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Littérature Recensions

Sibérie ma chérie

Éditeur ‏ : ‎ Gallimard Loisirs (2 novembre 2012)
Langue ‏ : ‎ Français
Relié ‏ : ‎ 144 pages
ISBN-10 ‏ : ‎ 2742433422
ISBN-13 ‏ : ‎ 978-2742433421
Poids de l’article ‏ : ‎ 500 g
Dimensions ‏ : ‎ 16.2 x 1.6 x 23.1 cm

Dans un petit livre comptant plus de photos et de dessins que de textes, l’écrivain – voyageur Sylvain Tesson clame son amour pour la Sibérie. Car c’est bien de cela qu’il s’agit : pas d’un livre savant passant en revue l’histoire, la géographie et la topographie de cette immense région du globe, mais de la mise en forme d’un coup de cœur. C’est bien cela, Sibérie ma chérie, comme une déclaration d’amour adressée à ce sous-continent vide d’hommes. L’auteur et ses acolytes – le photographe Thomas Goisque et le peintre Bertrand de Miollis – nous embarquent pour un voyage à la rencontre d’un pays, de ses habitants. Nature sauvage et inviolée, peuple frustre, attachant et attaché à ses traditions parmi lesquelles la religion orthodoxe et un goût prononcé pour les alcools forts. Dans ces contrées où l’hiver dure la moitié de l’année, loin de l’agitation du monde moderne, les attachements les plus simples comme les aspirations les plus hautes prennent une importance décisive.

Sylvain Tesson, Sibérie ma chérie, Gallimard, 2012, 130 p. environ, 19.90 €

L’extrait : « Je suis chez moi en Russie. Pourquoi ? Je l’ignore. Sur cette terre démesurée, écrasée par ces ciels décourageants que peignait si bien Chichkine […] je me sens un poisson dans l’eau (de vie) ».

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Littérature Recensions

Dictionnaire amoureux des arbres

Éditeur ‏ : ‎ Plon; Illustrated édition (12 mai 2021)
Langue ‏ : ‎ Français
Broché ‏ : ‎ 448 pages
ISBN-10 ‏ : ‎ 2259251080
ISBN-13 ‏ : ‎ 978-2259251082
Poids de l’article ‏ : ‎ 500 g
Dimensions ‏ : ‎ 13.4 x 2.4 x 20.2 cm

S’imagine-t-on, nous autres Occidentaux, vivre dans un désert, une contrée dépouillée de ces chers amis ? Sous la plume d’Alain Baraton, les arbres deviennent des êtres vivants. L’auteur donne des exemples de stratégies mises au point par les arbres contre leurs prédateurs. Au rang des surprises existent des arbres très étonnants : le mancenillier, qu’heureusement on ne trouve pas dans nos parages, surnommé « l’arbre de la mort » car il produit des fruits mortels. Cet arbre très dangereux n’existe qu’en petite quantité ; les hommes n’ont pas songé à l’éradiquer. Il est vrai, comme dit A. Baraton, « que l’humanité en général ne détruit que ce qui rapporte. » (p. 252) L’auteur n’oublie pas de saluer la mémoire de personnages obscurs qui n’eurent de cesse de protéger les arbres ou d’en importer. Et comme il convient de ne jamais manquer une occasion de parfaire sa culture générale, on sera satisfait de connaître l’origine des noms de végétaux « qui rendent hommage à des botanistes ». Honneur, donc, à MM. Kamel (camélia), Fuschs (fuschia), Bégon (bégonia) et à tant d’autres !

Alain Baraton, Dictionnaire amoureux des arbres, Plon, 2021, 438 pages, 25€

L’extrait : « Le tachigali versicolor peut produire des fleurs jaunes au printemps, mais il est impossible de savoir à l’avance en quelle année, la seule certitude étant que, après avoir fleuri, il meurt. » (p. 357)

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Dictionnaire des mafias et du crime organisé

Éditeur ‏ : ‎ Perrin (28 janvier 2021)
Langue ‏ : ‎ Français
Broché ‏ : ‎ 432 pages
ISBN-10 ‏ : ‎ 2262041156
ISBN-13 ‏ : ‎ 978-2262041151
Poids de l’article ‏ : ‎ 550 g
Dimensions ‏ : ‎ 14.1 x 6 x 21 cm

