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Biographies Recensions

Ernest Renan

Broché: 616 pages
Editeur : Fayard (22 février 2012)
Collection : Biographies Historiques
Langue : Français
ISBN-10: 2213637385
ISBN-13: 978-2213637389
Dimensions : 23,4 x 15,2 x 4 cm

 Ernest Renan

Le moins qu’on puisse dire c’est que, dans le monde croyant, chez les catholiques en particulier, Ernest Renan est l’objet d’une peu enviable réputation. N’est-il pas considéré, avec Auguste Comte ou Jules Ferry, comme un démolisseur, un de ceux qui, en portant la science au pinacle, ont déconsidéré la religion par un rationalisme obtus et systématique ?

Au XIX° siècle, si Renan jouit d’une enviable considération au sein du monde libre penseur, il est au contraire l’objet de rancœur, voire de haine, de la part de nombreux catholiques. Ce désamour profond et tenace, Jean-Pierre Van Deth ne le conteste pas. Sa vaste étude, parce qu’elle évalue la recherche de Renan au sein du contexte bien particulier qu’est le XIX° siècle, époque à laquelle la science est considérée comme toute puissante, cherche à donner de l’ancien séminariste de Tréguier l’image la moins infidèle possible. C’est que Renan, encore considéré comme un des hérauts de l’athéisme, fut séminariste et que l’ire qu’il souleva chez les catholiques vint en grande partie d’un parcours vécu comme une trahison. C’est très tôt que Renan a perdu la foi mais, comme il l’écrivit, « la foi a ceci de particulier que, disparue, elle agit encore ». La vie de l’auteur de L’avenir de la science a-t-elle été gouvernée par une foi qu’il n’avait plus ? C’est à le croire si l’on suit le biographe de Renan. La pensée religieuse de Renan a suivi un cours beaucoup plus subtil que la Libre Pensée ou qu’une apologétique catholique à la Veuillot a voulu le faire croire. Certes, Renan a perdu la foi et il n’hésitait pas à se montrer d’une extrême sévérité à l’égard de ce qu’était devenue, à ses yeux, l’Eglise catholique au cours de l’histoire, c’est-à-dire une Eglise devenue constantinienne, imbue de pouvoir et tyrannique. En même temps, il a toujours gardé une extrême considération pour le fils du charpentier de Nazareth. Le problème, du point de vue catholique, c’est que Renan voyait en lui certes « un homme incomparable », mais un homme ! Pas le Fils de Dieu ! Pas Dieu lui-même ! L’indéfectible attachement qu’il manifeste à l’égard de Jésus est détaché de toute perspective croyante. Renan est, a-t-il souvent proclamé, demeuré un chrétien. Contrairement à ce qu’affirment les cercles libres penseurs dont on se demande s’ils l’ont lu, il a sincèrement prêché un christianisme qu’il pensait proche de l’Evangile. Le problème, c’est que ce christianisme sans dogme, sans structure, risquait d’être si désincarné qu’au bout du compte il n’en resterait à peu près rien.

La belle biographie de Jean-Pierre van Deth donne à voir un homme attachant, curieux de tout. Tour à tout philologue, historien, théologien… Renan est sans conteste une des plus belles figures du monde scientifique au XIX° siècle. Il est regrettable que nombreux de ceux qui ont annexé sa pensée n’aient pas toujours compris qu’il fut essentiellement, comme il l’a dit lui-même, un chercheur de vérité.

 

Jean-Pierre Van Deth, Ernest Renan, Fayard, 2012, 616 pages, 32 €

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