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Le désastre de l’école numérique : Plaidoyer pour une école sans écrans

Broché : 230 pages
Editeur : Seuil (25 août 2016)
Collection : DOCUMENTS (H.C)
Langue : Français
ISBN-10 : 2021319180
ISBN-13 : 978-2021319187
Dimensions : 20,5 x 1,2 x 14,1 cm

 Le désastre de l’école numérique

Si, responsable politique ou enseignant, vous avez opté pour l’extension du domaine de l’écran à l’école, mieux vaut passer votre chemin car ce livre est de nature à enlever toutes vos illusions sur l’apport du numérique dans les écoles, ordinateurs et tablettes tactiques en tête. Les auteurs ne sont pas technophobes. Simplement, ils n’arrivent pas à comprendre la façon dont responsables politiques et pédagogues ont pu foncer tête baissée dans le piège tendu par ce mistigri (veau d’or) qui porte le doux nom de progrès. Sous prétexte de rattraper un retard qui n’existe pas, ils imaginent que, par magie, l’arrivée massive des technologies de l’information et de la communication dans les salles de classe va régler les problèmes dans lesquels se débat l’Education nationale. Adeptes du changement pour le changement, du progrès pour le progrès, ils sont prêts à s’en remettre entièrement à la technologie, s’illusionnant sur les capacités de cette dernière à remettre à flot un bateau qui fait eau de toutes parts. Au terme de ce livre passionnant et bien ficelé, la défense de la technologie appliquée à l’école perd toute pertinence. En de courts chapitres, Philippe Bihouix et Karine Mauvilly dressent le procès des écrans appliqués à l’école. Là-bas, dans les pays où l’on exploite les métaux rares nécessaires à leur fabrication : désastre environnemental, pillage de ressources rares, exploitation de travailleurs pauvres… Ici, chez les élèves, sommeil rare et de mauvaise qualité, perte du sens de l’effort et de la culture de la mémoire, risque d’exposition aux champs électro-magnétiques, dissolution du lien professeur – élèves, creusement du défit commercial, création d’emplois nulle, appauvrissement du vocabulaire et des connaissances, etc. Bref, on ne voit pas, après cela, ce qu’il y a à sauver d’une entreprise qui porte en germe infiniment plus d’inconvénients que d’avantages. Bill Gates et ses amis de la côte ouest peuvent nous dire merci.

 

Philippe Bihouix & Karine Mauvilly, Le désastre de l’école numérique, Seuil, 2016, 236 pages, 17€

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Le Mur de l’Ouest n’est pas tombé

Broché : 288 pages Editeur : PIERRE-GUILLAUME DE ROUX (29 mai 2015) Collection : PGDR EDITIONS Langue : Français ISBN-10 : 2363711289 ISBN-13 : 978-2363711281 Dimensions : 22,5 x 2,3 x 14 cm
Broché : 288 pages
Editeur : PIERRE-GUILLAUME DE ROUX (29 mai 2015)
Collection : PGDR EDITIONS
Langue : Français
ISBN-10 : 2363711289
ISBN-13 : 978-2363711281
Dimensions : 22,5 x 2,3 x 14 cm

