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L’Eglise catholique. Son être, sa réalisation, sa mission

Broché: 528 pages
Editeur : Cerf (10 avril 2014)
Collection : COGITATIO FIDEI
Langue : Français
ISBN-10: 2204100676
ISBN-13: 978-2204100670
Dimensions : 21,4 x 13,6 x 3,2 cm

 L’Eglise catholique. Son être, sa réalisation, sa mission

Président du Conseil pontifical pour la promotion de l’unité des chrétiens, le cardinal Walter Kasper n’hésite pas, de temps à autre, à reprendre du service dans ce domaine de la théologie dont il est un des meilleurs spécialistes : l’ecclésiologie, c’est-à-dire l’étude de l’Eglise. Comme il a l’occasion de l’écrire, l’Eglise prend ici diverses acceptions, de l’Eglise en tant que mystère à l’Eglise considérée comme institution. Comme l’affirme l’auteur, l’ecclésiologie « est en tant que théologie ecclésiale une réflexion de l’Eglise sur elle-même et sur sa mission dans le monde » (p. 78). Dans la mesure où l’ouvrage est publié au sein d’une collection consacrée à la théologie (Cogitatio Fidei), il ne faut pas s’attendre à une œuvre facile. L’Eglise catholique requiert un véritable effort d’attention et de compréhension car la réflexion touche de nombreux domaines hélas peu familiers à l’immense majorité des chrétiens. L’histoire universelle du salut ou la détermination de l’être de l’Eglise risquent d’apparaître obscures à beaucoup. C’est que Walter Kasper, en grand théologien surplombant son sujet, manie force sources et concepts. Avec une maîtrise insurpassable, il décline la matière de façon à considérer l’ensemble des champs d’action et de pensée touchés de près ou de loin par l’ecclésiologie. Peuple de Dieu, ministère de Pierre, responsabilité des laïcs, monachisme, avenir de la paroisse, rien de ce qui constitue l’être profond de l’Eglise n’est oublié. L’Eglise considérée comme institution, comme structure ! Voilà qui pourrait effrayer les plus rétifs à l’idée d’une Eglise vue comme une société, mais qu’ils se rassurent. En effet, l’auteur, n’oubliant jamais qu’il est d’abord théologien, enracine continûment sa pensée dans l’Ecriture.

Il y a plusieurs façons de lire semblable livre. Pour les plus entreprenants ou les plus courageux, on peut le travailler classiquement, de son ouverture à sa conclusion. On peut également picorer de ci de là des éléments de culture ou d’apprentissage de la foi catholique. Au total, L’Eglise catholique constitue un ouvrage quasi définitif sur le sujet, un outil important pour faire accroire que l’Eglise est toujours « mieux le peuple de Dieu, porteur de la Bonne Nouvelle du salut. »

 

Walter Kasper, L’Eglise catholique. Son être, sa réalisation, sa mission, Cerf, 2014, 583 pages, 49 €

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Chrétiens d’Orient : ombres et lumières

Broché: 327 pages
Editeur : Editions Thaddée (1 octobre 2013)
Langue : Français
ISBN-10: 2919131125
ISBN-13: 978-2919131129
Dimensions : 19,8 x 13,8 x 3 cm

