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Recensions Religion

Anticatéchisme pour le christianisme à venir

Broché: 250 pages
Editeur : ALBIN MICHEL (2 septembre 2013)
Collection : SPIRITUALITE
Langue : Français
ISBN-10: 2226249540
ISBN-13: 978-2226249548
Dimensions : 22,4 x 14,8 x 2,4 cm

 Anticatéchisme pour le christianisme à venir

En revisitant cent un fondamentaux de la foi chrétienne, Christine Pedotti – alias Pietro de Paoli – entend d’abord se montrer pédagogue. L’utilisation de mots courants, d’un style simple et d’un ton positif est mise au service d’un livre soucieux de conformer le vocabulaire et les concepts de la foi catholique avec le langage qui sied aux contemporains. Entendons-nous bien, il ne s’agit pas ici de faire l’iconoclaste. Christine Pedotti entend demeurer fidèle à la foi de l’Eglise ; elle désire simplement contribuer à dépoussiérer un vocabulaire qui rencontre la plupart du temps un écho médiocre. Parler ici d’anticatéchisme paraît ambigu et ceux qui y chercheront quelque brûlot de la part d’une des fondatrices du Comité de la Jupe en seront pour leur frais. Ce que l’auteur dit par exemple de la tradition est éclairant. Moyen de lutter contre le fondamentalisme, la tradition est un concept dynamique, ce que soulignait en son temps feu le cardinal Congar, « canal par lequel la Révélation ne cesse de se déployer » (p. 236).

Cent un articles ! On est loin de la masse que représente le Catéchisme de l’Eglise catholique. Pour l’auteur, l’important n’est pas dans un exposé organique de la foi catholique. Il s’agit de revisiter des mots essentiels de la foi afin de les rendre compréhensibles et acceptables pour nos contemporains. Parmi ces derniers, tellement sont loin de la foi que l’essai de C. Pedotti paraît un moyen judicieux de rendre l’Eglise et sa foi plus proches. Beaucoup de remarques pertinentes (cf. articles « miracle » ou « œcuménisme ») achèvent de convaincre de la pertinence de l’ouvrage.

Piero de Paoli, Anticatéchisme pour le christianisme à venir, Albin Michel, 2013, 254 pages, 18 €

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Biographies Recensions

Kennedy : Une vie en clair-obscur

Broché: 240 pages
Editeur : Armand Colin (18 septembre 2013)
Collection : Hors collection
Langue : Français
ISBN-10: 2200279833
ISBN-13: 978-2200279837
Dimensions : 22 x 14,4 x 2,6 cm

 Kennedy : Une vie en clair-obscur

Qui était John Fitzgerald Kennedy ? Tellement a été dit sur sa vie et sa courte présidence que l’on se demande bien ce qu’un livre de plus peut apporter. On vante généralement l’image d’un Kennedy, jeune, beau et dynamique, incarnation de l’Amérique triomphante. Le Kennedy de Thomas Snégaroff dit bien autre chose. Carrière fulgurante, court mais étincelant passage dans l’armée, gloire et aisance, certainement. En contrepoint demeure un négatif qui a longtemps été tu. S’il est aventureux de dire que l’obscurité dépasse ici la clarté, ce Kennedy n’en jette pas moins une lumière crue sur ce fils de politicien, lui-même politicien, catholique, amateur de jolies femmes. Quand les foules voient le play-boy, sûr de lui, toujours bronzé, le symbole d’une Amérique sûre de sa force, l’Histoire voit la douleur d’un homme qui a sans cesse vécu avec des ennuis de santé, cherchant sa personnalité dans l’image que lui renvoient les autres et d’abord les membres de sa famille « Toute sa vie, il aura admirablement joué le rôle que d’autres lui ont attribué » (p. 214). C’est son père, Joseph, qui le pousse à faire une carrière dans la politique, une carrière à l’origine dévolue à Joseph Junior, le fils préféré.