 Le Mur de l’Ouest n’est pas tombé

Le dernier livre de l’essayiste Hervé Juvin est plus un pamphlet qu’une étude longuement mûrie sur le monde contemporain. Avec la chute du mur de Berlin, l’Europe pensait avoir recouvré son unité et son indépendance. Beaucoup croyaient à l’époque qu’elle jouerait à nouveau un rôle de premier plan dans l’histoire du monde. Hélas, c’était ne pas vouloir comprendre que la construction européenne se muerait en une sorte de coquille vide et que l’imperium américain ne consentirait jamais à laisser l’Europe devenir une puissance majeure. Bien sûr, il est toujours possible de considérer que la domination américaine est moins pesante qu’à l’époque de l’Union Soviétique. A cet égard, il est certain que l’émergence de puissances comme la Chine ou l’Inde paraît avoir affaibli la prépondérance américaine. Si l’on y regarde de plus près, on peut faire un autre constat. La puissance américaine a mué, elle a changé. Pour Hervé Juvin, ce qui compte désormais, c’est moins le nombre de tanks et de tonnes d’acier fabriquées que l’environnement international. Or, celui-ci s’est fondu dans une globalisation qui doit beaucoup aux grandes compagnies états-unienne, genre Google ou Amazon. C’est grâce à de tels leviers que l’américanisation du monde est en marche. Hervé Juvin ne s’en prend pas aux USA en tant que tel, il considère seulement que ce pays est devenu le tremplin de tous ceux qui pousse au règne omnipotent de la globalisation, de Georges Soros aux mafieux ukrainiens. Face à ce bulldozer, l’Europe, incapable d’avoir une politique cohérente et ambitieuse, ne pèse pas lourd. Dans cet essai un peu brouillon, Hervé Juvin appelle au non-alignement de l’Europe et au rapprochement avec des acteurs majeurs comme la Russie. Parfois confus, Le Mur de l’Ouest… rappelle un certain nombre d’urgences, qu’elles soient politiques, militaires, économiques ou environnementales. Comment, tout comme lui, ne pas être pantois devant le fait que nous continuions à confondre économie et raison de vivre, croissance et civilisation. Que les hommes mettent du temps à comprendre le monde !

 

Hervé Juvin, Le Mur de l’Ouest n’est pas tombé, Pierre-G. de Roux, 2015, 276 pages, 23€

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La haine du monde

Broché : 237 pages Editeur : Cerf (5 février 2016) Collection : PHILO Langue : Français ISBN-10 : 2204108065 ISBN-13 : 978-2204108065 Dimensions : 21 x 1,9 x 13,5 cm
Broché : 237 pages
Editeur : Cerf (5 février 2016)
Collection : PHILO
Langue : Français
ISBN-10 : 2204108065
ISBN-13 : 978-2204108065
Dimensions : 21 x 1,9 x 13,5 cm

 La haine du monde

Le dernier livre de la philosophe Chantal Delsol donne le sentiment que cette dernière clôt un chapitre d’une réflexion entamée dès 2011 avec L’âge du renoncement. Elle poursuit sa recherche dans un livre dense avec pour sous-titre : « Totalitarismes et postmodernité ». Pour Chantal Delsol, les sociétés occidentales contemporaines sont traversées par deux courants principaux. Le premier, qui s’origine dans les Lumières et les années les plus sanglantes de la Révolution française, a pour but l’émancipation totale des individus, lequel doit s’affranchir du poids de l’histoire, des traditions, un individu oublieux de ce qui le fonde, un quidam hors-sol, nomade, obnubilé par la consommation et le divertissement. Tout au contraire, le second courant vise à préserver les racines, à faire prendre conscience à l’individu qu’il est le fruit d’une histoire et d’une mémoire, que le passé l’oblige, que tout n’est pas permis et que l’existence peut être tragique. Le premier courant, qui se réfère sans cesse aux droits de l’homme, est aussi inconséquent que naïf : il n’imagine pas à quel point il se rattache, par les buts qu’il recherche, aux totalitarismes les plus furieux du siècle passé, le communisme en premier lieu. Ce dernier, à l’instar du courant transhumaniste contemporain, souhaitait l’apparition d’un homme nouveau, lavé de sa culture et de ses origines. C’était – mais ses partisans ne le voient pas – se rendre pieds et mains liés aux forces les plus puissantes, celles du marché dans lequel tout se vend et tout s’achète et dans lequel le puissant écrase le pauvre et l’innocent. La force de ce courant émancipateur, qu’angoisse Chantal Delsol, se nourrit d’un mépris du peuple déjà à l’œuvre dans les totalitarismes. Si nous retrouvons dernier à l’âge post-moderne, c’est parce qu’il s’agit encore aujourd’hui d’imposer une idéologie pour laquelle les peuples n’ont pas de goût – et donc d’arguer de leur incompétence pour les écarter du pouvoir. » (p. 166) Dans ce livre brillant, Chantal Delsol déroule avec brio une pensée sans compromission.