 Chrétiens d’Orient. Ombres et lumières

Durant trois ans, en gros de 2010 à 2013, Pascal Maguesyan, journaliste et photographe, a sillonné le Proche et le Moyen-Orient, de l’Arménie à l’Egypte, en passant par la Turquie, l’Iran et la Syrie. De ses voyages il en a tiré de multiples rencontres, des portraits, des descriptions. Lui, dont les grands-parents étaient des rescapés du génocide perpétré en 1915 par le gouvernement jeune-turc d’Ankara, ne peut que se sentir étroitement solidaire de ce qu’il nomme les « peuples racines », des peuples qui étaient là bien avant l’arrivée de l’islam. Par touches subtiles, Pascal Maguesyan nous fait entrer dans l’univers des chrétiens orientaux, un monde attachant, défenseur coûte que coûte de son identité et de ses traditions, mais menacé de maints côtés. Dans cet Orient, à la fois proche et lointain, mu par une religiosité dont nous n’avons plus idée, règnent ombres et lumières. Beaucoup de ces lumières sont – pour reprendre le titre du dernier essai de Jean-Marc Ferry – celles de la religion dans la mesure où celle-ci est l’élément constitutif fondamental de l’identité de ces populations. Ce sont les particularités et singularités de ces « peuples racines » qui les rendent tellement attachants, si nécessaires à une région que les minorités ethniques et religieuses ont tendance à déserter. Les ombres, très nombreuses, expliquent l’exode de nombreux chrétiens d’Orient qui fuient leur patrie pour les « eldorados » européen, américain ou australien. La montée de l’extrémisme musulman, la crise économique et l’absence de toute perspective constituent les premiers facteurs de leur départ. Quant à ceux qui restent, ou ils rasent les murs ou ils se réfugient dans un communautarisme très identitaire, à l’image de nombreux coptes orthodoxes en Egypte. Pascal Maguesyan dépeint des personnages attachants, mortifiés devant la cruauté et la lâcheté dont ils sont victimes. Sans doute font-ils leur l’opinion du journaliste : « J’ai vu la même incompréhension face au déferlement de haine xénophobe et islamiste, le même sentiment d’abandon d’un Occident moraliste et cupide. » (p. 302)

Revenu dans la terre de ces ancêtres, l’auteur offre le récit poignant d’une civilisation jadis prospère, aujourd’hui à l’abandon. Les cimetières de pierre qu’il découvre en pays kurde, en Turquie ou en Iran, montrent à quel point cette histoire précieuse est menacée. Mais, en dépit de toutes les difficultés observées, Pascal Maguesyan veut croire, pour ces populations, en un avenir possible. Des signes positifs l’y incitent comme l’intérêt des expatriés pour leurs racines ainsi que quelques ouvertures provenant de régimes musulmans. Un livre nécessaire.

 

Pascal Maguesyan, Chrétiens d’Orient. Ombres et lumières, 2014, Editions Thaddée, 328 pages, 25 €

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Les lumières de la religion

Broché: 225 pages
Editeur : Bayard Jeunesse (3 octobre 2013)
Collection : ESSAIS
Langue : Français
ISBN-10: 2227485345
ISBN-13: 978-2227485341
Dimensions : 18,8 x 14,2 x 2 cm

 Les lumières de la religion

S’il n’existe plus guère de grands théologiens en Europe, les philosophes, eux, n’ont pas désarmé. Ils travaillent et publient et Jean-Marc Ferry, professeur de philosophie à l’Université de Nantes, n’est pas le dernier à le faire. Si ces intellectuels ne reprennent pas le flambeau des théologiens – ce qui n’est, évidemment, pas leur rôle -, on constate toutefois qu’ils prennent à bras de corps des questions qui autrefois étaient davantage portées par des hommes de religion que par des universitaires.

Quand on évoque les « lumières de la religion », de quoi s’agit-il ? Elodie Maurot, qui interviewe Jean-Marc Ferry, donne la réponse en introduction : par cette expression « le philosophe entend signifier que les religions ne sont pas en opposition avec la modernité et qu’elles peuvent apporter leur contribution à la vie des sociétés démocratiques. » (p. 8)On entend d’ici les cris d’orfraie poussés par certains hérauts de la laïcité qui, par principe, estiment que la religion doit se cantonner dans la sphère privée, voire l’intimité des personnes. Jean-Marc Ferry n’est manifestement pas d’accord avec cette vision rétrécie de la laïcité ; il pense, au contraire, que « les religions sont invités à porter leurs lumières » car « elles sont porteuses d’un patrimoine, de traditions, d’une expérience, ce qui n’est pas superflu dans la situation démunie où nous trouvons parfois, face à des problèmes délicats qui touchent à la vie et à la dignité humaine. » (p. 99) Grâce à leur capital d’expérience, les religions peuvent être d’un précieux secours, spécialement dans les domaines qui concernent la dignité de la personne, de la gestation pour autrui à l’euthanasie. Mieux, selon l’auteur, de nombreux problèmes éthiques frappent à la porte de la société dont les religions sont pratiquement les seules, jusqu’à présent, à s’être emparées. « La religion », lance l’auteur, « est un protagoniste important pour des débats qui touchent à la vie, à la mort, à la souffrance morale, à la vulnérabilité […], au sen de l’existence. » Pourquoi faudrait-il, au nom d’une conception étroite et mesquine de principes juridiques qui datent, se priver d’emblée de leurs compétences ? En vertu de leur empathie naturelle envers tout ce qui touche à la dignité des personnes, et d’abord des plus faibles, voyons, affirme Jean-Marc Ferry, ce que les religions ont à nous dire. Ne nous privons pas de leurs lumières face à des problèmes aussi compliqués qu’inédits.