C’est un tour du monde de l’industrie du crime et de ses dérivés (trafics en tous genres, prostitution, etc.) auquel nous invite Philippe Di Folco. Avec toutefois une insistance mise sur l’installation de la mafia italienne dans le Nouveau Monde, celle qui a fait les beaux jours des films de Martin Scorcese (cf. Casino). A travers la biographie des personnages qui défilent, comme ceux de Lucky Luciano ou Meyer Lansky, apparaît la lutte implacable entre Irlandais et Italiens alliés à quelques juifs pour faire main basse sur l’économie souterraine (maisons de jeux, vente d’alcool, prostitution). Et lorsque ces groupes se font la guerre, on dénombre les morts par centaines, la fin dépassant de loin les moyens mis en œuvre. A noter, le coup de chapeau que l’auteur adresse aux autorités italiennes : « On accable beaucoup l’Italie comme étant ingérable, mais ce pays […] a su montrer un courage extraordinaire, un sens du sacrifice et du devoir pour restaurer l’Etat de droit et ce depuis l’assassinat du juge Falcone en 1992. » Bref, une somme complète sur un thème ô combien original et peu traité.

Philippe Di Folco, Dictionnaire des mafias et du crime organisé, Perrin, 2021, 427 pages, 24 €

L’extrait : « Par la force, Escobar reprend l’empire qui rapportait à Blanco en 1980 un milliard de dollars par an. La connaissance du maquis colombien et sa volonté d’être avec et pour le peuple constituent le principal atout d’Escobar et le point faible de la DEA. » (p. 143)

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Napoléon : dictionnaire historique

Éditeur : Perrin (3 septembre 2020)
Langue : Français
Broché : 1040 pages
ISBN-10 : 2262079161
ISBN-13 : 978-2262079161
Poids de l’article : 1.1 kg
Dimensions : 15.6 x 3.6 x 24.1 cm

Tout dire sur Napoléon et l’Empire relève de la gageure. Mais telle n’était pas l’ambition de l’auteur, lequel se contente, si l’on peut dire, de raconter Napoléon en quelque 250 fiches, certaines ayant la longueur d’articles couvrant trois à quatre pages. Le choix opéré est des plus éclectiques. De copieux articles sont consacrés à des questions assez inattendues comme le théâtre et la musique. Le rôle des frères et sœurs de Napoléon, via les biographies de Jérôme et Lucien, est bien mis en perspective. Celui des militaires également, comme celui des administrateurs, des diplomates et ainsi de suite. Bref, l’Empire de Napoléon, c’est un monde, un monde riche et foisonnant qui a jeté ses feux jusque dans le domaine de la mode et du mobilier. Au passage, T. Lentz tord le cou aux mauvaises langues faisant de Napoléon un dictateur, voire le prédécesseur d’un certain Adolf Hitler. Il est bon qu’une voix aussi sûre que celle de T. Lentz laisse entendre que « le pouvoir napoléonien, sans être ni libéral ni représentatif (au sens actuel), n’était pas exercé arbitrairement, mais en fonction de normes édictées précédemment. » (p. 263)

Thierry Lentz, Napoléon. Dictionnaire historique, Perrin, 2020, 997 pages, 29 €

L’extrait : « Napoléon n’était pas plus « raciste » que ses contemporains pour qui la question de l’esclavage n’était pas prioritaire. » (p. 381)

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Le royaume de Sobrarbe : Journal 2005

Broché : 673 pages
Editeur : Fayard (5 novembre 2008)
Collection : LITT.GENE.
Langue : Français
ISBN-10 : 2213629897
ISBN-13 : 978-2213629896
Dimensions : 23,5 x 4,8 x 15,5 cm

 Le royaume de Sobrarbe : Journal 2005

Parmi l’œuvre foisonnante de Renaud Camus, l’écriture du journal, année après année, constitue une singularité. En plus de vingt ans, l’essayiste aura noirci des milliers de pages traçant et retraçant le cours de sa vie. Celle-ci, semblable à celle de tous les auteurs du même genre, n’a rien de singulier et de palpitant, il faut bien le reconnaître. La vie de Renaud Camus zigzague entre travail harassant – il mène de front l’écriture de plusieurs livres -, difficultés financières, voyages, relations avec les éditeurs, etc. Ce sont là des marronniers que l’on retrouve régulièrement dans le Journal de l’auteur. Alors, pourquoi prendre du temps à la lecture de ces volumes qui atteignent généralement les 600 pages ? S’ils ne sont guère passionnants, comment justifier que le lecteur y consacre autant de temps ? Deux raisons me paraissent justifier l’investissement. D’une part, la qualité du style, jamais prise en défaut. Renaud Camus, auteur des Répertoire des délicatesses du français contemporains est l’un de nos meilleurs stylistes et cela n’a pas de prix. La seconde raison de l’attachement à ce journal est que l’auteur, qui n’est pas à première vue un être atrabilaire, exhale son désamour du monde contemporain, univers qui a largué les amarres avec son histoire, sa culture et son être profond. Chez Camus, cette méfiance extrême à l’égard du monde moderne se lit à travers la constance des humeurs qui sourdent chez lui devant l’enlaidissement de nos paysages et la nocence, ce travers qu’il a constaté chez beaucoup et qui consiste à vivre comme si les autres n’existaient pas. La vacuité de l’époque, le culte de l’éphémère, ce constant bruit de fond d’un temps qui invite à la consommation et au divertissement généralisé constituent, pour l’auteur du Château de Sobrarbe, les éléments clés de la « décivilisation ».

