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Benoît XVI, un pontificat contrasté

Broché: 176 pages
Editeur : Cerf (17 mars 2013)
Collection : L’histoire à vif
Langue : Français
ISBN-10: 2204100811
ISBN-13: 978-2204100816
Dimensions : 21,2 x 13,4 x 1,4 cm

 Benoît XVI, un pontificat contrasté

Habitué à l’histoire longue, le P. Paul Christophe, prêtre du diocèse de Lille, revient sur les huit années du pontificat du pape Benoît XVI. Composé avec un style dynamique, l’ouvrage se lit remarquablement bien. En quelque 150 pages, Paul Christophe insiste sur les lignes de force de ce pontificat. Manque peut-être un chapitre sur le voyage fait en France en 2007 avec, pour point d’orgue, le fameux discours aux Bernardins, discours concernant les rapports entre la foi et la raison.

Pour le reste on peut dire que tous les sujets sont passés en revue : les trois encycliques signées par Benoît XVI, la nouvelle évangélisation, l’année de la foi, les problèmes liés aux affaires de pédophilie qui ont secoué certaines Eglises, la tentative de dialogue avec la Fraternité Saint Pie X, etc. La qualité de l’information et l’impartialité de l’auteur ne l’empêchent pas de tomber dans un travers que l’on retrouve fréquemment, y compris chez les meilleures plumes. Vouloir publier rarement le gage d’une œuvre accomplie. Par exemple, lorsque Paul Christophe parle des difficultés qui ont entravé la bonne marche du dialogue interreligieux, il semble mettre toutes les religions dans le même sac, comme si elles partaient de la même ligne de départ. L’argument est spécieux ; plus, il ne rend pas compte de la simple justice. En effet, dans un certain nombre de domaines comme celui des relations entre l’Eglise et le judaïsme ou l’islam, l’écrasante majorité des initiatives vient de l’Eglise, souvent du pape lui-même.

Redisons-le. Benoît XVI, le pontificat contrasté constitue une intéressante synthèse du dernier pontificat. Livre de circonstance, il risque toutefois de ne pas passer à la postérité. En troquant son métier d’historien pour celui de journaliste, Paul Christophe a rendu une copie propre et honnête mais qui fait penser à ces livres que l’on publie sur la politique à la veille d’une importante échéance électorale : on les lit avec intérêt mais on les oublie vite. Néanmoins l’auteur a su saisir la pointe du pontificat de Benoît XVI : « remettre le Christ au centre de la foi et de la vie des chrétiens. »

Paul Christophe, Benoît XVI, un pontificat contrasté, Le Cerf, 2013, 170 pages, 15 €

 

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Résurrection de Jésus et résurrection des morts : Foi, histoire et théologie

Broché: 243 pages
Editeur : Cerf (11 octobre 2012)
Collection : Epiphanie
Langue : Français
ISBN-10: 2204098159
ISBN-13: 978-2204098151
Dimensions : 21,4 x 14,4 x 1,6 cm

 Résurrection de Jésus et résurrection des morts

Jean-Pierre Torrell o.p. est un théologien particulièrement prolixe. Après avoir travaillé l’œuvre de saint Thomas d’Aquin, voilà qu’il s’attaque à l’un des fondamentaux de la foi chrétienne : le dogme de la résurrection du Christ. Il le fait dans une perspective dans laquelle l’apologétique n’est pas tout à fait absente. Il a constaté en effet combien la croyance en la résurrection, celle de Jésus et celle des morts, était mise à mal par le scepticisme contemporain, scepticisme mâtiné d’une adhésion aux thèses prônées par les tenants de la réincarnation. Cela dit, qu’on soit croyant ou pas, la résurrection demeure pour nous un mystère et, écrit l’auteur, « un mystère ne se prouve pas : nous ne pouvons y adhérer que par et dans la foi. » (p. 14). L’auteur passe au crible la plupart des questions que les croyants se posent sur la question depuis les origines. Par exemple la résurrection prend-elle place à la fin des temps, lors de ce qu’on appelle le Jugement dernier ? La résurrection du Christ sera-t-elle précédée de la résurrection de tous les morts ? S’agira-t-il bien de tous les morts ? Certains théologiens, au contraire, postulent l’idée d’avancer la date de la résurrection au moment même de la mort de chacun.