Ambitieux, débordant de vitalité, John F. Kennedy a vécu toute une vie dans la souffrance physique et à l’ombre de la mort. Le livre de Thomas Snégaroff livre l’autre face du rêve américain. Ce Kennedy se lit comme un roman. Manque peut-être quelques pages sur la politique menée par un président dont on ne peut réduire la vie à un mythe.

Thomas Snégaroff, Kennedy : Une vie en clair-obscur, Armand Colin, 2013, 224 pages, 19.90 €

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Biographies Recensions

Staline

Broché: 732 pages
Editeur : Librairie Académique Perrin (29 août 2013)
Langue : Français
ISBN-10: 2262034559
ISBN-13: 978-2262034559
Dimensions : 23,8 x 15,4 x 2,8 cm

 Staline

Après s’être attaqué aux biographies de Trotski et de Lénine, l’historien britannique clôt sa trilogie par un autre copieux ouvrage, consacré cette fois à Staline. Comme toujours, la rigueur est de mise. Les sources, nombreuses et diverses, attestent la connaissance quasi-parfaite de l’auteur sur cette période qui couvre en gros la première partie du XX° siècle russe et soviétique. Evidemment, il a déjà été tellement écrit sur Joseph Djougachvili (vrai nom de Staline) que l’on se demande ce que R. Service peut bien apporter de nouveau. A cela on pourrait rétorquer que, si ce n’est pas la biographie la plus enlevée et la plus plaisante, il s’agit en tout cas d’une des mieux documentée, équivalente, dans un genre à peine différent, aux productions d’un Simon Sebag Montafiore, autre spécialiste britannique de la même période.

Presque tout à été dit de la mégalomanie de Staline, de son cynisme et de sa cruauté. Il occupe une place de choix dans le musée des monstres du XX° siècle. Personne, que ce soit dans son  entourage ou parmi ses amis n’est épargné par la paranoïa du dictateur. A partir du début des années 30, il tient tous les rênes d’un pouvoir absolu qui a rarement été atteint dans l’histoire. Ce n’est pas pour rien que certains ont vu en lui un tsar rouge ; son modèle n’est-il pas Yvan le Terrible ? Despote sanguinaire, Staline était également un être plus ambivalent qu’il n’y paraît. Grand lecteur, avide de savoir, écrivain et théoricien, c’était aussi un bourreau de travail qui ne se ménageait pas. Ce qui le passionnait c’était le pouvoir, un pouvoir total sur les hommes et les choses. Son caractère implacable va faire de lui l’adversaire victorieux de l’Allemagne nazie. Sur des monceaux de cadavres Staline sera pour beaucoup dans l’édification de la puissance soviétique.

Dans les rapports d’homme à homme, jusque dans les relations diplomatiques, Staline, Hitler et consorts adoptent des attitudes de truands. Le sort a voulu que ces gangsters aient joui d’un pouvoir sans limites. L’étude de Robert Service éclaire de façon convaincante la psychologie d’un guide (Vojd) qui, en même temps qu’il électrifiait le pays, apportait la famine, la désolation et la mort. Le livre de R. Service est à l’image de son sujet : saisissant !

Robert Service, Staline, Perrin, 2013, 730 pages, 29 €

 

 

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Actualités Recensions

C’est la culture qu’on assassine

Broché: 284 pages
Editeur : Balland (13 janvier 2011)
Collection : DOCUMENT
Langue : Français
ISBN-10: 2353150985
ISBN-13: 978-2353150984
Dimensions : 20,2 x 13,4 x 2,2 cm

