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Histoire Recensions

Le retour du général de Gaulle

Broché : 478 pages
Editeur : Perrin (21 mai 2015)
Langue : Français
ISBN-10 : 2262049858
ISBN-13 : 978-2262049850
Dimensions : 21 x 3,5 x 14,2 cm

 Le retour du général de Gaulle

Après les livres torrentiels d’Eric Roussel et Jean Lacouture, sans oublier ceux de Michel Tauriac et de tant d’autres, on peut à bon droit se demander ce que peut apporter un énième livre consacré à Charles de Gaulle. Cependant, comme le livre de Georges Ayache porte sur une période plutôt sombre de l’histoire gaullienne et qu’il est écrit avec panache, il vaut la peine de s’y pencher. Le retour du général de Gaulle revient, bien sûr, sur le mouvement du 13 mai, c’est-à-dire la canalisation politique par les gaullistes de la grave crise qui couve à Alger, l’armée et ses chefs étant prêts à faire sécession. Cet état de quasi-insurrection des Français d’Algérie, soutenus par une partie de l’Armée, servit les intérêts du général de Gaulle qui, au bout du compte, n’eut qu’à cueillir un pouvoir à bout de souffle. On connaît la suite, la fin d’une IV° République totalement discréditée et l’émergence d’une république nouvelle, la V°, et d’une constitution dont la finalité est de mettre fin au régime des partis et de restaurer l’indépendance et l’intégrité de l’Etat. Quelques temps plus tard, les Français accordent leurs suffrages et leur confiance à celui qui avait restauré la grandeur de la nation. Au fond, le plus intéressant dans l’ouvrage de Georges Ayache concerne ce que l’on appelé la « traversée du désert ». Une figure aussi impressionnante et noble n’était pas faite pour la routine et la médiocrité du quotidien (« Si j’étais député, vous me voyez demander la parole à Edouard Herriot ! »). Ce récit remarquablement vivant introduit le lecteur dans l’intimité d’un homme confronté à la monotonie de l’existence, loin du pouvoir et de l’ivresse qu’il procure. Pour paraphraser l’homme du 18 juin, on peut dire que de Gaulle était né pour faire l’Histoire, pas pour la regarder. Ces années 1950, de Gaulle les vit dans le doute, l’outrance et parfois le découragement. Le retour… permet de redécouvrir un homme faillible et vulnérable.

Marquant sa sympathie pour ce personnage hors norme, Georges Ayache délivre un beau et grand texte, plein d’humour et de verve. Cerise sur le gâteau : le récit est parsemé de ces anecdotes pittoresques dans lesquelles s’exerce l’humour vachard de Charles de Gaulle. Une belle réussite que ce Retour !

 

Georges Ayache, Le retour du général de Gaulle, Perrin, 2015, 478 pages, 22.90€

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La grande défaite (1870-1871)

Broché : 414 pages
Editeur : Perrin (2 janvier 2015)
Collection : Pour l’histoire
Langue : Français
ISBN-10 : 2262032459
ISBN-13 : 978-2262032456
Dimensions : 24 x 3 x 15,5 cm

 La grande défaite (1870-1871)

