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Biographies Recensions

Isaac Babel

Broché : 343 pages
Editeur : Perrin (2 septembre 2015)
Langue : Français
ISBN-10 : 2262040168
ISBN-13 : 978-2262040161
Dimensions : 21,1 x 2,9 x 14,2 cm

 Isaac Babel

La littérature russe ne s’est pas éteinte avec la révolution de 1917. Gorki, Mandelstam, Pasternak et Soljenitsyne figurent au panthéon des grands écrivains russes dont les œuvres les plus fortes ont paru à l’époque de la tyrannie stalinienne ou lors de la glaciation brejnévienne. Parmi ces auteurs, Isaac Babel occupe une place singulière. Moins, au départ, pour son œuvre écrite que pour sa carrière. Ayant adopté les idées révolutionnaires en rétorsion des pogroms auxquels se livraient régulièrement les autorités tsaristes, Babel rejoint le camp de la révolution dès 1917. A l’instar de nombreux juifs, il se prend de sympathie pour une révolution qui, il l’espère, rendra la vie moins rude à ses compatriotes et à ses coreligionnaires. En 1920, il accompagne l’armée de cavalerie qui doit s’emparer de Varsovie, lors de la guerre entre la Pologne et le jeune Etat soviétique. De cette chevauchée, il en tirera une œuvre mondialement connue : L’armée de cavalerie, œuvre par la suite plus connue sous le titre de Cavalerie rouge. L’œuvre montre toute l’ambivalence qui est celle de nombreux intellectuels ayant embrassé la cause communiste : une sorte de sympathie critique, une ligne de crête sur laquelle, le régime se durcissant, il devient de plus en plus difficile de se tenir debout. Sur le plan littéraire, Cavalerie rouge dévoilait un style puissant. Sur le plan idéologique, la cause semblait plus difficile à entendre et à défendre. En effet, avec Cavalerie rouge, dit l’auteur, « Babel fait preuve d’un insolent aplomb en baptisant de la sorte une brassée de récits où le lecteur ne trouvera ni l’histoire de cette armée, ni la description de ses régiments, ni un catalogue de ses prouesses. » (p. 106) Chose étonnante, une grande partie de la vie de l’écrivain se déroula entre Moscou et Paris. Babel entretint des liens étroits avec les deux André, Gide et Malraux. Lors des Grandes Purges (1937-1938), le couperet ne tarda pas à s’abattre sur l’auteur de Cavalerie rouge. Son œuvre était jugée « d’une valeur artistique indéniable, mais sans rien de prolétarien » (p. 114). Gorki mort, il n’y avait plus personne pour défendre un romancier qui avait souvent flirté avec la liberté de pensée car, s’il épousait la plupart des convictions communistes, Babel tenait à garder son esprit critique. Cette liberté de ton ne devait pas tarder à être payée comptant : Babel fut fusillé en 1940.

 

Adrien Le Bihan, Isaac Babel, Perrin, 2015, 343 pages, 22€

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Recensions Religion

La « famille chrétienne » n’existe pas : L’Église au défi de la société réelle

Broché : 220 pages
Editeur : ALBIN MICHEL (2 septembre 2015)
Collection : SPIRITUALITE
Langue : Français
ISBN-10 : 2226316361
ISBN-13 : 978-2226316363
Dimensions : 19 x 1,6 x 12,5 cm