Dans un évident souci pédagogique, le Fr. Torrell passe en revue la plupart des objections faites au dogme de la résurrection à partir d’un passage en revue des principaux textes de l’Ecriture qui en parlent. A la clarté de l’exposé s’associe la solide capacité de synthèse de l’érudit, au final désireux « de raviver les raisons que nous avons d’y croire. » (p. 148). Il insiste longuement sur ce qu’a de contraire à la foi chrétienne la réincarnation. . Vatican II parle à ce sujet de « notre vie terrestre unique » (Lumen Gentium, n°48). Quant à la crémation, l’auteur s’en méfie, voyant surgir avec elle des relents d’athéisme. Comme l’Eglise, sa préférence va nettement à l’inhumation. Au total, un livre tonifiant !

Jean-Pierre Torrell, Résurrection de Jésus et résurrection des morts, Le Cerf, 2012, 243 pages, 20 €

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Vers la guérison et le renouveau : les abus sexuels sur des mineurs

Broché: 314 pages
Editeur : Cerf (7 février 2013)
Collection : HISTOIRE A VIF
Langue : Français
ISBN-10: 2204098876
ISBN-13: 978-2204098878
Dimensions : 21,4 x 13,4 x 2,4 cm

  Vers la guérison et le renouveau: les abus sexuels sur des mineurs

Si le titre ne veut pas dire grand-chose en lui-même, il suffit de lui accoler le sous-titre pour voir immédiatement de quoi il en retourne : « Les abus sexuels sur des mineurs ». Ce livre tombe à pic car il montre, si besoin était, la voie prise par l’Eglise pour mettre un terme à un scandale qui a mené la vie dure à sa réputation. Alors que la renonciation à sa charge par le pape Benoît XVI n’en finit pas d’étonner le monde, comment ne pas évoquer le travail de purification opéré par l’Eglise sous l’égide du Souverain Pontife ? Des scandales nombreux et innommables, aux Etats-Unis, en Irlande, en Autriche, etc. ont terni la crédibilité de l’Eglise. Le manque de discernement et de courage a coûté cher à de nombreux diocèses.

Beaucoup de prêtres et de religieux ont trahi leur vocation et l’exigence du Christ à respecter l’enfance et l’innocence. Sous l’accusation des victimes, des diocèses paient encore pour cette politique d’aveuglement Des prêtres ont été condamnés à de nombreuses années de prison. Pour mettre fin à ce scandale, le pape Benoît XVI a su frapper fort, de façon à purger l’Eglise de tous ces péchés contre la chair et l’esprit. Mais cela ne suffit pas. Comment prévenir de nouveaux scandales, éviter la récidive, aider les victimes et protéger d’eux-mêmes les coupables ? Le symposium qui s’est tenu à Rome il y a un an, à l’Université pontificale grégorienne, a réuni de nombreux représentants d’instances ecclésiales. Les objectifs étaient clairs : « donner la parole aux victimes, favoriser une culture de l’écoute des personnes, faire connaître ce qu’il est possible de faire pour protéger les personnes les plus vulnérables. » Les contributions collectées dans ce volume reprennent les interventions les plus marquantes de la rencontre romaine. Les questions abordées sont très diverses. Signalons, entre autre, la recherche de la vérité dans les cas d’abus sexuels (Mgr Scicluna), Internet et la pornographie (G. McGlone) ou le véritable coût de la crise (M. Bemi). Chacun des textes montre une liberté de ton dont on n’était pas toujours habitué. Une crise d’une telle gravité ne peut se régler dans les faux-semblants et les demi-mesures ; tout doit être dit, et franchement ! La liberté de ton dont usent les intervenants atteste que chacun a bien pris conscience que tout devait être fait afin de régler le problème en son cœur. Une opération salutaire.

Collectif, Vers la guérison et le renouveau : les abus sexuels sur des mineurs, Le Cerf, 2013, 320 pages, 20 €

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La mort en cendres : La crémation aujourd’hui que faut-il en penser ?