 

Chantal Delsol, La haine du monde, Cerf, 2016, 238 pages, 19€

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Un silence religieux : La gauche face au djihadisme

Broché : 208 pages Editeur : SEUIL (7 janvier 2016) Collection : H.C. ESSAIS Langue : Français ISBN-10 : 2021298396 ISBN-13 : 978-2021298390 Dimensions : 20,5 x 2 x 14 cm
Broché : 208 pages
Editeur : SEUIL (7 janvier 2016)
Collection : H.C. ESSAIS
Langue : Français
ISBN-10 : 2021298396
ISBN-13 : 978-2021298390
Dimensions : 20,5 x 2 x 14 cm

 Un silence religieux

Depuis les attentats parisiens de l’an passé, combien de fois n’avons-nous pas entendu cette ritournelle : « Ca n’a rien à voir avec l’islam » ? Une partie notable de la gauche a tout fait pour dénoncer par avance tout lien, aussi ténu fut-il, entre l’islam et les terroristes de Charlie Hebdo et du Bataclan. Or, corrige Jean Birnbaum, il faut le dire haut et fort : tout cela a à voir avec l’islam ! Tout bonnement parce que les terroristes se réclament de l’islam, même s’il s’agit d’une version dévoyée ; et ensuite parce qu’il se trouve que, sur la planète, l’islam génère beaucoup d’excès terroristes. Si l’énorme majorité des musulmans ne se sent en rien solidaire des djihadistes, il n’en reste pas moins que ces derniers n’ont de cesse d’appeler au retour de l’islam des origines. C’est bien l’islam qui est concerné, non le judaïsme ou le christianisme ! L’auteur reproche à la gauche de s’aveugler par idéologie et par esprit de repentance. Bien des gens de gauche n’osent pas voir ce qu’ils voient parce qu’ils sont habités par un sentiment de culpabilité. La conséquence en est le vaste déni dont la religion continue à être l’objet : on explique le terrorisme par des causes de nature économique et sociale, jamais religieuse. Les Kouachi et autres Coulibali sont traités de barbares et de psychopathes, des qualificatifs qui permettent d’écarter toute référence à la foi. Le fait majeur, explique l’auteur, « c’est la réticence qui est la nôtre, désormais, à envisager la croyance religieuse comme causalité spécifique, et d’abord comme puissance politique : on adhère spontanément aux explications sociales, économiques ou psychologiques ; mais la foi, personne n’y croit. » (p. 23) Il faut croire que le réel du croyant n’est pas le même que celui de l’homme politique ou du journaliste. La foi conserve un pouvoir de mobilisation que la laïcité – ou, parfois, le laïcisme – ne permet plus de voir. En revisitant la guerre d’Algérie et la pensée marxiste, Jean Birnbaum offre une explication pertinente à un phénomène qui se généralise et dont l’essentiel tient en la confrontation brutale entre l’humanisme socialiste et le fondamentalisme islamiste. Passionnant !

 

Jean Birnbaum, Un silence religieux : La gauche face au djihadisme, Seuil, 2016, 234 pages, 17€

 

 

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La cause des vaches

Broché : 144 pages Editeur : LE ROCHER EDITIONS (2 mai 2016) Collection : ESSAIS Langue : Français ISBN-10 : 2268084752 ISBN-13 : 978-2268084756 Dimensions : 18,5 x 1,1 x 12,6 cm
Broché : 144 pages
Editeur : LE ROCHER EDITIONS (2 mai 2016)
Collection : ESSAIS
Langue : Français
ISBN-10 : 2268084752
ISBN-13 : 978-2268084756
Dimensions : 18,5 x 1,1 x 12,6 cm

