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Recensions Religion

Prier 15 jours avec Yves Congar : Acteur majeur du concile Vatican II

Broché: 126 pages
Editeur : Nouvelle Cité (16 février 2012)
Collection : Prier 15 jours
Langue : Français
ISBN-10: 2853136647
ISBN-13: 978-2853136648
Dimensions : 19 x 11,4 x 1,2 cm

  Prier 15 jours avec Yves Congar

Alors que l’Eglise catholique est en train de fêter le 50ème anniversaire de l’ouverture du concile Vatican II, les Editions Nouvelle Cité ont eu l’excellente idée de faire du P. Yves Congar un des guides de la collection Prier 15 jours. Avec ce nouvel opus, Prier 15 jours avec Yves Congar, acteur majeur du concile Vatican II, il est proposé au lecteur chrétien de prendre un peu de hauteur par rapport à l’événement, de ne pas l’absolutiser au point de perdre l’essentiel de vue, à savoir la vie spirituelle.

Il est tout à fait opportun que les Editions Nouvelle Cité enrichissent leur célèbre collection avec le P. Congar. Sa personnalité de théologien éminent lui ayant valu une réputation internationale, sa présence est ici amplement méritée. L’image que l’on garde du P. Congar est celle d’un immense intellectuel à la personnalité difficile (d’aucuns le surnommaient lui, le natif de Sedan, le « sanglier des Ardennes »). Son rôle à Vatican II, à côté de théologiens de la carrure de Josef Ratzinger ou de Karl Rahner, ses nombreux ouvrages et articles, sa haute idée de la Tradition de l’Eglise ont peut-être fait perdre l’essentiel de vue. Le P. Congar était d’abord un prêtre, un homme de Dieu, un homme pécheur. Dans son célèbre Journal d’un théologien, il fait preuve d’une belle humilité : « Je dois prendre beaucoup plus au sérieux ce à quoi je crois, ce que j’ai moi-même si souvent prêché : la foi d’Abraham et de Moïse, la foi absolue au Dieu vivant. »

Dans ce petit livre d’une centaine de pages, l’auteur, le P. Daniel Blaj, prêtre du diocèse de Lyon, insiste sur la dimension priante et confessante de l’auteur de Chrétiens désunis et de Jalons pour une théologie du laïcat. Dans de courts chapitres consacrés à des thèmes aussi divers que l’Esprit Saint ou Martin Luther, le P. Blaj fait percevoir combien le P. Congar était attaché à l’Eglise, une Eglise qu’il voyait missionnaire, mais pas au sens où on l’entend communément : « Pour mon compte, écrit le P. Congar dans un ouvrage paru en 1962, j’ai été extrêmement étonné de constater que le motif proprement missionnaire apparaît très peu dans le texte ancien. L’Eglise apostolique a été apostolique par le rayonnement de cellules d’amour que composaient les chrétiens. » Décidément, la pensée du P. Congar est toujours actuelle.

 

Daniel Blaj, Prier 15 jours avec Yves Congar, Nouvelle Cité, 2012, 120 pages, 12.50 €

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Actualités Recensions

La régression intellectuelle de la France

Broché: 100 pages
Editeur : Texquis; Édition : 2e (1 juin 2011)
Langue : Français
ISBN-10: 2960047397
ISBN-13: 978-2960047394
Dimensions : 22,6 x 15 x 1,2 cm