 La « famille chrétienne » n’existe pas

Habitué aux travaux bibliques, André Paul a laissé la théologie pour s’intéresser de près au synode romain de 2014 et 2015 consacré à la famille. Le catholique qu’il est regrette que les pères synodaux n’aillent pas suffisamment loin dans leur souci de réforme, notamment en ce qui concerne l’accueil des personnes divorcées-remariées et homosexuelles. La faute, selon lui, à cette très vieille idée selon laquelle il existerait une « famille chrétienne », une famille type, idéale, réunissant en son sein idéal de vie, grâce et sainteté. Or, nous dit l’auteur, cette famille hors-sol, chimérique et fantasmée, n’existe tout simplement pas. Notant le désir du pape François et de certains évêques de dépoussiérer des pratiques ecclésiales qui font trop la part belle à une discipline qu’il juge surannée, André Paul regrette le poids que continue de faire peser sur les pratiques pastorales une morale hantée par le péché et le sexe. Après avoir dénoncé cette famille irréelle souhaitée par l’institution ecclésiale, André Paul reproche à cetet dernière d’accorder trop d’importance au sexe, pas assez à l’amour, oubliant au passage que Jésus a combattu le modèle de la famille antique dans laquelle l’épouse pouvait être répudiée au moindre saute d’humeur de son mari. Cet éloignemnet de l’Evangile, il le retrouve dans le ton de certaines déclarations officielles où l’empathie et la compréhension cèdent la place à la commisération.

A travers les paroles dures qu’il adresse à l’institution, l’auteur ne fait rien d’autre que souhaiter une approche plus sympathique de l’Eglise à l’égard de la société. L’évangélisation ne gagnera rien de condamnations et stigmatisations. Dans son essai trop court, on regrettera que l’éminent bibliste fasse fi des éléments canoniques et historiques qui ont assuré la stabilité du mariage en Occident. Les choses ne sont jamais simples. Le souci très louable de l’auteur eut été mieux servi s’il avait consenti à regarder l’œuvre de grands anciens comme Jean Gaudement et Gabriel Le Bras, deux spécialistes du mariage aujourd’hui décédés et dont les travaux mettent en lumière la complexité de l’édification du sacrement de mariage, clé de voûte de la famille durant des siècles.

 

André Paul, La « famille chrétienne » n’existe pas, Albin Michel, 2015, 208 pages, 15€

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Histoire Recensions

Le retour du général de Gaulle

Broché : 478 pages
Editeur : Perrin (21 mai 2015)
Langue : Français
ISBN-10 : 2262049858
ISBN-13 : 978-2262049850
Dimensions : 21 x 3,5 x 14,2 cm

 Le retour du général de Gaulle

Après les livres torrentiels d’Eric Roussel et Jean Lacouture, sans oublier ceux de Michel Tauriac et de tant d’autres, on peut à bon droit se demander ce que peut apporter un énième livre consacré à Charles de Gaulle. Cependant, comme le livre de Georges Ayache porte sur une période plutôt sombre de l’histoire gaullienne et qu’il est écrit avec panache, il vaut la peine de s’y pencher. Le retour du général de Gaulle revient, bien sûr, sur le mouvement du 13 mai, c’est-à-dire la canalisation politique par les gaullistes de la grave crise qui couve à Alger, l’armée et ses chefs étant prêts à faire sécession. Cet état de quasi-insurrection des Français d’Algérie, soutenus par une partie de l’Armée, servit les intérêts du général de Gaulle qui, au bout du compte, n’eut qu’à cueillir un pouvoir à bout de souffle. On connaît la suite, la fin d’une IV° République totalement discréditée et l’émergence d’une république nouvelle, la V°, et d’une constitution dont la finalité est de mettre fin au régime des partis et de restaurer l’indépendance et l’intégrité de l’Etat. Quelques temps plus tard, les Français accordent leurs suffrages et leur confiance à celui qui avait restauré la grandeur de la nation. Au fond, le plus intéressant dans l’ouvrage de Georges Ayache concerne ce que l’on appelé la « traversée du désert ». Une figure aussi impressionnante et noble n’était pas faite pour la routine et la médiocrité du quotidien (« Si j’étais député, vous me voyez demander la parole à Edouard Herriot ! »). Ce récit remarquablement vivant introduit le lecteur dans l’intimité d’un homme confronté à la monotonie de l’existence, loin du pouvoir et de l’ivresse qu’il procure. Pour paraphraser l’homme du 18 juin, on peut dire que de Gaulle était né pour faire l’Histoire, pas pour la regarder. Ces années 1950, de Gaulle les vit dans le doute, l’outrance et parfois le découragement. Le retour… permet de redécouvrir un homme faillible et vulnérable.

