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Recensions Religion

Des musulmans qui deviennent chrétiens

Broché: 350 pages
Editeur : Editions Qabel; Édition : 1re (5 janvier 2012)
Langue : Français
ISBN-10: 2953874429
ISBN-13: 978-2953874426
Dimensions : 20,6 x 14,8 x 3,4 cm

Des musulmans qui deviennent chrétiens

Algérien arrivé en France en 1961, baptisé catholique en 1970, Moh-Christophe Bilek était tout à fait indiqué pour parler d’un sujet qui se fait chaque année plus pressant : les passages de l’islam au christianisme. Ces conversions existent bel et bien même si elles ne sont pas légion. Très difficiles à répertorier, elles sont chaque année plus nombreuses et touchent parfois jusqu’à des imams. Généralement, elles s’opèrent dans l’ombre car le musulman apostat commet aux yeux de sa communauté un véritable crime, passible de la peine capitale, lecture littérale du Coran oblige. Fondateur du site internet « Notre-Dame de Kabylie », Moh-Christophe Bilek est en communication constante avec des musulmans qui ont quitté ou s’apprêtent à quitter l’islam. Son livre répertorie l’ensemble des cas de figure, de celui qui largue les amarres avec joie et sans scrupules à celui qui, plus hésitant, se rétracte au dernier moment. On ne se libère pas aussi facilement d’une foi reçue dans le cadre d’une tradition ancestrale, d’une religion aussi totalisante car concernant la plupart des aspects de la vie, privés et publics.

Des musulmans qui deviennent chrétiens s’ouvre par des témoignages de convertis. S’ils sont inégaux, ils disent beaucoup de la psychologie de celles et ceux qui ont brûlé leurs vaisseaux. Que reprochent-ils à l’islam ? « Ce n’était pas une relation de confiance, dit l’un d’eux. C’était beaucoup de comptabilité et beaucoup de surveillance. » (p. 52) Enfermées dans une religion qu’elles jugent oppressive, ces personnes, généralement pieuses, ont été bouleversées à la lecture de la Bible, du Nouveau Testament en particulier. Elles y ont découvert la lumineuse figure du Christ, un Christ dont la vie émeut, un Christ qui fortifie et qui console. Elles ont trouvé dans le christianisme des paroles de feu, l’amour et la paix, « des valeurs divines tout simplement » (p. 44). La fin du livre collecte des articles parus ici et là, souvent sur Internet. Leur intérêt est assez inégal et les erreurs typographiques attestent qu’on a là un livre écrit à la va-vite. En résumé, si le sujet est passionnant dans la mesure où il risque de conditionner une partie non négligeable de l’avenir du christianisme, on aurait aimé un livre mieux bâti, une analyse du phénomène des conversions, pas simplement un patchwork émané d’un site internet. Un peu décevant !

Moh-Christophe Bilek, Des musulmans qui deviennent chrétiens, Editions Qabel, 2013, 350 pages, 19 €

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Portraits Recensions

Dictionnaire amoureux de Alexandre Dumas

Broché: 636 pages
Editeur : Plon (26 août 2010)
Collection : Dictionnaire amoureux
Langue : Français
ISBN-10: 2259211054
ISBN-13: 978-2259211055
Dimensions : 19,6 x 13 x 3,8 cm

 Dictionnaire amoureux de Alexandre Dumas

Alexandre Dumas est grand et Alain Decaux est son prophète ! Des passionnés de Dumas père, il n’en manque pas ; pourtant, notre académicien était l’un des mieux placés pour donner ce dictionnaire amoureux. Voilà quelques années que les Editions Plon appliquent cette recette gagnante : confier à une personnalité connue l’écriture d’un dictionnaire tout entier consacré à un sujet ou à une personne. Il apparaît bien vite que l’auteur des Trois Mousquetaires exerce sur l’auteur de ce dictionnaire une fascination considérable. Remarquons que Decaux n’est pas le seul, parmi les écrivains, à concevoir de l’admiration pour A. Dumas et il y a de quoi. En effet, la vie et l’œuvre de Dumas père ont quelque chose de torrentiel. Dumas fait partie de ces gens pour qui la vie semble toujours trop courte et le monde trop petit. A se demander s’ils n’ont eu qu’une vie. Ecrivain prolixe, créateur de journaux, voyageur impénitent, il se lance même dans la mêlée politique, organise des soirées grandioses dans le château qu’il s’est fait construire !