 La régression intellectuelle de la France

En juin dernier, dans un établissement scolaire de Rennes, le jeune Kylian (13 ans) mourait, étranglé par un élève un peu plus âgé, un certain Vladimir. Telle était l’information donnée par Le Monde. L’essentiel était vrai mais, ce que cachait le célèbre quotidien du soir, c’était que le meurtrier ne s’appelait pas Vladimir, mais Souleymane, qu’il était d’origine tchétchène et de religion musulmane. Cela ne signifie évidemment pas que tous les Tchétchènes sont des assassins en puissance mais, en mentant de la sorte, Le Monde entendait minimiser le fait que les populations d’origine caucasienne étaient surreprésentées dans les prisons françaises. Tel est le premier aspect de la manipulation dont beaucoup de nos concitoyens sont les victimes consentantes. Le second aspect de la propagande officielle – ce que Philippe Nemo appelle la « régression intellectuelle » -, provient d’un arsenal législatif qui ne cesse d’étendre ses rets, de la loi Pleven de 1972 à la loi Taubira de 2001 en passant par la loi Gayssot de 1990. Désormais, les propos de chacun sont sévèrement encadrés par une doxa officielle ; gare à celui qui voudrait y déroger ! Sous prétexte de protéger les minorités de toute diffamation et discrimination, les politiques ont concocté un arsenal législatif qui dissuade de s’intéresser à certains sujets sensibles. Mieux vaut ne pas imiter Olivier Pétré-Grenouilleau qui, dans son ouvrage consacré aux traites négrières, avait affirmé que l’esclavage était un phénomène pluriséculaire qui avait touché la plupart des civilisations, et pas seulement l’européenne. Cela lui avait valu les foudres de la nouvelle censure pour qui l’esclavagiste était forcément blanc, européen et chrétien.

Par leur imprécision, les nouvelles lois de censure interdisent désormais tout débat public sur nombre de sujets. Dans toute discussion, à un moment ou à un autre, il y aura toujours un propos jugé malséant à l’égard de telle minorité, de tel groupe, de telle association. Mieux vaut donc se taire afin de ne pas tomber sous le coup de la loi. Des pans entiers de la vie publique se trouvent désormais placés sous surveillance. Tout propos public, voire privé, contraire à la doxa officielle, peut être incriminé. Pour l’instant, on est encore loin des régimes totalitaires qui, autrefois, imposaient une vérité unique, celle du Parti, celle du régime, mais on a tendance à s’y rapprocher peu à peu. En serons-nous un jour à adopter l’attitude de ces prêtres qui, il y a un siècle, au moment de la crise moderniste, préféraient ne pas penser de peur de mal penser ? 1984 serait-il plus proche qu’on ne le croit ? A ce titre, le livre de P. Nemo est un rappel nécessaire.

Philippe Nemo, La régression intellectuelle de la France, Texquis, 2011, 94 pages, 16 €

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Histoire Recensions

La grande stratégie de l’Empire byzantin

Broché: 512 pages
Editeur : Editions Odile Jacob (30 septembre 2010)
Collection : HISTOIRE ET DOCUMENT
Langue : Français
ISBN-10: 2738125212
ISBN-13: 978-2738125217
Dimensions : 23,4 x 15,4 x 3,8 cm

 La grande stratégie de l’Empire byzantin

S’il y a une réalité historique dont ne parle pratiquement jamais, c’est bien l’Empire byzantin, construction politique et religieuse qui dura tout de même plus de mille ans et engloba, à un moment ou à un autre, des territoire aussi divers que l’Afrique du Nord, l’Asie Mineure et la majeure partie des Balkans. Si Byzance réussit à tenir la dragée haute à tant d’ennemis divers (Huns, Arabes musulmans, Hongrois, Bulgares…), ce fut moins par la force de ses armées que par l’intelligence de sa stratégie. La puissance brute n’aurait pas suffit à contenir à elle seule la multiplicité de ses ennemis. En dépit d’une armée régulière de qualité et de la position défensive excellente de la ville fondée par l’empereur Constantin, Byzance ne fut jamais assez forte pour mettre l’ensemble de ses ennemis à genoux. Les temps de la conquête romaine étant définitivement révolus, Byzance fut en conséquence adepte d’une stratégie indirecte de premier ordre. Pour ce faire, elle n’hésitait pas à acheter la paix, à embaucher des mercenaires, à passer des alliances, à détourner les migrations de nations entières pour les éloigner. Mais elle sut faire mieux et on reconnaît la spécificité de la stratégie byzantine à ce qu’elle évitait généralement d’anéantir la force militaire d’une nation hostile. Une fois la paix conclue, celle-ci pouvait devenir un allié précieux, un tampon permettant d’amortir le choc d’un ennemi venant de plus loin. La stratégie byzantine relève moins de coups audacieux que d’une recherche patiente du meilleur compromis. Enfin, comme le dit Edward Luttwak, « les Byzantins avaient à leur disposition davantage d’instruments de persuasion efficaces que leurs prédécesseurs ou rivaux, parmi lesquels la religion chrétienne de la ‘vraie foi orthodoxe’ ».