Durant des décennies, la Guerre de 1870 a été un peu oubliée. Il est vrai que le souvenir des deux immenses conflits mondiaux a rendu assourdissants les échos de ces pages noires de notre histoire. Alain Gouttman, déjà auteur d’un ouvrage remarqué sur la guerre de Crimée, s’est donné pour tâche de revisiter ces terribles journées d’août et de septembre 1870. Ayant à sa tête un Napoléon III malade et affaibli, miné par les divisions, le pays s’est enfoncé depuis quelques années dans une douce léthargie. Lorsque l’orage menace, c’est-à-dire lorsque la Prusse de Bismarck montre ses crocs, les Français sont englués dans leurs dissensions et autres picrocholines zizanies. Quant à la diplomatie, outil majeur dans l’Europe de ce temps, elle est en piteux état et c’est avec une rouerie consommée que Bismarck va se jouer de son amateurisme. Bref, résume l’auteur : « En 1870, la démagogie était à la barre et c’était elle, au premier chef, qui entraînait la France à l’abîme. » (p. 142) L’idée de l’auteur n’était pas de donner une histoire suivant de près la chronologie des événements qui vont amener la défaite, la naissance de la Commune puis son écrasement par les troupes de Monsieur Thiers ; bien d’autres ouvrages, tout à fait excellent comme celui de François Roth, ont déjà donné une exacte description de ces jours sombres pour les couleurs nationales. A travers les défaites diplomatiques et militaires qui marquent la deuxième partie de cette année 1870, Alain Gouttman entend démontrer que « la grande défaite » était inéluctable, la somme des erreurs et lâchetés des dernières années du règne de Napoléon III devant être soldées. Les déchirures de la société ont exercé sur la nation une influence délétère qui, fatalement, devait être sanctionné par une défaite aussi sévère que soudaine. On songe, ici, au Henri V de Shakespeare : « Demain, dans la bataille, le roi portera les péchés de son armée. » Lorsqu’une nation connaît une défaite, c’est généralement qu’un faisceau de circonstances devait fatalement l’y mener. Une belle réflexion sur la fragilité et la puissance des nations.

 

Alain Gouttman, La grande défaite (1870-1871), Perrin, 2015, 414 pages, 24.90€

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La Seconde Guerre mondiale

Broché : 571 pages
Editeur : Perrin (29 janvier 2015)
Langue : Français
ISBN-10 : 2262034508
ISBN-13 : 978-2262034504
Dimensions : 24,2 x 3,6 x 15,6 cm

 La Seconde Guerre mondiale

Ecrire une histoire du second conflit mondial, très accessible, pas trop volumineuse et intégrant les données les plus récentes de l’historiographie, tel est le pari tenté et réussi par Claude Quétel. « Jusqu’à ce jour, indique la présentation de l’ouvrage, seuls trois grands historiens anglo-saxons ont relevé le défi avec succès : John Keegan, Liddel Hart et plus récemment Anthony Beevor. Trop partisans ou fragmentaires, les Français ont échoué en dépit de plusieurs tentatives. » Bien sûr, vu la taille de l’ouvrage, l’amateur n’apprendra rien de nouveau ; il s’apercevra toutefois que les données mises en œuvre par l’auteur sont remarquables de fiabilité. Quant au néophyte, il n’aura rien à reprocher à un ouvrage qui n’omet aucun des aspects du conflit. Si les événements militaires tiennent naturellement le haut du pavé, tout ce qui concerne les aspects économiques, politiques et démographiques n’est pas oublié. Avec un style efficace et délié, Claude Quétel mène son récit tambour battant. Dès le prologue de la vingtaine de pages passé, le voilà qui attaque en fanfare la campagne de Pologne (1939), puis celle de France (1940), la bataille d’Angleterre, etc.

En auteur averti et passionné, Claude Quétel n’omet pratiquement rien des dernières découvertes réalisées par d’éminents spécialistes de cette période comme David Glantz ou Thomas Weber. Des passages cinglants permettent de remettre certaines pendules à l’heure. Par exemple, contrairement à la thèse véhiculée par Karl Heinz Freizer, la Blitzkrieg associant le tandem char – avion qui va conduire à la déroute des armées alliées en mai-juin 1940 n’est pas l’aboutissement fortuit d’une rencontre de hasard. Autre exemple : l’insistance mise par les Allemands à fabriquer des armes de pointe, les meilleurs dans leur catégorie comme le char Tigre. Cette obstination constitua une erreur dans la mesure où les armes alliés, moins sophistiquées mais plus robustes, étaient plus faciles à fabriquer. L’auteur revient également à plusieurs reprises sur l’importance de la personnalité d’Hitler, absolument décisive. Sans le dictateur nazi, la guerre aurait-elle été aussi longue et implacable ? Enfin, des cartes simples et claires permettent de se faire une idée exacte des principales opérations militaires. Du beau travail !