Marquant sa sympathie pour ce personnage hors norme, Georges Ayache délivre un beau et grand texte, plein d’humour et de verve. Cerise sur le gâteau : le récit est parsemé de ces anecdotes pittoresques dans lesquelles s’exerce l’humour vachard de Charles de Gaulle. Une belle réussite que ce Retour !

 

Georges Ayache, Le retour du général de Gaulle, Perrin, 2015, 478 pages, 22.90€

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Histoire Recensions

La grande défaite (1870-1871)

Broché : 414 pages
Editeur : Perrin (2 janvier 2015)
Collection : Pour l’histoire
Langue : Français
ISBN-10 : 2262032459
ISBN-13 : 978-2262032456
Dimensions : 24 x 3 x 15,5 cm

 La grande défaite (1870-1871)

Durant des décennies, la Guerre de 1870 a été un peu oubliée. Il est vrai que le souvenir des deux immenses conflits mondiaux a rendu assourdissants les échos de ces pages noires de notre histoire. Alain Gouttman, déjà auteur d’un ouvrage remarqué sur la guerre de Crimée, s’est donné pour tâche de revisiter ces terribles journées d’août et de septembre 1870. Ayant à sa tête un Napoléon III malade et affaibli, miné par les divisions, le pays s’est enfoncé depuis quelques années dans une douce léthargie. Lorsque l’orage menace, c’est-à-dire lorsque la Prusse de Bismarck montre ses crocs, les Français sont englués dans leurs dissensions et autres picrocholines zizanies. Quant à la diplomatie, outil majeur dans l’Europe de ce temps, elle est en piteux état et c’est avec une rouerie consommée que Bismarck va se jouer de son amateurisme. Bref, résume l’auteur : « En 1870, la démagogie était à la barre et c’était elle, au premier chef, qui entraînait la France à l’abîme. » (p. 142) L’idée de l’auteur n’était pas de donner une histoire suivant de près la chronologie des événements qui vont amener la défaite, la naissance de la Commune puis son écrasement par les troupes de Monsieur Thiers ; bien d’autres ouvrages, tout à fait excellent comme celui de François Roth, ont déjà donné une exacte description de ces jours sombres pour les couleurs nationales. A travers les défaites diplomatiques et militaires qui marquent la deuxième partie de cette année 1870, Alain Gouttman entend démontrer que « la grande défaite » était inéluctable, la somme des erreurs et lâchetés des dernières années du règne de Napoléon III devant être soldées. Les déchirures de la société ont exercé sur la nation une influence délétère qui, fatalement, devait être sanctionné par une défaite aussi sévère que soudaine. On songe, ici, au Henri V de Shakespeare : « Demain, dans la bataille, le roi portera les péchés de son armée. » Lorsqu’une nation connaît une défaite, c’est généralement qu’un faisceau de circonstances devait fatalement l’y mener. Une belle réflexion sur la fragilité et la puissance des nations.

 

Alain Gouttman, La grande défaite (1870-1871), Perrin, 2015, 414 pages, 24.90€

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Histoire Recensions

La Seconde Guerre mondiale

Broché : 571 pages
Editeur : Perrin (29 janvier 2015)
Langue : Français
ISBN-10 : 2262034508
ISBN-13 : 978-2262034504
Dimensions : 24,2 x 3,6 x 15,6 cm

 La Seconde Guerre mondiale

Ecrire une histoire du second conflit mondial, très accessible, pas trop volumineuse et intégrant les données les plus récentes de l’historiographie, tel est le pari tenté et réussi par Claude Quétel. « Jusqu’à ce jour, indique la présentation de l’ouvrage, seuls trois grands historiens anglo-saxons ont relevé le défi avec succès : John Keegan, Liddel Hart et plus récemment Anthony Beevor. Trop partisans ou fragmentaires, les Français ont échoué en dépit de plusieurs tentatives. » Bien sûr, vu la taille de l’ouvrage, l’amateur n’apprendra rien de nouveau ; il s’apercevra toutefois que les données mises en œuvre par l’auteur sont remarquables de fiabilité. Quant au néophyte, il n’aura rien à reprocher à un ouvrage qui n’omet aucun des aspects du conflit. Si les événements militaires tiennent naturellement le haut du pavé, tout ce qui concerne les aspects économiques, politiques et démographiques n’est pas oublié. Avec un style efficace et délié, Claude Quétel mène son récit tambour battant. Dès le prologue de la vingtaine de pages passé, le voilà qui attaque en fanfare la campagne de Pologne (1939), puis celle de France (1940), la bataille d’Angleterre, etc.