Une fois encore l’école historique états-unienne montre tout son dynamisme. L’originalité de la démarche et celle du sujet participent à l’explicitation de l’histoire tant à la mode dans un pays qui en a très peu. Malgré ces atouts, le récit peine à tenir le lecteur en haleine. Sans doute ce dernier aurait-il aimé plus d’histoires et moins de commentaires. L’essentiel de l’ouvrage résulte de la glose d’ouvrages de littérature militaire byzantine. S’ils mettent bien en perspective la grande stratégie de l’Empire byzantin, ils ressemblent trop à une explication de texte et, de la sorte, empêchent le récit de décoller.
Edward Luttwak, La grande stratégie de l’Empire byzantin, Odile Jacob, 2010, 512 pages, 29.90 €

 

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Actualités Recensions

De l’inégalité parmi les sociétés

Broché: 492 pages
Editeur : Gallimard (22 novembre 2000)
Collection : NRF Essais
Langue : Français
ISBN-10: 2070753514
ISBN-13: 978-2070753512
Dimensions : 21,8 x 14,2 x 3 cm

 De l’inégalité parmi les sociétés

Il y a des livres qui font date : De l’inégalité parmi les sociétés en fait partie. Publié il y a douze ans, il n’a pas été dépassé. Par l’ampleur des questions qu’il soulève et des réponses qu’il apporte, De l’inégalité… est un livre majeur. Le travail grandiose de Jared Diamond s’inscrit dans le cadre d’une réflexion où sont tour à tour convoquées l’histoire, la géographie, la biologie, la climatologie, la linguistique, la génétique et bien d’autres disciplines. Sa thèse s’articule autour de la question suivante : Qu’est-ce qui a permis aux Européens de renverser les empires inca et aztèque et d’asservir les Indiens du continent américain ? Pourquoi, a contrario, ce ne sont pas les indigènes d’Amérique qui ont traversé l’Atlantique pour envahir l’Europe et y décimer les populations ? Pour Jared Diamond, la réponse tient en trois mots : les fusils, les germes et l’acier. « Pourquoi est-ce les Européens, plutôt que les Africains ou les indigènes américains, demande l’auteur, qui se sont retrouvés avec les fusils, les germes les plus nocifs et l’acier ? » L’auteur entend démontrer que les inégalités partageant les sociétés ne sont pas de nature raciale ; c’est dans l’environnement qu’elles trouvent leurs racines. Le passage des tribus de chasseurs cueilleurs aux premières sociétés sédentaires constitue une étape cruciale dans l’histoire de l’humanité : la domestication des animaux et des plantes nourricières ont permis un développement spectaculaire des récoltes. En dégageant des surplus, les sociétés se dotent d’experts exonérés du souci de produire, par exemple les scribes et les soldats. Avec les scribes naissaient l’écriture et la conservation de l’expérience acquise.

Malgré certaines longueurs et répétitions, comment ne pas être impressionné par la qualité et l’ampleur du travail réalisé par J. Diamond ? Il semble toutefois manquer, parmi les facteurs explicatifs des inégalités dont il est question, deux causes importantes. La première est d’ordre militaire. Rien n’est dit des deux grandes innovations qui ont contribué à l’avènement et au déclin de certaines sociétés humaines : l’archer monté turco-mongol et l’infanterie lourde occidentale. Autre réserve : la place mineure accordée aux causalités d’ordre religieux. En liquidant le temps cyclique des sociétés archaïques, le christianisme a imposé une conception linéaire du temps avec, en ligne de mire, l’exaltation du progrès continu.

Un travail remarquable.