 

Claude Quétel, La Seconde Guerre mondiale, Perrin, 2015, 571 pages, 23.90€

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La bataille du Cotentin

Broché : 304 pages
Editeur : TALLANDIER (28 mai 2015)
Collection : L’histoire en batailles
Langue : Français
ISBN-13 : 979-1021004177
ASIN : B00G68N714
Dimensions : 21,5 x 0,2 x 14,5 cm

 La bataille du Cotentin

Il y a soixante-dix ans s’achevait la libération du Cotentin ; rien d’étonnant à ce que cette bataille fasse l’objet de nouvelles publications. Dans ce récit fort bien emmené, Christophe Prime suit pas à pas la libération de ce morceau de France des griffes de la machine de guerre nazie, du débarquement américain à Utah Beach jusqu’à l’opération Cobra, le plan de bataille qui chassa définitivement les Allemands de Normandie et les poussa à quitter précipitamment la France pour s’abriter derrière le Westphall. Très classiquement, l’auteur relate les lâchers de parachutistes à la vieille du Débarquement, le Débarquement lui-même et la poussée des troupes US à l’intérieur des terres, les réactions allemandes et ainsi de suite. Méthodiquement, aidé par une supériorité matérielle écrasante, les troupes américaines parviennent à chasser les Allemands de la péninsule. Elles le font parfois au prix fort car certaines de leurs divisions manquent cruellement d’expérience. Elles font face à des combattants allemands déterminés, les bleus étant encadrés de manière efficace par des soldats chevronnés, souvent des rescapés du terrible front de l’Est. Christophe Prime met en évidence les difficultés américaines… et les solutions qui sont prises pour y remédier. Si l’expérience lui fait défaut, le GI a pour lui l’enthousiasme et la volonté d’en découdre. Il jouit d’une supériorité aérienne totale et d’un service de santé de tout premier ordre. Pour beaucoup, la bataille du Cotentin constituera une expérience suffisamment forte, une aide qui se fera apprécier quand viendront la bataille des Ardennes et l’invasion de l’Allemagne. Quant aux Allemands, en dépit d’une infériorité numérique et matérielle constante, ils font preuve de leurs qualités habituelles : intelligence tactique, habileté à utiliser le terrain, supériorité de l’armement, etc. « L’armée allemande impose à son adversaire une terrible guerre d’usure dans le bocage et les marais du Cotentin. Chaque haie, chaque bosquet est un nid de résistance pour les soldats allemands. » La bataille du Cotentin fut une bataille rude et sanglante. Que dix-mille GI’s y soient tombés, des villes et villages rayés de la carte attestent la violence des combats qui aboutirent à la libération du sol national. Au total, le récit enlevé de Christophe Prime restitue bien l’ambiance fiévreuse de ces temps difficiles.

Christophe Prime, La bataille du Cotentin, Tallandier, 2015, 302 pages, 20.90 €

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Berlin, les offensives géantes de l’Armée Rouge : Vistule, Oder, Elbe (12 janvier-9 mai 1945)

Broché : 672 pages
Editeur : Economica (3 décembre 2009)
Collection : Campagnes & stratégies
Langue : Français
ISBN-10 : 2717857834
ISBN-13 : 978-2717857832
Dimensions : 24 x 3,5 x 15,5 cm

 Berlin, les offensives géantes de l’Armée Rouge : Vistule, Oder, Elbe (12 janvier-9 mai 1945)

Voilà un livre qui devrait être offert à ces chefs d’Etat à la mémoire vacillante qui n’ont pas daigné se rendre à Moscou le 9 mai dernier pour fêter la fin de la Seconde Guerre mondiale et l’effondrement du nazisme. On ne le dira jamais assez : c’est le peuple soviétique qui a supporté l’essentiel de l’effort de guerre du III° Reich. Le Berlin de Jean Lopez est l’éclatante démonstration de l’héroïsme d’un peuple qui a perdu vingt millions de ses enfants et dont l’armée a rogné les ailes de la Wehrmacht.