 C’est la culture qu’on assassine

Avec un titre aussi alléchant  on aurait pu s’attendre à une œuvre qui fasse date. L’auteur est facile à lire, cultivé en diable et n’a pas la langue dans sa poche. Quand il pense qu’une œuvre ne vaut pas un clou, il le dit. Bien sûr, ce petit livre rondement mené ne se lit pas sans plaisir. Il n’en reste pas moins qu’on en attendait davantage. Pour partie, la faute incombe à la conception même de l’ouvrage ; il n’est pas évident, en effet, de réunir des articles déjà publiés sur un blog personnel. La mayonnaise a du mal à prendre. A une certaine hétérogénéité se conjugue les goûts de Pierre Jourde pour des auteurs qu’il est à peu près le seul à connaître. On peut concevoir l’élitisme en culture, à condition toutefois de ne pas décourager les bonnes volontés, les préférences de l’auteur allant à des écrivains qu’une bonne partie du public cultivé n’est pas certaine de connaître. Manque d’unité, choix discutables… Mais, pour le reste, les coups de griffe que lance Pierre Jourde à la culture contemporaine – ou, pour être plus précis, à ce qui en tient lieu – sont réjouissants. Comment ne pas l’approuver lorsqu’il demande ce qu’est devenue la culture : « Ce qui est dramatique, c’est la disparition de la culture populaire au profit du divertissement de masse » (p. 143) ? De même suivrons-nous l’auteur quand il s’inquiète de ce que, au nom du politiquement correct, il devient quasiment impossible aux critiques de faire correctement leur travail, dans la mesure « où le soupçon pèse systématiquement sur toute critique non positive » (p. 213). Entre happy few des mêmes expositions et mêmes rentrées littéraires, il convient de se décerner les brevets de respectabilité qui permettront d’assurer des ventes correctes.

Dans un monde où tout est jaugé à l’aune de l’utilitarisme, a-t-on besoin de la culture ? La question vaut d’être posée tant la culture est devenue un objet de consommation comme un autre. Or, dit l’auteur, être homme consiste à se passionner pour l’inutile. La culture ouvre à la beauté et à l’intelligence, et peu importe qu’elle soit considérée comme inutile. Comme l’écrivait Théophile Gautier dans la préface de Mademoiselle de Maupin : « L’endroit le plus utile d’une maison, ce sont les latrines ».

Pierre Jourde, C’est la culture qu’on assassine, 2011, Balland, 285 pages, 18.90 €

 

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Recensions Religion

Vladimir Ghika : Professeur d’espérance

Broché: 494 pages
Editeur : Cerf (22 août 2013)
Collection : L’histoire à vif
Langue : Français
ISBN-10: 2204100838
ISBN-13: 978-2204100830
Dimensions : 21,4 x 14,4 x 3 cm

 Vladimir Ghika : Professeur d’espérance

Le P. Vladimir Ghika est une des plus belles figures chrétiennes du XX° siècle. Sa nationalité roumaine, sa conversion au catholicisme – lui, le prince roumain de confession orthodoxe ! – et la fin de sa vie passée dans les geôles de la Roumanie communiste donnent un reflet particulier à cette belle biographie. Comment ne pas penser, lorsqu’on lit cette biographie, à la vie de ces évêques, prêtres, moines et moniales qui tentèrent de survivre aux grands totalitarismes du siècle passé : prêtres orthodoxes envoyés au Goulag, prêtres et pasteurs allemands tués pour leur foi, et tant d’autres ? Toujours rigoureuses, pleines d’empathie pour leur sujet, les deux biographes donnent à voir la vie pleine d’un baptisé laïc, puis d’un prêtre catholique confronté aux grands défis du monde de cette époque. Ami d’intellectuels catholiques comme Claudel et Maritain, il se montra soucieux du sort des pauvres, allant jusqu’à partager leur sort à Villejuif. Lorsque survint l’apocalypse, lui, qui est resté roumain de cœur gagna son pays natal afin d’aider les réfugiés et les personnes qui subissaient les violences de la dictature. A la fin de la guerre, inquiet devant la progression du communisme athée, il décida de rester. C’est là qu’il va livrer son plus beau combat en faveur de la vérité. Arrêté, torturé, exemplaire et toujours fort dans la foi, Mgr Ghika décède en 1954 dans une geôle roumaine. Il a été déclaré bienheureux et martyr en 2013. Merci à Francisca Baltaceanu et Monica Brosteanu d’avoir consacré temps et énergie à ressusciter par la plume cette magnifique figure d’homme et de prêtre.