 La cause des vaches

Décidément, le pognon emporte tout. On s’était peu à peu résigné à la mort du monde rural d’autrefois, à la fin des paysans ; c’était déjà difficile car c’était biffer d’un coup des siècles d’histoire, tirer un trait sur nos paysages et nos traditions. Pour certains, notamment les champions de l’agrobusiness, tout cela n’est pas suffisant. Ce qui compte, n’est-ce pas, c’est le rendement, ce sont les milliers de litres de lait collectés chaque jour que Dieu fait et, tout au bout de la chaîne, la viande qui sera désossée, découpée, charriée, hachée pour finir chez le boucher ou sur l’étal de la grande surface. Afin d’aller toujours plus vite, des paysans qui n’en sont pas ont pensé raccourcir, brûler les étapes. A quoi bon, par exemple, permettre aux vaches de se dégourdir les pattes dans une prairie ? Mieux vaut qu’elles demeurent astreintes 24 heures sur 24 à leur poste, qu’elles mangent, boivent et donnent du lait. C’est ce à quoi ont songé les concepteurs de la ferme des mille vaches, en Picardie. Christian Laborde ne peut se résigner au sort si tragique de ces troupeaux qui jamais ne connaîtront le bleu du ciel et la verdure des pâturages. Il en appelle à notre humanité, à notre conscience d’êtres sensibles.

La cause des vaches n’est pas seulement un cri du cœur poétique consacré à la défense des droits des animaux, c’est surtout un essai s’attachant à la sauvegarde de l’humanité de l’homme, afin qu’il ne s’ensauvage pas et ne sombre pas dans des délires prométhéens. Parlant des vaches, le livre se consacre à l’homme. Ce beau texte, un tantinet nostalgique, même si l’auteur s’en défend, nous renvoie à l’époque où les cours des fermes sentaient la paille fraîchement coupée et les vaches portaient un nom, pas un numéro. Les vaches ne sont pas sacrées, rétorqueront les tenants de l’agro-business ! Justement si ! répond Christian Laborde. La preuve, c’est qu’enfant il a vu « Monsieur le curé bénir le bétail dans les fermes et leur parler du paradis. » (p. 59)

 

Christian Laborde, La cause des vaches, Editions du Rocher, 2016, 143 pages, 15€

 

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Dictionnaire amoureux de l’Orient

Broché : 800 pages Editeur : Plon (7 avril 2016) Collection : Dictionnaire amoureux Langue : Français ISBN-10 : 2259227430 ISBN-13 : 978-2259227438 Dimensions : 13,5 x 3,8 x 20,2 cm
Broché : 800 pages
Editeur : Plon (7 avril 2016)
Collection : Dictionnaire amoureux
Langue : Français
ISBN-10 : 2259227430
ISBN-13 : 978-2259227438
Dimensions : 13,5 x 3,8 x 20,2 cm

 Dictionnaire amoureux de l’Orient

La surprenante collection des « Dictionnaires amoureux » vient de s’enrichir d’un ouvrage passionnant dû à la plume d’un amoureux de l’Orient. En un temps où revient en mémoire la thèse du choc des civilisations, qu’il fait du bien de lire les propos pacifiants d’une personne qui connaît l’Orient, non seulement par les livres mais aussi et surtout par les voyages qu’elle a pu y faire et les personnes qu’elle y a rencontrées. Comme d’habitude, et c’est l’originalité de la collection, l’ouvrage ne prétend pas à l’exhaustivité. Ce n’est pas un livre savant affichant le désir de faire connaître la région de A à Z. L’auteur s’est concentré sur une bonne centaine d’entrées. Le poids de l’histoire et de la religion est bien sûr énorme ; il renvoie à ce célèbre mot du Général de Gaulle faisant allusion à cette région peu étendue et qui a cependant suffi à une si grande histoire. Il faisait allusion à la naissance des monothéismes, à commencer par celui du Dieu d’Israël. Passionnant à lire et servi par un style fluide, ce Dictionnaire amoureux de l’Orient possède les atouts d’un livre destiné à faire date. Tous les articles sont intéressants, y compris ceux qui de prime abord semblent les plus convenus, ceux à propos desquels on ne voit pas bien ce que l’on peut ajouter aux habituels lieux communs. Parmi les pépites distillées par René Guitton, j’ai retenu les entrées consacrées à Agatha Christie, mariée à un archéologue qui a longtemps arpenté le Moyen-Orient, ou encore l’article sur le Saint-Sépulcre. Les pages relatives à la Bible ou au Coran sont toutes marquées par le désir de mieux connaître l’autre, de voir en lui un alter ego, un frère, non un ennemi et un étranger. Au fond, ce livre donne envie de partir à la découverte, une découverte qui serait passionnée et sympathique. Si toute chose à son revers, René Guitton s’est attaché à retenir d’abord l’apport positif des civilisations de l’Orient au patrimoine mondial. Et comme il ne le fait pas sans humour, cela donne un prix supplémentaire à son entreprise.