Fort des dernières recherches de l’historiographie, Jean Lopez revisite les offensives qui, dans les premiers mois de l’année 1945, vont amener frontoviki et T 34 des faubourgs de Varsovie jusqu’à la capitale de ce Reich qui, selon les termes d’Hitler, devait durer mille ans. Le Berlin de Jean Lopez est essentiellement un livre d’histoire militaire. Avec brio, l’auteur défend une idée que les anciens chefs militaires de l’Allemagne nazie avaient minimisée dans leurs souvenirs. S’il est vrai que la Ostheer (l’Armée allemande du front de l’Est) est l’ombre de ce qu’elle était quatre ans plus tôt, il est tout aussi vrai que son effondrement doit beaucoup aux immenses progrès réalisés par l’Armée Rouge, et ce dans pratiquement tous les domaines. L’auteur soutient l’opinion que la victoire soviétique est d’abord une victoire intellectuelle. Les battus des années 1941 et 1942 ayant beaucoup appris de la machine de guerre nazie. Durant les dernières décennies du conflit, les généraux soviétiques mettent au point ce qui va constituer la marque de fabrique de l’Armée rouge : l’art opératif. Situé entre les niveaux stratégique et tactique, l’art opératif consiste moins à enchaîner les arabesques tactiques visant à l’encerclement que de démembrer l’armée ennemie dans la profondeur afin de l’empêcher de reprendre son souffle. C’est ainsi qu’en trois semaines, appuyées par une artillerie toujours plus nombreuse, les armées soviétiques vont disloquer les lignes allemandes et prendre pied sur l’Oder, à 80 kilomètres de Berlin.

Soutenu par un style puissant, c’est dans le détail que J. Lopez décrit l’habileté des militaires soviétiques et la puissance formidable de l’Armée rouge. Devant ce rouleau compresseur, l’héroïsme du soldat allemand était de peu de poids. Ce Berlin est un très grand livre d’histoire militaire.

 

Jean Lopez, Berlin. Les offensives géantes de l’Armée Rouge, Economica, 2010, 644 pages, 29€

 

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Le drame d’Azincourt

Broché : 250 pages
Editeur : ALBIN MICHEL (2 septembre 2015)
Collection : ESSAIS DOC.
Langue : Français
ISBN-10 : 2226318925
ISBN-13 : 978-2226318923
Dimensions : 22,5 x 2 x 14,4 cm

 Le drame d’Azincourt

La célébration de l’année 1415 a été occultée par d’autres commémorations : la bataille de Marignan (1515), la mort de Louis XIV (1715), la bataille de Waterloo (1815)… Mais on aura fait peu de cas de l’anniversaire de la défaite d’Azincourt (1415), qui allait durablement marquer l’inconscient collectif des élites et du peuple de France. Contrairement à la plupart des ouvrages centrés sur un événement militaire, le récit de la bataille arrive ici au début de l’ouvrage, façon de bien montrer que cette « étrange défaite », comme disait Marc Bloch, est à l’origine d’un processus qui faillit emporter l’Etat et la conscience nationale naissante. Après les déroutes de Crécy et de Poitiers face au même ennemi anglais, on aurait pu penser que la noblesse française pouvait conduire intelligemment une bataille. Mais les mêmes causes (dévalorisation de l’ennemi, volonté d’en découdre coûte que coûte, ignorance de la technique anglaise basée sur une archerie puissante, etc.) produisant les mêmes effets, c’est une part notable de la noblesse de France qui disparaît dans la bataille. Une grande partie de l’élite militaire et politique de la nation est balayée, ce qui ouvre grand la porte aux ambitions anglaises désireuses de recouvrer les territoires perdus, en Normandie et en Guyenne, et à l’abaissement de la royauté dont se prévalent certains grands comme le duc de Bourgogne. Un malheur ne venant jamais seul, la guerre civile se déclenche entre forces royales (Armagnacs) et tenants des forces centrifuges (Bourguignons). Quant à l’Aquitaine et à une bonne partie du nord du territoire, elles sont administrées directement par les Anglais. Comme en 1940, c’est l’Etat lui-même qui est touché. En succédant au roi fou Charles VI, Charles VII, le roi de Bourges, met toute sa volonté à expulser l’Anglais et à redonner tout son lustre à la couronne de France. Dans son récit fort bien mené, Valérie Toureille raconte la persévérance d’une minorité (Charles VII, Jeanne d’Arc, des capitaines comme Dunois et Xaintrailles) afin de restaurer l’Etat dans toute son indépendance. Fait majeur, c’est de cette époque que date le nationalisme, ressort nécessaire pour la constitution pleine et entière de la nation. Idée abstraite pour beaucoup, le royaume de France dessinait de plus en plus nettement les contours d’une France dont nous sommes en grande partie redevables. Valérie Toureille a mené de main de maître l’histoire de cette curieuse défaite et a su tirer des conclusions dont, six siècles après, nous continuons à être les héritiers.