Broché: 208 pages
Editeur : Cerf (4 octobre 2012)
Collection : L’histoire à vif
Langue : Français
ISBN-10: 2204095990
ISBN-13: 978-2204095990
Dimensions : 19,4 x 13,6 x 2 cm

 La mort en cendres

Une révolution s’opère silencieusement sous nos yeux : pour leurs obsèques, 30 % des Français préfèrent la crémation à l’inhumation. Quand on leur demande la raison de leur choix, dans une grande majorité ils disent vouloir ne pas être à la charge de leurs enfants.

Si l’on regarde bien, choisir la crémation, c’est mourir deux fois : à la violence de la mort s’ajoute celle de la disparition du corps en cendres. Dans un monde où le corps est érigé en icône, voilà qui interroge. Comment comprendre : la même personne qui, de son vivant, voulait mordicus un corps parfait opte, à sa mort, pour une destruction radicale ? Damien Le Guay s’interroge : « J’ai tenté, explique-t-il, de comprendre les enjeux de la crémation, qui la dépassent, l’englobent, s’y trouvent logés sans que les partisans de la crémation s’en rendent souvent bien compte. » (p. 186). Depuis des temps immémoriaux la crémation est en vigueur dans d’autres civilisations, en Inde par exemple, mais les motifs y sont puissamment religieux alors qu’en Europe elle s’inscrit dans le cadre d’une incroyance tranquille, sinon revendiquée. Pour Damien Le Guay, la réduction du corps en cendres concrétise la vacuité symbolique et  anthropologique de l’Occidental, consommateur désabusé et désenchanté, qui ne croit plus en grand-chose et a balancé par-dessus bord les espérances collectives auxquelles il était autrefois arrimé. Quand la politesse mortuaire s’évanouit, que l’on ne souhaite pas voir la mort venir contaminer le monde des vivants, alors il devient urgent de se poser des questions sur notre  humanité. Il y a un au-delà de la mort auquel il convient de réfléchir. Le choix de la crémation en dit long du malaise contemporain, malaise que l’auteur résume ainsi : « Il faut considérer ce désir de cendres, ce souhait d’effacement, comme la conséquence ultime d’un échec de singularisation par ses seules qualités personnelles. » (p. 21) Autrement dit, l’anonymat et le conformisme à grande échelle inhérents aux sociétés contemporaines affectent l’idée que nous nous faisons de la mort. Anonymes ici-bas, réduits par le marché en consommateurs, en usagers et parfois en numéros, ayant rompu toute attache religieuse, nous choisissons, avec la crémation, un autre anonymat. La réduction en un petit tas de cendres nous fait passer dans l’oubli ; « il faut faire place nette, dégager, s’effacer, se restreindre » (p. 99). La révolution de la crémation peut avoir des conséquences incalculables. En réduisant le corps à quelques grammes de cendres, demandons-nous ce que devient l’humanité. Comme le disait Heiddeger : « Seul l’homme meurt. L’animal périt. » Le beau livre de Damien Le Guay a l’immense mérite de poser cette terrible question : En voulant tuer la mort, ne concourons-nous pas à la fin d’une certaine idée de l’humanité ?

Damien Le Guay, La mort en cendres, Le Cerf, 2012, 208 pages, 17 €

 

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Le Père Antonin Jaussen, o.p. (1871-1962) : Une passion pour l’Orient musulman

Broché: 132 pages
Editeur : Cerf (31 mai 2012)
Collection : L’histoire à vif
Langue : Français
ISBN-10: 2204088811
ISBN-13: 978-2204088817
Dimensions : 21,2 x 13,4 x 1,4 cm

 Le père Antonin Jaussen, o.p. (1871-1962)