En auteur averti et passionné, Claude Quétel n’omet pratiquement rien des dernières découvertes réalisées par d’éminents spécialistes de cette période comme David Glantz ou Thomas Weber. Des passages cinglants permettent de remettre certaines pendules à l’heure. Par exemple, contrairement à la thèse véhiculée par Karl Heinz Freizer, la Blitzkrieg associant le tandem char – avion qui va conduire à la déroute des armées alliées en mai-juin 1940 n’est pas l’aboutissement fortuit d’une rencontre de hasard. Autre exemple : l’insistance mise par les Allemands à fabriquer des armes de pointe, les meilleurs dans leur catégorie comme le char Tigre. Cette obstination constitua une erreur dans la mesure où les armes alliés, moins sophistiquées mais plus robustes, étaient plus faciles à fabriquer. L’auteur revient également à plusieurs reprises sur l’importance de la personnalité d’Hitler, absolument décisive. Sans le dictateur nazi, la guerre aurait-elle été aussi longue et implacable ? Enfin, des cartes simples et claires permettent de se faire une idée exacte des principales opérations militaires. Du beau travail !

 

Claude Quétel, La Seconde Guerre mondiale, Perrin, 2015, 571 pages, 23.90€

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Recensions Religion

Comprendre et vivre la liturgie

Broché : 306 pages
Editeur : Presses de la Renaissance (19 mars 2015)
Langue : Français
ISBN-10 : 2750909058
ISBN-13 : 978-2750909055
Dimensions : 18 x 1,9 x 12 cm

 Comprendre et vivre la liturgie

Combien de fois nous arrive-t-il de nous rendre à la messe dominicale l’esprit ailleurs, préoccupés que nous sommes par les soucis de la semaine écoulée, guettant les joies et les difficultés possibles des temps à venir ? Autrement dit, c’est plus souvent qu’à notre tour que nous nous rendons le dimanche à l’église sans être véritablement partie prenante – et surtout partie priante ! – de la liturgie. Nous croyons comprendre les gestes et paroles du célébrant, depuis le temps, n’est-ce pas ! En fait, c’est souvent une fausse idée de la liturgie que nous avons intériorisée. Sommes-nous en mesure de comprendre les signes et symboles que nous offre la prière de l’Eglise ? Un peu de pédagogie dans ce domaine serait le bienvenu. C’est la raison pour laquelle il faut saluer comme un don du Ciel le petit livre de Xavier Accart, rédacteur en chef du mensuel Prier. Comment participer à la liturgie ? L’auteur se risque à prendre parti : non pas des gestes dont la succession se ferait automatiquement de semaine en semaine, mais « dans l’intériorisation des mystères célébrés sous le voile des symboles » (p. 21). En cinq parties, au moyen de chapitres brefs et clairs, l’auteur visite l’ensemble des signes et symboles qui fonde l’action liturgique. Les lieux, les sens et le temps sont au cœur du culte rendu à Dieu dans les églises. Il faut se laisser saisir par la signification profonde des lieux et des choses. Ainsi l’église n’est pas qu’un bâtiment. Elle a été édifiée selon une certaine orientation, elle propose un itinéraire spirituel qu’il faut savoir déchiffrer, le siège de présidence permet à l’officiant de se reposer mais pas seulement. Quant à l’ambon, l’autel ou le tabernacle, leur présence est constitutive du cœur de la source et sommet des sacrements qu’est l’eucharistie.