 

Renaud Camus, Le royaume de Sobrarbe : Journal 2005, Fayard, 2008, 675 pages, 36€

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Dictionnaire amoureux des écrivains et de la littérature

Broché : 896 pages
Editeur : Plon (25 août 2016)
Collection : Dictionnaire amoureux
Langue : Français
ISBN-10 : 2259228186
ISBN-13 : 978-2259228183
Dimensions : 13,3 x 4,6 x 20,2 cm

 Dictionnaire amoureux des écrivains et de la littérature

Il fallait s’attendre à ce que la collection des Dictionnaires amoureux soit complétée d’un volume consacré à la littérature. C’est désormais chose faite avec ce Dictionnaire amoureux des écrivains et de la littérature signé Pierre Assouline, à qui l’on doit, entre autres, une biographie remarquée de Georges Simenon. Rien n’est plus subjectif que l’esprit de cette collection. En conséquence, l’auteur conduit le lecteur par la main parmi les œuvres et en compagnie des auteurs vers qui penche son cœur. Sauf exception, ce dictionnaire ne parle pas des auteurs français contemporains, jugés probablement trop narcissiques. En revanche, Russes et Américains, du Nord comme du Sud, sont très présents. Les attachements de l’auteur sont immédiatement visibles, lui qui a le souci d’honorer les très grands (Faulkner, Proust, Mann, Kafka) et les moins grands comme Gaston Leroux, le créateur de Rouletabille. Surprise ! Rien sur Hugo et Balzac, mais de bien belles notices relatives à Pierre Michon et Erri de Luca, des auteurs de valeurs certes, mais peu connus du grand public. Rien non plus, évidemment, sur ces champions de l’édition que sont Marc Lévy et Guillaume Musso. Quant à J.-K Rowling, qui a imaginé le monde enchanté de Harry Potter, elle a droit à un petit article qui montre toute la réserve de Pierre Assouline à son endroit. Si l’un des buts assigné à ce livre est de donner le goût de la découverte, eh bien il est réussi ! Ici, pas d’articles fouillé d’une longueur démesurée, mais le désir d’entrer et de prendre ses aises dans cet univers magique qu’est la lecture.

 

Pierre Assouline, Dictionnaire amoureux des écrivains et de la littérature, Plon, 2016, 882 pages, 25 €

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Les plantes de la Bible et leur symbolique

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Broché : 110 pages
Editeur : Cerf (21 novembre 2014)
Collection : BIB CERF
Langue : Français
ISBN-10 : 2204102709
ISBN-13 : 978-2204102704
Dimensions : 22 x 0,7 x 16,5 cm

 Les plantes de la Bible et leur symbolique

Parmi toutes les façons de lire la Bible, il en est une à laquelle nous pensons peu. La Bible évoque d’abord et avant tout l’ancienne et la nouvelle Alliances, la relation étroite entretenue entre Dieu et son peuple. Dans leur spécificité et à leur manière, chacun des livres parle longuement de cette relation, avec ses hauts et ses bas. En même temps qu’il y a cette histoire d’amour on peut imaginer les Ecritures comme un vaste décor, avec ses paysages, ses animaux et ses plantes. Tout cela n’est pas sans importance. On doit ce kaléidoscope de couleurs et d’odeurs au fait que toute l’histoire biblique tient en une terre – la Terre Sainte – bien particulière. Si l’histoire sainte s’était déroulée dans ce qui était autrefois la Gaule, le rapport au divin aurait-il été différent ? C’est possible car, après tout, on peut très bien penser que l’horizontalité du désert pousse à la verticalité. Une végétation luxuriante ou de type nordique semble à première vue plus propices au paganisme. Le désert pousse au contraire à une certaine radicalité. Il est la matière première du monothéisme, d’abord juif, chrétien ensuite, musulman enfin.