Quant à sa vie amoureuse, faut-il l’évoquer, elle qui ne lui laissa pratiquement aucun répit tant ses maîtresses furent nombreuses ? La vie de Dumas est un hymne à l’activité frénétique. Un entrain aussi trépidant laisse forcément des stigmates : c’est ruiné que Dumas père passa les derniers jours de sa vie. A travers des choix d’entrée assez cocasses – A la lettre « E », on trouve la phrase « Elle me résistait. Je l’ai assassinée ! », tirée de la pièce Antony – A. Decaux nous dévoile le portrait haut en couleurs de ce prince des lettres. On saura gré à l’auteur d’être incapable de prendre de la distance avec son sujet ; et d’ailleurs, avec un auteur aussi prolifique et un homme aussi débordant que Dumas, est-ce possible ? Les héros peuvent avoir des défauts gros comme ça, il n’empêche : on les aime aussi pour leurs défauts.

Heureux sommes-nous, Français, de compter un tel écrivain dans notre panthéon littéraire. De Méry, un ami de Dumas, n’avait-il pas déclaré : « S’il existe quelque part un autre Robinson Crusoé dans une île déserte, tenez pour certain que ce solitaire est occupé en ce moment à lire Les Trois Mousquetaires à l’ombre de son parasol fait de plumes de perroquet. » (p. 555) ? Monsieur Dumas et Monsieur Decaux, merci !

Alain Decaux, Dictionnaire amoureux de Alexandre Dumas, Plon, 2013, 636 pages, 24.90 €

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Recensions

Assassinés

Broché: 357 pages
Editeur : Librairie Académique Perrin (24 janvier 2013)
Langue : Français
ISBN-10: 2262036500
ISBN-13: 978-2262036508
Dimensions : 24 x 15,4 x 3,6 cm

  Assassinés

Journaliste au Figaro Magazine, Jean-Christophe Buisson a pris le parti de relater quinze assassinats qui ont fait l’histoire. Certains sont très connus, comme l’assassinat de Jules César ou de l’héritier du trône de l’Autriche-Hongrie, François-Ferdinand. D’autres le sont beaucoup moins. Le public ne sait ordinairement pas grand-chose des meurtres d’Abraham Lincoln ou de Patrice Lumumba. Il ne faut guère chercher de relations entre chacun des quinze car les situations et les types d’assassinat sont très variés. Certains concernent des dynastes (Henri III, Nicolas II), d’autres des présidents (Lincoln, Sadate), des chefs de gouvernement (Dollfuss, Indira Gandhi). Tous concernent des personnalités politiques victimes de services de sécurité incompétents. Tous montrent aussi – et l’auteur a bien raison d’insister là-dessus – la grandeur avec laquelle ces hommes et femmes d’Etat ont su tirer leur révérence.

Très plaisant à lire, Assassinés fait penser à la grande époque de l’Histoire en France, celle où des Decaux et Castelot popularisaient leur passion. Le livre de Jean-Christophe Buisson porte la marque de ces livres qu’on a du mal à lâcher, tout simplement parce que l’auteur a réussi à se faire oublier et à concentrer l’attention du lecteur sur des histoires dramatiques qui ne relèvent pas du roman ou de la science-fiction. Voilà, semble dire l’auteur, des faits bruts, voilà comment les choses se sont passées. C’est bien ce que l’on demande à un livre d’histoire. Pas besoin d’en tirer on ne sait quelle conclusion, juste des faits, seulement des faits. Ce livre appelle une suite tant les assassinats célèbres sont légion. Deux noms viennent spontanément à l’esprit : Thomas Becket, archevêque de Cantorbéry assassiné sur l’ordre du roi Henri II et, beaucoup plus proche, Alexandre de Yougoslavie, abattu en 1934 à Marseille.
Une seule remarque négative : Pourquoi à tout prix vouloir faire de César l’empereur qu’il n’a jamais été ?