Grâce à ses talents pédagogiques, Xavier Accart parvient à « montrer à quel point la liturgie catholique et le creuset d’une vie spirituelle personnelle, authentique et féconde. » On se prendrait presque à regretter que le dimanche, de temps à autre, le prêtre ne prenne pas du temps pour expliquer le sens de rites et de symboles dont la signification échappe au plus grand nombre. Un outil simple et clair pour mieux vivre et comprendre la liturgie.

 

Xavier Accart, Comprendre et vivre la liturgie, Presses de la Renaissance, 2015, 306 pages, 12.90€

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Actualités Recensions

Osons dire la vérité à l’Afrique

Broché : 224 pages
Editeur : LE ROCHER EDITIONS (5 mars 2015)
Collection : DOCUMENTS
Langue : Français
ISBN-10 : 2268077403
ISBN-13 : 978-2268077406
Dimensions : 23,5 x 1,9 x 15,2 cm

 Osons dire la vérité à l’Afrique

Comment se fait-il que Bernard Lugan, l’un de nos plus grands africanistes, n’apparaissent jamais dans les grands médias ? La réponse est simple : parce qu’il use d’un langage non politiquement correct et qu’il ose dire des vérités que beaucoup, par complaisance ou manque de courage, se refusent à déclarer. Les trois pages d’introduction mettent d’emblée le lecteur dans le bain : à bas la méthode Coué, abordons de front les problèmes ! L’Afrique jouit de grandes potentialités (trois récoltes annuelles possibles en certains endroits) qui risquent d’être remises en cause par une croissance démographique incontrôlable et une anomie intellectuelle. Les Africains doivent cesser d’écouter le discours occidental du seul mode possible de développement et d’attendre tout de l’extérieur. Comment se fait-il qu’en dépit de ses atouts l’Afrique ne décolle pas, insécurité, corruption, inégalités et crises alimentaires demeurant le lot courant du continent ? Benard Lugan pointe quatre explications : la priorité accordée à l’économie au détriment de la résolution des questions politiques, une démographie suicidaire, le diktat démocratique imposé au continent qui donne systématiquement le pouvoir aux ethnies les plus nombreuses et, pour finir, le refus d’admettre la spécificité de l’Afrique en lui imposant les modèles européens ou asiatiques… Le tableau dressé par l’auteur est sans complaisance, très dur à entendre. Mais ce parler franc n’est-il pas le préalable à toute avancée ? Comment ne le serait-il pas, d’ailleurs, lorsqu’on apprend que des pays qui autrefois assuraient leur autosuffisance alimentaire connaissent la disette ? Ou que le tout pétrolier ou gazier dans lequel se sont précipités certains Etats s’avère, au bout du compte, une triple catastrophe : humaine, économique et environnementale. Dans le cadre de la mondialisation, les sociétés occidentales ne peuvent se désintéresser de l’avenir du continent africain. L’immigration choisie, martingale agitée par certains politiciens, peut s’avérer une catastrophe en ce qu’elle privera l’Afrique des médecins et ingénieurs dont elle a tant besoin.

Le livre de Bernard Lugan, habité par un vrai souci pédagogique, pose avec franchise un diagnostic et livre des solutions dont Africains et Occidentaux ne peuvent faire l’économie. Décapant !

 

Bernard Lugan, Osons dire la vérité à l’Afrique, Editions du Rocher, 2015, 223 pages, 21€

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Recensions Religion

Croyance

Broché : 336 pages
Editeur : Odile Jacob (6 mai 2015)
Collection : OJ.SC.HUMAINES
Langue : Français
ISBN-10 : 2738132456
ISBN-13 : 978-2738132451
Dimensions : 14,5 x 2,5 x 22 cm

