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Actualités Recensions

Bienvenue dans le pire des mondes

Broché : 216 pages
Editeur : Plon (17 novembre 2016)
Langue : Français
ISBN-10 : 2259251595
ISBN-13 : 978-2259251594
Dimensions : 13,4 x 2,1 x 20,2 cm

 Bienvenue dans le pire des mondes

D’emblée, le ton est donné. Sommes-nous en train d’assister à la victoire – comme annoncée en sous-titre – de ce que les auteurs appellent le « soft totalitarisme » (projet d’un marché mondial financiarisé aux mains d’une minorité fortunée) ? Totalitarisme ! Un mot lourd de sens qui nous renvoie aux cauchemardesques tentatives nazie et communiste. Est-il exagéré et déraisonnable d’utiliser un tel vocabulaire dans nos sociétés d’abondance et de liberté ? Dès l’introduction, les chevaux sont lâchés. Beaucoup de concitoyens n’ont-ils pas le sentiment, tout comme les auteurs, que l’on n’est plus vraiment en démocratie ? Certes, le droit de vote existe toujours mais puisqu’il n’y a pas d’alternative au règne tout puissant du marché – ce que certains appellent le turbo-capitalisme -, tout se conjugue afin de laisser une oligarchie détenir l’ensemble des leviers de commande et livrer les masses à la consommation et au divertissement. L’idée démocratique elle-même a du plomb dans l’aile, « menacée par l’alliance redoutable des marchés financiers et des nouvelles technologies ». Une société démocratique ne fonctionne bien qu’avec une classe moyenne suffisamment forte, un niveau d’instruction et d’éducation de qualité, un ascenseur social qui fonctionne, un niveau d’inégalités raisonnable, la notion partagée de que doit être le bien commun et ainsi de suite. Il faut bien avouer que, de quelque côté que l’on se tourne, la plupart de ces concepts n’ont plus qu’un lointain rapport avec l’idée que l’on s’en faisait naguère. A lire les auteurs, si nos sociétés ne se délitent pas plus rapidement, c’est que l’oligarchie a réussi ce tour de passe-passe consistant à acheter la paix sociale : tant qu’existe un minimum de distribution le système a toutes les chances de s’auto-perpétuer. Il n’y a pas de complot derrière tout cela, mais simplement des intérêts puissants ayant intérêt à ce qu’un pouvoir d’achat minimal, permettant au plus grand nombre de se divertir à son aise, les laisse en paix.

 

Natacha Polony & le Comité Orwell, Bienvenue dans le pire des mondes, Plon, 2016, 213 pages, 14.90€

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Histoire Recensions

Histoire de l’Armée française, 1914-1918

Broché : 519 pages
Editeur : Editions Tallandier (9 mars 2017)
Langue : Français
ISBN-13 : 979-1021023963
ASIN : B01MYZLCLE
Dimensions : 21,5 x 3,6 x 14,5 cm

 Histoire de l’Armée française, 1914-1918

Lorsque sonne le clairon annonciateur de l’armistice, le 11 novembre 1918, l’Armée française est sans conteste la première du monde. Par la qualité de ses chefs, l’abondance de son matériel, son expérience stratégique et tactique, elle dépasse les autres armées alliées. La synthèse de François Cochet et Rémy Porte concerne l’ensemble des ressources mises en œuvre par l’Armée à la fin du conflit : combat, production d’armes, camouflage, logistique, commandement et ainsi de suite. Le tableau donne une fine appréciation du poids que représente l’outil militaire en cette cinquième année de guerre. Sans oublier le fait que, pour impressionnant qu’il paraisse, cet instrument commence à accumuler les handicaps qui vont directement mener à la raclée du mois de mai 1940. De plus en plus lourde et de moins en moins innovante, l’Armée française sera incapable d’enrayer un déclin qui était en germe dès la Première Guerre. De ce point de vue, on aurait aimé que la comparaison soit établie avec les principales armées du moment, amies ou ennemies. Honnête, bien documentée, écrite de façon très claire par deux spécialistes reconnus, cette Histoire… , qui retrace les « évolutions et adaptations des hommes, des matériels et des doctrines », pose un jalon dans l’historiographie propre à la période. Dernière chose à souligner, les auteurs ont raison, nous semble-t-il, de réhabiliter le corps des officiers supérieurs. Si beaucoup furent médiocres et dépassés par les événements, encore plus étaient-ils à prendre soin des hommes placés sous leur commandement. Les auteurs tordent le cou à la légende d’officiers calfeutrés dans leur bureau, loin du front, à l’abri du danger. Ils ont été nombreux, parmi les généraux et les colonels, à tomber sous les coups de l’ennemi. S’il y eut de gravissimes fautes, cette guerre n’a jamais été une guerre de classes.