Jean-Christophe Buisson, Assassinés, Perrin, 2013, 357 pages, 21 €

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Recensions Religion

Histoire des conclaves

Broché: 268 pages
Editeur : Librairie Académique Perrin (9 mars 2013)
Collection : Pour l’histoire
Langue : Français
ISBN-10: 2262023085
ISBN-13: 978-2262023089
Dimensions : 22,4 x 14 x 2,4 cm

 Histoire des conclaves

On l’a vu récemment : l’élection du pape François a ravivé l’intérêt du public pour tout ce qui concerne la papauté. En dépit de la sécularisation des sociétés les plus avancées, il faut reconnaître que cette tradition continue de fasciner, y compris les esprits les plus rétifs aux phénomènes religieux. Les sociétés occidentales, anesthésiées par la doxa du suffrage et de l’égalité universels, n’ont aucune peine à s’intéresser à une survivance du passé qui choisit le pape dans le collège le plus restreint possible. Alors qu’il faut moins de 120 cardinaux pour élire un pape, tout président ne peut l’être que grâce à l’addition de millions de suffrages. Le legs du passé joue à plein pour cette élection très éloignée des critères démocratiques traditionnellement en vigueur. Dans cette histoire menée avec ardeur par Yves Chiron, que retenir ? La petite histoire, on nous l’a assez répété, a beaucoup glosé sur le conclave (en latin, « pièce fermé à clé »).Pas de campagne électorale, un choix d’élus théoriquement illimité mais pratiquement très fermé, des habitudes et traditions comme celle véhiculée par le fameux dicton : « Qui entre pape au concile en ressort cardinal ».

Menant cette histoire tambour battant, Yves Chiron donne l’essentiel en un peu plus de 200 pages. Il s’agit certes d’une histoire tourmentée mais Yves Chiron en donne les clés d’accès. Il revient sur les réformes successives, en particulier celle prise en 1073 par le pape Nicolas II qui réservait l’élection du pape aux seuls cardinaux. A travers l’histoire des conclaves ce sont des pans entiers de l’histoire de l’Eglise qui passent à la lumière. Des pages précieuses sont consacrées par exemple à l’élection du pape Martin V, élection qui mit fin au Grand Schisme, sombre période durant laquelle l’Eglise a compté trois papes. Grâce à des archives évidemment plus nombreuses, les élections au XX° siècle donnent à voir les luttes de courants qui sourdent au sein du collège cardinalice.

L’auteur ayant mis un point final à son livre juste avant la dernière élection, il ne pouvait pas prévoir l’accès au souverain pontificat de l’archevêque de Buenos-Aires. S’il cite bien Mgr Bergoglio au sujet de l’élection de 2005, huit ans plus tard il n’en fait pas l’un des favoris. Un beau livre d’histoire.

Yves Chiron, Histoire des conclaves, Perrin, 2012, 268 pages, 21 €

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Recensions Témoignages

Les amants du Goulag

Broché: 332 pages
Editeur : Presses de la Cité (13 septembre 2012)
Collection : Documents
Langue : Français
ISBN-10: 225809478X
ISBN-13: 978-2258094789
Dimensions : 23,8 x 15,2 x 3,2 cm