 Croyance

Les croyants sont-ils des fous dénués de toute raison ? Sont-ils à ce point privé d’intelligence et de libre-arbitre qu’ils sont prêts à prendre pour argent comptant tout ce qu’ils lisent, entendent et voient au sujet de leur foi ? Le scénariste et écrivain Jean-Claude Carrière, qu’on avait connu mieux inspiré, considère que la planète est saisie d’une folie irrationnelle appelée « la croyance ». Cette croyance, dont on ne sait pas très bien ce qu’elle recouvre, trouve sa réalisation dans une série de négations : elle est obscurité, ténèbres, ignorance, fanatisme, exclusion. Ce n’est pas tout car, à croire l’auteur, la croyance ne peut être que cela. La mise en avant du mot « croyance » permet d’évacuer les synonymes qui permettent de mieux cerner l’objet étudier comme la religion et la foi. Ce choix n’est pas innocent car, n’est-ce pas, une croyance signifie davantage un fourre-tout. Nous sommes donc là en présence d’un lieu commun qui permet l’amalgame la plus large possible, ce qui au final signifie que la différence qui sépare le croyant du fanatique est aussi épaisse qu’une feuille de papier à cigarette et qu’il y a peu de celui qui confesse une foi religieuse au fanatique. Chrétiens évangéliques et Boko Haram, musulmans paisibles et Al Qaïda, même combat ! L’accumulation d’approximations et la mise dans le même sac des croyants de toutes espèces donnent un livre absolument inepte. Jean-Claude Carrière ne fait aucun effort pour comprendre le croyant. Le livre aurait pris une tournure toute autre si l’auteur avait pris la peine de considérer la religion d’un peu plus près, avec un minimum d’empathie. Au lieu de cela, il tire à boulets rouges sur les religions, voyant en elles fariboles et autres contes à dormir debout. Pour contrebalancer ce point de vue extrême, il aurait pu citer quelques noms d’écrivains, de philosophes et de poètes issus des grandes traditions religieuses. Ici, rien ! Le croyant est pris d’emblée pour un imbécile, un naïf ou un fanatique. Quelle que soit sa religion car ici toutes sont mises dans le même sac… avec les sectes. Jean-Claude Carrière n’est pas cela près et après tout, doit-il penser, entre un Témoin de Jéhovah et un membre de l’Action Catholique, quelle différence ! A prendre ainsi les gens pour des idiots, sans jamais citer ses sources, Jean-Claude Carrière a produit un livre désolant et blessant.

 

Jean-Claude Carrière, Croyance, Odile Jacob, 2015, 335 pages, 22.90 €

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Recensions Religion

Les Actes des Apôtres

Broché : 152 pages
Editeur : Cerf (5 juin 2015)
Collection : Mon ABC de la Bible
Langue : Français
ISBN-10 : 220410468X
ISBN-13 : 978-2204104685
Dimensions : 19,5 x 1 x 12,5 cm

 Les Actes des Apôtres

Ancien professeur d’exégèses biblique au Centre Sèvres à Paris, Chantal Reynier était on ne peut plus qualifiée pour écrire ce petit livre sur les Actes des Apôtres, nouvel opus de la série des « ABC de la Bible ». En de courts chapitres, l’auteur introduit le lecteur dans une œuvre plus fouillée et plus enchevêtrée qu’il n’y paraît. Grâce à des chapitres bien découpés, Chantal Reynier réussit son pari à la perfection : faire entrer le néophyte dans l’intelligence du témoignage émanant des premières communautés chrétiennes. Le livre des Actes des Apôtres est « un texte qui présente l’expansion de la communauté chrétienne après l’événement de la Résurrection » (p. 23). C’est en effet grâce aux apôtres et aux disciples qu’est s’est répandu le message de Jésus. Les Actes forment un récit inaugural, celui de l’expansion des premières communautés et de la fixation de la foi chrétienne. En liens étroits avec l’Evangile de Luc, rédigés vers 80 – 85, « ils commencent avec le rappel des apparitions du Ressuscité et un nouveau récit de l’Ascension de Jésus qui envoie ses apôtres en mission. » (p. 16) Attribué à Luc, le récit est destiné à un dénommé Théophile, autrement dit à un chrétien de culture grecque. Après avoir donné un résumé de l’œuvre, l’auteur revient sur les principaux thèmes qui forment l’architecture des Actes : le rôle des témoins, la place centrale de l’espace méditerranéen, le style des nouvelles communautés chrétiennes, le christianisme face aux religions et cultures de l’époque… Le chapitre sur la réception des Actes montre toute leur importance dans la vie de l’Eglise contemporaine. Dans le Credo, dans la liturgie de l’Eglise et dans les grandes constitutions du concile Vatican II, les Actes des Apôtres révèlent la variété de leur richesse. Ils ont également influencé l’art européen à un degré insoupçonné.