 

François Cochet & Rémy Porte, Histoire de l’Armée française, 1914-1918, Tallandier, 2017, 520 pages, 25.90€

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Actualités Recensions

La cour des miracles

Broché : 384 pages
Editeur : Les éditions de l’observatoire (7 juin 2017)
Collection : EDITIONS DE L’O
Langue : Français
ISBN-13 : 979-1032900123
ASIN : B01N3AYAIB
Dimensions : 20 x 3,1 x 13 cm

 La cour des miracles

Un livre signé Michel Onfray est toujours un événement même si, publiant énormément, son auteur risque les redites et les approximations. Nombreux sont les domaines de prédilection d’un philosophe qui n’hésite jamais à se faire historien, historient des idées, de la psychanalyse, de la civilisation occidentale. Michel Onfray n’a jamais caché, même s’il affiche clairement sa résolution de ne plus voter, son intérêt pour la politique. Son dernier livre, La cour des miracles, est le carnet de campagne des dernières élections présidentielles. Michel Onfray raconte les présidentielles, depuis les primates de la droite et de la gauche, vue de sa fenêtre. Il ne le fait pas avec le dos de la cuiller et ose appeler un chat un chat, c’est dire si certains – voire beaucoup ! – en prennent pour leur grade. En plus de quatre-vingts chapitres nerveusement écrits, Onfray distribue les coups, ne trouvant guère d’excuses à une classe politique qui se situe au-delà même de la pure déception. Comme beaucoup de Français, Michel Onfray ne croit plus à la politique et à ses représentants. Il la juge comme une sorte de théâtre d’ombres n’ayant aucune prise sur le réel. Ce n’est pas que la classe politique soit corrompue ou malhonnête, c’est ailleurs que se situe le problème. Notre philosophe est persuadé que, depuis l’adoption du Traité de Maastricht en 1992 et l’arrivée massive de la mondialisation, la part essentielle des décisions politiques est prise à l’extérieur. Dans ces conditions, la politique devient un cirque où l’essentiel consiste à faire comme si. Ce tableau sans concession et un tantinet désespéré nous rappelle la fragilité de la démocratie, laquelle demeure, quoiqu’on en dise, « le pire des régimes à l’exception de tous les autres » (W. Churchill).

 

Michel Onfray, La cour des miracles, L’Observatoire, 2017, 376 pages, 17€

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Histoire Recensions

Byzance la secrète

Broché : 250 pages
Editeur : Perrin (11 mai 2017)
Langue : Français
ISBN-10 : 2262047812
ISBN-13 : 978-2262047818
Dimensions : 14 x 2,6 x 21 cm