 Les amants du Goulag

L’universitaire britannique Orlando Figes s’est forgé une belle réputation dans le monde des soviétologues. Ses dernières publications, comme son Histoire de la révolution russe, ont montré de façon éclatante ses dons d’analyste et de conteur. Son dernier livre, Les amants du Goulag, atteste son aptitude à mêler histoire générale et histoires particulières. Cette Une histoire d’amour et de survie dans les camps de Staline (c’est le sous-titre) raconte la relation épistolaire d’une quinzaine d’années entre Lev, déporté au Goulag, et Svetlana, une jeune fille qu’il a rencontrée avant la guerre. Cette histoire n’aurait pu voir le jour sans les centaines de lettres échangées clandestinement entre les deux amants. Simplement suspecté pour avoir été fait prisonnier par les Allemands, Lev ne sort des griffes des SS que pour mieux tomber dans celle du NKVD. Condamné en 1945 pour intelligence avec l’ennemi, il est déporté à Petchora, près du Cercle Arctique. De là, grâce à des complicités, il nourrit une correspondance étroite et suivie avec Svetlana. Au-delà d’une simple et belle histoire d’amour, leurs lettres, retrouvées au début des années 2000 dans trois vieilles malles, disent plus long sur l’état de l’Union Soviétique à cette époque que les traités les plus savants. Répression, surveillance, pénurie, délation, bureaucratie et inefficacité sont constitutives de la situation du pays. Quant au Goulag, il était bien ce monde à part qu’avait décrit Gustaw Herling. C’est bien un monde féroce et ubuesque que dépeignent les lettres de Lev. L’amour que lui portait Svetlana l’a aidé à traverser les épreuves. On ne lit pas sans émotion la constance de ce couple qui parvint à tenir bon dans les orages.

L’aventure devait se terminer de façon heureuse, par la libération de Lev à l’époque de la déstalinisation. Il lui fallait désormais réapprendre la liberté, chose qui était loin d’être simple quand on avait passé le meilleur de sa jeunesse loin de la civilisation.

Orlando Figes, Les amants du Goulag, Presses de la Cité, 2012, 334 pages, 19.50 €

 

 

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Histoire Recensions

La guerre du Viêt Nam : 1945 – 1975

Broché: 833 pages
Editeur : Librairie Académique Perrin (6 octobre 2011)
Langue : Français
ISBN-10: 2262033870
ISBN-13: 978-2262033873
Dimensions : 24 x 15,4 x 4,6 cm

 La guerre du Viêt Nam

Les Editions Perrin viennent de publier un ouvrage très achevé sur la guerre du Vietnam. Ce livre – ou plutôt cette masse de quelque 800 pages – est dû à la plume de l’historien américain John Prados, un auteur qui a dû consacrer des années à la rédaction d’un épais volume qui est plus qu’un ouvrage de synthèse. John Prados offre en effet des informations de première main, souvent dues aux interviews de témoins encore en vie.

La masse des informations et l’intelligence du propos sont évidentes, l’intérêt moins. La lecture piétine devant la vision d’une guerre vue seulement à hauteur d’état-major. L’accent est surtout mis sur le rôle des politiques, sur leurs rapports avec la hiérarchie militaire Les décisions politiques sont bien sûr essentielles dans la conduite d’une guerre. Ici leur importance est telle qu’elles finissent par embourber le récit et embrumer la chronologie. De plus, le conflit n’est vu qu’à travers le prisme des acteurs américains. On aurait aimé que la parole soit davantage donnée aux protagonistes vietnamiens, du Sud comme du Nord. Les opérations militaires sont trop hâtivement traitées. Le récit ne colle pas suffisamment au terrain. Si l’auteur disserte longuement sur les décisions prises à Washington, il ne dit rien de la vie du soldat au jour le jour. Rien non plus sur l’engagement et le patriotisme des Viet Cong. J. Prados décrit une guerre d’états-majors, planifiée sur cartes. Il manque l’épaisseur humaine. Comment vivaient les Nord-Vietnamiens, soumis à des bombardements continus ? Les Sud-Vietnamiens étaient-ils autant anticommunistes qu’on l’a proclamé ? Quels étaient leurs rapports avec la troupe américaine ? Quelle était la motivation des soldats du Sud dont on raconte que beaucoup désertaient ? Et la vie des paysans du Sud pelotonnés au sein des villages et hameaux stratégiques ? Et celles des paysans et ouvriers du Nord vivant dans un contexte et une économie de guerre ? Du plus grand conflit de la Guerre Froide on aurait souhaité une vision plus ardente, plus humaine, en un mot plus passionnée… Au lieu de cela, cette Guerre du Vietnam se donne à lire comme un récit certes solide, mais manquant sa cible car passant à la trappe des éléments essentiels de ce conflit particulier. Un livre au total peu décevant quand on sait l’incroyable travail de collecte d’informations réalisé par l’auteur.