Face à un petit livre aussi réussi il n’y a qu’une chose à dire : dommage qu’un travail comparable n’ait pas été réalisé pour chacun des livres bibliques. Chantal Reynier est pleinement parvenu à son but qui était, de façon simple et pédagogique, de donner l’essentiel en peu de pages.

 

Chantal Reynier, Les Actes des Apôtres, Cerf, 2015, 162 pages, 14€

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Portraits Recensions

C’est chose tendre que la vie : Entretiens avec François L’Yvonnet

Broché : 544 pages
Editeur : ALBIN MICHEL (2 septembre 2015)
Collection : Itinéraires du savoir
Langue : Français
ISBN-10 : 222631489X
ISBN-13 : 978-2226314895
Dimensions : 22,5 x 3 x 15 cm

 C’est chose tendre que la vie

Tenter de résumer un livre aussi copieux est une gageure. Philosophe se définissant comme athée et fidèle (à la culture judéo-chrétienne), André Comte-Sponville est un de nos plus grands philosophes, en tout cas l’un des plus faciles à lire et à saisir. Contrairement à tant d’autres, voilà quelqu’un qui se refuse à jargonner et qui essaie de donner le goût de la réflexion et de la pensée. Dans ce livre d’entretiens menés par François L’Yvonnet, l’auteur de La sagesse des Modernes revient sur les sujets qui l’auront le plus marqué, en tout cas ceux qu’il aura travaillé avec autant de constance que de gourmandise : le bonheur, l’avenir des civilisations, l’art, la morale, l’éthique… On n’est pas obligé de suivre le philosophe en tout et, par exemple, il me semble qu’il prête à des valeurs très occidentales comme les droits de l’homme et la laïcité une aura qu’elles n’ont certainement pas sous d’autres cieux. Cela dit, comment ne pas être charmé par la culture et la mesure d’un intellectuel qui préfère Montaigne à Nietzsche et Pascal à Hegel. A maintes reprises Comte-Sponville dit son incroyance, mais il le dit à sa façon, belle, lucide et tendre. C’est qu’il demeure fidèle au terreau judéo-chrétien dans lequel il a grandi et mûri. Prêtant beaucoup de qualités aux sagesses orientales, A. Comte-Sponville insiste sur son attachement aux valeurs chrétiennes, non parce qu’elles seraient absolues, « mais parce qu’elles sont conformes à notre désir d’humanité, de justice, d’amour. » (p. 179) Avec modestie, il tente de tracer le chemin qui, grâce à la sagesse (surtout celle des Anciens), espère mener au bonheur, but de toute vie humaine. Alors, à quoi sert la philosophie ? A mieux vivre, répondent les philosophes et Comte-Sponville avec eux. Le but recherché, contrairement à ce que veut faire croire la doxa contemporaine, ne passe ni par la consommation ni par le divertissement. La sagesse, « c’est d’aimer la vie telle qu’elle est, telle qu’elle passe, heureuse ou malheureuse… » (p. 216). Pour avoir à ne pas se poser la question, le contemporain cherche l’oubli dans la futilité et le divertissement. C’est oublier que la vie est tragique : il y a trop de fragilité en nous et trop de dureté dans le monde. « Sagesse de Montaigne : ‘C’est chose tendre que la vie, et aisée à troubler… » Un superbe livre, plein de tendresse, d’ « humanité désolée et fraternelle ».

 

André Comte-Sponville, C’est chose tendre que la vie, Albin Michel, 2015, 538 pages, 24€