 Byzance la secrète

Pour beaucoup, Byzance n’est plus qu’un nom, certes fleurant un certain exotisme oriental, mais guère plus. Byzance, Constantinople puis, en 1930, Istanbul… Autant dire qu’aussi bien dans les mémoires que les livres d’histoire il ne reste plus grand-chose d’une civilisation qui s’étale sur plus d’un millénaire, ce qui n’est pas rien. Pascal Dayez-Burgeon, qu’on attendait plus sur les deux Corées dont il est un spécialiste reconnu, signe ici un livre remarquable, s’adressant aussi bien aux néophytes qu’à des lecteurs exigeants. Plutôt que de s’embarquer dans une vaste somme relatant, règne après règne, les fastes et l’agonie de cet Empire d’Orient fondé par l’empereur Constantin, il a préféré procéder par des petites touches susceptibles d’aiguiser l’appétit du lecteur. Un chapitre est consacré à la ville de Constantinople (Constantinople est la ville-phare de l’empire byzantin), tel chapitre au redoutable feu grégeois, tel autre à la guerre des images ou à l’importance des femmes dans la succession impériale, singularité assez invraisemblable dans un univers oriental exclusivement dominé par la gent masculine. Pascal Dayez-Burgeon réhabilite la civilisation byzantine oubliée, pont d’importance durant des siècles entre un Occident à la recherche de son identité et un Orient déjà riche d’histoire. On oublie combien la civilisation byzantine, séduisante et complexe, fascinait nos ancêtres. Byzance la secrète démontre à l’envi la vocation universelle de l’univers de Byzance, un monde qui, aussi curieusement que cela paraisse, s’est trouvé confronté à des questions qui se posent aujourd’hui avec acuité : « despotisme ou bien public, fanatisme ou tolérance, laïcité ou religion d’Etat, croissance ou stabilité, ouverture d’esprit ou choc des civilisations, Orient ou Occident, guerre ou paix ? » Bref, un livre nécessaire.

 

Pascal Dayez-Burgeon, Byzance la secrète, Perrin, 2017, 318 pages, 21€

 

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Littérature Recensions

Le royaume de Sobrarbe : Journal 2005

Broché : 673 pages
Editeur : Fayard (5 novembre 2008)
Collection : LITT.GENE.
Langue : Français
ISBN-10 : 2213629897
ISBN-13 : 978-2213629896
Dimensions : 23,5 x 4,8 x 15,5 cm

 Le royaume de Sobrarbe : Journal 2005

Parmi l’œuvre foisonnante de Renaud Camus, l’écriture du journal, année après année, constitue une singularité. En plus de vingt ans, l’essayiste aura noirci des milliers de pages traçant et retraçant le cours de sa vie. Celle-ci, semblable à celle de tous les auteurs du même genre, n’a rien de singulier et de palpitant, il faut bien le reconnaître. La vie de Renaud Camus zigzague entre travail harassant – il mène de front l’écriture de plusieurs livres -, difficultés financières, voyages, relations avec les éditeurs, etc. Ce sont là des marronniers que l’on retrouve régulièrement dans le Journal de l’auteur. Alors, pourquoi prendre du temps à la lecture de ces volumes qui atteignent généralement les 600 pages ? S’ils ne sont guère passionnants, comment justifier que le lecteur y consacre autant de temps ? Deux raisons me paraissent justifier l’investissement. D’une part, la qualité du style, jamais prise en défaut. Renaud Camus, auteur des Répertoire des délicatesses du français contemporains est l’un de nos meilleurs stylistes et cela n’a pas de prix. La seconde raison de l’attachement à ce journal est que l’auteur, qui n’est pas à première vue un être atrabilaire, exhale son désamour du monde contemporain, univers qui a largué les amarres avec son histoire, sa culture et son être profond. Chez Camus, cette méfiance extrême à l’égard du monde moderne se lit à travers la constance des humeurs qui sourdent chez lui devant l’enlaidissement de nos paysages et la nocence, ce travers qu’il a constaté chez beaucoup et qui consiste à vivre comme si les autres n’existaient pas. La vacuité de l’époque, le culte de l’éphémère, ce constant bruit de fond d’un temps qui invite à la consommation et au divertissement généralisé constituent, pour l’auteur du Château de Sobrarbe, les éléments clés de la « décivilisation ».