John Prados, La guerre du Viêt Nam, Perrin, 2012, 813 pages, 30 €

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Recensions Religion

Benoît XVI, un pontificat contrasté

Broché: 176 pages
Editeur : Cerf (17 mars 2013)
Collection : L’histoire à vif
Langue : Français
ISBN-10: 2204100811
ISBN-13: 978-2204100816
Dimensions : 21,2 x 13,4 x 1,4 cm

 Benoît XVI, un pontificat contrasté

Habitué à l’histoire longue, le P. Paul Christophe, prêtre du diocèse de Lille, revient sur les huit années du pontificat du pape Benoît XVI. Composé avec un style dynamique, l’ouvrage se lit remarquablement bien. En quelque 150 pages, Paul Christophe insiste sur les lignes de force de ce pontificat. Manque peut-être un chapitre sur le voyage fait en France en 2007 avec, pour point d’orgue, le fameux discours aux Bernardins, discours concernant les rapports entre la foi et la raison.

Pour le reste on peut dire que tous les sujets sont passés en revue : les trois encycliques signées par Benoît XVI, la nouvelle évangélisation, l’année de la foi, les problèmes liés aux affaires de pédophilie qui ont secoué certaines Eglises, la tentative de dialogue avec la Fraternité Saint Pie X, etc. La qualité de l’information et l’impartialité de l’auteur ne l’empêchent pas de tomber dans un travers que l’on retrouve fréquemment, y compris chez les meilleures plumes. Vouloir publier rarement le gage d’une œuvre accomplie. Par exemple, lorsque Paul Christophe parle des difficultés qui ont entravé la bonne marche du dialogue interreligieux, il semble mettre toutes les religions dans le même sac, comme si elles partaient de la même ligne de départ. L’argument est spécieux ; plus, il ne rend pas compte de la simple justice. En effet, dans un certain nombre de domaines comme celui des relations entre l’Eglise et le judaïsme ou l’islam, l’écrasante majorité des initiatives vient de l’Eglise, souvent du pape lui-même.

Redisons-le. Benoît XVI, le pontificat contrasté constitue une intéressante synthèse du dernier pontificat. Livre de circonstance, il risque toutefois de ne pas passer à la postérité. En troquant son métier d’historien pour celui de journaliste, Paul Christophe a rendu une copie propre et honnête mais qui fait penser à ces livres que l’on publie sur la politique à la veille d’une importante échéance électorale : on les lit avec intérêt mais on les oublie vite. Néanmoins l’auteur a su saisir la pointe du pontificat de Benoît XVI : « remettre le Christ au centre de la foi et de la vie des chrétiens. »

Paul Christophe, Benoît XVI, un pontificat contrasté, Le Cerf, 2013, 170 pages, 15 €

 

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Littérature Recensions

François Mauriac – Correspondance intime 1898 – juillet 1970

Broché: 739 pages
Editeur : Robert Laffont (6 septembre 2012)
Collection : Bouquins
Langue : Français
ISBN-10: 2221116607
ISBN-13: 978-2221116609
Dimensions : 19,8 x 13,4 x 2,6 cm

 François Mauriac – Correspondance intime

Grâces soient rendues aux Editions Robert Laffont qui viennent d’éditer, dans la fameuse collection « Bouquins », la correspondance privée de François Mauriac. S’il fallait faire court, tournons-nous vers Jean-Luc Barré, le meilleure exégète de l’œuvre de Mauriac : « Indispensable complément du Bloc-notes et des Nouveaux mémoires intérieurs, cette correspondance reflète soixante années d’histoire, littéraire, politique, intellectuelle ».

