant celle-ci, néanmoins, depuis que les archives du régime soviétique sont ouvertes aux historiens, on en sait un peu plus de la personnalité du maître de la Russie soviétique de fin 1917 à 1924, et de la politique qu’il a menée. La première éclaire de près la seconde et le livre de Robert Service fait apparaître un tempérament hors du commun.

Né dans une famille bourgeoise, élève doué, Vladimir Illich Oulianov ne tarde pas à se passionner pour la politique. A l’image de son frère Alexandre, exécuté pour rébellion, il poursuit une idée fixe : chasser les Romanov et instaurer un Etat communiste. Toute sa jeunesse est marquée par l’errance – Paris, Londres, Berne et Zurich… – et le triomphe de ses idées prend un temps considérable. Longtemps il n’est, chez les bolcheviks, qu’une sorte de primus inter pares et le groupuscule dont il se targue d’être le chef ressemble plus à un panier de crabes, avec ce qu’il faut de jalousies et d’ambitions insatisfaites, qu’à l’avant-garde du prolétariat. Avant de faire tomber le régime, il lui faudra du temps pour devenir maître chez lui. L’auteur montre à satiété combien la chance le sert en 1917 ; Lénine ne fait que tirer les marrons du feu d’une révolution qui se sera souvent faite sans lui. Sa chance, il est vrai, cohabite avec une intelligence politique et un flair hors du commun.

Robert Service a mis tout son talent pour cerner la personnalité d’un individu arriviste et tourmenté. Cela dit, il n’est pas tendre envers le père d’Octobre 1917. R. Service dévoile un être passionné, colérique, cynique : « Jamais il ne vint à l’idée de Lénine de s’interroger sur les mérite d’une révolution admettant qu’on supprime des gens honnêtes, bien intentionnés et compétents. Dans ce carnage révolutionnaire, il s’arrangeait toujours pour rester hors champ. C’était l’attitude d’un fanatique au savoir livresque qui n’éprouvait aucun besoin d’assister en personne à la violente réalité de sa révolution » (p. 399).  Malgré cette violence et cette dureté, Lénine était un être plus complexe qu’on le pense. Ses rapports avec les femmes montrent par exemple qu’il ne s’est jamais départi d’un certain esprit romantique et d’une politesse petite-bourgeoise. La preuve est faite qu’un révolutionnaire patenté peut conserver des sentiments. Ces sentiments, on aura du mal à les trouver chez Staline : l’élève avait dépassé le maître.

Robert Service, Lénine, Perrin, 2012, 562 pages, 28 €