Francisca Baltaceanu, Monica Brosteanu, Vladimir Ghika, professeur d’espérance, Le Cerf, 2013, 483 pages, 34 €

 

 

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Littérature Recensions

François Mauriac : Biographie intime (1885-1940)

Broché: 676 pages
Editeur : Fayard (4 mars 2009)
Collection : Documents
Langue : Français
ISBN-10: 2213626367
ISBN-13: 978-2213626369
Dimensions : 23,4 x 14,8 x 5,4 cm

 François Mauriac – Biographie intime (1885-1940)

Après la superbe biographie de l’écrivain bordelais par Jean Lacouture, on pensait qu’il était impossible d’aller plus loin. Tout semblait avoir été dit de l’auteur du Nœud de vipères. Le livre de Jean-Luc Barré prouve que l’appréciation était pour le moins aventureuse. Jean-Luc Barré réussit en effet à relever un défi qui était loin d’être une gageure : donner une biographie de François Mauriac prenant appui sur la vie intime de l’auteur, avec ce qu’elle recèle de non-dits et de complexité. Toujours précis, jamais vulgaire, Jean-Luc Barré réussit le tour de force de montrer les multiples facettes d’un homme, catholique de surcroît, porteur d’un lourd secret. Celui qui, dans ses romans, s’était tant intéressé aux relations familiales compliquées de la bourgeoisie, était-il l’homosexuel refoulé décrit par J.-L. Barré ? Au vu des « amitiés particulières » nouées par l’auteur du Mystère Frontenac, l’analyse ne laisse guère de place au doute. Mais là n’est pas la question, insiste l’auteur de la biographie. Il s’agit pour lui de montrer la façon dont l’homosexualité inaccomplie de Mauriac influença son travail de romancier. L’ambition de cette biographie est donc d’ordre purement littéraire ; elle vise à montrer comment le disséqueur des âmes qu’était Mauriac était lui-même une âme tourmentée, ceci expliquant certainement cela. Pudique et mystérieux, François Mauriac a enveloppé de mystère son être profond. Contrairement à Gide par exemple, l’envie de se mettre à nu ne lui est jamais venue. Comme l’écrit Jean-Luc Barré en préface, « mémoires et journaux intimes ne sont jamais pour Mauriac que leurre et mise en scène permettant à l’auteur de préserver ses masques. » (p. 12)

Reste la question religieuse, donnée essentielle de l’œuvre mauriacienne. Mauriac lutta une bonne partie de sa vie à mettre en adéquation ses penchants secrets et son orthodoxie catholique. En a-t-il souffert ? Pour Jean-Luc Barré, incontestablement. Face à cette souffrance, Mauriac supplie le ciel de lui accorder la grâce de la conversion. Ce n’est pas un hasard si le présent livre se clôt sur l’année 1940. A cette date, Mauriac avait déjà la ferme volonté de devenir un écrivain engagé. La guerre accéléra sa prise de conscience.

Ce Mauriac est une référence en matière de biographie.

Jean-Luc Barré, François Mauriac – Biographie intime (1885-1940), Fayard, 2009, 642 pages, 28 €

 

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Actualités Recensions

Dictionnaire amoureux du vin

Broché: 476 pages
Editeur : Plon (22 septembre 2006)
Collection : Dictionnaire amoureux
Langue : Français
ISBN-10: 2259197337
ISBN-13: 978-2259197335
Dimensions : 20 x 13,2 x 3,8 cm