En plus de ses romans, essais et articles divers, le Prix Nobel de littérature 1952 était un fameux épistolier. Commencées vers sa 20ème année, les lettres recensées dans ce volume couvrent toute la vie de l’auteur. Elles s’adressent aux correspondants les plus divers : familiers, écrivains comme Paul Claudel et Georges Duhamel, politiques comme le général De Gaulle et Pierre Mendes France. L’intérêt des lettres est bien sûr variable mais, au final, ce n’est pas cela qui compte. Cette Correspondance intime nous renvoie à une époque où écrire était un art. Loin de l’éphémère engendré par les mails, les tweets et le fourbi contemporain, écrire une lettre signifiait que l’on confiait à autrui ce qu’il y avait de plus cher et de plus secret dans sa vie. Une telle correspondance s’apparente au style du journal. La révélation d’une personnalité s’accompagne de considérations personnelles sur la politique, la religion, l’art, la littérature. L’amplitude des sujets évoqués rend le genre passionnant et contribue à l’inscrire dans la durée ; tout le contraire de la communication d’aujourd’hui qui, elle, se caractérise par son extrême fugacité. Aujourd’hui, l’outil est devenu une fin en soi, il a tendance à primer sur la teneur du message. Enfin, les lettres de Mauriac nous touchent parce que, précisément, elles s’inscrivent dans leur temps et, des décennies après, nous disent beaucoup, non seulement d’un homme, mais d’une époque. Si cette correspondance a autant d’épaisseur, cela est dû à deux raisons. La première, évidemment, tient au style de l’auteur du Nœud de vipère, un des plus grands littérateurs français du siècle dernier. La seconde découle d’une culture littéraire, politique et religieuse aussi vaste que l’était la curiosité de l’auteur. Pour qui aime l’œuvre de Mauriac, un livre nécessaire.

François Mauriac, Correspondance intime, Robert Laffont, 2012, 768 pages, 30 €

 

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Recensions Religion

Résurrection de Jésus et résurrection des morts : Foi, histoire et théologie

Broché: 243 pages
Editeur : Cerf (11 octobre 2012)
Collection : Epiphanie
Langue : Français
ISBN-10: 2204098159
ISBN-13: 978-2204098151
Dimensions : 21,4 x 14,4 x 1,6 cm

 Résurrection de Jésus et résurrection des morts

Jean-Pierre Torrell o.p. est un théologien particulièrement prolixe. Après avoir travaillé l’œuvre de saint Thomas d’Aquin, voilà qu’il s’attaque à l’un des fondamentaux de la foi chrétienne : le dogme de la résurrection du Christ. Il le fait dans une perspective dans laquelle l’apologétique n’est pas tout à fait absente. Il a constaté en effet combien la croyance en la résurrection, celle de Jésus et celle des morts, était mise à mal par le scepticisme contemporain, scepticisme mâtiné d’une adhésion aux thèses prônées par les tenants de la réincarnation. Cela dit, qu’on soit croyant ou pas, la résurrection demeure pour nous un mystère et, écrit l’auteur, « un mystère ne se prouve pas : nous ne pouvons y adhérer que par et dans la foi. » (p. 14). L’auteur passe au crible la plupart des questions que les croyants se posent sur la question depuis les origines. Par exemple la résurrection prend-elle place à la fin des temps, lors de ce qu’on appelle le Jugement dernier ? La résurrection du Christ sera-t-elle précédée de la résurrection de tous les morts ? S’agira-t-il bien de tous les morts ? Certains théologiens, au contraire, postulent l’idée d’avancer la date de la résurrection au moment même de la mort de chacun.