Puisque l’histoire biblique commence dans un jardin, il eut été regrettable que l’on ne s’intéressât pas aux plantes de la Bible. Dans ce petit ouvrage très pédagogique et bien illustré, Christophe Boureux, dominicain, présente une cinquantaine de plantes et d’arbres qui jalonnent le récit biblique : l’ivraie, la mandragore, la grenade, le cèdre, le lierre, le noyer, le blé, l’ortie… La présentation de chaque plante est illustrée d’un passage biblique. Dans son texte, l’auteur, Christophe Boureux, s’est attaché à décrire la symbolique attachée à chacune de ces plantes. Cette symbolique est d’une richesse parfois incroyable. Nous qui vivons dans un monde technicien avons oublié la fonction symbolique des choses qui nous entourent. Là où nous voyons un arbre, une plante, aussi beaux soient-ils, les anciens voyaient davantage.

Une belle et originale façon d’entrer dans le grand récit de la Création. Comme le dit la quatrième de couverture : « Bienvenue dans le jardin divin ! »

 

Christophe Boureux, Les plantes de la Bible et leur symbolique, Cerf, 2014, 109 pages, 14 €

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Dictionnaire amoureux des dictionnaires

Broché : 998 pages
Editeur : Plon (3 mars 2011)
Collection : Dictionnaire amoureux
Langue : Français
ISBN-10 : 2259205119
ISBN-13 : 978-2259205115
Dimensions : 20 x 5 x 13,5 cm

 Dictionnaire amoureux des dictionnaires

Dans la série des Dictionnaires amoureux publiée par les Editions Plon, celui consacré aux dictionnaires, que l’on doit à la plume précise et féconde d’Alain Rey, est sans doute le plus fourni. C’est que, aidé par une érudition sans failles, Alain Rey multiplie les entrées, tant classiques qu’originales. L’essentiel de ce monument est occupé par des biographies de créateurs, de tous ceux qui, dès les temps les plus anciens, avaient le ferme désir de mettre en catalogues la totalité du savoir connu. Le travail qu’ils ont fourni donne lieu à la seconde grande série des entrées de ce Dictionnaire amoureux ; je veux parler des grands dictionnaires qui, sous tous les temps et toutes les latitudes, ont marqué le savoir humain : dictionnaires allemands, anglais, chinois ou arabes, latin (merci Gaffiot !) et grec (merci Bailly !). Si le livre d’Alain Rey se moque des records, il n’omet pas d’exhiber des données parfois vertigineuses, comme ce dictionnaire chinois du XV° siècle qui finit par atteindre onze mille volumes ! Plus de deux mille rédacteurs s’y étaient attelés.

D’une précision diabolique, ce Dictionnaire amoureux des dictionnaires se caractérise surtout par la virtuosité de son auteur. Auteur de plusieurs dictionnaires dont le célèbre Dictionnaire culturel, Alain Rey fait preuve d’une science quasi universelle. Existe-t-il un dictionnaire au monde dont il n’ait entendu parler ? Paradoxalement, c’est peut-être cette profusion qui déconcerte le lecteur. Emmené sur des chemins inconnus, il risque d’être désarçonné par la fougue de l’auteur de ce dictionnaire pas tout à fait comme les autres. L’historien Jacques Le Goff était, aujourd’hui disparu, était appelé l’ « ogre historien » du fait de son appétit de travail. Ne pourrait-on pas qualifier Alain Rey, par comparaison, d’ « ogre linguiste » ?

 

Alain Rey, Dictionnaire amoureux des dictionnaires, Plon, 2011, 998 pages, 27 €

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Dictionnaire amoureux de la Langue française

Broché: 752 pages
Editeur : Plon (6 novembre 2014)
Collection : Dictionnaire amoureux
Langue : Français
ISBN-10 : 2259221572
ISBN-13 : 978-2259221573
Dimensions : 20,2 x 3,9 x 13,4 cm

 Dictionnaire amoureux de la Langue française

Décidément, qu’elle est belle cette collection des « Dictionnaires amoureux » ! C’est avec un bonheur sans cesse renouvelé que le lecteur accompagne l’auteur dans un domaine qui, bien que circonscrit, incite à la liberté et au vagabondage. Dictionnaire amoureux de Stendhal, de Proust, du piano ou de l’humour, telles sont les dernières productions d’une collection qui va son petit bonhomme de chemin.