  Dictionnaire amoureux du vin

Un bon livre ressemble à un bon vin : il s’améliore en vieillissant. Publié en 2006, ce Dictionnaire amoureux est semblable à ces bordeaux, bourgognes ou côtes-du-jura qui se font attendre pour se faire mieux apprécier. S’il arrive à beaucoup de livres de se démoder, ce ne sera certainement pas le cas de celui-ci. Livre de passion plus que de raison, ce Dictionnaire amoureux bénéficie de l’effet Pivot, ce mélange de vitesse et de bonne humeur que l’on trouve dans ses autres ouvrages. Avec son style gouleyant, mélangeant subtilement les arômes de la grande et de la petite histoire, ajoutant quand il le faut une pincée d’anecdotes et d’humour, Bernard Pivot se fait l’échanson d’une part grandiose de notre histoire. Car le vin, selon Pivot, est autre chose qu’un simple liquide, aussi merveilleux fût-il. Le vin, c’est de l’histoire dans une bouteille (merci aux moines bénédictins et cisterciens, missionnaires du bon goût, fondateurs de premier ordre et immenses pionniers), c’est aussi le travail de générations de viticulteurs, la finesse et la variété d’arômes divers… bref, une part notable du génie de l’Occident dans un contenant de 75 centilitres. Comment, par le truchement de ces bouteilles issues de nos meilleurs crus, ne pas y voir le résumé de siècles de labeur et d’expérience mis au service d’une certaine idée de l’humanité ? A condition bien sûr de ne pas en abuser – sacrifions au politiquement correct ! – , le vin exprime une certaine idée de l’homme : celui qui, après une journée de labeur, aime à perdre son temps avec des amis autour d’une bonne bouteille. Le vin, obscur objet du désir ? Certes, mais bien plus encore… N’a-t-il pas un rôle social. Combien de fois les Français ne se retrouvent-ils pas autour d’un vin d’honneur ? « Demande-t-on de l’honneur à l’eau, au whisky, au pastis, à la Kronenbourg, au bloody mary ? » écrit B. Pivot (p. 12).

La singularité de la collection des Dictionnaires amoureux est, par nature, sa subjectivité. L’auteur dit ses goûts et ses dégoûts. Si les goûts de l’auteur sont sûrs, ses dégoûts le sont moins. Pourrait-il en être autrement ? Bernard Pivot aime le vin, le rouge en général, les bordeaux et bourgognes en particulier et même les autres, ceux dont les lettres de noblesse doivent encore se faire attendre. Quasi monument de notre histoire nationale, le vin dit beaucoup d’une société. Dans l’introduction, l’auteur explique que ce Dictionnaire amoureux voudrait être un joyeux vin d’honneur. Qu’il se rassure, il l’est !

Bernard Pivot, Dictionnaire amoureux du vin, Plon, 2006, 476 pages, 23.50 €

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Actualités Recensions

La tyrannie médiatique

Broché: 380 pages
Editeur : Via Romana (14 février 2013)
Langue : Français
ISBN-13: 979-1090029408
ASIN: B009LGEANM
Dimensions : 20,4 x 13,6 x 3,4 cm

 La tyrannie médiatique

Jamais les médias n’ont eu autant de pouvoir et d’influence. Ils sont partout, faisant la loi, disant le bien et le mal, posant ici des interdits, autorisant là des libertés… Mais, au juste, sont-ils aussi libres et indépendants qu’ils le proclament et quelle est leur vraie nature ? Jean-Yves Le Gallou a son avis sur la question et c’est d’une manière tranchée qu’il l’annonce dans ce livre passionnant. Voilà des années qu’il s’interroge sur le robinet d’eau tiède que sont devenus les grands médias. Comment se fait-il que tous tiennent le même discours à peu de choses près ?