Dans un évident souci pédagogique, le Fr. Torrell passe en revue la plupart des objections faites au dogme de la résurrection à partir d’un passage en revue des principaux textes de l’Ecriture qui en parlent. A la clarté de l’exposé s’associe la solide capacité de synthèse de l’érudit, au final désireux « de raviver les raisons que nous avons d’y croire. » (p. 148). Il insiste longuement sur ce qu’a de contraire à la foi chrétienne la réincarnation. . Vatican II parle à ce sujet de « notre vie terrestre unique » (Lumen Gentium, n°48). Quant à la crémation, l’auteur s’en méfie, voyant surgir avec elle des relents d’athéisme. Comme l’Eglise, sa préférence va nettement à l’inhumation. Au total, un livre tonifiant !

Jean-Pierre Torrell, Résurrection de Jésus et résurrection des morts, Le Cerf, 2012, 243 pages, 20 €

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Histoire Recensions

La bataille des trois empires : Lépante, 1571

Broché: 684 pages
Editeur : Flammarion (29 août 2012)
Collection : Au fil de l’histoire
Langue : Français
ISBN-10: 2081229528
ISBN-13: 978-2081229525
Dimensions : 24,4 x 15,6 x 4,6 cm

 La bataille des trois empires

            Les grands historiens sont souvent d’exceptionnels conteurs. C’est le cas d’Alessandro Barbero, auteur de plusieurs ouvrages marquants, dont un retentissant Waterloo. Cette bataille des trois empires est l’histoire de la campagne militaire et diplomatique qui opposa des puissances chrétiennes à l’Empire ottoman et qui aboutit à la bataille de Lépante. Ce jour d’octobre 1571, la flotte combinée regroupant les galères espagnoles, pontificales, génoises et vénitiennes fut opposée, en un combat dantesque, à la flotte du sultan. Cette gigantesque bataille était loin de mettre un terme à la menace ottomane mais, après maints revers, les puissances occidentales parvenaient enfin à freiner l’irrésistible progression de l’islam turc. Dans le monde catholique l’événement fut fêté et magnifié. Dans maintes églises espagnoles et vénitiennes, des tableaux commémorent l’événement.

Le récit d’A. Barbero est suffisamment ample pour donner à penser que Lépante fut autre chose qu’une simple bataille entre empires et religions : christianisme contre islam. Il faut plutôt voir l’affrontement à grande échelle de deux impérialismes : le sultan Sélim contre Philippe II d’Espagne, allié au pape Pie V et au doge de Venise. Les frontières ne sont pas aussi étanches que l’on croit et A. Barbero, remettant les faits en perspective, relativise de nombreuses images d’Epinal. L’Empire turc n’est pas aussi puissant qu’on imagine : il est perpétuellement à cours d’hommes. Les puissances chrétiennes sont divisées : en lutte contre l’Empire (la Maison d’Autriche), la France, depuis François 1er, s’est faite une alliée de la Sublime Porte. Quant à l’Eglise d’orthodoxe et aux chrétiens d’Orient ils ne sont pas aussi favorables que cela aux chrétiens occidentaux. Il n’est pas rare pour eux de préférer la férule turque à la main de fer des seigneurs occidentaux. Comme quoi les mouvements de l’Histoire sont souvent compliqués dès lors qu’on gratte le vernis. Quant à la bataille elle-même, qui n’occupe qu’un chapitre, elle prouvait de façon décisive que les armées occidentales étaient en train de prendre une avance décisive sur leurs rivales orientales. Il y avait longtemps que les « économies monde », chères à Fernand Braudel, avaient glissé de l’Orient vers l’Occident.

Alessandro Barbero, La bataille des trois empires – Lépante, 1571, Flammarion, 2012, 684 pages, 29 €