René Guitton, Dictionnaire amoureux de l’Orient, Plon, 2016, 710 pages, 25€

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L’art de la marche

Broché : 226 pages
Editeur : Editions Albin Michel (4 mai 2016)
Collection : LITT.GENERALE
Langue : Français
ISBN-10 : 2226326065
ISBN-13 : 978-2226326065
Dimensions : 20,5 x 2 x 14 cm

 L’art de la marche

Ils sont de plus en plus nombreux à déguerpir, à fuir le monde bruyant et animé qui nous environne, pour marcher, s’emplir les poumons de l’air de la liberté. Que l’on soit pèlerin de Compostelle ou marcheur au long cours, c’est là le sentiment qui domine. S’affranchir du temps, de l’espace, des préoccupations journalières, il n’y a rien de mieux en matière de liberté. Lorsqu’il quitte Paris pour rejoindre une cabane située au fin fond de la Sibérie, c’est à l’accomplissement d’une liberté pleine et entière qu’aspire Sylvain Tesson. L’écrivain Olivier Bleys, qui livre son témoignage autour de L’art de la marche, est titillé par le même besoin. S’ajoute chez lui, semble-t-il, le goût de rompre la monotonie du quotidien en s’affligeant maux et tracas. L’auteur s’est donné comme défi de faire le tour du monde par étapes annuelles. Tous les ans, durant l’été, Olivier Bleys accomplit un périple de plusieurs centaines de kilomètres : d’Albi à Lyon, puis de Lyon à Alberville, d’Alberville à Andermatt en Suisse… Commencé à Albi, le récit qu’il livre ici s’achève en Hongrie, à quelques encablures de l’Ukraine. Dans un style délié, Olivier Bleys fait valoir ses talents de conteur… et de marcheur. Le périple qu’il accomplit, aussi loin que possible de la civilisation, atteste de réelles qualités physiques. Il s’avère que, même dans notre petite Europe, il est possible de vivre l’aventure. Pour ce faire, mieux vaut choisir de longues distances et préférer l’altitude et les sommets au cours plus rapide et plus sûr – mais plus encombré et plus pollué ! – que les vallées. Quand trouver de l’eau s’avère une tâche redoutable, le récit passionnant d’Olivier Bleys fait prendre conscience du confort qu’offre la civilisation.

Surgissent ici et là, cerise sur le gâteau d’un récit plein de panache, de pertinentes réflexions sur l’aménagement du territoire, pour dénoncer par exemple cette surenchère de panneaux, chicanes et dos d’âne qui défigurent nombre de nos villages. Un magnifique récit.