 

Renaud Camus, Le royaume de Sobrarbe : Journal 2005, Fayard, 2008, 675 pages, 36€

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Actualités Recensions

Un racisme imaginaire

Broché: 272 pages
Editeur : Grasset (1 février 2017)
Collection : essai français
Langue : Français
ISBN-10 : 2246857570
ISBN-13 : 978-2246857570
Dimensions : 14 x 2,3 x 20,3 cm

 Un racisme imaginaire

La nature humaine est parfois curieuse. Si l’on considère l’histoire politique du siècle dernier, on constate que les ennemis de la démocratie ont toujours trouvé des alliés sincères dans l’autre camp. De tous les pays de l’Europe se sont levés des collaborateurs du nazisme. Quant au communisme, il bénéficiait, en Occident, de l’aide des compagnons de route. Rebelote avec ce que d’aucuns nomment le totalitarisme islamique. Souvent issus de la gauche extrême, des naïfs trouvent toutes sortes d’excuses aux terroristes, nouveaux damnés de la terre qui, dans la conscience des déçus du tiers-mondisme à la sauce socialiste, incarnent l’espérance jadis portée par une classe ouvrière désormais aux abonnés absents. « L’avenir retiendra qu’au XXI° siècle, précise Pascal Bruckner, une large fraction des intelligentsias occidentales pactisa avec le totalitarisme intégriste comme leurs aînés avaient communié avec le nazisme ou le communisme. » (p. 82) L’aliment premier de ce soutien est fourni par la culpabilité post-coloniale. A cause des prétendus péchés commis en Asie ou en Afrique au XIX° siècle, l’Europe n’en a pas fini avec sa mauvaise conscience. En conséquence, elle doit s’excuser, battre sa coulpe. Cela conduit à un embrouillamini intellectuel qui tend à trouver des excuses aux poseurs de bombes, à relativiser la haine qu’ils portent à l’Occident. L’auteur du Sanglot de l’homme blanc n’a pas de mots assez durs à l’égard des collaborateurs des terroristes qui poussent le relativisme jusqu’à ne pas choisir leur camp. Comme il l’écrit, l’anticolonialisme est devenu « le cache-misère des soldats désœuvrés du progressisme » (p. 186) L’essai de P. Bruckner n’est pas un brûlot contre l’islam. Au contraire, il appelle les musulmans à rouvrir les portes de l’interprétation afin de débarrasser leurs Ecritures des ruisseaux de sang qui les innervent. Le souhait est à saluer, mais sera-t-il suffisant ?

 

Pascal Bruckner, Un racisme imaginaire, Grasset, 2017, 256 pages, 19€

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La longue montée de l’ignorance

Broché : 304 pages
Editeur : First (23 mars 2017)
Langue : Français
ISBN-10 : 2412015511
ISBN-13 : 978-2412015513
Dimensions : 14 x 2 x 22,5 cm

 La longue montée de l’ignorance

Il n’est qu’à ouvrir ses yeux et ses oreilles pour se rendre compte de la menace qui vient. Jadis sournoise, elle avance aujourd’hui fièrement, revendiquant son absorption d’une partie de plus en plus importante de la population. Dans un ouvrage solidement étayé, Dimitri Casali revient sur les raisons et l’état des lieux de la catastrophe culturelle que connaît le pays depuis quelques dizaines d’années. Il n’a pas tardé à constater, effaré, les progrès de l’inculture, le manque d’appétit pour le savoir, la relégation aux marges de l’analyse critique et de la capacité d’une réflexion bâtie sur le temps long capable de s’affranchir des impératifs liés à la communication… Dans une première partie, l’auteur s’emploie à définir l’ignorance puis, dans une seconde, à placer celle-ci dans le cadre des nouvelles technologies. Il est vrai qu’Internet, avec ses encyclopédies en ligne, est sans doute un instrument efficace mais qui nuit à l’esprit critique, au raisonnement étayé, à la classification des arguments… bref, à tout ce qui permet de consolider une réflexion honnête et libre. Comment ne pas être d’accord avec le constat dressé par D. Casali : l’inexorable ascension d’une inculture fièrement revendiquée, à commencer dans certains médias qui galvaudent systématiquement la culture et ses expressions ? De même, comme l’auteur, il faut s’inquiéter de l’impérialisme des écrans et de l’imprégnation des réseaux sociaux sur la jeunesse, qui donne une fausse image du savoir, le ringardisant à outrance, et bâtissent la vie sur la seule exigence de l’utilitarisme. Cela dit, l’auteur se cantonne à un constat, ne donnant que rarement quelque possibilité d’échapper à l’invasion de la sottise. Autre faiblesse du livre : le lien religion et culture est trop sommairement traité. Le catholicisme a connu Torquemada, mais aussi saint Augustin, saint Thomas d’Aquin, Mauriac et Bernanos. C’est dire ainsi le côté un peu superficiel de cette analyse.