            Entre l’Orient et l’Occident les différences sont nombreuses. Une des plus évidentes réside dans le fait qu’historiquement les Orientaux se sont généralement peu intéressés à ce qui se passait en Occident. Au contraire, dès la fin du XVIII° siècle avec l’expédition de Bonaparte en Egypte, nombreux furent les Occidentaux à se passionner pour ce qui venait de là-bas. La civilisation égyptienne, les conquêtes d’Alexandre, le début du christianisme, l’islam… tout cela faisait rêver égyptologues, historiens, scientifiques et… hommes d’Eglise. La liste est longue de ces rêveurs géniaux, fascinés par cet Orient à la fois proche et lointain, simple et compliqué, de Lawrence d’Arabie au père Lagrange, le fondateur de la célèbre Ecole Biblique de Jérusalem. Au sein du monde catholique, après les mercédaires spécialisés dans le rachat des esclaves chrétiens, les dominicains se prirent de passion pour l’Orient, chrétien et musulman. Le P. Jaussen est l’un d’eux. Né en 1871 en Ardèche, des études brillantes dans les langues orientales font prendre à sa vie un départ inattendu : celle de l’intellectuel et de l’aventurier de cette époque telle qu’on se l’imagine aujourd’hui. Il y a chez Jaussen du Guillaume de Rubrouck et du Henri de Monfreid. Polyglotte comme la plupart des membres de l’Ecole Biblique, il passe son temps entre l’étude, la découverte des populations et des lieux. C’est que le P. Jaussen n’a rien d’un intellectuel en chambre ; il n’aime rien moins que de rencontrer les bédouins. La Première Guerre Mondiale lui donne l’occasion de mettre ses connaissances de la culture locale au service de la cause alliée. Les autorités françaises le chargent en effet d’organiser le services de renseignements en Palestine et en Syrie. Après la guerre, il quitte Jérusalem pour Le Caire ; il est de l’équipe qui va fonder le prestigieux Institut Dominicain d’Etudes Orientales (IDEO). Bâtir un pont entre l’Orient musulman et l’Occident chrétien, c’était pour lui, accompagné de ces autres pionniers que furent les pères Anawati et de Beaureceuil, un véritable acte de foi.

L’auteur de cette biographie, le P. Jean-Jacques Pérennès, actuellement directeur de l’IDEO, était évidemment le mieux placé pour raconter la biographie d’un de ses grands prédécesseurs. Ce petit livre, toujours passionnant, constitue une introduction de qualité pour mieux apprécier la qualité de l’œuvre toujours vivante des dominicains en terre d’Islam.

Jean-Jacques Pérennès, Le père Antonin Jaussen o.p. (1871-1962) : Une passion pour l’Orient musulman, Le Cerf, 2012, p. 132, 13 €

 

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Traité des sacrements : Tome 7, Le mariage, sacrement de l’amour

Broché: 710 pages
Editeur : Cerf (26 janvier 2012)
Collection : Théologies
Langue : Français
ISBN-10: 2204093521
ISBN-13: 978-2204093521
Dimensions : 23,4 x 14,4 x 4,2 cm

 Traité des sacrements : Tome 7, Le mariage, sacrement de l’amour

C’est à une œuvre colossale que s’est attelé le P. Jean-Philippe Revel, dominicain. Quand on sait la littérature torrentielle à laquelle ont donné lieu les sacrements de l’Eglise, il fallait une bonne dose de courage pour s’attaquer à pareil sujet. Avec ce dernier opus, le P. Revel en est au cinquième tome d’une série qui doit en compter huit.

Le Traité du P. Revel suit une trame historique. Nous avons bien affaire à une histoire du sacrement de mariage à travers les âges, avec les évolutions et les débats auxquels ces derniers ont donné lieu. Les sacrements ont mis des siècles pour se forger ; par conséquent, lire leur histoire c’est comprendre leur actualité. Le tableau que dresse le P. Revel, impressionnant de rigueur et d’érudition, explique bien les tribulations subies par le sacrement de mariage. L’Eglise ne tarde pas à sanctifier l’union de l’homme et de la femme. Les Pères de l’Eglise sont généralement réticents à son égard. La perspective eschatologique qui est la leur les conduit à exalter la continence et la chasteté au détriment de l’union conjugale, laquelle est consommée dans l’œuvre de chair. Il faut attendre le XII° siècle pour que le mariage acquière définitivement le titre de sacrement.