Valérie Toureille, Le drame d’Azincourt, Albin Michel, 2015, 232 pages, 18€

 

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Grandeur et misère de l’Armée rouge

Poche : 400 pages
Editeur : Tempus Perrin (8 janvier 2015)
Collection : Tempus
Langue : Français
ISBN-10 : 2262049289
ISBN-13 : 978-2262049287
Dimensions : 17,7 x 1,8 x 10,8 cm

 Grandeur et misère de l’Armée rouge

La Seconde Guerre mondiale n’a pas fini de livrer des informations. Jean Lopez et Lasha Otkhmezuri ont interviewé douze vétérans de l’Armée rouge, douze anonymes qui avaient combattu entre 1941 et 1945 dans les rangs de l’instrument de combat qui avait définitivement rogné les ailes de la Wehrmacht. Car, quoiqu’on en dise, la guerre s’est bien moins gagnée sur le Front Ouest, avec le Débarquement du 6 juin 1944 que sur le terrible Front de l’Est, là où les Allemands avaient positionné l’essentiel et le meilleur de leurs forces. Mais, face à une Armée rouge aussi puissante que nombreuse, véritable hydre des temps modernes, la puissante machine de guerre nazie n’a pu vaincre. A la longue, les distances, les conditions climatiques, les erreurs stratégiques ont fini par user une armée d’invasion qui, en juin 1941, était entrée en territoire soviétique comme dans du beurre. Les témoignages livrés aux auteurs révèlent un fait observé depuis bien longtemps. Comme nous venons de le dire, ce sont des éléments précis et objectifs (l’immensité du pays, les rigueurs de l’hiver, le nombre des armes produites…) qui ont vaincu. Mais ces éléments auraient-ils suffi sans le concours de l’héroïsme du peuple soviétique ? En ce sens, la victoire finale de l’Armée rouge tient presque du miracle. Après la terrible répression que connaît l’Union Soviétique dans les années 1930, il n’était pas évident que les Soviétiques se lèvent en masse pour sauver un régime que beaucoup abhorraient. Mais voilà, l’appel au patriotisme a joué à plein. Le combat idéologique a vite cédé la place à la défense de la Rodina, la mère-patrie. Les anciens soldats qui donnent leur témoignage insistent : ils montaient au combat pour la défense de leur terre, pas pour sauver un régime honni. La guerre menée par les Soviétiques ne le fut pas à l’économie ; elle l’a été par le sang et la fureur d’un peuple qui avait le martyre dans les tripes. Comme le dit un des témoins interrogés : « Nous avons gagné cette guerre grâce à la brutalité que nous avons exercée contre notre propre nation. » La vie, en cette époque barbare, ne valait décidément pas chère.