Conformément à l’esprit de la collection, les entrées ne sont pas nombreuses, environ cent cinquante. Elles peuvent alterner noms propres (par exemple « Rimbaud, Arthur ») et groupes de mots curieux et originaux (par exemple « Langage macaronique » ou « Baragouins et Cie »). A l’originalité qui fait l’esprit de la collection, Jean-Loup Chifflet, en plus de son savoir, y ajoute sa marque de fabrique : l’humour. L’article « Incendiaires de la langue » est particulièrement savoureux qui fait exploser le langage policé sous les coups de boutoir d’écrivains de caractère comme Léon Bloy ou Léon Daudet. Voyez ce que Léon Bloy écrivait de Francisque Sarcey, écrivain oublié du XIX° siècle : « Il est le nénuphar de l’enthousiasme et le bromure de potassium de la poésie. »

Autre belle surprise : les emprunts réalisés au français par des langues comme l’anglais ou le russe. Si l’on a raison avec Etiemble de se lamenter de l’invasion du franglais, qu’on se rassure en sachant que les mots grand hôtel et rendez-vous sont passés dans le langage courant Outre-Manche, et qu’en russe on dit képka pour képi et pilôty pour pilote.

L’auteur transmet avec passion et fougue son amour fou de la langue française. Comme il est regrettable que nous ne fassions pas davantage attention aux atours dont elle se pare. Les mots sonnent comme ils respirent ; ils vivent selon une petite musique délicieuse. « Oui, c’est moi, semblent-ils nous dire, voyez comme mon son est agréable et doux à l’oreille. » L’article intitulé « Musique » nous fait entendre cette magie de la langue au travers des titres de pièces composées par un Couperin, un Rameau ou un Satie : La Voluptueuse, L’Espagnolète, La Coulicam, Peccadilles importunes, Vieux sequins et vieilles cuirasses, etc.

Un dictionnaire amoureux… et savoureux !

 

Jean-Loup Chifflet, Dictionnaire amoureux de la Langue française, Plon, 2014, 736 pages, 24 €

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Russies

Broché: 203 pages
Editeur : Philippe Rey (7 octobre 2010)
Collection : DOCUMENT
Langue : Français
ISBN-10: 2848761709
ISBN-13: 978-2848761701
Dimensions : 15 x 12,8 x 1,8 cm

  Russies

Dominique Fernandez, académicien français de grande renommée, ne cesse d’arpenter la Russie, de Moscou à Vladivostok et de Saint-Pétersbourg à Irkoutsk. Il le fait en amoureux fou de cet immense espace, trente fois grand comme la France. Il sillonne donc la Russie en tous sens, à la recherche de l’âme russe. Elle se niche partout, dans le paysage, dans la religion, les comportements et les mentalités. Un de ses traits saillants est par exemple cette étrange capacité à la résignation, au fatalisme, le fatum des Anciens. A quoi est-elle due ? se demande l’auteur : « A l’influence de l’esprit oriental », au « fait d’habiter un pays sujet à des différences si énormes entre le chaud et le froid, à des sautes de températures si brusques qu’elle réduisent à néant tout essai de résistance, à l’habitude ancestrale […] d’être soumis à un pouvoir écrasant. » (p. 111)

L’auteur n’oublie pas de raconter la Russie de Vladimir Poutine. Elle n’a pas, sous sa plume, les traits mauvais que lui prête un Bernard-Henri Lévy. Même s’il reconnaît volontiers à Vladimir Poutine ses traits d’autorité, Dominique Fernandez ne lui en tient pas rancune : Poutine n’incarne-t-il pas une autre face de l’âme russe à travers la recherche de la puissance et l’aspiration à l’énergie, que l’on trouve depuis longtemps chez les héros et les artistes ?

Le livre de Dominique Fernandez est magnifiquement écrit. On ne le referme pas sans le désir d’en savoir plus, de chercher, à notre tour, ce qu’a de merveilleux et de tragique cette âme russe, une âme faite de fatalisme, espérant sans cesse en des lendemains meilleurs. « Ce n’est pas la misère qui caractérise la Russie ou qui l’a jamais caractérisée. C’est le sentiment tragique de la vie. La tragédie peut provenir de la misère. Mais la misère n’a été qu’une composante parmi d’autres plus graves, plus constantes : la violence historique, la violence climatique. » (p. 186).

Elles sont belles les Russies de Dominique Fernandez, avec ses paysages monotones, ses villages perdus aux maisons déglinguées et aux jardinets minables, ces ciels plombés. Un très beau livre d’amour !

 

Dominique Fernandez, Russies, Philippe Rey, 2014, 204 pages, 18 €