Jared Diamond, De l’inégalité parmi les sociétés, Gallimard, 2000, 482 pages, 35.50 €

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Histoire Recensions

Henri VIII et le schisme anglican

Broché: 190 pages
Editeur : Cerf (15 mars 2012)
Collection : Histoire
Langue : Français
ISBN-10: 2204096911
ISBN-13: 978-2204096911
Dimensions : 23,4 x 14,4 x 1,6 cm

 Henri VIII et le schisme anglican

La communion anglicane regroupe des dizaines d’Eglises de par le monde ; toutes sont issues du conflit qui opposa le roi Henri VIII à la papauté. Ici deux thèses s’affrontent. Le schisme anglican est-il la suite, le corollaire de l’expansion de la Réforme née avec Luther dans l’Allemagne du début du XVI° siècle  ou, plus simplement, la conséquence des péripéties d’ordre sentimental liée à la vie du souverain anglais ? A défaut de privilégier l’une au détriment de l’autre, Aimé Richardt unit les deux dans un subtil mélange. Les débuts de cette affaire relèvent uniquement de la vie sentimentale du roi Henri qui, en épousant Catherine d’Aragon, sa première épouse, a fait un mariage politique. Mais c’est par amour qu’il épouse Anne Boleyn et trois de ses quatre autres épouses. Quand un roi divorçait d’une princesse étrangère, cas de Catherine d’Aragon, il n’était guère pensable de lui couper la tête en cas de difficulté : c’eut été un cas de casus belli. Faire exécuter les épouses anglaises s’avérait par contre plus facile, d’autant que cela avait pour avantage de faire savoir aux puissants du royaume que le roi était bien le maître. La volonté d’Henri de faire annuler le mariage qu’il avait contracté avec Catherine d’Aragon engendra la rupture fatale. Malgré un lobbying entreprenant, Henri VIII ne parvint pas à faire plier le pape Clément VII lequel, pour sa part, persistait à considérer ce mariage comme étant canoniquement valide. Ce qu’Henri prenait pour un refus obstiné n’était en fait, chez le pape, que la volonté d’appliquer la loi de l’Eglise. Quoiqu’il en soit, face à la résistance qu’on lui opposait, le roi prit en son royaume une liste impressionnante de mesures destinées  à briser le catholicisme. La disparition de la vie monastique en Angleterre date de cette époque. Ces mesures coercitives devaient immanquablement amener le roi à prendre la tête de l’Eglise d’Angleterre. En dépit d’un retour bref du catholicisme avec la reine Marie Tudor, la reine Elisabeth I° (la « Grande Elizabeth ») parvint à asseoir définitivement l’indépendance de l’Eglise d’Angleterre. La doctrine du juste milieu chère à Henri triomphait.

En moins de deux cents pages, Aimé Richardt parvient à dresser un tableau aussi complet que précis des conséquences politiques et religieuses nées de l’entêtement et de la fougue d’Henri VIII. Très éclairant.

Aimé Richardt, Henri VIII et le schisme anglican, Le Cerf, 2012, 192 pages, 19 €

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Recensions Religion

La belle mort de l’athéisme moderne

Broché: 168 pages
Editeur : PRESSES UNIVERSITAIRES DE FRANCE – PUF; Édition : 1 (11 janvier 2012)
Collection : Quadrige Essais Débats
Langue : Français
ISBN-10: 2130591655
ISBN-13: 978-2130591658
Dimensions : 18,8 x 12,4 x 1,4 cm

 La belle mort de l’athéisme moderne

C’est un livre remarquable que vient de publier le philosophe Philippe Nemo, auteur de La belle mort de l’athéisme moderne. Un petit livre qui, en sept courts chapitres, s’avère d’une extraordinaire densité. Cet ouvrage est à lire avec la plus grande attention car toutes les pages sont importantes, à commencer par la première page de la préface dans laquelle P. Nemo explique sa méthode de travail. Il postule en effet que le christianisme est vrai. Attention, cela ne signifie pas qu’il n’existe pas de vérité ailleurs que dans le christianisme, mais pour l’auteur « c’est le seul à receler la vérité qui importe le plus à la vie humaine. » (p. 10) L’ouvrage reprend des conférences et articles parus en France et en Italie. D’habitude ce mélange produit davantage de patchworks que de chefs-d’œuvre, or, ici – heureuse surprise ! – l’assemblage ne souffre pas de manque d’unité. Dans un premier chapitre, P. Nemo postule la fin de l’athéisme post-moderne, mort de sa belle mort, mort parce que, « finalement il n’a rien de bon à offrir à l’humanité » (p. 11). Suivant René Girard, l’auteur estime que la Bible et l’Evangile « seuls tiennent, dans le monde d’aujourd’hui, un discours sensé sur le bien et le mal, sur la vie et la mort. » (p. 26) L’analyse du Livre de Job permet d’entrevoir la puissante originalité du judéo-christianisme, révolution éthique et révolution eschatologique. Dans les chapitres suivants l’auteur montre à quel point la Bible a changé le monde « en mettant en relief la responsabilité individuelle, en donnant comme mot d’ordre l’amour du prochain… ». Ce faisant, la Bible dit bien plus que ce qu’affirme la « raison sécularisée » qui, elle, ne dit rien de la vie et de la mort, du bien et du mal.