Est-ce un hasard si beaucoup donnent l’impression de promouvoir un monde « d’individus sans racines et de sociétés sans frontières » (p. 10) ? Des plaies dont souffrent les médias il faut en retenir trois. Réduisant leur emploi à de la simple communication, ils ont trahi leur fonction première qui est d’informer honnêtement. Or, la communication ressemble plus à de la propagande qu’à l’exposé d’une situation avec ce qu’il suppose de prudence et de mesure. Assujettis à la présence quasi-obsédante de la publicité, les grands médias sont tombés sous la coupe des financiers. Pour ces derniers, seule compte la rentabilité ; en conséquence, l’information n’est plus que l’habillage d’une manipulation visant à faire de l’usager un consommateur lobotomisé. Enfin, le conformisme des journalistes est tel que le discours politiquement correct est un passage obligé, toute attitude non conformiste étant de nature à être payée comptant.
Pour donner du poids à son propos, Jean-Yves Le Gallou multiplie les exemples… consternants pour des médias qui se flattent, le cœur sur la main, de donner une information de qualité. Manipulations et bobards sont légion, tout un vocabulaire – une novlangue – est fabriqué pour maintenir le citoyen en état d’hébétude et la « bien-pensance » coule à flots dans un monde en noir et blanc. Pour l’auteur, un tel état des lieux dit beaucoup des dangers qui planent sur l’exercice de la démocratie. En effet, écrit-il, pour être pleinement en démocratie, « encore faut-il que le peuple soit loyalement informé, que sa capacité de réflexion soit cultivée, qu’une pluralité de choix politiques lui soit offerte et équitablement présentée. Aucune de ces quatre conditions n’est aujourd’hui remplie en France » (p. 196). Que faire pour préserver le corps social de ce déluge de désinformations ? Pragmatique, Jean-Yves Le Gallou livre à la fin de son ouvrage les outils utiles à une nécessaire ré-information.

Jean-Yves Le Gallou, La tyrannie médiatique, Via Romana, 2013, 379 pages, 23 €

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Histoire Recensions

La montagne refuge : Accueil et sauvetage des juifs autour du Chambon-sur Lignon

Broché: 400 pages
Editeur : ALBIN MICHEL (17 avril 2013)
Collection : ESSAIS DOC.
Langue : Français
ISBN-10: 2226245472
ISBN-13: 978-2226245472
Dimensions : 24,2 x 17,4 x 3,2 cm

 La montagne refuge : Accueil et sauvetage des juifs autour du Chambon-sur Lignon

L’accueil et le sauvetage des juifs autour de la commune du Chambon-du-Lignon constituent une aventure de mieux en mieux connue. Cet ouvrage se montre digne de l’intérêt suscité par cette petite communauté rurale qui n’a pas voulu se rendre à l’inacceptable, à savoir ne rien faire pour protéger des juifs persécutés. La Montagne refuge met une sourdine aux propos tendant à faire des Français de cette époque des collabos en puissance. Cet ouvrage collectif montre les risques pris par certaines communautés pour accueillir et défendre des juifs de France. Donnant tour à tour la parole à des historiens locaux et professionnels, La Montagne refuge se situe toujours à hauteur d’hommes, ce qui lui donne un reflet particulier. Ne risquent-ils pas de finir dans un camp de la mort ces enfants que l’on voit courir et jouer dans des photos couleur sépia, ces femmes et ces hommes qui connaissent le prix à payer en cas de capture ? La région du Chambon-sur-Lignon était-elle prédestinée à un tel sauvetage ? C’est très probable quand on connaît son histoire, elle qui fut un laboratoire du christianisme social dans sa version protestante. Les élus, pasteurs et instituteurs de la région étaient d’emblée qualifier pour devenir de superbes figures de la résistance civile et spirituelle. Les auteurs ont eu raison de mettre l’accent sur le christianisme social, lequel n’a pas été pour rien dans la préparation des esprits à l’accueil et au sauvetage des juifs.

