Catégories
Recensions Témoignages

Une vie au Goulag

Broché: 164 pages
Editeur : BELIN LITTERATURE ET REVUES
Édition : Belin (3 octobre 2012)
Collection : BIBLIO BELIN SC
Langue : Français
ISBN-10 : 2701164419
ISBN-13 : 978-2701164410
Dimensions t: 21,5 x 1,5 x 15 cm

 Une vie au Goulag

Ecrit dans les années 1960, il était temps que fut traduit et publié en France le superbe récit de Dimitri Vitkovski, l’un de ces nombreux Soviétiques à avoir vu sa vie broyée par la machine concentrationnaire mise au point par l’Etat communiste. Déporté une première fois à l’âge de 25 ans, Dimitri Vitkovski va passer l’essentiel de sa jeunesse et de sa vie d’adulte dans les camps. Il ne faut pas chercher de raison ou de prétexte à la répression dont il a été la victime. Comme tant d’autres, sa vie a basculé pour une raison assez obscure. Chasser l’ennemi – fût-il une chimère-, l’éradiquer du territoire soviétique impliquait de remplir les prisons et les camps. Pour parvenir à la norme, tout était bon ; c’est la raison pour laquelle étaient enfermés pêle-mêle anciens révolutionnaires, paysans supposés aisés, truands… dans le lot, une majorité d’innocents. A travers ce court récit, Dimitri Vitkovski raconte sa vie errante, de camps en camps. Il souligne l’humanité des soldats d’escorte et la brutalité des chefs, le côté surréaliste des interrogatoires, les conditions dantesques dans lesquelles sont menés certains travaux colossaux, bien au-delà du cercle polaire dans les conditions effroyables qu’on imagine. Une vie au Goulag raconte une vie faite d’humiliations, de brimades, de souffrances… endurées pour rien ; « Pour quel résultat ? s’interroge l’auteur. Une vie humaine brisée ! Rien d’autre. »

Ce témoignage est poignant à plusieurs titres. D’une part parce qu’il narre des destins inachevés, des vies brisées, anéanties. Enfin, en dépit des brutalités et injustices qu’il a subies, Dimitri Vitkovski garde toute sa confiance en une humanité réconciliée et apaisée. Sa contemplation des beautés de la nature n’est pas pour rien dans ce sentiment. Comme l’écrit Nicolas Werth dans la préface : « Une vie au Goulag est bien plus qu’un énième témoignage sur le Goulag. Ce petit livre est une belle leçon de courage et de survie dans un univers kafkaïen. Et, à travers un récit d’une extraordinaire sensibilité à la beauté de la Nature, un regard indulgent et apaisé sur la nature humaine – bref, un formidable hymne à la Vie. »

 

Dimitri Vitkovski, Une vie au Goulag, Belin, 2012, 149 pages, 15 €

Catégories
Recensions Témoignages

La route de la Kolyma

Broché: 240 pages
Editeur : BELIN LITTERATURE ET REVUES (11 octobre 2012)
Collection : BIBLIO BELIN SC
Langue : Français
ISBN-10: 2701164168
ISBN-13: 978-2701164168
Dimensions : 21,5 x 15 x 2,2 cm

La route de la Kolyma

Fils d’Alexander Werth, le célèbre auteur de La Russie en guerre (1941-1945), Nicolas Werth a passé l’essentiel de sa vie en Russie. Il est l’auteur de nombreux ouvrages historiques ayant pour cadre l’Union Soviétique et le communisme. S’il connaît bien le Goulag par l’étude, jamais il n’avait eu l’occasion de se rendre dans ces hauts lieux de la barbarie contemporaine. Accompagnés de militants du mouvement Mémorial, l’auteur et sa fille se sont rendus à Magadan, étape incontournable de l’enfer concentrationnaire soviétique, port où échouaient les déportés après de longs mois de périple. Ce voyage sur les traces du Goulag laisse, il faut bien le dire, un goût amer. Le spectacle d’une mémoire qui s’éteint, la vision d’un monde qui meurt ne peuvent que consterner celles et ceux qui tentent de conserver le souvenir vivant. Les rescapés du Goulag sont rares. Quant à la Kolyma, à 8 000 kilomètres de Moscou, elle n’est plus que l’ombre d’elle-même. Avec la fin des camps une part de l’activité économique s’en est allée. Les jeunes s’étant enfuis à l’appel des sirènes de la consommation, ne reste que les vieillards. Nicolas Werth et ses compagnons ont peiné à trouver la trace de camps qui, il y a cinquante ans, accueillaient plusieurs milliers de détenus. Les hommes ayant fui ces paysages aussi grandioses et inhospitaliers, la nature a eu tôt fait de reprendre ses droits. Seuls se souviennent ceux qui ont eu à subir dans leur chair l’horreur de la déportation : l’éloignement du foyer familial, les coups, le froid cauchemardesque, le travail épuisant… Les quelques jeunes qui demeurent dans ces immensités perdues n’ont aucune considération pour les souffrances infligées aux centaines de milliers d’innocents qui perdirent ici jeunesse et illusions. L’appel de la consommation à tout berzingue a relégué aux oubliettes cette immense tragédie, signe tangible de ce qu’Hélène Carrère d’Encausse nomme « le malheur russe ». En visitant ces lieux de mémoire : croix signalant une fosse commune, baraques dont il ne reste que les fondations, installations à l’abandon… l’auteur restitue une mémoire qui s’enfuit et s’enfouit. Avec délicatesse et respect, c’est une civilisation disparue qu’exhume Nicolas Werth. Comment ne pas l’en remercier ?

Nicolas Werth, La route de la Kolyma, Belin, 2013, 196 pages, 20 €