 

Jean Lopez & Lasha Otkhmezuri, Grandeur et misère de l’Armée rouge, Tempus, 2014, 391 pages, 10 €

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La Grande Guerre oubliée

Broché : 527 pages
Editeur : Perrin (2 octobre 2014)
Langue : Français
ISBN-10 : 2262040451
ISBN-13 : 978-2262040451
Dimensions : 24 x 3,8 x 15,5 cm

 La Grande Guerre oubliée

Trop souvent la Première Guerre mondiale se confond avec la guerre des tranchées, celle qui a ensanglanté le nord-est de la France. C’est oublier que cette guerre était mondiale et que d’autres théâtres d’opérations ont vu, eux aussi, couler des torrents de sang. Les Alliés auraient-ils gagné la guerre si l’armée russe n’avait pas retenu un bon tiers de l’armée allemande ainsi que le plus gros des forces de la Double Monarchie ? Le livre d’Alexandre Sumpf n’est en rien une histoire de la Grande Guerre à l’Est. Ici, la guerre ne fait que s’inscrire en toile de fond d’un récit plus large. Ce qui compte davantage aux yeux de l’auteur, c’est le climat qui saisit un pays dans l’ensemble de ses strates économiques, sociales et culturelles. Si l’on excepte le chapitre réservé aux combattants, La Grande Guerre oubliée vise davantage à retracer la vie des habitants au contact du front ou à l’arrière. Alexandre Sumpf passe l’ensemble des secteurs de la société russe d’avant la Révolution de 1917, une société en guerre, certes bien mobilisée mais cependant moins, en raison de l’étendue du pays et de l’hétérogénité de ses populations, que les principales nations occidentales en guerre : le moral de la troupe et des habitants, les conditions de la survie dans un pays en guerre, les revendications ouvrières, la propagande, etc… Le théâtre, les coulisses et les épreuves de la guerre achèveront la dissolution de la nation impériale. La guerre allait en effet mettre à nu et accélérer les maux d’une société dont Dieu, le tsar et la patrie n’assuraient plus le ciment. La Grande Guerre oubliée révèle les nombreuses contradictions d’une société à bout de souffle, laminée par ses contradictions internes. Pour Lénine et ses affidés, la vieille Russie n’allait pas tarder à tomber comme un fruit blet ; il suffirait juste de mettre à jour les éléments les plus pourris de l’entité russe.

Grâce à ce travail novateur, Alexandre Sumpf dévoile un pan caché de l’historiographie contemporaine, réalisant un ouvrage que les historiens russes et soviétiques n’avaient pas entrepris avec toute la conviction nécessaire. Si la Grande Guerre a permis l’éclosion de la république des soviets, elle

 

Alexandre Sumpf, La Grande Guerre oubliée, Perrin, 2014, 527 pages, 25 €

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La guerre de Sept Ans (1756-1763)

Broché : 670 pages
Editeur : Perrin (22 janvier 2015)
Collection : Pour l’histoire
Langue : Français
ISBN-10 : 2262035296
ISBN-13 : 978-2262035297
Dimensions : 24 x 4,2 x 15,4 cm

 La guerre de Sept Ans (1756-1763)

La toute première guerre mondiale a duré sept ans, elle a concerné les principales puissances européennes, s’est déroulée sur trois continents et a eu des conséquences qui ont persisté pendant plus d’un siècle. Cette guerre, c’est la guerre de Sept Ans, ouverte en Amérique du Nord, entre Anglais et Français alors que les Etats-Unis n’existent pas encore. Il s’agit au départ, selon les mots de l’auteur d’ « une guerre essentiellement européenne dont l’enjeu fondamental consiste en une énième mise à jour de l’équilibre des puissances » (p. 11) Cette guerre, racontée dans le détail et avec maestria par Edmond Dziembowski, eut des conséquences qui, quelque deux cent cinquante après, comptent encore dans l’ordre du monde. En effet, c’est de ce conflit que datent l’émergence de la prépondérance britannique qui verra son triomphe au XIX° siècle, la naissance du patriotisme chez les grandes puissances, l’importance des guerres périphériques, etc. Récit total et complet, c’est comme cela que se présente un livre que les créateurs des grandes collections d’autrefois – par exemple Halphen et Sagnac – auraient très certainement apprécié. A l’image de la vastitude de ce conflit, le livre d’E. Dziembowski est remarquable par la diversité des sources utilisées. Non seulement aucun aspect de cette guerre n’est évacué mais, de surcroît, l’auteur renouvelle les vues traditionnelles que l’on pouvait avoir sur cet événement majeur. Par exemple, contrairement à l’image généralement véhiculée, les batailles qui se sont déroulées en Europe, et qui impliquaient Prussiens, Autrichiens, Français et Russes ont été particulièrement sanglantes, que ce soit Prague, Kolin ou Zorndorf. On est loin du charme suranné prêté souvent à la guerre en dentelles. Enfin, l’auteur s’attache à placer le conflit dans le cadre immense qui a été le sien, d’où le nombre de pages assez considérable qu’il accorde à la guerre en Amérique du Nord et en Inde. En ce sens, par bien des aspects, la guerre de Sept ans préfigure notre temps, celui de la mondialisation.