Enfin c’est le christianisme qui a promu le libéralisme. L’affirmation ne se réduit pas au seul libéralisme économique ; elle met l’accent sur la liberté que possède l’homme de prendre son destin en main, d’assumer son avenir. Seule la liberté peut traduire de façon significative la charité en acte. Revenant sur l’histoire des racines chrétiennes de l’Europe et leur dénégation, l’auteur déplore le manque de courage des responsables politiques européens qui, à force de vouloir tout niveler, oublient ce que l’Europe, en tant que construction politique et économique, doit au christianisme. Ignorance ou lâcheté ? Les deux sans doute.

Un livre de conviction et de raison, en tous points passionnant !

Philippe Nemo, La belle mort de l’athéisme moderne, Puf, 2012, 149 pages, 15 €

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Recensions Religion

Charles le Catholique : De Gaulle et l’Eglise

Broché: 389 pages
Editeur : Plon (3 novembre 2011)
Langue : Français
ISBN-10: 2259212573
ISBN-13: 978-2259212571
Dimensions : 23,8 x 15,4 x 3,6 cm

 Charles le Catholique

Le livre de Gérard Bardy, Charles le Catholique, n’est pas le premier à mettre en scène la foi du Général de Gaulle. Michel Brisacier l’avait fait en son temps avec un livre intitulé La foi du Général ; de même qu’Alain Larcan avec De Gaulle inventaire. La culture, l’esprit, la foi. Bien d’autres ont été écrits sur ce thème : les convictions profondes qui animaient ce « souverain » (J. Lacouture). Cette abondance n’est pas le fruit du hasard. La foi du Général de Gaulle est  une sorte de foi du charbonnier, empreinte de piété et de référence constante à l’Ancien Testament et à l’Evangile. Sa correspondance privée est émaillée de citations bibliques. Souvent il fait référence à l’abnégation, à l’esprit de sacrifice, à l’héroïsme… Ce n’est pas le train-train qui l’intéresse, mais les vertus qui suscitent l’espérance. Tout, dans son attitude, atteste l’héritage catholique, familial d’abord, scolaire ensuite : élevé dans une famille très croyante le jeune Charles de Gaulle avait fait ses études chez les jésuites ; il en a été durablement marqué. « Son acceptation des sacrifices,  […]  son souci permanent de la dignité de l’homme, son respect de la morale tant privée que publique, le caractère sacré qu’il donne à la famille, sa relation à la souffrance, au handicap et à l’argent, ses manifestations de charité chrétienne faites avec une extrême discrétion » (p. 12) tout chez De Gaulle indique la prégnance d’une foi catholique indissociable des grandes heures de l’histoire de France. Toute laïque qu’elle est, la France demeure toujours dans son esprit « la fille aînée de l’Eglise ».

Toute sa vie De Gaulle manifesta une foi profonde. S’il savait, en tant que président d’une République laïque, marquer la distinction entre ce qui ressort du comportement public du privé, il était enclin à avoir de la France une image puisée dans la littérature chrétienne. Dans ses discours et ses allocutions les mots à connotation religieuse sont légion. En privé, sous une grande pudeur, le Général de Gaulle manifestait une grande piété. Devant la grandeur divine, il n’hésite pas à se reconnaître humble pécheur.