Les lumières de la religion ne constituent pas un livre facile. La subtilité de la pensée de Jean-Marc Ferry et l’utilisation d’un vocabulaire philosophique ne simplifient pas la tâche du lecteur. Cette difficulté surmontée, on prendra acte d’une pensée vivante et ouverte qui, grâce à la compétence philosophique et juridique de l’auteur, mesure le tournant dans lequel se trouve notre société.

 

Jean-Marc Ferry, Les lumières de la religion (entretien avec Elodie Maurot), Bayard, 2014, 226 pages, 19 €

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Le monde selon François

Broché: 174 pages
Editeur : Cerf (27 février 2014)
Collection : HISTOIRE A VIF
Langue : Français
ISBN-10: 2204101192
ISBN-13: 978-2204101196
Dimensions : 20,8 x 13,4 x 1,6 cm

 Le monde selon François

Un an après l’élection du cardinal Bergoglio au souverain pontificat, nombre de journalistes et d’observateurs tentent un premier bilan. Spécialiste des questions religieuses, Bernadette Sauvaget vient de publier un petit ouvrage fort éclairant, non seulement sur l’actuel pontificat, mais également sur la personnalité tout en paradoxe du pape François. « De quelle épaisseur humaine est fait ce nouveau pape  qui veut impérativement une réforme spirituelle et structurelle de son Eglise », s’interroge-t-elle dans l’introduction. Ce n’est pas seulement sur les « paradoxes d’un pontificat » – sous-titre du livre – qu’il faut s’interroger. En effet, la personnalité du pape jésuite n’est pas monolithique. Si le pape donne l’image d’un homme ouvert et sympathique, il n’en a pas toujours été ainsi. En Argentine, en tant que provincial des jésuites puis cardinal-archevêque de Buenos-Aires, il pouvait se montrer autoritaire et cassant. Aujourd’hui à la tête de l’Eglise catholique, on a l’impression qu’il révèle une autre nature, davantage bonhomme même si, en profondeur, il sait ce qu’il veut et n’hésite pas à décider d’autorité. Qui aurait cru que cet homme qui souriait peu et n’aimait pas sortir donne aujourd’hui le sentiment d’une grande affabilité et demande aux chrétiens, lorsqu’il s’agit d’évangélisation, de s’occuper d’abord des périphéries ? Ces différences ne sont en rien des revirements, encore moins des reniements de sa personnalité profonde. En fait, explique un familier du pape qui l’a bien connu en Argentine, « l’un des principes du cardinal, c’était de recevoir  la vie comme elle vient et de l’accompagner et non pas comme on prétendrait qu’elle devrait être » (p. 63).

Plaisant et facile à lire, Le monde selon François offre un éclairage convaincant  sur le pontificat qui commence. La personnalité de Jorge Mario Bergoglio attribue à ce dernier une tonalité particulière. En mettant ses pas dans ceux de saint François, il veut donner de l’Eglise l’image d’une institution proche et soucieuse de l’homme, plus décentralisée et collégiale. Cette dimension incarnée ne dissimule pas l’essentiel : qu’il se montre exigeant et autoritaire ou au contraire affable et ouvert, c’est d’abord sur la prière que le pape assied son action à la tête de l’Eglise.