 

Olivier Bleys, L’art de la marche, Albin Michel, 2016, 227 pages, 16€

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Comprendre le malheur français

Broché : 378 pages
Editeur : Stock (9 mars 2016)
Collection : Essais – Documents
Langue : Français
ISBN-10 : 2234075416
ISBN-13 : 978-2234075412
Dimensions : 13,6 x 2,5 x 21,5 cm

 Comprendre le malheur français

Comprendre le malheur français fait partie de ces réflexions qui ont le mérite de mettre au centre la France, son présent et son avenir. Contrairement au pays officiel qui demeure dans la dénégation, Marcel Gauchet prend très au sérieux ce malheur français. L’introduction met d’emblée le lecteur dans l’ambiance. Pourquoi le Français, s’il se dit individuellement satisfait de son sort, ne parvient-il pas à considérer la situation avec la satisfaction qu’en attendent les élites ?  Si les Français continuent de broyer du noir, c’est en grande partie parce qu’ils ont un rapport particulier à la mondialisation. L’hypothèse principale du sociologue est que « la France a négocié dans de très mauvaises conditions le tournant de la mondialisation » (p. 9) Alors que les élites économiques et médiatiques ne voient aucun inconvénient à cette course à la marchandisation générale et à l’américanisation, le peuple considère avec inquiétude le déclassement qui touche le pays. Autrefois grande puissance, un temps épargné par le déclin grâce à la vision gaullienne de la souveraineté, le pays s’enfonce depuis une trentaine d’années dans la médiocrité et la consommation. Ce n’est pas seulement l’immigration de masse qui angoisse les Français, affolés à l’idée de voir le pays, ses mœurs, ses us et coutumes se perdre dans la globalisation. M. Gauchet insiste d’abord sur la notion de grandeur perdue, sur l’aveuglement de la classe politique et la déception due à l’échec de l’Europe. Le modèle français, essentiellement due à la puissance de la notion d’Etat-nation, est en train de s’effondrer, peu à peu remplacé par le nivellement et le relativisme dont les puissants font leur miel. Dans la leçon de réalisme qu’assène l’auteur, parmi les mensonges et supercheries qu’il met à jour, retenons ce qui, d’après lui, constitue le malentendu politique français. Celui-ci a une source principale : « Les élites françaises ne connaissent plus l’histoire de leur pays et ne s’en sentent plus solidaires. » (p. 24)

La démonstration assénée par Marcel Gauchet est rude, mais nécessaire à entendre. Il nous fait mesurer l’ampleur du décalage qui existe entre le peuple français et ceux qui, selon lui, l’ont mené à l’impasse. Pour beaucoup, le bonheur ne passe pas par le stade de l’homme nomade, citoyen du monde, formaté par la novlangue contemporaine.

 

Marcel Gauchet, Comprendre le malheur français, Stock, 2016, 371 pages, 20 €

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Ce pays qui aime les idées

Broché : 480 pages
Editeur : FLAMMARION (26 août 2015)
Collection : Au fil de l’histoire
Langue : Français
ISBN-10 : 2081303531
ISBN-13 : 978-2081303539
Dimensions : 24,1 x 3 x 15,4 cm

 Ce pays qui aime les idées

Professeur à Oxford, francophile, Sudhir Hazareesingh continue de se passionner pour la vie littéraire et l’histoire politique de notre pays. Il est vrai que les deux ont souvent connu des relations passionnées et tumultueuses. Ce n’est pas la première fois qu’un intellectuel étranger est fasciné par l’intérêt, voire l’amour, que les Français portent pour les idées. Il n’est pas inintéressant de constater qu’il y a quelques décennies la France avait le parti communiste le plus puissant d’Europe occidentale et que, à l’opposé de l’échiquier politique, le mouvement royaliste L’Action Française berçait les illusions monarchistes de centaines de milliers de nos compatriotes. Dans l’Entre-Deux-Guerres Maurice Chevalier avait chanté la diversité des appartenances politiques des Français, suggérant ainsi que le pays n’était pas encore remis de ses dissensions : « Le colonel était d’Action Française, Le commandant était un modéré, Le capitaine était pour le diocèse, Et le lieut’nant boulottai du curé… » L’efflorescence d’idées, qu’elles soient politiques, artistiques ou littéraires, amuse l’auteur. En tout cas, elle suscite suffisamment son intention pour que ce dernier publie ce qu’il qualifie d’Histoire d’une passion française. Peuple autrefois littéraire, les Français n’ont jamais caché leur intérêt pour la bataille d’idées. L’auteur a retenu une dizaine de domaines dans lesquels s’est exercée cette passion nationale ou qui, à l’image du premier chapitre, montre ce paradoxe très français : on se flatte d’être cartésien, d’honorer Descartes, son Cogito et sa rigueur logique mais, en même temps, on s’enthousiasme pour les apôtres du structuralisme et de la déconstruction. Qu’ont de commun l’esprit de finesse et de géométrie des âges classiques avec l’embrigadement dans les ligues patriotiques des avant-guerres et l’aveuglement d’une grande part du peuple de gauche à l’endroit du Petit père des peuples ? Sudhir Hazareesingh clôt son ouvrage sur la domination d’une vision décliniste de la France donnée par Alain Finkielkraut ou Eric Zemmour, terriblement éloignée des visions futuristes des socialistes utopiques du XIX° siècle. Etrange pays que le nôtre, remarque l’auteur, hanté par le souvenir de ses luttes picrocholines et soucieux par son aspiration à l’universel. Passionnant !