Non content de donner une histoire complète du mariage (théologie, rite…), le P. Revel n’ignore rien des débats contemporains. La question des personnes divorcées remariées fait bien sûr l’objet de pages très complètes. Même chose s’agissant de la question du ministre du sacrement. En Occident, les époux sont considérés comme étant les ministres du sacrement, pas en Orient où le prêtre joue ce rôle. Dans un cas comme dans l’autre, le P. Revel n’hésite pas à dire sa préférence : par exemple il penche nettement en faveur de la position de Melchior Cano, reprise par certains théologiens et canonistes contemporains, qui dénie aux époux le rôle de ministres du sacrement. Les époux sont-ils nécessairement ministres ? Cette position traditionnelle dans l’Eglise latine n’a pas l’aval de tous ; n’est-ce pas la médiation du prêtre qui confère la grâce au sacrement ? Ainsi, alors qu’il passe en revue l’ensemble des dimensions du mariage, le P. Revel n’oublie pas les controverses nées de pratiques pastorales parfois discutées. Cette conjonction, mélangeant érudition et questionnements contemporains, fait de ce volume un incontournable. Comment ne pas remercier le P. Revel pour ce travail monumental et toujours pertinent ?

Jean-Philippe Revel, Traité des sacrements. VII – Le mariage, Le Cerf, 2012, 709 pages, 57 €

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Recensions Religion

Des missionnaires plongés dans la Grande Guerre

Broché: 367 pages
Editeur : Cerf (7 juin 2012)
Collection : L’histoire à vif
Langue : Français
ISBN-10: 2204096881
ISBN-13: 978-2204096881
Dimensions : 21,2 x 13,6 x 2,2 cm

 Des missionnaires plongés dans la Grande Guerre

Auteur d’une histoire de l’Eglise qui fait date et après avoir publié les Carnets du cardinal Alfred Baudrillart (Le Cerf), le P. Paul Christophe, prêtre du diocèse de Lille, s’attaque à un sujet jusqu’à présent peu abordé : l’histoire des missionnaires français rappelés en France pour les besoins du front. Les missionnaires dont il s’agit dans ce volume sont exclusivement des membres des Missions Etrangères de Paris. En exhumant les lettres qu’ils ont échangées avec le supérieur ou les directeurs du Séminaire de Paris, le P. Christophe relate les tourments et les espoirs de prêtres qui étaient partis en Asie sans esprit de retour. En août 14, une fois la guerre déclarée, la patrie a besoin de tous ses enfants, y compris les missionnaires. Employés principalement à des tâches non combattantes, ils assistaient en première ligne à ce premier suicide de l’Europe ; un peu plus de 16 % d’entre eux furent tués au front. Les lettres que le P. Christophe donne à lire montrent l’état d’esprit d’hommes qui étaient des prêtres, des chrétiens et des patriotes. Défendre la patrie attaquée était chez eux comme une évidence… qui ne se faisait pas sans remords. Ils étaient déchirés à l’idée de laisser seules les communautés chrétiennes qu’eux-mêmes et leurs prédécesseurs avaient évangélisées. Chez beaucoup l’avenir est angoissant. Il y a bien sûr la guerre, mais aussi l’après-guerre. Partis une première fois sans idée de retour – « C’est seulement en 1922 que le principe des congés sera introduit dans la Société des Missions Etrangères » (p. 21) – beaucoup se demandent ce que sera leur retour en Asie. Dans quel état trouveront-ils les communautés qu’ils ont dû laisser. On ne fermera pas le beau livre du P. Paul Christophe sans, tout comme lui, éprouver de l’admiration  pour ces missionnaires, « pour la force de caractère qui les soutient dans l’épreuve, pour l’énergie des vétérans déployée dans leur mission et pour la foi qui les anime. » (p. 334)

A plusieurs reprises l’auteur évoque et publie des lettres du P. Pierre Compagnon, qui fut missionnaire au Japon et revint en France en 1900, nommé directeur du Séminaire de Paris. Le R.P. Pierre Compagnon est un aïeul. Il est né en 1859 à Beaurepaire-en-Bresse. Dans la famille, nous ne sommes pas peu fiers de lui.