 

Dimitri Casali, La longue montée de l’ignorance, First Editions, 2017, 256 pages, 16.95 €

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Histoire Recensions

La malédiction de Svetlana

Broché : 554 pages
Editeur : Albin Michel
Collection : LITT.GENERALE
Langue : Français
ISBN-10 : 2226328602
ISBN-13 : 978-2226328601
Dimensions : 22 x 3 x 15 cm

 La malédiction de Svetlana

Innombrables et souvent de qualité sont les biographies de Staline. Tous les pans de sa vie ont été maintes fois passés en revue. On en sait moins, en revanche, à propos de sa famille, de ses enfants surtout. La copieuse biographie que Beata de Robien a consacrée à la fille de Staline, Svetlana, vient combler un vide. En des chapitres courts, aidée d’un style nerveux, Beata de Robien fait entrer le lecteur dans l’intimité de la vie familiale du plus grand tyran du XX° siècle. Chose assez curieuse, les premières années montrent en Staline un père attentionné, capable de se montrer tendre à l’égard de sa dernière-née, sentiment qu’il n’a pas montré avec ses fils Iakov et Vassili. Un attachement réciproque tisse des liens d’affection entre le maître du Kremlin et sa fille chérie. Mais la paranoïa qui saisit le dictateur à la fin des années 1930 sonne le glas de cette  liaison. Les tensions qui saisissent l’Urss ont à la longue un effet délétère sur une Svetlana qui, dans sa vie privée, connaît échecs et désillusions. Au milieu de ses aventures galantes, après plusieurs mariages qui sont autant d’échecs, elle réalise qui est vraiment son père et ce à quoi ressemble l’Urss : une vaste prison à ciel ouvert dans laquelle la vie d’un homme ne vaut pas un kopeck. Profitant d’un séjour en Inde, en 1964, elle décide de rompre définitivement avec sa patrie pour demander l’asile politique aux Etats-Unis. Son histoire américaine ressemble à la vie qu’elle menait jadis en Union soviétique. A la fois instable, colérique et généreuse, elle s’enferre dans une vie quotidienne d’une absolue médiocrité. Quatre mariages ratés et trente-sept déménagements montrent à quel point le bonheur n’était pas fait pour Svetlana.

Le récit très documenté de Beata de Robien montre à quel point une malédiction s’est attachée à tous ceux qui fréquentaient de près Staline. Le bonheur les fuyait constamment.

 

Beata de Robin, La malédiction de Svetlana, Albin Michel, 2016, 553 pages, 24 €

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Actualités Recensions

Scènes de la vie intellectuelle en France

Broché : 240 pages
Editeur : L’artilleur (26 octobre 2016)
Collection : TOUC.ESSAIS
Langue : Français
ISBN-10 : 2810007373
ISBN-13 : 978-2810007370
Dimensions : 14,2 x 2 x 22 cm