Bernadette Sauvaget, Le monde selon François, Le Cerf, 2014, 176 pages, 20 €

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A la recherche du temps sacré

Poche: 263 pages
Editeur : TEMPUS PERRIN (6 février 2014)
Collection : Tempus
Langue : Français
ISBN-10: 2262043434
ISBN-13: 978-2262043438
Dimensions : 17,6 x 10,6 x 2,2 cm

 A la recherche du temps sacré

Publié à l’origine en 2011, A la recherche du temps sacré, du grand médiéviste Jacques Le Goff, fait l’objet d’une heureuse réédition. Tout l’ouvrage consiste en une lecture de la célèbre Légende dorée de Jacques de Voragine. En effet, pour J. Le Goff, La légende dorée n’est rien d’autre qu’une somme sur le temps, « à partir du temps calendaire de la vie quotidienne » (p. 235). Evidemment, il ne s’agit pas du temps de l’homme pressé d’aujourd’hui, mais du temps de l’homme médiéval, un homme à l’espérance de vie précaire et dont une grande partie de l’univers mental est marquée par le sacré chrétien. Le temps sacré médiéval repose sur la division entre le temporal, temps cyclique de la liturgie chrétienne et le sanctoral, marqué par la vie des saints. Dans l’univers surnaturel qui est le sien, Jacques de Voragine tente de raisonner de façon originale, en esprit rationnel. Il découpe l’année liturgique en plusieurs parties, du temps de la rénovation qui commence à l’Avent jusqu’à celui de la réconciliation  qui va du 18 mai (fête de saint Urbain) jusqu’au 27 novembre (saint Josaphat et saint Barlaam). Chacune des périodes (rénovation, réconciliation, pérégrination…) est l’occasion pour Jacques de Voragine d’entreprendre une catéchèse sur de grands noms bibliques ou des saints vénérés au Moyen Age. Chaque notice est à ses yeux une possibilité de catéchèse permettant de montrer qu’il existe un axe chrétien du temps, un début et un achèvement, ce que du reste la liturgie montre sous une autre modalité. C’est  avec un remarquable esprit pédagogique que J. Le Goff nous entraîne dans ce voyage dans la vie des saints, des martyrs et autres docteurs de l’Eglise.

A la recherche du  temps sacré marque la déférence de l’auteur pour Jacques de Voragine. En dépit des apparitions du merveilleux et du surnaturel, La légende dorée est, pour l’époque, une œuvre scientifique dans la mesure où son auteur n’hésite pas à hiérarchiser l’information, à distinguer le bon grain de l’ivraie.

Pour J. Le Goff, l’entreprise du célèbre dominicain était grandiose : « en s’appuyant sur le temps enchanter, sacraliser le monde et l’humanité ». Enchanter le monde ? Voilà qui serait salutaire à l’univers désenchanté qui est le nôtre.

Jacques Le Goff, A la  recherche du temps sacré, Tempus, 2014, 258 pages, 8.50 €

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La jeunesse étudiante chrétienne

Broché: 704 pages
Editeur : Cerf (2 décembre 2013)
Collection : HIST RELIGIEUSE
Langue : Français
ISBN-10: 2204095621
ISBN-13: 978-2204095624
Dimensions : 23,6 x 14,6 x 3,8 cm

 La jeunesse étudiante chrétienne

Le gros livre que Bernard Giroux vient de publier sur la jeunesse étudiante chrétienne (JEC) constitue ce qui se fait de mieux dans le genre : style agréable, sérieux de la recherche, variété des sources… Le caractère complet de cette étude monumentale ravira non seulement les personnes intéressées par l’histoire religieuse au XX° siècle, mais également celles et ceux qui sont nostalgiques de cette époque. De nos jours, on peine à imaginer ce qu’était le catholicisme de ces années 1930-1970, riche d’hommes de talent, intellectuellement chevronnés, spirituellement actifs.