 

Edmond Dziembowski, La guerre de Sept Ans (1756-1763), Perrin, 2015, 670 pages, 27 €

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Berlin – Les offensives géantes de l’Armée rouge (janvier – mai 1945)

Broché : 672 pages
Editeur : Economica (3 décembre 2009)
Collection : Campagnes & stratégies
Langue : Français
ISBN-10 : 2717857834
ISBN-13 : 978-2717857832
Dimensions : 24 x 3,5 x 15,5 cm

 Berlin : Les offensives géantes de l’Armée rouge (janvier – mai 1945)

Voilà un livre qui devrait être offert à ces chefs d’Etat à la mémoire vacillante qui n’ont pas daigné se rendre à Moscou le 9 mai dernier pour fêter la fin de la Seconde Guerre mondiale et l’effondrement du nazisme. On ne le dira jamais assez : c’est le peuple soviétique qui a supporté l’essentiel de l’effort de guerre du III° Reich. Le Berlin de Jean Lopez est l’éclatante démonstration de l’héroïsme d’un peuple qui a perdu vingt millions de ses enfants et dont l’armée a rogné les ailes de la Wehrmacht.

Fort des dernières recherches de l’historiographie, Jean Lopez revisite les offensives qui, dans les premiers mois de l’année 1945, vont amener frontoviki et T 34 des faubourgs de Varsovie jusqu’à la capitale de ce Reich qui, selon les termes d’Hitler, devait durer mille ans. Le Berlin de Jean Lopez est essentiellement un livre d’histoire militaire. Avec brio, l’auteur défend une idée que les anciens chefs militaires de l’Allemagne nazie avaient minimisée dans leurs souvenirs. S’il est vrai que la Ostheer (l’Armée allemande du front de l’Est) est l’ombre de ce qu’elle était quatre ans plus tôt, il est tout aussi vrai que son effondrement doit beaucoup aux immenses progrès réalisés par l’Armée Rouge, et ce dans pratiquement tous les domaines. L’auteur soutient l’opinion que la victoire soviétique est d’abord une victoire intellectuelle. Les battus des années 1941 et 1942 ayant beaucoup appris de la machine de guerre nazie. Durant les dernières décennies du conflit, les généraux soviétiques mettent au point ce qui va constituer la marque de fabrique de l’Armée rouge : l’art opératif. Situé entre les niveaux stratégique et tactique, l’art opératif consiste moins à enchaîner les arabesques tactiques visant à l’encerclement que de démembrer l’armée ennemie dans la profondeur afin de l’empêcher de reprendre son souffle. C’est ainsi qu’en trois semaines, appuyées par une artillerie toujours plus nombreuse, les armées soviétiques vont disloquer les lignes allemandes et prendre pied sur l’Oder, à 80 kilomètres de Berlin.

Soutenu par un style puissant, c’est dans le détail que J. Lopez décrit l’habileté des militaires soviétiques et la puissance formidable de l’Armée rouge. Devant ce rouleau compresseur, l’héroïsme du soldat allemand était de peu de poids. Ce Berlin est un très grand livre d’histoire militaire.

 

Jean Lopez, Berlin. Les offensives géantes de l’Armée Rouge, Economica, 2010, 644 pages, 29 €