Paul Christophe, Des missionnaires plongés dans la Grande Guerre, Le Cerf, 2012, 367 pages, 27 €

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Histoire Recensions

Henri VIII et le schisme anglican

Broché: 190 pages
Editeur : Cerf (15 mars 2012)
Collection : Histoire
Langue : Français
ISBN-10: 2204096911
ISBN-13: 978-2204096911
Dimensions : 23,4 x 14,4 x 1,6 cm

 Henri VIII et le schisme anglican

La communion anglicane regroupe des dizaines d’Eglises de par le monde ; toutes sont issues du conflit qui opposa le roi Henri VIII à la papauté. Ici deux thèses s’affrontent. Le schisme anglican est-il la suite, le corollaire de l’expansion de la Réforme née avec Luther dans l’Allemagne du début du XVI° siècle  ou, plus simplement, la conséquence des péripéties d’ordre sentimental liée à la vie du souverain anglais ? A défaut de privilégier l’une au détriment de l’autre, Aimé Richardt unit les deux dans un subtil mélange. Les débuts de cette affaire relèvent uniquement de la vie sentimentale du roi Henri qui, en épousant Catherine d’Aragon, sa première épouse, a fait un mariage politique. Mais c’est par amour qu’il épouse Anne Boleyn et trois de ses quatre autres épouses. Quand un roi divorçait d’une princesse étrangère, cas de Catherine d’Aragon, il n’était guère pensable de lui couper la tête en cas de difficulté : c’eut été un cas de casus belli. Faire exécuter les épouses anglaises s’avérait par contre plus facile, d’autant que cela avait pour avantage de faire savoir aux puissants du royaume que le roi était bien le maître. La volonté d’Henri de faire annuler le mariage qu’il avait contracté avec Catherine d’Aragon engendra la rupture fatale. Malgré un lobbying entreprenant, Henri VIII ne parvint pas à faire plier le pape Clément VII lequel, pour sa part, persistait à considérer ce mariage comme étant canoniquement valide. Ce qu’Henri prenait pour un refus obstiné n’était en fait, chez le pape, que la volonté d’appliquer la loi de l’Eglise. Quoiqu’il en soit, face à la résistance qu’on lui opposait, le roi prit en son royaume une liste impressionnante de mesures destinées  à briser le catholicisme. La disparition de la vie monastique en Angleterre date de cette époque. Ces mesures coercitives devaient immanquablement amener le roi à prendre la tête de l’Eglise d’Angleterre. En dépit d’un retour bref du catholicisme avec la reine Marie Tudor, la reine Elisabeth I° (la « Grande Elizabeth ») parvint à asseoir définitivement l’indépendance de l’Eglise d’Angleterre. La doctrine du juste milieu chère à Henri triomphait.

En moins de deux cents pages, Aimé Richardt parvient à dresser un tableau aussi complet que précis des conséquences politiques et religieuses nées de l’entêtement et de la fougue d’Henri VIII. Très éclairant.

Aimé Richardt, Henri VIII et le schisme anglican, Le Cerf, 2012, 192 pages, 19 €

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Recensions Religion

Manuel de théologie fondamentale

Broché: 874 pages
Editeur : Cerf; Édition : Nouvelle (7 novembre 1990)
Collection : Cogitatio Fidei
Langue : Français
ISBN-10: 2204031194
ISBN-13: 978-2204031196
Dimensions : 21,4 x 13,2 x 4,4 cm

 Manuel de théologie fondamentale

Il n’y a pas qu’en économie, dans le dialogue social ou en sport que les Allemands sont bien placés. La production livresque germanique est également digne du plus haut intérêt. Au minimum, elle indique l’excellence de la patrie de Goethe dans le domaine intellectuel. Depuis environ deux siècles, dans un certain nombre de sciences les Allemands sont à la pointe. En matière d’exégèse biblique et de recherches théologiques, ils sont parmi les meilleurs, si ce n’est les premiers. Au XIX° siècle, ils avaient Strauss et Harnack. Au XX° siècle, ils ont eu Rahner, Ratzinger… ainsi que toute une pléiade de théologiens, protestants et catholiques, de très haut niveau. Tant en matière d’exégèse, de droit canonique, de liturgie ou de dogmatique, la production allemande compte parmi ce qui se fait de mieux. Le jésuite Hans Waldenfels fait partie de ces théologiens. Son Manuel de théologie fondamentale – un pavé ! – constitue un travail très longue haleine. Le résultat, sous forme de synthèse, est impressionnant. En cinq parties d’égale longueur (la théologie et son contexte, Dieu, le Christ, l’Eglise, l’Evangile), H. Waldenfels donne l’essentiel de ce qu’il y a lieu de savoir une fois que l’on a abordé cet immense continent qu’est la théologie, y compris la pensée qui entend la réfuter : l’athéisme. La construction de l’ouvrage est typique du produit de l’Université allemande : toutes les informations données sont hiérarchisées, systématisées. Par exemple, le chapitre consacré à Jésus s’ouvre par une partie intitulée « Points de vue ». Comme il s’agit d’un manuel, ne sont pas exposés là les points de vue de l’auteur sur le Christ. Non, ce qui a intéressé l’auteur c’était de considérer ce qui était dit sur le Christ, vu d’en haut, d’en bas, de l’intérieur et de l’extérieur, ceci afin de ne rien oublier de ce que l’apologie ou la critique aurait pu produire sur le sujet.