Au début, l’auteur place la JEC dans le contexte global de l’Action catholique spécialisée qui, écrit-il, « est née du constat que les conditions de vie issues de la modernité constituaient un obstacle à la réception du message évangélique » (p. 149). Puis, au fil des pages, Bernard Giroux nous entraîne dans les méandres pas toujours tranquilles de l’évolution du mouvement, avec ses joies, ses heurts et malheurs. Les crises ponctuelles n’épargnent pas le mouvement, que ce soit au sein des équipes dirigeantes successives comme dans ses rapports avec la hiérarchie ecclésiale. Au fil des années, jusqu’aux années 1965-1975, les tensions se renforcent. Une majorité d’évêques ne comprend plus un mouvement qui prend ses aises avec la doctrine et les positions du Magistère. Quant aux jécistes, nombre d’entre eux mettent leur foi sur le fil du rasoir par leur approche irénique et toute en empathie de la doxa de l’époque. Ils sont nombreux à se sentir attirés par les sirènes du féminisme, du marxisme ou du structuralisme. Avec doigté, Bernard Giroux pointe l’ensemble de ses soubresauts, cherchant à chaque fois à en analyser les causes et les effets. Le souci pédagogique de l’auteur, constant d’un bout à l’autre du livre, aidera le non-initié à comprendre l’essor et le déclin d’un mouvement qui aura généré de multiples vocations, ecclésiales, intellectuelles, syndicales et politiques, comme René Rémond, Claude Dagens, Jean Boissonnat, Henri Nallet ou, plus près de nous, Marie Bové.

En lisant l’enquête réalisée auprès d’anciens membres de la JEC, qui conclut l’ouvrage, comment ne pas s’empêcher de penser que, en dépit des fautes commises, la JEC s’est avérée une belle école de formation ? Ce que l’on peut dire, du reste, pour la plupart des mouvements d’Action catholique spécialisée.

 

Bernard Giroux, La jeunesse étudiante chrétienne, Le Cerf, 2013, 694 pages, 46,50 €

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Les Eglises, les religions et la Shoah

Broché: 358 pages
Editeur : Cerf (7 mars 2013)
Collection : Histoire
Langue : Français
ISBN-10: 2204098558
ISBN-13: 978-2204098557
Dimensions : 23,4 x 14,4 x 2,8 cm

 Les Eglises, les religions et la Shoah

Les rapports des Eglises avec le nazisme et la Solution finale n’ont pas fini de faire couler beaucoup d’encre. Les Eglises, les religions et la Shoah est un livre qui permet de s’interroger à frais nouveaux sur la complexité de ces relations. Sous la plume de divers contributeurs, quantité de problèmes historiques sont abordés : la sempiternelle question des silence de Pie XII face à l’extermination des juifs d’Europe, la position des Eglises en Allemagne devant la persécution des juifs, le silence de Dieu dans les camps et son retrait face à l’indicible… A côté de ces questions torturantes d’autres apports pointent toutes ces lumières qui ne vacillaient pas dans la nuit qu’a connue l’Europe de cette époque. Le sauvetage des juifs à Marseille, l’aventure héroïque de jeunes chrétiens allemands au sein de La Rose blanche et l’histoire héroïque du P. Jacques de Jésus, dont le procès en béatification vient de commencer, montrent qu’amour et miséricorde n’avaient pas complètement capitulé. Tout était compliqué et souvent injuste dans l’Europe de ces années noires. Certains articles montrent combien le déchaînement des événements avait éclipsé la question de Dieu. Rares, par exemple, furent les manifestations de la foi dans les camps. Les déportés étaient tellement obsédés par leur survie que la question n’avait pour eux aucun objet. Cette constatation amène inévitablement à s’interroger sur le silence de Dieu à Auschwitz, sur la façon dont on peut concevoir Sa toute-puissance et l’infini de son amour après cette expérience d’horreur et de déréliction.