Tout se passe comme si cette résistance non-violente gagnait tous les cœurs. Dans le concours apporté vaille que vaille aux autorités d’Occupation la gendarmerie se montre d’une inefficacité redoutable. Les Allemands eux-mêmes semblent gagnés par l’atmosphère de paix qui règne en ces lieux. Le major Schmähling, commandant de la Feldkommandantur au Puy, n’est pas un nazi virulent, loin de là. Il fait partie de ces Allemands contraints à la guerre et qui n’attendent rien d’autre que sa fin.

La qualité du travail de l’éditeur, les photographies nombreuses et la qualité des articles constituent un superbe témoignage en faveur des sauveteurs et de leurs protégés. Un livre qui rend honneur à l’homme.

Collectif, La Montagne refuge, Albin Michel, 2013, 379 pages, 25 €

 

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Histoire Recensions

Le Siècle de 1914

Broché: 408 pages
Editeur : Pygmalion Editions (21 avril 2006)
Collection : HISTOIRE
Langue : Français
ISBN-10: 2857048327
ISBN-13: 978-2857048329
Dimensions : 24 x 15,4 x 3 cm

 Le Siècle de 1914

En même temps que Le Siècle de 1914 offre une synthèse accomplie du XX° siècle, siècle des totalitarismes et des utopies révolutionnaires, ce livre de Dominique Venner se veut une réflexion sur l’histoire de l’Europe, de sa grandeur passée à son effacement actuel. Ce siècle dernier, si important car fondateur des temps qui s’ouvrent, est né avec la Grande Guerre. C’est le siècle des utopies, des guerres et des révolutions, le siècle qui vit s’affronter les grandes idéologies : capitalisme, fascisme, nazisme et communisme. L’essentiel du livre se veut la narration d’une époque qui s’ouvre en août 1914 et s’achève en 1989.

L’érudition de l’auteur, son style limpide et sa capacité à saisir l’essentiel offrent une démonstration de ce qui se fait de mieux dans le genre, la synthèse accomplie d’un siècle qui vit se cumuler les idéologies mortifères. Mais D. Venner fait mieux que raconter l’histoire de l’Europe. La pointe de son propos porte sur le destin de la civilisation européenne. La Première Guerre Mondiale, « matrice du siècle », est fondatrice car elle a permis « l’intrusion des Etats-Unis dans les affaires européennes, la brutalisation des mentalités qui sévira au moins jusqu’en 1945, la révolution bolchevique de 1917, la révolution fasciste en Italie […] » (p. 10) Comment ne pas voir qu’en quelques décennies c’est une civilisation millénaire qui s’est effondrée ? Longtemps centre du monde, l’Europe s’aperçoit brusquement qu’elle n’est plus qu’un acteur parmi d’autres. Le traumatisme qu’ont vécu les Européens n’est pas qu’économique : le mal est plus profond. Les ancrages anciens ont explosé. « L’effondrement des références nationales, idéologiques et religieuses, l’explosion des égoïsmes individuels, l’implosion des couples et des familles, la disparition des finalités collectives… » (p.11) offrent l’image d’un paradigme nouveau dans lequel l’Europe ne possède plus les clés de son destin. Le suicide collectif de deux conflits mondiaux l’a épuisé, saigné à blanc. Désenchanté, livré au diktat du divertissement et de la consommation à tout prix, l’Européen n’est plus maître de sa vie. Centré sur la recherche exclusive du bonheur individuel, hébété par le discours ambiant, le voilà livré, pieds et mains liés, au triomphe de l’universalisme. Après la fin des terroirs d’Eugen Weber, voici la fin des ambitions collectives.

Le pessimisme angoissé de D. Venner n’est pas désespéré. Son souhait : que les Européens redeviennent les acteurs de leur propre vie, comme ils le furent depuis des siècles ; qu’ils redécouvrent le génial patrimoine qui leur a été légué par une civilisation qui trouve son origine à Athènes, Rome et Jérusalem.
Une superbe leçon d’histoire !

Dominique Venner, Le Siècle de 1914, Pygmalion, 2006, 409 pages, 22.90€