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Sortir du chaos

Broché : 528 pages
Editeur : Gallimard (18 octobre 2018)
Collection : Esprits du monde
Langue : Français
ISBN-10 : 2072770475
ISBN-13 : 978-2072770470
Dimensions : 22 x 3,2 x 15 cm

Grand connaisseur du monde musulman et du Moyen-Orient, Gilles Kepel raconte les derniers événements qui vont orienter pour quelques années la destinée de pays comme la Tunisie, l’Egypte, la Syrie ou l’Irak, des printemps arabes à la fin de l’Etat islamique au Levant. Sur fond de réislamisation de la société, il décrit combien démocrates et républicains sont à la peine dans des sociétés minées par la corruption née de la rente pétrolière. Bien sûr, d’un pays à l’autre, les situations ne sont pas identiques. Le cas tunisien a par exemple peu en commun avec la guerre civile en Syrie. Cependant, des constantes demeurent : le poids de la religion et de l’armée, la fragilité des corps intermédiaires, la fragmentation des oppositions, etc. Dans cet Orient décidément très compliqué, multiples sont les lignes de fracture. La première est celle qui oppose sunnites et chiites. Les premiers, majoritaires, connaissent de graves divisions (Qatar vs. Arabie Saoudite par exemple). Il faut compter aussi sur les désirs locaux d’autonomie (cas du Kurdistan, turc, syrien et irakien). Bref, le Moyen-Orient ressemble à un puzzle, à un écheveau d’une rare complexité.

Gilles Kepel, Sortir du chaos, Gallimard, 2018, 514 pages, 22€

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Recensions Religion

Passion arabe : Journal, 2011-2013

Broché: 496 pages
Editeur : Gallimard (21 mars 2013)
Collection : Témoins
Langue : Français
ISBN-10: 2070140776
ISBN-13: 978-2070140770
Dimensions : 21,8 x 14,8 x 3 cm

 Passion arabe : Journal, 2011-2013

Durant deux ans l’orientaliste Gilles Kepel a sillonné les pays dans lesquels s’est déroulé le Printemps arabe : Egypte, Libye, Bahreïn, Tunisie… Parti pour réaliser un film il est revenu de ses divers périples avec un journal, sorte de livre de bord de la révolution qui a secoué plusieurs régimes arabes. De ce témoignage passionnant, écrit par un arabisant se situant toujours à bonne distance de son sujet, que retenir ?

Depuis que l’Occident a largué par-dessus bord l’essentiel de son patrimoine spirituel, il peine à comprendre la force du sentiment religieux. Ce n’est pas pour rien que le Proche-Orient a vu la naissance des trois grands monothéismes. La prégnance du religieux apparaît ici phénoménale, chez les juifs, chez les chrétiens et plus encore chez les musulmans, population que l’auteur a le plus rencontrée tout simplement parce que la plus nombreuse. Cette partie essentielle du monde musulman est toute imprégnée de Dieu, y compris dans les menus faits de la vie quotidienne. Autant dire que le chemin qui sépare les communautés musulmanes de la laïcité à la française est pavé d’embûches. Il ne peut y avoir de séparation des pouvoirs quand la religion occupe ainsi l’espace, public et privé. Pour la plupart des interlocuteurs que l’auteur a rencontrés, la laïcité est synonyme d’impiété. De quoi faire réfléchir les naïfs qui, en Occident, fantasment à l’idée de régimes arabes laïques, assurant comme ici le respect de la liberté de conscience. La lecture de cette Passion arabe en dit long, d’autre part, sur la fracture qui oppose sunnites et chiites. Pour les nombreux sunnites que Gilles Kepel a rencontrés, le chiite représente la figure de l’hérétique ; il est à l’origine de la fitna (division) qui fracture le monde musulman. L’univers arabo-musulman que nous présente l’auteur semble se trouver à la croisée des chemins : meurtri par les querelles confessionnelles et instable, on le sent tout de même riche de potentialités. Une inconnue demeure : le poids réel de la jeunesse bourgeoise attirée par les sirènes occidentales.
Un témoignage sur le vif, capital pour comprendre l’évolution du monde arabo-musulman contemporain.

Gilles Kepel, Passion arabe : Journal, 2011-2013, Gallimard, 2013, 476 pages, 23.50 €