Le lecteur ressortira difficilement indemne de la lecture d’un tel ouvrage. La foi, juive ou chrétienne, n’est pas sortie grandie de l’horreur des camps et de la Shoah. Doit-on voir ici une quelconque victoire posthume du nazisme, lui qui voulait éradiquer judaïsme et christianisme pour une religion de « croyants-en-dieu », c’est-à-dire d’adeptes d’un culte mêlant au sein d’une même bouillie philosophico-religieuse le culte du chef et la mythologie nordique ? Les Eglises, les religions et la Shoah n’est pas qu’un livre d’histoire, il est aussi porteur de leçons pour aujourd’hui. En ces temps qui voient l’évanouissement des normes morales au profit de la technique et du marché, l’apprentissage d’une histoire aussi dramatique que celle de la Shoah ne peut être que profitable.

 

Renée Dray-Bensousan (sous la direction de), Les Eglises, les religions et la Shoah, Le Cerf, 2013, 358 pages, 22 €

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Anticatéchisme pour le christianisme à venir

Broché: 250 pages
Editeur : ALBIN MICHEL (2 septembre 2013)
Collection : SPIRITUALITE
Langue : Français
ISBN-10: 2226249540
ISBN-13: 978-2226249548
Dimensions : 22,4 x 14,8 x 2,4 cm

 Anticatéchisme pour le christianisme à venir

En revisitant cent un fondamentaux de la foi chrétienne, Christine Pedotti – alias Pietro de Paoli – entend d’abord se montrer pédagogue. L’utilisation de mots courants, d’un style simple et d’un ton positif est mise au service d’un livre soucieux de conformer le vocabulaire et les concepts de la foi catholique avec le langage qui sied aux contemporains. Entendons-nous bien, il ne s’agit pas ici de faire l’iconoclaste. Christine Pedotti entend demeurer fidèle à la foi de l’Eglise ; elle désire simplement contribuer à dépoussiérer un vocabulaire qui rencontre la plupart du temps un écho médiocre. Parler ici d’anticatéchisme paraît ambigu et ceux qui y chercheront quelque brûlot de la part d’une des fondatrices du Comité de la Jupe en seront pour leur frais. Ce que l’auteur dit par exemple de la tradition est éclairant. Moyen de lutter contre le fondamentalisme, la tradition est un concept dynamique, ce que soulignait en son temps feu le cardinal Congar, « canal par lequel la Révélation ne cesse de se déployer » (p. 236).

Cent un articles ! On est loin de la masse que représente le Catéchisme de l’Eglise catholique. Pour l’auteur, l’important n’est pas dans un exposé organique de la foi catholique. Il s’agit de revisiter des mots essentiels de la foi afin de les rendre compréhensibles et acceptables pour nos contemporains. Parmi ces derniers, tellement sont loin de la foi que l’essai de C. Pedotti paraît un moyen judicieux de rendre l’Eglise et sa foi plus proches. Beaucoup de remarques pertinentes (cf. articles « miracle » ou « œcuménisme ») achèvent de convaincre de la pertinence de l’ouvrage.

Piero de Paoli, Anticatéchisme pour le christianisme à venir, Albin Michel, 2013, 254 pages, 18 €

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Vladimir Ghika : Professeur d’espérance

Broché: 494 pages
Editeur : Cerf (22 août 2013)
Collection : L’histoire à vif
Langue : Français
ISBN-10: 2204100838
ISBN-13: 978-2204100830
Dimensions : 21,4 x 14,4 x 3 cm