Gérard Bardy nous gratifie d’un ouvrage remarquable, autant par la facilité de lecture que par la sûreté de l’information. De Gaulle fut sa vie entière imprégné des valeurs classiques du catholicisme. Finalement, tant par son style que par ses croyances, De Gaulle apparaît comme un homme du XIX° siècle, un siècle qui, contrairement au mot féroce de Léon Daudet, fut loin d’être stupide

Gérard Bardy, Charles le Catholique : De Gaulle et l’Eglise, Plon, 2011, 385 pages, 22 €

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Recensions Témoignages

Le prix à payer

Broché
Editeur : Editions de la Loupe (22 octobre 2010)
Collection : Récit
Langue : Français
ISBN-10: 2848683406
ISBN-13: 978-2848683409
Dimensions : 21,8 x 14,8 x 2,6 cm

 Le prix à payer

Alors qu’en Occident on n’a jamais construit autant de mosquées, la situation des chrétiens en pays musulmans demeure des plus précaires. Mais ce n’est pas la pire. Quitter l’islam pour une autre religion, autrement apostasier, ou tout simplement prendre le parti de l’athéisme ou de l’agnosticisme est pratiquement impossible. Ou alors à ses risques et périls. C’est dans sa chair, au péril de sa vie, que Joseph Fadelle a fait l’expérience de cette impossibilité : abjurer l’islam, c’est être un traître. Quand on sait à quel point l’honneur familial est important dans les sociétés musulmanes, un traître n’a droit à aucune pitié. C’est sur sa propre tentative d’assassinat par ses frères que commence Le prix à payer. L’essentiel reste la conversion de ce chiite irakien, héritier d’une famille puissante, et qui aurait eu tout à gagner à demeurer musulman, quitte à vivre dans l’hypocrisie. Oui, mais voilà, la rencontre personnelle qu’il fait avec le Christ, dans la personne d’un compagnon de chambrée chrétien, va complètement bouleverser le cours de sa vie. Témoignant au début de beaucoup de morgue à l’égard de Massoud, le chrétien, il en vient à s’intéresser à la vie de Jésus de Nazareth, à lire les Evangiles. Et là, stupéfaction ! La grâce du Christ opère, par la lecture et par un songe dans lequel l’auteur reconnaît le Christ qui lui offre le « pain de vie ». La suite, Joseph Fadelle – anciennement Mohammed – la décrit avec une simplicité et une force qui rendent la lecture passionnante : le reniement de son père, la rencontre avec des prêtres et des religieuses, la proximité toujours plus grande du Christ, une vie quotidienne entre peur et dissmulation… En 2001, Joseph Fadelle et sa famille gagnent la France via la Jordanie.

Œuvre poignante, Le prix à payer raconte l’inexorable descente aux enfers de ces musulmans qui choisissent par conviction de devenir chrétiens. Une question qui devrait être au cœur du dialogue islamo-chrétien. Le respect des consciences ne peut pas être unilatéral.

 
Joseph Fadelle, Le prix à payer, Editions de l’œuvre, 2010, 221 pages, 19 € (également disponible en Pocket)

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Recensions Religion

Manuel de théologie fondamentale

Broché: 874 pages
Editeur : Cerf; Édition : Nouvelle (7 novembre 1990)
Collection : Cogitatio Fidei
Langue : Français
ISBN-10: 2204031194
ISBN-13: 978-2204031196
Dimensions : 21,4 x 13,2 x 4,4 cm

 Manuel de théologie fondamentale

Il n’y a pas qu’en économie, dans le dialogue social ou en sport que les Allemands sont bien placés. La production livresque germanique est également digne du plus haut intérêt. Au minimum, elle indique l’excellence de la patrie de Goethe dans le domaine intellectuel. Depuis environ deux siècles, dans un certain nombre de sciences les Allemands sont à la pointe. En matière d’exégèse biblique et de recherches théologiques, ils sont parmi les meilleurs, si ce n’est les premiers. Au XIX° siècle, ils avaient Strauss et Harnack. Au XX° siècle, ils ont eu Rahner, Ratzinger… ainsi que toute une pléiade de théologiens, protestants et catholiques, de très haut niveau. Tant en matière d’exégèse, de droit canonique, de liturgie ou de dogmatique, la production allemande compte parmi ce qui se fait de mieux. Le jésuite Hans Waldenfels fait partie de ces théologiens. Son Manuel de théologie fondamentale – un pavé ! – constitue un travail très longue haleine. Le résultat, sous forme de synthèse, est impressionnant. En cinq parties d’égale longueur (la théologie et son contexte, Dieu, le Christ, l’Eglise, l’Evangile), H. Waldenfels donne l’essentiel de ce qu’il y a lieu de savoir une fois que l’on a abordé cet immense continent qu’est la théologie, y compris la pensée qui entend la réfuter : l’athéisme. La construction de l’ouvrage est typique du produit de l’Université allemande : toutes les informations données sont hiérarchisées, systématisées. Par exemple, le chapitre consacré à Jésus s’ouvre par une partie intitulée « Points de vue ». Comme il s’agit d’un manuel, ne sont pas exposés là les points de vue de l’auteur sur le Christ. Non, ce qui a intéressé l’auteur c’était de considérer ce qui était dit sur le Christ, vu d’en haut, d’en bas, de l’intérieur et de l’extérieur, ceci afin de ne rien oublier de ce que l’apologie ou la critique aurait pu produire sur le sujet.