 

La première édition de cet ouvrage datant de plus de vingt ans, on pourra trouver les sources quelque peu datées, c’est sans doute regrettable mais cette imperfection a le mérite de replacer l’ouvrage dans une époque ; il ne faut jamais oublier que la théologie est une discipline vivante. Evidemment, la lecture d’une telle masse est aride ; elle exige la pleine concentration du lecteur. Pourtant, une fois cet écueil dépassé, demeure l’ineffable plaisir d’avoir vogué du côté des cimes.

Hans Waldenfels, Manuel de théologie fondamentale, Le Cerf, 2010, 868 pages, 47.50 €

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Recensions

Vendée : Du génocide au mémoricide

Broché: 444 pages
Editeur : Cerf (6 octobre 2011)
Collection : Politique
Langue : Français
ISBN-10: 220409580X
ISBN-13: 978-2204095808
Dimensions : 21,4 x 13,4 x 2,6 cm

 Vendée : Du génocide au mémoricide

La France est un pays curieux, prompt à faire la leçon au reste du monde mais incapable de réfléchir sur son propre passé. Le 23 janvier dernier,  le Parlement votait une loi pénalisant la négation du génocide arménien, loi faisant suite à une série de lois mémorielles plaçant l’histoire sous la coupe des politiques. Que l’on soit d’accord ou non, le fait est là : la loi a été votée. Or, n’est-il pas curieux de constater que la classe politique, si prompte à donner des bons et des mauvais points au reste du monde, demeure étrangement silencieuse dès qu’est évoqué le drame de la Vendée ? Comme reconnaître les massacres perpétrés en Vendée c’est mettre à mal le dogme républicain, pas touche ! Depuis bientôt trente ans Reynald Secher se bat pour que soit reconnue cette évidence : en 1793, la Convention et le Comité de salut public se sont rendus coupables d’un massacre qui a toutes les apparence d’un génocide. Contrairement au mythe officiel forgé depuis Michelet, la Vendée a été le théâtre d’une boucherie. Les estimations tournent autour de 120 000 morts, hommes, femmes et enfants. Quant au mot « génocide », il n’est pas usurpé : les Vendéens furent exterminés parce qu’ils étaient Vendéens.

Péguy disait : « Celui qui ne gueule pas la vérité lorsqu’il la connaît se fait le complice des menteurs et des faussaires ! » Rien n’est plus vrai s’agissant de la Vendée. Avec l’auteur, il faut bien le dire, le crier : la Convention a mené là une politique rationnelle, soigneusement pesée, d’anéantissement. Qu’on se souvienne des colonnes infernales, des noyades de Nantes, des exécutions sommaires (nourrissons y compris), embrochés, sabrés, brûlés vifs, etc. Un paroxysme dans l’horreur. Ce génocide, bien peu le dénoncent. Comme il n’est pas à l’honneur de la République, on préfère l’oublier, en enfouir le moindre souvenir. Au crime contre une population s’est ajouté un crime contre la mémoire, un « mémoricide ». Souhaitons qu’un jour la France regarde sans fard ce sinistre passé et que les parlementaires abrogent enfin « les lois d’anéantissement et d’extermination des 1er août et 1er octobre 1793, votées par leurs prédécesseurs. » (p. 15)

 

Reynald Secher, Vendée. Du génocide au mémoricide, Le Cerf, 2011, 444 pages, 24 €