 Vladimir Ghika : Professeur d’espérance

Le P. Vladimir Ghika est une des plus belles figures chrétiennes du XX° siècle. Sa nationalité roumaine, sa conversion au catholicisme – lui, le prince roumain de confession orthodoxe ! – et la fin de sa vie passée dans les geôles de la Roumanie communiste donnent un reflet particulier à cette belle biographie. Comment ne pas penser, lorsqu’on lit cette biographie, à la vie de ces évêques, prêtres, moines et moniales qui tentèrent de survivre aux grands totalitarismes du siècle passé : prêtres orthodoxes envoyés au Goulag, prêtres et pasteurs allemands tués pour leur foi, et tant d’autres ? Toujours rigoureuses, pleines d’empathie pour leur sujet, les deux biographes donnent à voir la vie pleine d’un baptisé laïc, puis d’un prêtre catholique confronté aux grands défis du monde de cette époque. Ami d’intellectuels catholiques comme Claudel et Maritain, il se montra soucieux du sort des pauvres, allant jusqu’à partager leur sort à Villejuif. Lorsque survint l’apocalypse, lui, qui est resté roumain de cœur gagna son pays natal afin d’aider les réfugiés et les personnes qui subissaient les violences de la dictature. A la fin de la guerre, inquiet devant la progression du communisme athée, il décida de rester. C’est là qu’il va livrer son plus beau combat en faveur de la vérité. Arrêté, torturé, exemplaire et toujours fort dans la foi, Mgr Ghika décède en 1954 dans une geôle roumaine. Il a été déclaré bienheureux et martyr en 2013. Merci à Francisca Baltaceanu et Monica Brosteanu d’avoir consacré temps et énergie à ressusciter par la plume cette magnifique figure d’homme et de prêtre.

Francisca Baltaceanu, Monica Brosteanu, Vladimir Ghika, professeur d’espérance, Le Cerf, 2013, 483 pages, 34 €

 

 

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Une Europe sans religion dans un monde religieux

Broché: 224 pages
Editeur : Cerf (14 février 2013)
Collection : Parole présente
Langue : Français
ISBN-10: 2204098736
ISBN-13: 978-2204098731
Dimensions : 19,4 x 13,4 x 1,4 cm

 Une Europe sans religion dans un monde religieux

Sans prétention, ce petit ouvrage de sociologie religieuse, facile à lire, fait le point sur la situation des religions dans le monde et particulièrement en Europe. Sur notre continent, l’auteur ne se prive pas de dire que la situation est cataclysmique pour les religions historiques, protestantisme et catholicisme en tête. Chiffres à l’appui, l’auteur montre l’effondrement institutionnel des grandes religions, un effacement que rien ne semble devoir contrarier. L’état du clergé est particulièrement préoccupant, au point qu’il deviendra bientôt possible de parler d’Eglises sans prêtres et sans pasteurs. L’auteur estime que l’advenue d’une Eglise comptant très peu de prêtres n’est qu’une question de temps. Les petites communautés chrétiennes, isolées dans un océan d’indifférence, arriveront-elles à faire communion sans l’aide du professionnel qu’est le prêtre ou le pasteur ? En France, il est significatif de constater que le taux de pratique est très bas pour l’ensemble des religions, y compris l’islam qui, même s’il résiste bien, n’est pas à l’abri du courant dissolvant de la modernité. Les Eglises évangéliques sont les seules qui semblent devoir contrecarrer la grisaille ambiante, mais elles sont condamnées à demeurer minoritaires.

A l’échelle mondiale le christianisme résiste très bien, notamment sous sa forme évangélique. Quant au catholicisme, il y a longtemps que son centre de gravité ne se trouve plus en Europe. L’avenir des grandes religions se dessinera en Amérique du Sud, en Asie, en Afrique, certainement pas en Europe, continent de plus en plus gagnée à une indifférence qui s’apparente à l’athéisme pratique. L’analyse de Jean-Pierre Bacot montre combien la modernité est dissolvante pour les religions : même les Etats-Unis, longtemps considérés comme un bastion très religieux, commencent à dissocier appartenance religieuse et citoyenneté. A entendre l’auteur, si les religions défendent leurs positions dans l’hémisphère sud ou dans l’Europe slave, elles sont d’ores et déjà balayées dans les pays riches, terres promises à l’athéisme. Un défi angoissant, mais passionnant à relever, pour les Eglises d’Europe !

Jean-Pierre Bacot, Une Europe sans religion dans un monde religieux, Le Cerf, 2013, 224 pages, 16 €