 Scènes de la vie intellectuelle en France

Beaucoup de vérités ne sont pas bonnes à dire. Dès que l’on ose sortir des sentiers balisés par le politiquement correct, toute une meute se lance à vos trousses. Sus à l’outrecuidant qui se permet d’écrire ou de dire ce qui contrevient aux intérêts des rentiers du conformisme. Dans son livre Scènes de la vie intellectuelle en France, André Perrin revient sur quelques affaires qui ont défrayé la chronique depuis l’an 2000. Il en a retenu les plus symptomatiques, celles qui illustrent magnifiquement cette difficulté à débattre en toute sérénité. L’historien Sylvain Gouguenheim a été livré à la vindicte par ce qu’il avait le toupet de relativiser l’apport arabe dans la transmission des grands textes de l’Antiquité ; il ne fallait pas oublier le rôle des moines en Occident, eux qui n’avaient eu de cesse de traduire Aristote ou Galien. S. Gouguenheim attribuait une attention particulière au travail de traduction de Jacques de Venise, dont le rayonnement avait été assuré par les abbés du Mont-Saint-Michel. Autre lieu, autre affaire et même déni des réalités : les réactions offusquées ayant suivi le discours prononcé par le pape Benoît XVI à Ratisbonne, en septembre 2006. D’un texte dense et d’une indéniable hauteur de vue, la presse n’avait retenu que les trois ou quatre lignes dans lesquels le pape soulignait une certaine violence inhérente à l’islam. Encore ne le faisait-il qu’en rapportant les propos de l’empereur byzantin Manuel II Paléologue.  André Perrin aligne ainsi une dizaine d’affaires qui témoignent d’une vraie difficulté à débattre hors des sentiers battus. Il souhaite tordre définitivement le cou à « des attitudes et des procédés qui rendent impossible un vrai débat » (p. 19), une sorte d’inquisition qui condamne un penseur simplement sur son nom. Dans le pays de Voltaire, a-t-on peur du débat ?

 

André Perrin, Scènes de la vie intellectuelle en France, L’Artilleur, 2016, 239 pages, 20 €

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Histoire Recensions

S.P.Q.R. Histoire de l’ancienne Rome

Broché : 590 pages
Editeur : Perrin (13 octobre 2016)
Langue : Français
ISBN-10 : 2262048711
ISBN-13 : 978-2262048716
Dimensions : 16,7 x 4,4 x 24,1 cm

 S.P.Q.R. Histoire de l’ancienne Rome

Encore une histoire de la Rome antique ! Oui, sans doute, mais une histoire qui ajoute et qui précise. Après avoir passé cinquante ans de sa vie à étudier l’histoire de la Rome républicaine et impériale, l’universitaire britannique Mary Beard a éprouvé le besoin de synthétiser le fruit de son travail dans un épais volume retraçant de façon originale une histoire s’étalant sur sept à huit siècles. Manque ici les trois derniers siècles, soit le Moyen et le Bas-Empire. Si l’historienne achève son livre sur la liste des quatorze premiers empereurs, c’est que les gouvernements de ces derniers ont duré plus longtemps que les règnes éphémères de leurs successeurs et que Rome, en tant que capitale, brillait encore de ses mille feux. On sait qu’ensuite elle a décliné, passant la main à Constantinople et à Ravenne. En retraçant l’histoire de Rome depuis sa fondation par les jumeaux Remus et Romulus jusqu’au fameux édit de Caracalla (milieu du III° siècle) accordant la citoyenneté romaine à tous les sujets libres de l’empire, Mary Beard offre un panorama d’une richesse insoupçonnée. Alternant histoire politique, militaire, sociale, économique et quotidienne, il nous semble que l’auteur tente de recréer le monde romain de la façon la moins inappropriée. Lorsqu’elle relate les luttes de fonctions lors des dernières années de la République finissante, qu’elle évoque l’étroitesse des rues, la saleté et le bruit qui y règne, difficile de ne pas songer à la remarquable série d’HBO, Rome. La ville de Rome ressemblait-elle à ce qu’en dit Mary Beard, difficile de savoir ? Néanmoins, l’érudition de l’auteur, aidée par une bonne centaine d’illustrations et un appareil critique conséquent en fin d’ouvrage, permet d’affirmer que nous tenons là un des meilleurs livres écrits sur Rome durant ces années passées.

 

Mary Beard, S.P.Q.R. Histoire de l’ancienne Rome, Perrin, 2016, 591 pages, 26 €