 

La première édition de cet ouvrage datant de plus de vingt ans, on pourra trouver les sources quelque peu datées, c’est sans doute regrettable mais cette imperfection a le mérite de replacer l’ouvrage dans une époque ; il ne faut jamais oublier que la théologie est une discipline vivante. Evidemment, la lecture d’une telle masse est aride ; elle exige la pleine concentration du lecteur. Pourtant, une fois cet écueil dépassé, demeure l’ineffable plaisir d’avoir vogué du côté des cimes.

Hans Waldenfels, Manuel de théologie fondamentale, Le Cerf, 2010, 868 pages, 47.50 €

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Recensions Témoignages

Dans les forêts de Sibérie

Poche: 304 pages
Editeur : Folio (26 avril 2013)
Collection : Folio
Langue : Français
ISBN-10: 207045150X
ISBN-13: 978-2070451500
Dimensions : 17,8 x 10,8 x 1,2 cm

 Dans les forêts de Sibérie

Avec ce nouvel opus, Sylvain Tesson nous offre un incroyable bol d’air glacial, un air sibérien, à proximité du Lac Baïkal. Las de cette vie moderne qui ne fait plus la place au silence et à l’intériorité, l’auteur a vécu, durant six mois, une vie d’ermite au bord du Baïkal, le plus grand lac du monde, en pleine Sibérie, là où faire des centaines de kilomètres sans rencontrer âme qui vive ressort de l’ordinaire. Dans sa cabane, l’ermite volontaire savoure le temps qui passe, il prend plaisir à ne rien faire, à contempler le rythme des jours et des saisons. Notre Robinson Crusoë n’est pas venu les mains vides. Il est arrivé avec des vivres, du matériel, une caisse de livres, de la vodka et… des icônes orthodoxes, histoire de s’immerger pleinement dans l’éternelle Russie. Ah ! Lire Hemingway ou Camus, seul dans sa cabane, alors que le voisin le plus proche habite à quatre heures de marche, quelle volupté ! Bien sûr, il y a un prix à payer à cette fuite du monde : on ne revient pas indemne de six mois de solitude ou, à l’exception de quelques rares visites, les seuls êtres animés rencontrés sont des animaux sauvages. Il n’en reste pas moins que l’auteur met le doigt sur une aspiration, un fantasme que probablement beaucoup partagent : une vie simple, loin du charivari engendré par la vie moderne.

Pour s’évader d’un quotidien qu’ils jugent morne et routinier, nombreux sont-ils à prendre la route ou l’avion pour… s’entasser sur une plage des Antilles ou de Thaïlande. Ce qui paraît pour beaucoup le comble de l’exotisme ne souffre pas la comparaison avec l’expérience vécue par l’auteur qui, après avoir lu la Vie de Rancé, consigne ces lignes : « L’exotisme, c’est de naviguer dans les intrigues politiques, les chinoiseries de la cour versaillaise, les haines mazarines et les brûlures jansénistes pendant que le vent agite doucement les cèdres sibériens. » (p. 171).

On connaissait les qualités d’écriture de Sylvain Tesson. Le Prix Médicis qui a été décerné à ce livre est amplement mérité. De superbes trouvailles stylistiques – comme ce bel oxymore : « On ne se sent jamais aussi vivant que mort au monde », d’une grande vérité – donnent encore plus de corps à une oeuvre envoûtante.

 

Sylvain Tesson, Dans les forêts de Sibérie, Gallimard, 2012, 267 pages, 17.90 €