 

Sudhir Hazareesingh, Ce pays qui aime les idées, Flammarion, 2015, 469 pages, 23.90€

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Le marché n’a pas de morale

Broché : 159 pages
Editeur : Cerf (6 novembre 2015)
Collection : ACTUALITE
Langue : Français
ISBN-10 : 2204105473
ISBN-13 : 978-2204105477
Dimensions : 21 x 1,3 x 13,5 cm

 Le marché n’a pas de morale

Comment faire société lorsque le projet commun fait défaut et que le pays n’est plus qu’un ramassis de communautés juxtaposées qui s’ignorent ? Dans cet ouvrage dense et tonique, Mathieu Detchessahar dresse un tableau sans complaisance de la société française contemporaine. D’où proviennent ces délitements ? Pour l’auteur, la racine de ces fractures est à chercher du côté de ce qu’il appelle « les échecs du projet de société de marché » (p. 19) En même temps qu’elle déconstruisait l’ordre ancien, la société de marché proposait « une nouvelle idole, une ultime sacralité : l’abondance matérielle comme horizon de tous nos besoins et solution à tous nos maux. » (p. 20) Autrement dit, le tout économique a tellement désenchanté le monde qu’il nous est devenu difficile de faire société. Le problème, c’est que l’augmentation du niveau de vie ou la hausse du PIB ne font pas un projet collectif. Au contraire, ils nuisent à ce dernier en ce qu’ils provoquent le repli sur soi. Cela ne revient pas à dire que la société de marché n’a pas de morale. Au contraire, elle s’adosse aux modes et mouvements culturels véhiculés par l’ordre libertaire, c’est-à-dire des droits de l’homme non bordés, suite de revendications de type sociétal visant à satisfaire les ego. Dans cette optique, il convient de balayer tout ce qui pourrait rappeler l’ordre ancien, du socialisme utopique au catholicisme. Problème, le culte inouï porté à la tolérance et à la liberté absolue entraîne des corollaires corrosifs pour les liens sociaux : relativisme culturel, culte du moi et horizontalité marchande sont par nature incapables de porter un projet susceptible d’entraîner l’adhésion de la majorité. L’illustration de cette société flottante se traduit dans le modèle des très grandes sociétés, géants mondialisés devenus, aux dépens des Etats, « des autorités centrales de la société de marché. » (p. 52) Désormais, c’est la très grande entreprise qui dit le bien, position illusoire car son objectif premier est de remplir les poches des actionnaires.

Dans ce livre pessimiste, Mathieu Detchessahar montre avec brio que la seule logique marchande ne fonde pas un projet de société. Elle fait même tout le contraire. Pour contrer ses effets délétères, il faudrait refaire de la politique, c’est-à-dire réfléchir sur le sens de la vie, sur l’homme et ses fins. Il y a urgence !

 

Mathieu Detchessahar, Le marché n’a pas de morale, Cerf, 2015, 160 pages, 14€